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 time lapse ▬ riley

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Lun 24 Fév - 3:16


 


Des fois, les planètes s'alignaient d'une drôle de manière. Joshua n'avait jamais cru au Destin, il n'avait jamais cru à ces boniments d'arracheurs de fric qu'étaient les médiums, les voyants et autres pseudo divinateurs du dimanche. Il ne croyait pas que tout était écrit, pas plus qu'il n'était persuadé que Dieu ait un grand projet pour l'Humanité. Peu importait qu'on le lui ait seriné plus d'une fois quand il était enfant. Peu importait qu'il se prétende et s'improvise croyant en mâchonnant une hostie rancie à la messe dominicale. L'unique grand projet qui ait jamais pu l'intéresser était celui qu'il avait façonné, lors de son adolescence. Le Grand Barbu dans le Ciel ne comprenait rien aux chiffres ou à la Vengeance. Ses écritures n'étaient pas les tables de comptes ou les fluctuations de la Bourse. Le cours naturel de l'argent était son pouvoir, et Joshua en était le Dieu. A bien des égards, pour bon nombre de ses ouailles. Et si le statut de divinité aurait été plaisant à ses oreilles, à une époque révolue, maintenant, il ne résonnait plus qu'abstraitement pour le grand patron. Divinité lassée de son statut, vengeur préoccupé par son seul dessein. Parce que Dieu, comme lui, était joueur. Dieu, comme lui, avait les pleins pouvoirs. Mais Dieu, contrairement à lui, n'avait pas l'intention de laisser ses enfants se déchirer avec cynisme pour le seul plaisir de ruiner cette terre qu'il leur léguait. A moins que...

Un cynisme dévorant s'était emparé de Joshua Henderson, suite aux fêtes. Les retrouvailles avec Wesley avaient été délicieusement houleuses, mais n'avaient pas porté leurs fruits. Il l'avait vu au fil des mois, l'avait compris par l'entêtement borné de son fils à ne pas se plier aux grands projets paternels. Toujours trop bon. Toujours trop passif. La fortune familiale n'allait pas se dilapider toute seule, et, si Diana était une candidate idéale pour l'aider à ternir le blason Henderson, l'autre traînait des pieds. Surprenant que de se dire que l'Erreur était supérieure au Prodige, sous bien des aspects. Désagréable que de se dire que ni l'un ni l'autre ne suffirait, et qu'ils avaient désespérément besoin d'un coup de pouce. Une chance, finalement, que leur géniteur se soit installé à Exeter. Une chance aussi que son bras divinement long lui ait porté un tout autre lot d'informations particulièrement juteuses.

Exeter avait beau être une digne représentante de tout ce qui se faisait de pire dans l'Humanité, elle avait également ses atouts. Un Maire égocentrique, une administration désastreuse, de la corruption à tous les niveaux. Des sectes qui poussaient comme des champignons à tous les coins de rue, et, surtout, l'argent en maître mot dans toutes les bouches. Les petites gens n'avaient touché son coeur que lors de son enfance, à Henderson. Puis le sentiment s'était effacé, comme à chaque fois. Malgré tout, les petites gens étaient un nerf de sa guerre, et l'un des dossiers que son assistant avait poussé sur son bureau, ce matin-là, concernait l'un d'eux. Plus tout à fait riche ni entièrement pauvre, Walsh. Un nom qui ne dit absolument rien au Président, pas plus que le visage constellé de tâches de rousseurs, terne et fatigué, qui s'étirait sur la feuille de papier glacé. Engoncé dans un uniforme d'éboueur trop grand pour lui, l'air exténué, Walsh. Ce ne fut qu'en lisant les petits caractères que les yeux de Joshua Henderson s'agrandirent d'intérêt. En noir et blanc, sa chute dans la classe ouvrière. Un ange déchu, Walsh, ses ailes en plumes de dollars américains coupées puis brûlées par le Dieu Capitalisme.

Toujours la même ritournelle, celle des rachats. Une société en faillite, un conseil administratif au bord du gouffre, et la main de la Henderson Enterprise tendue pour leur éviter la chute. Un rachat pour une poignée de pain, le domaine de l'entreprise d'adoption au hasard des caprices de son nouveau propriétaire. L'espoir au fond des tripes quand ils signaient tous leur contrat en lettres de sang. Sitôt l'acte de propriété dans le coffre infini de la Pieuvre Henderson, les licenciements arrivaient. Généralement, le conseil était dissous, les exécutants virés puis remplacés. Généralement, elles mettaient ensuite la clé sous la porte, après avoir coûté une petite fortune à leur grand sauveur. Ce fut comme cela que Joshua Algernon Kingsley Henderson Junior s'était rappelé de l'existence d'Arthur Walsh. Une vie réduite en poussière après avoir été viré de l'entreprise qu'il avait lui-même fondée. Cette dernière avait étrangement tenu assez longtemps pour ne commencer à souffrir que maintenant.

Une entreprise en décrépitude et un fondateur dans le même état. Parce qu'il s'était renseigné, Henderson. La vie de d'Arthur Walsh, Riley, floue et cahoteuse, s'était achevée dans un bain de merde. Boue. Les deux se valant, assurément, quand on voyait ce que le Golden Boy avait fini par devenir. De mal en pis, suite à son agression. De mal en pis sans guère plus d'explications, le Président n'ayant pas réussi à se procurer son dossier médical, malgré tout l'argent du monde. Mais il ne s'en inquiétait pas pour autant. Il suffisait de savoir quelles pattes graisser, et à quel point pour que tout lui tombe précuit sur les genoux. Et même, était-ce vraiment nécessaire ? L'homme aimait la chasse. L'homme avait même invité sa proie en se basant sur ses maigres ressources, et attendrait qu'elle se dévoile pour mieux la traquer. L'inviter au Country Club d'Exeter ne relevait pas du hasard. Rien n'était écrit, et pourtant tout se prévoyait minutieusement. De l'ensemble clair décontracté -mais pourtant hors de prix- que Joshua arborait à son installation orchestrée dans le fauteuil le plus proche de l'entrée.

Des dossiers à la main, pour compenser l'absence de Lyn à son bras. Joshua leva distraitement la tête de ce qu'il lisait en entendant la voix fluette de la réceptionniste se confondre en excuses. S'étira en la laissant expliquer difficilement que non, l'homme qu'elle avait en face d'elle n'avait rien à faire en un tel lieu. S'approchant du comptoir avec un léger sourire, il cueillit la situation en plein vol. Tendit une main affable à Walsh, Riley, sauvant l'individu d'une honte certaine.

-Riley, j'ai bien cru que vous ne viendriez jamais !

Convenances, le simulacre d'une amitié façonnée à la sueur, épongée avec des liasses de billets. Henderson avait fait porter l'invitation de le rejoindre par son assistant personnel, Dylan, quelques jours. Un petit carton imprimé dans une enveloppe blanche, l'ensemble poli à l'extrême pour ne pas ressembler à une exécution. Walsh n'avait eu aucune obligation d'y répondre directement, comme le voulaient ces foutues convenances. Henderson se pencha vers la jeune femme avec un clin d'oeil.

-C'est moi qui l'ai invité à me rejoindre ici, mon petit. Monsieur Walsh ne possède effectivement pas encore sa carte de membre, mais j'ai bon espoir que cette formalité change très prochainement.

Un regard appuyé à la jeune femme qui finit par acquiescer en silence. Elle s'effaça poliment avec un mot d'excuse, laissant les deux anciens partenaires à leurs affaires. Affaires qui se soldèrent d'une main presque amicale, presque professionnelle, sur l'épaule fine de Walsh. Une serre sur sa proie. Il l'entraîna à sa suite vers son fauteuil, l'invita à s'asseoir sur son jumeau, juste à côté du sien. Il lui ferait visiter les locaux plus tard, si Walsh s'avérait être le projet qu'il attendait.

-J'ai souvenir que vous m'ayez confié être natif d'Exeter, bien des années auparavant. C'est une bien charmante ville que la vôtre. Aviez-vous déjà eu l'opportunité de venir jusqu'ici, au Country Club ?

De l'intérêt purement conversationnel, en étudiant son interlocuteur. La finesse de ses traits, les contours floutés de sa personnalité. L'enquêteur avait émis un doute quant au genre de Riley Walsh. Une histoire de pronoms qui n'avaient aucune incidence dans le cerveau étriqué de Joshua Henderson. Mais ce changement de prénom ? De l'or massif.

-Vous manque-t-il, cet univers ? Celui de votre vie passée ? Car j'aurais potentiellement une offre pour vous, Arthur. Le genre d'offres qui ne se refusent pas, encore moins après un verre.

Ce disant, il héla un des nombreux employés du Country Club. Demanda à ce qu'on lui serve un whisky serré. L'indolence du chat devant une souris terrifiée.


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Re: time lapse ▬ riley
Dim 1 Mar - 23:39

Né à deux pas du trailer park, c'est d'un trou dans la fosse commune de l'Humanité que Riley est sorti. De l'Exeter poisseuse et émaciée, éventrée calcinée par les milliers de microbes qui grouillent sur ses terrains vagues à la recherche d'un un-peu-mieux à se planter dans les veines. Dans les rues écroulées où l'on ne croise que des yeux hagards ou enragés, ils étaient bien loin de l'Exeter ronflante et grasse, les Walsh, celle gonflée à l'orgueil et au fric de ces riches qu'un jeune Arthur, maigre et sale, suivait dans les rares ombres qu'offrait Newsham. Rapiécé pour l'occasion, le môme, gueule débarbouillée à l'eau de pluie, pantalons ourlés pour prétendre qu'ils n'avaient pas appartenu à mille grands frères avant lui, Arthur promenait sa détermination au milieu de ces hommes et femmes en tenues d'apparat en sifflant entre ses dents de lait que ce monde serait le sien. Sauf qu'iel restait de la crasse entre ses taches de rousseur, des trous dans ses manches, et qu'ils le regardaient tous du haut de leurs sourcils arqués et rictus amusés-dégoûtés par la vue de l'engeance de la pauvreté.

Cinq ans qu'iel est retombé dans cette pauvreté. Cinq ans que l'entité Henderson a fait immersion dans une existence qu'iel considérait idyllique. Bien sûr, c'est sans compter toutes les fissures déjà présentes sur le tableau, mais Riley est passé maître dans l'art de rejeter complètement la faute sur autrui. C'est donc entièrement et absolument tous les autres qui ont fait de sa vie actuelle un enfer glacial, puits infini d'oublis d'ennuis. A s'en fracasser la tête vide contre les murs, sauf qu'iel a essayé, Riley, dans la solitude de son appartement vétuste. Bam, retrouver cette idée qui vient de sauter par la fenêtre, bam, remettre en place toutes les dates qui se mélangent, bam bam, putain faut que ça s'arrête. Et iel cogne cogne cogne pour faire revenir les couleurs. Personne voit ses joues briller de larmes dans la nuit noire, mais y'a rien qui revient. Au contraire, quelques détails saignés sur le mur toujours humide de sa chambre. A ses mille erreurs passées répondent autant de déconvenues, mais merde, c'est pas de sa faute. Et érigé en maître fautif, siège Joshua Henderson. Qui, sans effort, les a sauvés de l'extinction. Puis, dans la même foulée, juste après qu'ils aient tous retrouvé espoir, Riley le premier, il s'était passé d'eux. Iel se rappelle avoir chancelé dans ses plus beaux habits, Riley, viré du trône qu'iel s'était construit sur mesure. Malgré toutes ses tentatives et ses plaidoyers, l'entité Henderson n'a rien voulu savoir, et Riley s'est vu descendre toutes les marches laborieusement gravies pour s'arracher à sa misère. Boucle proverbiale bouclée. Le gamin rouquin presque mort, au fond de son bide, avec ses yeux féroces, ses grimaces édentées et ses manières trop pétasses pour certains de ses pairs, se tord continuellement de douleur à la manière d'un animal torturé, pendant que Riley se contente d'explosions et d'une nausée quasi-constante.

Alors à l'ouverture de l'enveloppe, mille orages et cent accalmies se sont livré bataille pour avoir le privilège de jouer le premier rôle. Après trois coups de pied lancés dans la poubelle, quelques explétives qui n'auront pas surpris les voisins accoutumés et cinq heures plus tard, iel a repris l'enveloppe avec toujours ces mêmes soupirs qui accompagnent les fins de rage et le retour du ciel gris. Parce qu'avant, iel n'était qu'agacement, lèvres pincées et frustrations. Avant toute chose, iel a écrit toutes les informations liées au rendez-vous partout. Sur son poignet, sur son téléphone, sur le miroir de la salle de bains, sur le frigo et la table basse. Dans le carnet où sont notées mille dates aléatoires dont iel se souvient pèle-mêle au hasard des heures. Au film Memento, Riley voue un culte vicieux, fait de haine et de mépris, mais il y a malgré tout une ressemblance douloureuse entre le protagoniste amnésique et ses mémoires errantes. Sauf que Riley n'a rien d'amnésique, bien évidemment. Ce sont de simples oublis, bien évidemment. Toujours est-il qu'iel a approché le rendez-vous avec interrogations et précautions. Cinq ans et iel n'avait aucune nouvelle, ni de son entreprise (parce qu'iel avait simplement refusé de chercher), ni d'Henderson. C'est trop soudain pour être anodin, mais Riley, comme tant d'autres, iel résiste pas à l'appel du fric.

S'iel arrive en retard, c'est bel et bien qu'iel a oublié l'heure exacte du rendez-vous, déformée quelque part entre l'enveloppe et ses mille post-it, parce que, évidemment sans qu'iel en ait conscience, ce stylo a auparavant écrit d'autres heures, et ces dernières ont rapidement remplacé la véritable date dans l'esprit dysfonctionnel de Riley. C'est l'alarme de son téléphone qui lui a fait prendre conscience de son erreur, et c'est en pestant qu'iel s'est habillé d'un costume, un des seuls ayant survécu à ses cinq années de pauvreté, et qu'iel a pris la route, en bus. Trajet passé les doigts au cou, à serrer desserrer la cravate détestée, pour finir par l'enlever et la fourrer dans la poche de son trench coat. Iel descend avant d'arriver trop près du club, Riley, histoire de ne pas se faire repérer. Les deux pieds fermement plantés sur le sol de Newsham, toujours le même air de défi vissé sur sa gueule. Plus vieux, le gosse, aux fringues taillées sur mesure, la même constellation de tâches de son autour des mêmes lèvres pincées, les rêves piétinés sous des semelles hors de prix.

D'emblée humilié par la jeune femme à la réception dont les excuses ne rendent pas la pilule plus simple à avaler, Riley tempère les tempêtes qui grondent sous les doigts qui se crispent au comptoir. C'est l'angoisse qui roule sous ses phalanges. Aucun rejet ne l'effraie plus que de se voir refuser l'accès à ce monde qu'iel convoite depuis toujours, sa seule porte de sortie pour échapper aux affres de la misère. Celles dont les serres sont à présent profondément plantées dans sa chair blême, celles dont il faudra s'arracher dans le sang et les larmes. « Puisque je vous dis que je suis attendu. » sifflé à voix basse pour éviter de trop attirer l'attention. Riley change, entouré de luxe et des convenances auxquelles iel n'a jamais fait que semblant d'appartenir.

Henderson rattrape la situation en chute libre, repêche les quelques apparences déjà tombées aux pieds de Riley. Les doigts se dénouent, attrapent la main tendue sans trop savoir à quoi ils s'accrochent. « Monsieur Henderson, merci pour l'invitation. » Salut poli de circonstances, Riley l'écoute ensuite défendre son honneur, mais iel grince à toutes les nuances que les gens ne savent jamais saisir. Quand ils ne refusent pas tout simplement de faire l'effort, comme son frère aîné et son entêtement borné à l'appeler Arthur. Monsieur crisse crasse à ses oreilles, semble toujours effeuiller les vêtements qui cachent le corps qu'iel a jamais su accepter. Y'a des mots doux sur les lèvres Henderson, qui laissent entendre qu'il y a de l'espoir pour Riley. Qu'iel pourrait pousser la porte et qu'on le reconnaisse. Et s'il y a des manipulations, Riley se laisse volontiers tomber dedans.

Docile, iel se laisse guider jusqu'aux fauteuils, et à tous les pas, c'est l'opulence qui lui fait les yeux doux. Si bien qu'iel en vient à ignorer la main Henderson posée sur son épaule. Iel s'installe, prend des aises factices qui n'atteignent pas vraiment son visage, et pose un regard prudent sur l'homme d'affaires qui lui fait face. Il est dans son élément, Monsieur Henderson, installé dans son trône, presque félin dans sa nonchalance. Riley n'est qu'un sujet dans l'empire que doit voir l'autre homme. Riley, iel se souvient pas de leurs conversations, comme de tant d'autres, alors va savoir ce qu'ils ont véritablement dit, il y a cinq ans. Avec un peu de chance, Riley aura pas dit que la seule fois où iel a mis les pieds ici, c'est par effraction, accompagné de sa bande de pseudo-voyous en lambeaux. « J'en ai rarement eu l'occasion, à dire vrai, mais je suis bien originaire d'Exeter. En revanche, pas besoin de se mentir, cette ville n'a rien d'extraordinaire. » Sur la réserve, Riley mesure ses mots et ses réactions, ne s'embarrasse pas de flatteries lorsqu'elles seraient pourtant si simples. Malgré tous les espoirs inavoués qu'iel a fondés en ce rendez-vous, iel garde défi et rancœurs au cœur amer.

Lors de la création de son entreprise, et parce qu'on s'était toujours acharné à insuffler de la honte dans ce qu'iel était vraiment, iel avait utilisé son nom de naissance. Arthur Walsh. Patronyme haï jusqu'au plus profond de son âme. On le prenait beaucoup plus au sérieux vêtu de costumes, à emprunter aux hommes leurs manières et leurs comportements, et Riley se pliait au jeu bon gré mal gré. Alors la frustration qui accompagne ce nom, sorti de la bouche Henderson sur ce ton, roule entre ses sourcils, manque de se faire discrète et éclate dans le coin de ses lèvres qui se contractent un instant. « New-York me manque. Le travail également, mais ça ne vous surprendra pas, sans quoi on ne serait probablement pas ici. » C'est dit honnêtement, une demi-vérité qui cache les vices. Riley refuse sans détour de rendre les questions, de s'intéresser à l'autre homme. « Je vous écoute. » qu'iel lui lance droit dans les yeux, les deux bras posés sur les accoudoirs, à sentir l'inquiétude glisser des doigts aux poignets, jusqu'aux coudes, aux épaules, claquer entre quelques vertèbres avant d'aller se coincer dans des mâchoires serrées. « Mais je m'appelle Riley, monsieur Henderson, pas Arthur. » Riley n'a pas d'appétence particulière pour l'alcool, avec une exception pour le champagne, plus pour la célébration que pour le goût, alors iel hésite quelques instants, et commande un whisky également. Pas véritablement le lieu et le moment de dévoiler sa passion pour les cocktails sans alcool. Pas qu'iel ait l'intention de boire, de toute manière.

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Re: time lapse ▬ riley
Ven 27 Mar - 0:15

Le luxe de ne s'offrir que ce qu'il y a de mieux. C'était ce luxe qui l'avait fait pincer ses lèvres déjà trop fines en pénétrant dans ce Country Club. L'illusion du faste pour cacher une misère toute aussi palpable qu'ailleurs à Exeter, et, pourtant, l'obligation de prendre cette vessie pour une lanterne. Mais il n'était pas dupe, Henderson Sr. Il voyait bien qu'il suffirait de gratter un peu les dorures de ce cadre supposément idyllique pour réaliser qu'elles n'étaient pas d'or massif. Marbre de basse extraction, molleton moyen pour le revêtement des sièges. Ca se voulait du luxe qui n'en était pas, et il le savait parfaitement, le magnat. Depuis des années qu'il respirait l'argent, depuis le berceau, il savait en reconnaître l'odeur. Et ce Country Club n'était rien de plus qu'un énième cache-misère.
A l'instar de Riley Walsh - Arthur -, serré dans un costume qui se serait voulu élégant mais qui n'en avait que l'intention. Des coutures lâches, le corps fuyant sous la coupe d'un tissu trop droit pour sa carrure. Tout fuyait chez Walsh, son regard et sa silhouette. Le raidissement de l'épaule sous la patte du millionnaire, la manière avec laquelle il se coula dans le fauteuil. Fait sur mesure, lui. L'illusion du professionnalisme sur un épouvantail de misère. Couleur locale, l'ancien visionnaire. Exeter puait la déchéance tout en se drapant d'orgueil. Riley Walsh n'était en rien différent de la ville qui l'avait vu naître.

Mais il avait des projets, Henderson. Il voulait voir si le retour au bercail l'avait changé, et si oui, en quoi précisément. S'était-il laissé vicier par l'air moribond de sa ville natale, ou avait-il décidé de rompre avec ses racines pour se laisser pousser à côté du pavé, plutôt qu'entre eux ? Les dossiers qu'il avait obtenus de son assistant étaient limpides, la réponse à sa question était plus proche de la première option que de la seconde. A quel point, toutefois ? Jusqu'où Henderson pourrait-il pousser le vice ? Elle était là, la raison de son invitation. Si Riley Walsh faisait couleur locale entre ces murs de plâtre lourdement décoré, ferait-il le poids face à la mission sous-jacente que son ancien sauveur comptait lui offrir ? L'ombre d'un sourire souleva le creux des lèvres fines sous l'aveu de son futur collaborateur. Il était tout sauf d'accord, Henderson. Parce qu'à ses yeux, c'était dans son manque de panache qu'Exeter révélerait les meilleurs atouts. La crasse et le manque d'originalité avaient toujours été un excellent terreau pour cultiver le chaos.

Drapé dans son indolence, il laissa la voix fluette de Walsh se répercuter contre les hauts murs du petit salon dans lequel ils s'étaient installés. Ses réponses n'importaient que peu, compte tenu de ce qu'Henderson avait prévu pour lui. Il ne manqua toutefois pas de hausser un sourcil interrogateur à la supposition de son futur collaborateur. Aucun mal à lui laisser croire qu'il était le plus malin. Une personne de sa stature n'allait pas convoquer n'importe qui sans raison, encore moins s'il s'agissait de faire entrer un éboueur dans un Country Club. Aucun mal, non plus, à lui laisser croire que commander un whisky n'avait rien de surprenant compte tenu de sa carrure fine, presque féminine. Il acquiesça vaguement en silence, Henderson, l'ayant d'avantage pris pour quelqu'un qui préférait les cocktails à ombrelles qu'un single malt sans glace. La correction sur le prénom, elle, étira l'ombre du sourire qui creusait ses lèvres fines.

Je suis parfaitement au courant, Riley.


-Veuillez m'excuser, les documents que j'avais en ma possession étant à votre ancien nom, j'ai été induit en erreur.

Aucune mention à sa prononciation parfaite du véritable prénom de son client, quelques instants plus tôt. Aucune mention non plus à cet élan de jubilation en sentant l'ego de Walsh piqué à vif, suffisamment pour qu'il daigne corriger la main qui allait le nourrir. Une petite salve d'auto-indulgence comme celle que Joshua s'était offerte en se trompant volontairement de patronyme. Ce faisant, il était certain d'avoir toute son attention.

Une serveuse se glissa entre eux comme un courant d'air. Aussitôt les consommations déposées sur la petite table basse, entre eux, aussitôt repartie. Henderson laissa un index chargé d'une lourde chevalière filer le long de son verre. La lenteur était un luxe, elle aussi. Quand il rouvrit la bouche, ce ne fut qu'au terme de longues minutes. Sur un soupir.

-Les souvenirs sont une denrée précieuse, dans la société actuelle. Et celui que je conserve tout particulièrement vous concernant est que vous étiez un visionnaire. Ce que j'ai besoin de savoir toutefois, c'est si vous avez toujours cet esprit vif qui vous caractérisait tant d'années plus tôt. L'avez-vous entretenu ? Qu'avez-vous fait de notable depuis notre collaboration ?

Ses doigts s'enveloppèrent finalement autour du verre. Un sourire d'épervier posé sur son interlocuteur, en sirotant le liquide ambré. Il aurait tout aussi bien pu ne pas y toucher. Mais si la fausse proximité était de mise, il se devait de l'entretenir jusqu'au bout. Les apparences comptaient. S'il se doutait que répondre à sa question serait une énième humiliation pour Riley Walsh, ce dernier ne serait pas au bout de ses surprises.
Parce qu'il avait besoin de savoir, Henderson. Il avait besoin d'enfoncer son doigt parfaitement manucuré dans les plaies de ses collaborateurs pour savoir jusqu'où ils le laisseraient aller. Toucherait-il l'os ? Ou se rebifferaient-ils avant ? Un de ces tests qu'il n'aurait jamais dû affectionner à ce point, et pourtant.

-Soyez assuré qu'il n'existe aucune mauvaise réponse à cette question. Je ne juge pas mes futurs collaborateurs sur ce qu'ils font, mais sur ce qu'ils sont. Si votre esprit est aussi affûté qu'il l'était auparavant, cette entrevue ne pourra que s'avérer fructueuse pour nous deux.

Pas de mauvaise réponse, mais si. Bien sûr qu'il y avait de mauvaises réponses, il y en avait une pléthore, et Henderson les avait toutes soupesées en même temps que le dossier qu'il possédait sur Walsh. Tout en conditions, il finit par reposer son verre. Ne se préoccupa pas de ce que pouvait dégoiser son acolyte en s'étirant mollement, de cette paresse qu'éprouvent tous ceux qui n'ont supposément pas de temps pour eux. Au craquement de ses vertèbres, il eut un frisson de plaisir. A moins que ça ne fut de savoir Riley potentiellement désarçonné par ses mimiques. S'emparant de son bureau, il refit le noeud du polo pastel attaché à son cou par les manches. Un sourire bonhomme, pour une intention qui ne l'était pas.

-Faisons un tour, voulez-vous, Riley ? Nous pouvons deviser en marchant, et je souhaite que vous vous appropriez vos potentiels nouveaux quartiers.

Délaissant tant son verre que son interlocuteur comme un enfant capricieux, Henderson mit ses paroles à exécution. Entraîna Riley à travers un corridor chargé de moulures et autres fanfreluches, le guida le long de pièces toutes plus chargées les unes que les autres. Aux employés comme aux habitués, de petits sourires de circonstances. Une oreille distraitement tendue vers Riley jusqu'au salon d'hiver. Le soleil s'engouffrant dans les baies vitrées fermées à cause de la fraîcheur saisonnale et la Main de Midas posée sur une poignée en laiton de mauvais goût. Il se tourna vers le jeune homme. Coula un regard perçant dans ses yeux clairs, avant de se fendre d'un sourire affable. Un loup recouvert d'une peau de brebis.

-Que pensez-vous de ces lieux ? Vous conviennent-ils en l'état, ou, au contraire, faudrait-il tout raser pour refaire à neuf ?

Un dilemme que Riley ne connaissait que trop bien, pour en avoir fait les frais avec sa propre entreprise. Ce n'était pas un choix que Joshua lui donnait, c'était un test. S'il glissait une boite d'allumettes entre ses mains, cette fois-ci, le nouveau Walsh serait-il capable de faire le choix que l'entrepreneur avait pris pour lui bien des années plus tôt ? Plus que ses faits d'armes, c'était cette information qui intéressait Henderson. C'était de cette réponse précisément que découlerait sa décision de lui remettre la bride de son entreprise moribonde entre les doigts.
Parce qu'à cette question, il n'y avait qu'une seule réponse acceptable.

Non loin d'eux, dans une pièce attenante, une imposante horloge antique résonna comme un glas.  


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