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 Water's sweet but blood is thicker (arlo)

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water's sweet but blood is thicker
@arlo mahoney & eden lovelace

« And I've been looking at the sky since I was like 5 years old. Been looking for the stars but it seems like they're all gone. And the fault's not ours alone. All we've got is to try to get it right. But no one told you that this gon' hurt »

Fumée recrachée, nuage gris dans un décor gris. Rue monochrome, triste à pleure, même le ciel commence à cracher. Pas de la pluie, seulement des postillons qui tombe sur la gueule, glisse sous les vestes pour caresser les nuques et geler de l’intérieur.
Souffle pour se réchauffer, balance la nicotine nocive dans l’air sans lâcher des yeux la cible qu’il a en ligne de mire. Pupilles braquées sur la devanture d’une boutique paye pas de mine, dans un quartier pourrit à en dégueuler des petits démons à chaque coin de rue. Ca grouille un peu, de jeunesse folle et conne, des putes talons raclant le bitume. Trucs pas net qu’on parque dans la gueule de l’enfer pour les oublier dans le reste d’une Exeter pourtant bouffée jusqu’au trognon.

Nouveau souffle charbon, mastique le filtre comme il a l’habitude de le faire. Mains dans les poches de sa veste de cuir fatiguée, bousillée, les doigts froissent le papier. L’invitation tacite d’un fou offerte à un autre fou.
Charlatan.
Allumé totalement con.

Sait pas encore ce qu’il en pense du type, seulement qu’il aime pas sa gueule. Y a un truc qui dérange, il le sait, le sent, dans le fond de ses tripes. C’est le regard. D’y avoir accroché le sien, comme ça, à lever un peu le museau pour lui mordre les rétines, il en a eu le cœur qui s’est arrêté.
C’est Mattie qu’il a vu. Une fraction de seconde panique, coloris adoré aux nuances connues jusque dans le fond de son âme. Et on lui dit, depuis sa naissance, qu’elle a les yeux de son père la môme. Les siens, à lui, Eden. Pareils, père et fille en jumeaux oculaires. Maman en était jalouse et lui a fait la gueule tellement de fois pour ça.

Il a mis ça sur le compte d’un il sait pas quoi bizarre, un délire optique qui lui a retourné la rétine pour lui faire voir des trucs qui n’existent pas.
Pauvre type. Ca revient en constance dans le crâne, à chaque froissement de papier. Comme s’il avait que ça à foutre, d’aller se traîner entre grigris et autres conneries pour touristes mange-merde. Peur aussi un peu, de se faire dépoiler si le type est un vrai allumé, qu’il voit le wendigo et ses crocs acérés sous la couche d’humanité.

Ca bouge dans la rue mais pour lui, tout est immobile. Rien dans la boutique, la devanture reste muette, œil aveugle ouvert sur le boyau trottoir. Entre et sort de la supérette minable d’à côté, la bonne porte reste inerte.
Pas là.
Ce serait bien. Il aurait juste à glisser le papier sous l’entrée et se tirer. Bon vent, rien à foutre.
Il aime l’idée, se convainc presque que c’est le moment d’y aller. Tire une nouvelle latte pourtant, fort, à faire crépiter la pauvre cigarette dans un dernier souffle de vie brûlant. Mégot qu’il balance, l’écrase sous sa godasse et balance lui aussi son dernier soupire nicotine.
Il a encore du temps devant lui pourtant. Mattie laissée chez une petite copine de classe pour jouer le temps d’un après-midi d’enfant normal, loin de l’orphelinat, de ses problèmes. L’y laisser et la récupérer ensuite pour une dernière soirée avec elle. Tous les deux, encore un peu avant de la ramener dans le morne de son existence une fois les quelques jours de vacances scolaires terminés. Il en pleure en silence, là, dans le fond de sa poitrine de devoir la laisser. S’arracher le cœur, la peau, les os et tout le reste rien qu’en pensant à ce lendemain de merde où il faudra se séparer.

Nœud en fond de gorge, raclement casse-toi et il traverse la rue. Va pour glisser le papier et se sent con une fois devant la porte.
Boutique ouverte.
Ca crache dehors, va pour poser le chiffon sur le comptoir. Personne à l’intérieur, ça l’arrange. Il offre à peine un regard au décor, s’attarde un peu sur les babioles qui pendouillent, brillent et cliquètent au souffle d’une ventilation légère et des relents d'encens. Ca plairait à Mattie toutes ces conneries. Les petits machins qui scintillent, elle aime ça. Comme toutes les gamines de cet âge sûrement. L’ambiance de la boutique le dérange, pèse sur sa poitrine en poids mort qui alourdi la conscience et le corps. Wendigo à l’étroit dans l’espace confiné, comme si tous les yeux inexistants de tous les objets et autres reliques s’étaient braqués sur lui pour le juger.

Pose le putain de papier et casse toi. Ce qu’il fait. Sort la pauvre chose triturée tellement de fois qu’elle ressemble à un origami mal fait, et il la dépose sur le comptoir. Entre tout ce qui y traîne, près de la caisse enregistreuse.
Il expire et réalise qu’il s’était mis en phase d’apnée panique. Bêtement. Inspire en mécanique qui reprend son rythme, prêt à se tirer et relève le nez.
Merde.
Il est là, le type aux yeux trop bleus. Mattie.
Lui.

Explosion nucléaire dans le crâne, il a encore la main posée sur le bois fatigué, planté là en statue de sel qui sait pas trop quoi faire. Pas les mots non plus. Eden aux traits figés, gueule de rien, air buté coutumier.
Tire-toi.

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Pour la première fois depuis le début de ses détours, Arlo a posé ses bagages. Installé pèle-mêle ses quelques fringues dans une armoire mal montée, tapé du pied dans les valises glissées sous le lit. Rangées. Drôle de sentiment au fond du bide canadien, d’être enfin chez lui, si loin des lotissements richards de ses années juvéniles. Sourire narquois aux babines quand il imagine ses mères, mamans proprettes perdues dans les ruelles dégueulasses où la plupart des services sont illégaux, mamans horreur dans la bouche de l’enfer où l’oisillon a fait son nid, mamans outrées entre les murs où pullulent les fantômes et les conneries qu’elles ont tenté d’euthanasier, apparemment en vain. En lieu et place des vieillards baladeurs et des jeunes parents ambitieux, ses trottoirs grouillent de dealers, prostituées et autres illuminés de bas étages.

Bien qu’il ait trouvé à Exeter un sentiment d’appartenance jamais connu auparavant, Arlo, il saurait pas chasser la misère qui vandalise ses murailles, celle qui crache en permanence une solitude torrentielle dans ses rues désertes. Il a essayé de l’effacer sur d’autres peaux, d’essuyer ses tristesses et ses abandons sur des corps par centaines, mais elle semble ancrée dans son âme. Jadis tracée au feutre sur la carne gamine, aujourd’hui marquée au fer dans des chairs meurtries. Souvent toujours, elle brûle encore, la cicatrice, irradie le corps d’une douleur indicible et insidieuse. Elle glisse dans son cœur, cogne contre ses tempes et claque au bout de ses doigts. Alors Arlo il frappe, quand l’esseulement crisse à ses oreilles. Frappe le silence d’éclats de rire qui ont des allures de coups de tonnerre, frappe les gueules crasses qui veulent s’infiltrer dans ses failles.

Y’a des envies de famille qui bourgeonnent dans ses entrailles, nées d’une existence entière passée dans l’œil vitreux d’un père fantasme fantôme. Prennent racines dans ses manques, se nourrissent de ses sols riches d’incertitudes et d’absences, s’abreuvent à ses orages. Branches et brindilles qui poussent et étouffent ses jardins intérieurs, font crever le lierre qui protège les façades bâties à mains nues. Difficile, dès lors, de ne pas planter les quatre fers face au frangin découvert, de ne pas lui jeter la vérité à la gueule et le laisser se démerder avec. Il n'espère plus qu'à peine le voir pousser la porte de lui-même.

Comme souvent à cette heure, la boutique est déserte. Il n’y a guère que lui, même les fantômes semblent prendre leurs distances. Alors il s’occupe, l’Arlo sorcière dans son boui-boui mystique. Éventre des sachets de thé dans des bocaux et leur invente des bienfaits ; ajoute du colorant à l’eau du robinet et vante ses vertus magiques ; colle des étiquettes factices sur quelques bougies lambda. Pas inquiété par ce manque de clients, il sait que les affluences vont et viennent, les curieux, les morbides, les désespérés viennent se perdre entre ses étals à heures variables ; et qu’il les conseille, les rassure et les oriente, mène savamment ses proies jusqu’aux pièges où il les saigne de quelques dollars. Jamais trop, au début. Au fil des mois, Arlo s’est constitué une clientèle d’habitués qui viennent acheter des placebos en remède à des maux sûrement réels. Attentionné dans ses mensonges, qu’il leur concocte sur commande des potions et autres onguents pour répondre aux besoins du client-roi, souverain de quelques grains de poussière. Quelques informés ont su voir au-delà de ses airs d’escroc bénin, écarter les ronces jusqu’à son antre, où l’odeur entêtante des encens n’a pas sa place.

Quand la porte s’ouvre, Arlo, affairé au fond du magasin, s’arrête net. Pas véritablement parce qu’un client entre, mais plutôt parce que le père fantôme agite des chairs déguenillées sous ses yeux. Cœur trépas au bord des lèvres, il l’a rarement vu comme ça, le paternel. Seulement quand le dealer traîne sa carcasse dans ses environs. Arlo fébrile tourne la tête et réfrène tous ses instincts. Là, qui s’avance vers le comptoir où s’entassent quelques commandes, attiré dans ses filets par l’ébauche d’un plan qui n’a qu’un titre et trois ratures pattes de mouche dans la marge, le sang retrouvé. S’avance jusqu’à lui juste à temps pour que les regards se trouvent. Il n’y a plus rien qu’un comptoir qui les sépare, et Arlo montre les crocs à ses envies d’y croire. Sous les doigts du frère, la promotion-prétexte, pierre angulaire de ce qu’il leur reste à bâtir.

Yeux miroirs, Arlo dévisage. Y trouve son père et son reflet. Rivés dans l’instant, l’aîné espère en sourdine qu’il suffira de ça, que les révélations passent dans le regard échangé. Sauf que les secondes s’effilent et s’affolent, et il le voit déjà parti. Porte claquée, regard azuréen effacé acéré planté dans d’autres pupilles. Il l'imagine élevé le nez contre le trottoir, le môme, à le voir comme ça, gueule tirée par défaut. Moment rattrapé au vol, sourire éclot au bord des lèvres. « Bonjour, bienvenue ! » Bride son enthousiasme pour pas le chasser. Voudrait se faire incolore pour laisser quelques bonnes impressions au fond de l'âme sombre qu'il se traîne, le frangin. « Je vois que tu es là pour profiter de la promotion, bonne idée ! Qu’est-ce qui t’intéresserait ? » Le srute encore quelques instants avant de promener son regard autour d'eux, sur ses étagères pleines à craquer. « Plutôt manière forte, j'imagine? Je suppose qu'on est plus sur de l'exorcisme que sur de l'encens à la sauge. Un défunt à contacter ? » Arlo s'aventure et patiente, attend de savoir plus précisément quelles cartes jouer. Ignore les parents de l'orphelin qui s'approchent, comme pour le toucher. Plus lucides que jamais, les esprits bouffés.

@Eden Lovelace

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@Arlo Mahoney & Eden Lovelace


Merde.
Il est là le barge.

Pétard mouillé dans la caboche, le système est à l’arrêt. Les circuits sont niqués, bousillés par le bleu qui se dégueule des yeux qui surplombent et scrutent. Y a un petit bout qui comprend, ou pense le faire. Tente un calcul à la résultante tellement folle qu’y croire est impossible. Parce qu’il est seul Eden, solitaire avec sa génétique de merde. L’a juste refilé sans faire exprès à la pauvre petite chose devenue sa môme, avec l’espoir qu’elle deviendra tellement mieux que lui.
Pas compliqué pour.
Vrai.
Ses parents, il s’en souvient plus. Deux ombres sur un tableau tout rayé, formes flous qui retrouvent un peu de couleur parfois, au détour d’un cauchemar sueur et souffle taré. Il imagine des fois, Eden, quand ça chavire dans la poitrine, une boule de tristesse, de déprime lourde qui prend aux tripes et fait tout valser. Le renvoie aux heures premières de sa vie, avant qu’il ne devienne une carapace de tout pour protéger l’en-dessous. Papa qui lui ressemble, en plus vieux. Maman qui doit être jolie, plus que lui. Avec le sourire de Mattie, du genre à chauffer le cœur et faire du bien au monde.
Joli tableau qu’il peint pour aussitôt le voir disparaître. Ca dure jamais longtemps, les coups de mou, les envies d’ailleurs, de retour dans cet autre temps qui semble ne jamais lui avoir appartenu.

Vivre dans le maintenant, et son maintenant, c’est une paire d’yeux comme les siens. Des cheveux sombres, une gueule de mannequin papier glacé, de l’encre sur la peau, comme lui. Sourire aux lèvres. Merde. Eden se redresse, lâche le comptoir. Bras ballants contre les flancs et l’air un peu con du cabot qui capte pas vraiment. Non, je m’en branle.
Ca se dit pas et il ravale son venin. Comprend toujours pas, manières fortes et exorcismes. Défunt à contacter ? Il en a tellement, des crevés à qui faire coucou qu’il faudrait plus qu’un seul pauvre bon de réduction pour en faire le tour. Saurait pas par qui commencer de toute façon. Et il s’en fout, Eden, qui croit pas trop à toutes ces histoires de fantômes et autres conneries pour vieilles hystériques. A moitié seulement.

« - Je venais te la rendre, ça m’intéresse pas. » Aboie un peu, le clébard, automatisme défense, avant de montrer les crocs. Il se redresse encore un peu, vertèbres craquent. Souffle parce qu’il aime pas que l’autre type soit plus grand que lui. Ca l’emmerde, enlève un point de force qu’il doit compenser ailleurs. Renforce l’étrange malaise qui cogne contre ses côtés, juste à côté du cœur pour le piquer à chaque battement.
Tire-toi. Ouais, faudrait. Mais l’autre lui tient la grappe et semble pas décider à le laisser filer. Regret, d’être venu se fourrer là-dedans quand il aurait tout aussi bien pu balancer le papier dans les chiottes. L’oublier. Attiré par va savoir quoi, il s’est senti obligé de venir.

« - Le délire fantômes et autres machins mystiques, c’est pas ma came. Récupère ton truc, y a plein de cons dans cette ville qui sauteront sur l’occasion de se faire plumer le cul. » Mauvaise graine et mauvais genre, les doigts de retour sur le comptoir écrabouillent le bout de papier. Le poussent jusque devant le propriétaire des lieux. Arlo, qu’il croit avoir lu sur la carte. Ou bien c’était sur la porte, sait plus. Il sait même plus si c’était vraiment ça, quatre pauvres lettres qui se mélangent un peu dans sa tête. Bientôt Mattie saura mieux lire que lui, ça le désole un peu, qu’elle se rende compte que son père est con. Et après ? Il pourra rien y faire, seulement s’accrocher pour suivre quand elle aura besoin d’aide pour ses devoirs quand il l’aura avec lui.

Le cabot jauge, de sa trogne mauvaise et trop fermée. Fatiguée, aux traits tirés de celui qui est partout à la fois et qui arrive encore à tenir debout. Pas de miracle, juste un sang avarié, rongé par les cadavres qu’il grignote comme un os. Wendigo jamais épuisé. C’est ça. Il court l’animal, jusqu’à s’effondrer parce qu’il n’en peut plus. Toujours comme ça.
Il reluque l’homme, reste planté là, droit, à quelques pas du comptoir rempart qu’il a lâché. Devrait dégager mais il peut pas vraiment le faire. Sait pas pourquoi.
Pas fait pour causer, ça revient, le vide entre les deux oreilles. Plus facile s’il avait été du genre à l’ouvrir pour un rien. Ou du genre à y croire, à toutes ces histoires qui se traînent en ville. En première ligne qu’il est pourtant, le clébard. Il renifle, expire un peu fort, expulse de fond de son bide la gêne et le malaise qui lui agite la glotte.

Bon. Je vais me tirer.
Ca glisse sur le parquet, les semelles encore humides du dehors. Un pas vers la sortie, sans lâcher le type du regard. Dévier juste un moment pour se poser sur la porte, et laisser ses doigts s’accrocher à la poignée. J’aurais pas dû venir qu’il semble gueuler le canadien.
Et  ça vrille sur sa nuque. Un courant froid, comme des doigts qui le caressent. Remontent d’une vertèbre jusqu’à ses cheveux. En sueur glace qui le fige, et l’englue dans un malaise retenant sa fuite avariée.
Ca se tortille en fond de bide, le petit ver du doute, un peu grillé à la trouille. Neurone qui pète dans le crâne, le côté qui y croit un peu, aux histoires de revenants. Il est pas net le type qu’il a en face, avec sa gueule d’ange tombeur à deux balles. Y a truc bizarre qui s’en dégage, de lui, de la boutique. Un peu la même merde que celle qui traîne dans le sillage du wendigo. Un relent de pas normal qui dérange.

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Fantômes placides s'agitent sous l’œil d'Arlo. Il sait qu'ils ont attendu l'instant au moins autant que lui, à leur manière. A traîner dans ses ombres, regards vacants posés sur ses heures. Sait pas s'ils pensent le temps comme lui, ont pas l'air. Môme aux morts légion, Arlo mineur barré du Canada natal à la recherche des fragments pétés de son âme fantôme. Galeux répugné par les pairs et les mères, abîmé de cadavres, tire et traîne sa carcasse et trop d'autres à tous les états, bolide sans destination. Pourtant, érigé en capitaine de son navire hanté, le paternel aux orbes absentes où brûle un feu que même la mort n'a pas su éteindre. Un peu lui qui a construit et mené l'Arlo jusqu'ici, à la force de ses riens et de sa détermination éthérée. Sûrement qu'ils se seraient pas accrochés à lui, s'il avait pas été convaincu que la marmaille traînait encore des os blessés au monde. Il aurait sans doute pris des chemins bien différents, Arlo, s'il avait été poursuivi par d'autres spectres. Cauchemars incessants de carcasses aux yeux bambins, chairs charpies par centaines et pas de prunelles bleues auxquelles accrocher ses terreurs, juste la mort, exhibée dans toute son horreur. Implacable et laide.

Ils l'ont mené là, les parents assassinés, et ils s'affolent. Plus tangibles qu'à l'ordinaire, mués par des instincts éveillés par l'odeur de leur sang dans les veines du dealer. Le même que dans les siennes et ça lui paraît tellement évident qu'il y a des semblants d'impatience qui grondent à l'intérieur. Détaille plus attentivement, Arlo, les airs sauvages, la bouche babine. Putain, j'suis ton frère, tu vois pas ? qu'il voudrait gueuler, mais il voit déjà la révélation s'entailler sur les mâchoires aiguisées et crever entre eux, exsangue, vidée d'espoirs. Porte claquée dans sa tête, et s'il part, s'il part il le retrouvera pas, il en est persuadé, de ces convictions qui prennent racine dans les entrailles. Ricane clébard aux mots du frangin qui dénigre. Parce que l'excuse tient pas la route et qu'ils le savent tous les deux. C'est autre chose de plus profond qui l'a amené jusqu'ici. « Sacré détour pour un bout de papier, » qu'il glisse entre les mailles d'un sourire qui ne tient qu'à un fil. Se veut l'air de rien, mais les yeux qu'il pose sur le cadet sont lourds. Il a que ça pour le retenir, que cette vague qu'il devine endormie . « Pourquoi tu l'as pas juste foutu par terre ? » Récupère le papier abîmé entre ses doigts et se retient de le déchirer juste pour déclencher une réaction, n'importe laquelle. Pas difficile, Arlo, se contentera de prendre ce qui vient.

Panique poison devant l'autre qui se barre. Y'a pas trois pas entre lui et la porte, et il a forcément quelque chose à dire, il a toujours quelque chose à dire. Arlo passe de l'autre côté du comptoir en quelques enjambées un rien trop pressées. « Si j'voulais te plumer, ce serait pas marqué gratuit. » Ton badin, grave au cœur. Du coin de l’œil, la matriarche qui glisse des doigts néants contre la nuque du fils prodige prodigue. Jamais agréable, le toucher d'un fantôme. Sangs qui se glacent, palpitant nausée. Arrête la fuite, Arlo expire. « C'est peut-être pas ta came, pourtant y en a qui t'attendent. J'dis pas ça pour faire le mystique ou quoi, j'pense que t'as senti. » Trop expérimenté pour se laisser distraire par la présence des fantômes aux côtés du vivant, il leur glisse pourtant des regards appuyés. Portrait de famille flingué. Tableau morbide qui se peint sur les rétines, et ses fantômes ont jamais semblé si hideux, et sa vie si foireuse, qu'à les regarder tous les trois. Papa, bambin, maman. Famille parfaite, éclatée des décennies plus tôt et qu'est-ce qu'il fout, lui, à vouloir recoller des pièces manquantes. L'a rien à son nom, Arlo, qu'une pléthore de squelettes dans tous les placards de son esprit et une âme hématome. « Crois-moi j'ai mieux à foutre que d'escroquer les gens gratuitement. » Regard accroche les bleus miroirs, retrouvent chez le gamin tous les traits qui se cachent sous les meurtrissures des parents. Esquisse sourire un peu planqué, familiarité aux lèvres.

« Eden, » Prénom qu'il lâche sans savoir l'effet qu'il aura, en faisant quelques pas vers le plus jeune. L'ont pas dit, la dernière fois, échange de pilules et d'à peine quelques mots. Va peut-être se dire qu'il l'a eu par la came. Seule information audible jamais tirée de la bouche abîme des fantômes, voix lointaine et glaçante, au terme de nombreux rituels qui n'ont fonctionné qu'une fois, ici à Exeter. Des années à essayer d'obtenir des réponses des bouches qui n'ont jamais vomi que des silences et des horreurs. Se dit que c'est la ville, véritable fourmilière énergétique, qui leur a donné la force de lui répondre. Sait pas pourquoi ceux-là ont jamais causé, jamais répondu à ses tentatives myriades. Eden. Prénom de paradis, ironique de le retrouver pris dans les mâchoires de l'enfer. Combien de temps ils auraient pu gagner, s'il avait eu ces quatre lettres depuis le début ? Préfère pas y penser. « t'es pas un peu curieux? »

Sait pas trop ce qu'il demande, Arlo. A déjà brûlé toutes les étapes de son plan brouillon.

Reste, que ça hurle en fond de cœur.

@Eden Lovelace

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@Arlo Mahoney & Eden Lovelace


Excuse à la con, ils le savent tous les deux. L’un certainement plus consciemment que l’autre. Hausse une épaule le clébard, je sais pas. Il aime pas la façon qu’il a de le regarder, le type illuminé. Ce regard qui lui rappelle trop de choses, ressemble trop au sien. Cette façon de lui chercher dans le fond du bide comme s’il était certain d’y trouver quelque chose. Presque peur de le voir mettre son doigt sur le wendigo sous la peau. Comme si ça pouvait se lire dans ses yeux, qu’il est pas humain. Qu’un truc va pas, là-haut, dans le crâne. En plus de tous les traumatismes et toutes les horreurs qu’il se traîne et qui ralentissent la mécanique.

« - Ca pouvait toujours servir. » Qu’il balance entre la porte et le comptoir. S’en fout en fait. De ce qu’il en fait de ce papier tout froissé. Ca le regarde plus, il l’a rendu, le reste c’est plus ses affaires. Pourquoi tu restes alors ? Parce qu’il vient de sentir quelque chose de gênant sur sa nuque. S’est fait violence pour ne pas taper dessus comme pour faire dégager une mouche invisible. Que ça lui a glacé le sang et tout ce qui peut se balader dans sa carcasse, un élan qui fait mal, jusque dans le fond des noix. De ceux qui le prennent à la gorge, la nuit, le jour, quand il est avec Mattie parfois. Un courant d’air glacé qui l’effleure, l’enrobe et se volatilise.
« - De quoi tu causes ? » De fantômes, que ça braille dans sa tête. Tous ceux qu’il a buté qu’il se traîne comme des boulets sûrement. Y a que ça qui peut l’attendre. Pense pas à ses parents, le môme orphelin. Il les a un peu oubliés avec le temps, en vague souvenirs dans sa mémoire champ de ruine. Ca lui chavire le cœur quand il pense trop de toute façon, de ces petits remous de tristesse qui font mal et rendent mou.

Il s’avance, lui voudrait reculer mais s’est figé. Eden. Dans cette bouche inconnue ça sonne comme une putain d’insulte. Et il se braque, le cabot, se raidit de tous ses muscles, se retient de montrer les crocs en essayant d’être le plus impassible possible. Mais il panique. Tente de se repasser le film de leur première rencontre dans sa tête pour voir à quel moment il aurait été suffisamment con pour lui donner son nom. Mais ça vient pas. C’est Ed le dealer, c’est tout. « - Comment tu connais mon nom ? Je te l’ai pas dit la dernière fois, je le donne jamais aux camés qui me demandent. T’es flic ? T’approche pas… » Balance et recule d’un pas. Fauve en cage qui ne reconnait plus son soigneur et sent, qu’on est en train de l’entuber. Ca sent pas bon, et pas que les encens qui lui grattent le fond du gosier de leurs senteurs âcres. C’est plus fort. Intime. L’alarme beugle encore, plus fort. Et ça beugle dans sa caboche, aux évidences qu’il réfute et se borne à ne pas voir et comprendre.

« - Curieux de quoi… De voir les cadavres que je me traîne ? Comment tu sais qu’ils m’attendent ? Faut pas être un illuminé pour avoir la chair de poule. » Il ricane, mauvais, un peu. Mais ça tombe à plat. L’envie n’y est pas, et si le cabot montre les crocs dans une esquisse de sourire tordue, un peu grimace, il ne parvient pas à mordre. Ne parvient pas à prendre la porte, juste là, à portée de doigt. Petit bout de quelque qui retient, pousse à rester. Sait pas pourquoi mais c’est là, dans ce regard trop bleu qu’il explose du sien. Peut-être qu’à force de s’y bousiller la rétine, il arrêtera de lui trouver des ressemblances. Le verra comme il est, juste bleu. Banal, comme tant d’autres. Pas aussi beau que celui des yeux de Mattie.

« - Je te connais pas putain, d’où tu sors ? » Soupire et abdique. Pour le moment, se résout à laisser l’autre parler. Le cœur battant contre les côtes à faire mal, vouloir le faire sortir et le piétiner pour qu’il ferme sa gueule. Sans le réaliser, le canadien se décale un peu. Délaisse la porte pour poser sa pogne contre un présentoir un peu trop plein. Courant d’air à nouveau contre sa main, ses doigts qui se crispent dans un spasme bizarre et qu’il regarde sans rien à voir.

« - C’est qui ? » Qui l’attend de l’autre côté. Pas convaincu de ce qu’il dit, c’est sorti un peu tout seul tant il est paumé Eden. Paniqué. La rage au ventre. Curieux, de savoir pourquoi Arlo dérange à ce point. L’intrigue autant. L’attire, irrémédiablement.

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We get a little restless from the searching
Get a little worn down in between
@"Eden Lovelace" & Arlo Mahoney

Bastion d’abandons froids et impersonnels, Arlo n’a jamais appris à construire des relations stables, aux fondations solides et aux mécaniques saines. Pour pallier aux manques, durant ses années de route, il s’est nourri d’éphémère à toutes les tourbières où il s’est enfoncé, aimant sans le faire, blessant sans le vouloir, disparaissant sans y repenser. Hypocrite, l’Arlo qui laissait les autres s’attacher à ses sourires sans le faire en retour, parce qu’il savait bien que ça serait pas pour toujours. Que bientôt, demain, la semaine prochaine, hier, il aurait une nouvelle panoplie d’autres pour combler ses fissures. Qu’il serait jamais là pour voir les dégâts causés par ses frasques et ses mensonges. Toujours barré à l’aube de lendemains difficiles. Jamais eu à regarder les fêlures aux cœurs qu’il a malmenés, sans vraiment le vouloir, sans pourtant l’ignorer non plus. Indifférent sous la peau, il se plaît à s’imaginer vivre sans conséquence, parce que les autres n’existent plus quand il a le dos tourné. Paysages de plus qui défilent en périphérie, carcasses pétées plantées dans le rétroviseur, mais l’Arlo œillères n’a jamais d’yeux que pour l’avant, pour la route qu’il avale et la promesse d’autres pommades à mettre sur les plaies béantes dont il réfute l’existence. Alors il prétend qu’il sait pas qu’il fait mal, pas de sa faute s’ils ont vu miroiter des futurs dans ses yeux marées. Après tout, ce sont les autres qui l’ont lâché en premier. Regards salis de peur crachés sur le gamin et sa flopée de fantômes, mamans d’abord ont foutu le camp. Déçues d’avoir enfanté la folie, pas foutues de comprendre où elles avaient merdé, elles ont disparu derrière des masques de colère et d’incompréhension, l’ont barricadé derrière des hurlements et des silences pour qu’il puisse plus vraiment les atteindre. Déguerpi par défense, Arlo, et il a jamais arrêté. Rien à foutre d’être passé de l’autre côté, du côté des lâcheurs.

Pourtant, putain, face à Eden, il veut rien lâcher. Veut pas lancer des mots sans lendemains parce que, pour une fois, Arlo, il veut que ça dure. Qu’ils soient encore là demain, d’une façon ou d’une autre, méfiants et fuyards, gardés et silencieux. S’imagine pas des réunions de famille, des embrassades et des récits passionnés de leurs vies passées, non. Longtemps qu’il a perdu le luxe de s’offrir des idéaux mièvres et fiévreux de retrouvailles faites d’accolades bourrines et de bières partagées. Il se contentera de presques, de riens et d’à peu près. L’avenir qui se tord au bout de la langue. Face au frangin, il peut faire et briser le futur, Arlo, en quelques mots ratés. Bagou inné crève sur la langue, plus lourd et moins naturel qu’à l’accoutumée. Prénom lancé fait l'effet d'une attaque, cadet recule et Arlo aussi, un pas ou deux, pour apaiser. Non, non, j'suis pas flic, détends-toi. Lève les pattes blanches proverbiales pour signifier qu'il a pas de mauvaises intentions. Il sent que ça travaille, à l'intérieur, cerveau flingué à essayer de résoudre une énigme sans consigne, curiosité ou incertitude qui tiraille. L'a au moins le bénéfice du doute, s'est assez incrusté dans la tête pour qu'il souffre de rester là envers et contre des instincts qui semblent lui gueuler de prendre la fuite. Prédateur chassé. Pour l'instant, ceux que tu te traînes, j'en sais rien. Personne à ses alentours aujourd'hui, mais il a déjà deviné quelques contours vagues dans la rue. Gueule gamine trop marquée pour pas cacher de cadavres. De toute manière, tout le monde a son lot de morts et de secrets. Par contre, ceux que moi je me trimballe depuis vingt piges, ils crevaient d'envie de te voir. Expression mauvaise qui raille en commissure. Resté vague à souhait, Arlo sent bien qu'il ne va plus pouvoir fuir les vérités qui brûlent entre eux plus longtemps. Pieds nus sur les braises, peaux calcinées s'il le faut, tant pis s'ils crament. Veut pas se contenter de demi-mensonges et de semblants de vérité, bribes de franchise lâchées savamment pour attirer sans rien révéler, art dont il use et abuse d'ordinaire pour vendre ses conneries au tout venant. Pas ici.


Se rassure de le voir prendre quelques aises, traits qui sourient plus large en retour. S'appuie contre le comptoir derrière lui. Cœur tambour se fait silence, l'air lourd d'encens et de tension trouve plus facilement son chemin jusqu'aux poumons. Sitôt les doigts du gamin posés, que le pater y pose les siens, main bâfrée. Arlo expire lentement, ferme les yeux l'instant d'organiser ses révélations, puis plante ses yeux Lovelace dans ceux qui en portent le nom. Ton père. Soufflé avoué, l'a pas lâché des yeux. Le Canadien a perdu son sourire, tronche cimetière de circonstance, à défier le plus jeune de chercher le mensonge sur sa gueule. Y'a ta mère aussi, juste là. Désigne un morceau de vide de l'autre côté du frère. L'apparence d'un sourire qui flotte sur les traits fantômes, la présence plus douce que d'habitude d'être aux côtés du môme perdu y'a si longtemps. Ils sont là depuis que j'suis gamin. Sale fin, pour eux, à les voir. Il a jamais vraiment compris, d'ailleurs, ce qui avait eu raison d'eux. Foule d'hypothèses formulées réfutées sans certitude aucune. Tout ce qu'il sait, c'est que ça devait avoir sacrément faim. Tu dois te dire que j'suis cinglé. Crois-moi, t'es pas le seul. Juste, écoute, ok? Après, t'en f'ras ce que t'en veux. Temps des révélations et il a juste envie de se barrer, pas voir ce que ça donne, mais y'a le risque posé là, immense et terrifiant, et il a pas d'autre choix que de le prendre en pleine face. J'savais pas qui c'était, au début. Des putains de fantômes moitié bouffés qui m'ont pourri la vie. Puis pendant longtemps j'savais pas ce qu'ils voulaient, non plus. Mais c'est toi. Ils voulaient te retrouver, que je te trouve. Ca sonne con, j'sais. Il se demande un instant s'ils se barreront, après ça. S'ils trouveront enfin le pseudo repos éternel dont parlent les brochures, où s'ils resteront avec lui jusqu'à ce qu'il crève à son tour. Il sait pas ce qu'il préférerait. Pour l'instant, ils sont là, trois paires d'yeux rivés sur lui et ses aveux. Jamais balancés avant, les mots. Pas depuis le gamin curieux qu'avait fait la connerie de demander à mamans d'en savoir plus sur papa crevé. Ton père... c'est aussi le mien. Il se retient de le lui épeler, Arlo, le laisse faire le bout de chemin restant. Se lancera dans le reste des explications plus tard, s'il en a l'occasion. Attrape un flacon posé sur le comptoir pour se distraire un instant et arracher son regard de celui d'Eden. Silence étouffe, Arlo repose la fiole derrière lui et attend la sentence.


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@Arlo Mahoney & Eden Lovelace


Fuite avortée, comme rendue impossible par la force d’un maléfice qu’il n’a pas vu venir. Figé devant la porte, le clébard a reçu l’ordre d’attendre, de rester là. A se détendre qu’à moitié en entendant que l’autre n’est pas un flic. Juste un illuminé de plus dans cette ville pourrie. Mais si les autres, d’ordinaire il en a strictement rien à foutre, celui-là dérange. Trop. Parce qu’il intrigue. Parce qu’il est là, avec sa belle gueule et ses yeux trop bleus. Sa voix qui prend dans le fond des tripes sans savoir pourquoi. Je suis pas pédé qu’il pourrait se dire, mais ça sonne pas comme il faut. Justification qui sert à rien, il le sait, le sent sans être capable de dire pourquoi.
Grimace bizarre sur la gueule, un sourire, ou plutôt l’expression coincée d’un type qui serait en train de sucer un citron un peu passé. Il en sait rien, le type, des casseroles que le cannibale se traîne. Il pourrait soupirer s’il en était capable, s’il était vraiment certain que le Arlo est bien capable de voir les morts.

N’importe quoi.
Freak sans croire aux autres freaks qui se promènent dans le même univers que le sien. Il écoute pourtant, de toutes ses oreilles. Intrigué plus qu’il veut bien l’avouer. Fronce les sourcils sans trop savoir quoi penser. « - Pourquoi ils voulaient me retrouver… Ca leur apporte quoi ? Rien. » Si ce sont les siens, à l’extralucide, pourquoi c’est lui Eden, qu’ils voulaient voir, les crevés ? Ca tient pas la route l’histoire qui se raconte, dans ce silence de mort qui retombe en même temps que ses doigts sur un présentoir. Et le froid aussitôt, posé sur les phalanges. Ecarquille les yeux et enlève les couleurs du visage déjà blanc. Fait grincer les dents et se lever les petits cheveux sur la nuque. Enlève ta main, oui, mais il peut pas le faire. Le corps est bloqué. Dans une drôle d’attente. Une supplique presque muette et inconsciente qui se gueule dans le regard qu’il pose sur le propriétaire des lieux juste avant que ne tombe la sentence.

Ton père.
Y'a ta mère aussi, juste là.

« - Tu te fous de ma gueule ? » C’est tout ce qu’il peut cracher sur le plancher. Dans un ricanement mauvais de sale gosse qui y croit pas. Se fout, gentiment, de la gueule du type en face de lui. Attitude basique du môme terreur, préfère jouer au con plutôt que d’avouer, qu’il est à presque rien de faire pipi au lit. Regard qui dévie et se pose sur le vide devant lui. Papa ? Sur sa main, et le froid qui se fait comme plus insistant. Ose pas tourner la tête. Maman ? Courant glace sur la nuque, le souffle de la mère au sourire de miel dont les contours se sont effacés depuis longtemps. Qu’il imagine, parfois, quand il est seul avec Mattie et qu’elle lui offre ses éclats de soleil qu’elle se colle sur les lèvres.
Les mots se cassent la gueule dans son crâne alors qu’il écoute, paumé. Respire un peu plus fort, comme s’il venait de sortir de longues minutes d’apnée, à courir plus vite pour fuir ce qui s’enchaine et ce qu’il sent arriver. Ce qu’il ne veut pas entendre parce qu’il n’est pas prêt pour ça. Le cerveau dit non, le cœur a compris. Mis le doigt sur la ressemblance qui dérange, ce pourquoi mauvais qui prend tout son sens maintenant. Lovelace multiplié par deux. Lui et l’autre. Là, appuyé à son comptoir.

Ton père… C’est aussi le mien.
Ca rigole dans le crâne si fort qu’il est persuadé de rire lui-même. Mais rien ne sort de sa bouche. Gorge sèche et mâchoire qui craque tant elle se serre. Retient la bile, le malaise, l’incompréhension. Un trop plein de choses qu’il ne connait pas, ne comprend pas. Ne réalise pas non plus ce que ça veut dire, d’être deux. Même en demi. De ne plus être seul, juste son cul d’orphelin misérable. Sa main s’arrache du comptoir, envoie valser celle du père. Brûlée par un feu invisible, Eden s’éloigne de la zone fantôme, s’approche, inconsciemment de celle où s’est échoué l’autre être vivant de la pièce.  

« - Ca fait partie de ton numéro en fait, c’est ça ? Tu me balances que papa et maman me tournent autour, qu’on est de la même famille pour que je me mette à chialer sur ton épaule et te demande de jouer les liseuses de cartes ou de je sais pas quoi ? » Premier flot de paroles qu’il lâche, en roue libre avec lui-même, la voix plus cassée qu’il ne le voudrait. Bousillée par ce qui est en train de le bouffer de l’intérieur. Son monde qui se casse la gueule sous les coups de godasses que l’intrus Arlo y donne. Comme si j’allais te croire connard. A force de se le répéter il se persuade qu’il va réussir à s’en convaincre, qu’ils ne sont rien seulement deux étrangers qui ne se reverront plus une fois qu’il aura réussi à se sortir de ce merdier. « - Sale fin hein… Ils t’ont pas dit, qu’ils ont été bouffés par les sales chiens qui traînent en forêt ? » Grincement de porte mauvaise en sifflement qui s’échappe des babines du cabot, presque à montrer les crocs. Avoue à demi-mot qu’il est, lui aussi, un sale chien. C’est marqué sur sa face de toute façon.

« - Cinglé ouais, au moins ça, pour sortir des trucs pareils. » Hausse les épaules, et expire, souffle la tension qui s’accumule méchamment le long de son échine. De sa nuque trop raide, du froid qui semble l’envahir de partout et le pousse à lorgner les espaces vides à côté. Il a envie, de les voir. Ses parents, contempler les spectres pour être enfin sûr, qu’il les a bien bouffé, au petit matin, alors qu’il avait que cinq ans, et commençait seulement à enfiler les perles sur le collier de ses traumas. « - Je suis fils unique putain. » Sort tout seul, le cri de désespoir qu’il balance en frappant l’air d’une de ses pognes. Cassez-vous. Chasse père, mère et frère. Presque à rire, comme un con, tellement ça sonne faux à ses oreilles.
Il sait pas Eden, que papa et maman avaient du mal, malgré l’envie et tout l’amour qu’ils avaient l’un pour l’autre. Il sait pas qu’il est la résultante du talent d’un petit scientifique payé pour ça et d’autre pauvre fille qui aura fait office de four pour la cuisson. Il sait pas, imagine pas non plus son père tromper sa mère.
Et pourquoi pas ?
Sait pas, mais ça lui parait juste… Pas possible.

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so broken heart strings bled the blues
we tried to empty ourselves so we would feel nothing
@Eden Lovelace & Arlo Mahoney

Soulagement minute aussitôt les mots posés là, poids qu'il traîne depuis si longtemps, allégé. Vie entière posée sur des peut-être, montée autour de ce frère, qu'avait peut-être été bouffé un peu plus tard, le lendemain, la semaine d'après. Qu'était peut-être mort d'un rien sept ans plus tard, qu'il croiserait peut-être par hasard, sûrement jamais, aussi nomade qu'il puisse l'être. Trop de terres à avaler, de galères et de merde sur les routes. Avec au cœur ce trou des adoptés qui, même lavés à l'amour, cherchent souvent appartenance ailleurs. Pourtant bien enfant de chez lui, Arlo, arraché au corps mater, élevé dans la douceur et sans les manques. Jusqu'à la mort. Pas la sienne et pas les leurs, assurément. A des kilomètres de là, morts sans noms qui ont suivi l'odeur du sang, sans doute, dans leurs ténèbres grandissantes, pour le trouver et graver le vide. Puis enfin, sous les yeux, plantée en coin de trottoir, enfilade de sales jours marqués sur la gueule, la pièce manquante. Usée rouillée, à n'en pas douter, comme lui. Et là, chez lui, dans l'univers qu'il s'est construit, entre mystique et poudre aux yeux, l'aveu.

Le souffle retrouvé s'efface vite, pourtant. Vérités à l’odeur cadavre stagnent dans l’air, flinguent les muqueuses frangines. Tombes vides exhumées, morts sans sommeil troublés. Mots bouchers charcutent la mémoire cadette, à en faire saigner les souvenirs. Mains dans la fange où ils s’enlisent, Arlo ébranle les convictions, déterre les fondations sur lesquelles il l’imagine reposer, bâties à l’enfance arrachée et à la répartie coup de gueule. Terrain glissant que celui sur lequel il voudrait construire, fait de cratères et de crevasses, terres abîmes arides, fissurées recollées à qui mieux mieux, colmatées avec les poings.

Fantômes s'agacent vainement quand l'orphelin les envoie promener et fait un pas vers lui. Symbolique, proverbial, prophétique, premier pas d'un long voyage, pied dans la tombe. Sait pas s'en fout, Arlo. Puis frangin crache à l'acide pour rejeter le vrai. Arrête de jouer au con, roulé mauvais sur la langue qui peine de plus en plus à endiguer ses tempêtes. Pas taillé dans la patience, Arlo, habitué de l'immédiat et étranger à l'attente. Excitation et inquiétude qui font chauffer le sang. L'envie de se planter en face et de lui imprimer l'évidence à coup de boule.

Sales chiens de forêt. Hausse un sourcil réflexe. Sonde un instant le visage à la recherche des réponses qui lui échappent encore. M'ont jamais rien dit. Dans un effort de nonchalance, comme s'il avait pas passé des heures à faire des recherches infructueuses sur ce qui aurait pu les bouffer. Comme s'il avait pas étudié les plaies et les traces sur le corps mutilé de son père, pour essayer d'y trouver du sens, des mâchoires, des traces de dents, de chairs mordues à même les bras. Rien que de la bouillie charcutée et des cris inaudibles. Feuilleton de longue haleine, et Arlo sent que la fin approche, la résolution du mystère, la disparition des Lovelace enfin élucidée. Pourquoi pas déchiqueter le gosse?

Le cinglé ressort et l'atteint pas. L'Eden s'agite, infesté de fantômes insectes aux pattes invisibles qui courent sous la peau. Le poing qui bat l'air, et ça se noue dans le bide d'Arlo, de le mettre dans un tel état, de le voir se débattre avec l'incompréhensible. Foutre un coup de poing à Casper, et c'est moi qui suis cinglé, mi-moqueur pour tenter de percer l'épaisse plaque de tension qui traîne dans l'air. Sourire glisse en coin de lèvre, maigre offrande de paix. Ecoute, c'est pas compliqué, qu'il commence, s'arrache au comptoir pour, à son tour, faire un pas vers Eden. Aimants attirés repoussés qui se dévisagent sans oser s'approcher. Papa Lovelace a donné des petits soldats dans des petits bocaux. Une de mes mères a fait un petit mélange, et magie. Ca va aller ou tu veux un dessin? Abrasif en bouche, tension réciproque lui tambourine au crâne. Enjeux trop hauts pour être véritablement contemplés, la recherche infinie enfin achevée.

Cette ville est remplie de cons à entuber, j'aurais beaucoup plus vite fait d'aller tirer les cartes au premier pigeon dans la rue, plutôt que de te faire croire que t'es mon frère. J'y gagne quoi? A priori tu vas pas verser des mille et des cent pour me chialer sur l'épaule. Pas d'apparences à préserver, l'escroquerie assumée sans détour. Autrement plus important de faire accepter ses réalités au frangin. Se faire accepter, enfin. Tant pis s'il casse la porte pour entrer, tant pis si y'a que des ruines, des cendres éparpillées, reliquats charbons de ce qu'ils auraient pu être, vingt ans plus tôt.

S'enhardit, l'Arlo, fait encore un pas. Visage orage qui trouve plus les sourires, plus qu'une barre entre les sourcils. J'sais qu'tu le vois, vu comment tu dévisages depuis tout à l'heure. En tant normal j'serais flatté, mais l'inceste c'est pas mon truc. La plaisanterie essaie de s'inscrire en bouche, sans y parvenir. C'est dans les yeux, il a les mêmes.

Instant soupir, lourd à l'âme.

On est frères, Eden.

Là, mots tracés dans l'air.
Même s'il fout pas l'idée dehors, si d'aventure un d'accord s'arrache aux lèvres.
Il sait pas ce qui vient après, Arlo.

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@Arlo Mahoney & Eden Lovelace


Arrête de jouer au con… Me donne pas d’ordres. Réponse silence crache contre les crocs du cabot qui se dévoilent un peu dans un rictus mauvais. Braqué, les muscles tendus, crispés. Le crâne en charpie et les neurones qui s’agitent un peu trop. Lui collent la gerbe, les pattes qui tremblent. Envie de s’assoir, il zieute autour pour voir s’il y a quelque chose pour y poser son cul. Rien. Alors il va rester debout, droit devant l’ennemi, du mieux qu’il peut en essayant d’oublier que des fantômes lui traînent autour.
Froid moins fort qu’il sent encore un peu, sans savoir où ils sont, ce qu’ils font. Ca le gêne et l’intrigue en même temps. L’orphelin qui d’un coup retrouve père et mère et se voit affubler d’un frère. Demi. C’est pareil, ça reste un membre d’une famille qu’il croyait foutue, qui pour lui se résumait à sa fille. Et personne d’autre.
J’en fais quoi de ce type ? Il le laisse là, comme un con dans sa boutique et revient plus. Continue de le prendre pour un dingue, parce que c’est ce qu’il doit être rien de plus. Un pauvre mec en manque d’ami qui vient chercher le premier con qui lui ressemble un peu pour le traiter de frère.

Sauf que c’est là qu’est le problème, ils se ressemblent trop pour que ce soit une blague. Avance d’un pas, le frère improvisé et lui ne bouge pas. Peut plus le faire, figé sur le parquet, les semelles collées par de la glue invisible. Regard paumé qui le lâche pas, écoute du mieux qu’il peut. C’est n’importe quoi. Fronce les sourcils, le calcul veut pas se faire.« - Pourquoi est-ce qu’il… Suffit seulement de… » Une de mes mères… Fils de gouines. Ca résout pas le problème, pourquoi son vieux aurait filé de son jus à deux pauvres nanas en mal de gosse ? C’est pas logique. Rien ne l’est dans cette situation et c’est un rire franchement nerveux qui vient faire grincer la boutique. Clown cassé, rouillé, Eden se marre mais sa tronche ne rigole pas.

« - Merde. » Expire entre deux rires incontrôlés, lâche l’injure comme pour faire dégager la gêne, le malaise qui prend aux tripes et pend au pif. Un autre pas, frisson dans le dos. Partout. Et les nerfs se remontent, redevient silencieux le cabot aux yeux de nouveau collé sur le frère. Aîné ? Sûrement. Ca change rien, ça reste un gars, quelconque, qu’il connait pas. Qu’il crève de connaître maintenant que ça a été jeté entre eux, en steak à ronger. Plaisanterie qui tombe à l’eau, juste un regard mauvais que le clébard balance.
Je suis pas pédé. Justifie le rien, son crédo débile auquel il tient même maintenant que c’est foutu. Qu’il sait, quelque part dans les fonds pourris de son cœur et sa caboche qu’il est tout ce qu’il y a de plus déviant.

« - Mattie aussi. » Souffle songeur, sourire tendresse à fleur de babines. Le gêne Lovelace, tenace et vorace. Gratte les surfaces pour se faire voir et marquer. Elle lui en a voulu, Alyssa, pas contente que sa gamine ressemble plus à son père qu’à elle. Pas sa faute à Eden, il a pas choisi. A pas voulu que sa môme lui ressemble autant. Sa fierté. Son malheur.
Peur pour elle. Toujours. Constamment.
Je vais dégueuler. Ca le prend comme un coup dans les couilles, une mauvaise remontée de trop de choses qu’il retient comme il peut mais qui le fait tanguer. Maman qui revient, veut soutenir le môme de ses mains glacées qu’elle pose sur les épaules. Claque des chicots et s’éloigne de nouveau. Pas sur le côté, un peu en avant, en type bourré qui tient pas vraiment debout et qui au final, se retrouve à appuyer son cul contre le comptoir en ayant pris soin de contourner le propriétaire des lieux.

Gueule blanche et doigts sur les paupières, pressent comme des citrons. Il abdique, pour l’instant. Mal de crâne qui pousse à accepter l’évidence pendant une fraction de minutes. Qu’il enverra valser une fois hors de la boutique. Juste pour lui faire plaisir au Arlo.
Tu parles, t’y crois au fond.
Vrai…


« - Et après ? Tu vas me sortir l’album de famille, me raconter ta vie et je balance la mienne ? » Mauvais de la brute qui joue son rôle mais qui a la voix pétée. Celle du môme qui n’attendait plus rien mais qui vient de voir arriver un petit machin de lumière dans les ténèbres de son existence merdique. Elle l’aimerait Mattie, cet oncle venu de nulle part. « - T’espères quoi au juste ? Qu’ils vont se tirer pour me coller au cul maintenant qu’ils m’ont retrouvé ? Les emmerdes me collent déjà aux basques j’ai pas besoin de ça. » Petit vibrato quelque part dans le timbre qui part en couille. Relent d’une colère qu’il comprend pas, contrôle pas. Envieux, jaloux, d’être celui qui est juste con et qui se traîne une chaîne pleine des boulets des horreurs qu’il a vu, qu’il a vécu, qu’il perpétue. De pas avoir eu de famille et d’avoir dû bouffer la sienne. Il sait rien, l’Arlo qui débarque la bouche en cœur avec son sourire de tombeur. Maman dirait qu’ils ont le même, les marmots.

C’est la carte chiffon qu’il récupère, le bon gratuit et le nom qu’il déchiffre, lentement. Mahoney… Mal au nez, du pain qu’il a envie de lui coller dans le museau, juste pour le saluer, en bon petit frère qui se respecte. « - Je fais quoi maintenant putain… » Môme paumé, totalement. C’est trop pour lui, trop de choses à encaisser, à digérer.

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L'évidence gueularde sur les tronches copiées-collées, pourtant y'a le rire crachin du gamin qui tape l’incruste et les nerfs, vague envie d’exploser qui court sous la peau canadienne. Bénéfice du doute accordé les crocs dehors, mais il se formalise pas des morsures de colère. Arlo, il sent bien qu'il a foutu le bordel à l'intérieur. A presque entendre ses muscles claquer des dents, à entendre les rouages grincer lentement dans l'esprit qui cherche à additionner deux et deux sans accepter que ça fasse quatre. Vérité qui s'accuse par à-coups, autant de coups de pied qu'il a l'impression de lui foutre au bide. Gamin qui se casse sans partir, mais c'est pour les bonnes raisons, qu'il se dit.

Regard en chien lui coule dessus sans l'atteindre. Vanne tendancieuse passe pas, et là il sait pas si c'est l'inceste ou l'implication. Il s'en fout. Mattie ? Ta gamine ? Sûrement pas sœur, clairement pas mère, les cases se cochent toutes seules, et puis y’a le sourire pue l'amour qui ment pas et c’est bien le premier. Traits qui se font lumière le temps d’une pensée, le temps d’une gamine qu’a la même tronche, puis trop vite y’a les orages qui reviennent. Arlo, lui, saurait pas dire s’il a laissé des mioches dans ses sillages, s’il y a, quelque part entre le Canada et Exeter, des bambins, des gamins aux yeux aussi bleus que les leurs. S’il y a des mères ici et là qui pincent les lèvres et changent de sujet quand les mômes demandent après les papas dont parlent les copains et les films. Préfère penser que non. Jamais foutu pour être père, le con aux loyautés changeantes. Frère, oncle, par contre, il pourrait se faire à l'idée. Trouver des miettes de loyal, des morceaux d'affection profonds, des bouts de vrai qu'il servirait sans retenue.

Soupçon de peut-être au milieu de l'incertain. Murmures de possible remplacent les voix que les fantômes ont jamais eues. Futur qui se dessine à l'encre, ineffaçable aussitôt qu'il se trace, noir sur blanc sur leurs peaux déjà marquées de noir et de bleus. Alors ça se comprend, que le cadet hésite à y planter l'aiguille, peine à faire le premier pas, à poser un premier trait sur la toile salie de leurs vies. Parce que tous les deux, c'est des bêtes sans têtes qui courent sans savoir vers où. Moitié crevés, un peu sauvages. Plantés cons à bout portant, à déjà pas savoir quoi se dire, quoi s’avouer. Le plan qu’arrive à sa fin et il a pas écrit la suite, Arlo. Il a passé des années à s’imaginer que ça arriverait jamais vraiment, qu’il garderait ses fantômes insatisfaits et son exil orphelin. Que l'existence garderait ses appétits insatiables, à bouffer les autres pour combler ses béances; qu'il resterait à jamais déraciné. Errant. A courir rues et culs pour chercher bonheur à tous les mauvais tournants. Alors maintenant qu'ils sont là, c'est difficile d’imaginer à quoi ils ressembleront, une fois la porte de la boutique franchie. Quel type de retrouvailles aux lendemains des premières ? Même sans douter, même en étant persuadé qu'ils ont des choses à faire ensemble, qu'ils se feront sans doute bien et mal en parts égales, il sait pas la gueule que ça aura.

Fantôme mère qui se veut pilier et qui fait tanguer le môme, l'Eden qui le contourne et vient s'appuyer au comptoir. Arlo qui s'installe à côté, se hisse sur le comptoir pour laisser ses jambes dans le vide. Regard qui balance entre l'orphelin et les parents plantés face à eux. Proches qu'ils sont à présent, les Lovelace recomposés. Famille de frères qui se découvrent seulement et de parents fantômes qui vont regarder les mômes vieillir sans jamais changer.

Sarcasme du plus jeune traîne la patte et manque sa cible, à moitié. Parce qu'il serre les dents quand même, Arlo. Jamais très dur à provoquer quand l'air est lourd. Comment t'as deviné? J'ai fait un bel album tout décoré juste pour toi. Y'a même des pages libres pour nos futurs souvenirs. Acide sous la langue, pourtant il a quand même lâché l'idée du futur, un peu malgré lui. Passé qui l'intéresse pour l'instant moins que les jours à venir. Sourire mi-moqueur qui répond aux inquiétudes. Non, non, j'suis pas là pour te refiler le bébé, ou les vieux, en l'occurrence. Pas comme ça qu'ça marche, toute façon. J'suis coincé avec. No offense, lâché sans rien en penser en direction des morts. Pas qu'ils s'offusquent encore des piques qu'il leur lance régulièrement, habitués à ses insultes au fil des ans. Parce qu'il les a haïs, par moments. Au creux des nuits, au creux du lit, corps parents putrides présents à toutes ses minutes. Après si tu veux les voir, c'est autre chose.

Par contre, il sait pas ce qu'il espère. Crève de rencontrer la gamine dont il vient d'apprendre l'existence, crève d'en savoir plus sur Eden, qu'ils se débarrassent de la lourde chape de tension qui lui écrase les poumons. Cette fois, devant le petit frère désemparé, c'est l'Arlo qui s'agite. Redescend de son perchoir et tourne pour le regarder en face, bleus miroirs aux reflets tordus de l'incompréhension et de la colère qu'ils se foutent à la gueule. J’en sais rien. J’en sais rien, de ce que tu fais de l’information. C’toi qui décides. Je t’ai donné la vérité, maintenant soit tu te la rentres dans le crâne, soit tu te la fous au cul.

Mord la lèvre pour ravaler les mots trop impatients, pas assez mâchés pour être filés en becquée au gamin paumé. Main qui se perd dans les cheveux sombres, puis retombe sur le comptoir. Arlo souffle et ignore délibérément les regards désapprobateurs des parents qui se sont rapprochés de leur progéniture sans pour autant le toucher. En vrai, ça vient sans obligation. Je sais que ça fait gros à assimiler, et pourtant j'ai eu le temps de me faire à l'idée. Peut-être... prends un peu de temps pour y penser? T'as ma carte, tu sais où me trouver. Radouci forcé, rarement celui qui défait les nœuds. Bout de papier abîmé qu'il désigne dans un sourire. Espoir d'avoir fait naître au cœur Lovelace des envies de famille, d'avoir éveillé assez de curiosité et passé assez de barrières pour se faire une place dans l'esprit du petit frère.

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@Arlo Mahoney & Eden Lovelace


Y a des mots qu’on comprend pas même en essayant très fort de le faire. Pas à cause d’un manque de vocabulaire désolant, ou d’une éducation faite à renfort de coup dans la gueule et d’injure. C’est juste qu’ils n’ont pas de sens réel parce que cette véritable signification on ne l’a jamais connu. Famille comme une injure mauvaise qui ne se résumait qu’à deux, Eden et Mattie. Père et fille, pas vraiment une famille au sens le plus juste du terme, certain diront qu’ils n’en sont pas une, à vivre éloigné comme ils le font, sans pourtant être capable d’ignorer la ressemblance physique qui oui, démontre que l’un et l’autre sont liés par une génétique venue du même arbre.
D’un même constat cinglant que celui qui se profile avec le propriétaire de la boutique. Même gueule, même regard, même emmerdes à se traîner, c’est presque une évidence. Aussi pété l’un que l’autre, démoli à coups de tout et de rien dans la gueule, les crocs taillés par la faim à en crever d’une normalité qui leur a été enlevé très tôt. Trop tôt.

Il a des frères, Eden, les autres de la ferme. Des sœurs aussi, et un Père. Plein de monde autour qu’il ne considère pourtant pas comme des membres de sa famille ou même des proches. Y a eu Alyssa, mais même elle, il sait pas vraiment si elle compte. Y a bien Sanya, quelque part au milieu de tout ça, qui a été un pilier de sa vie cassée pendant quelques années. Ca compte un mec qui vous la fout dans le cul ? Sait pas.
Il a envie, de se dire que ouais, ils tiennent un truc, lui et le Arlo. Que même si le type ment, lui raconte des cracs pour se le foutre dans la poche, un morceau bizarre là en-dessous veut y croire. S’affole à l’idée de se dire qu’au fond, il est pas seul. Qu’il pourra peut-être, raconter des morceaux de son chaos personnel sans avoir peur de finir la gueule ouverte et défoncée sur le trottoir. Et en même, il a peur. De la trouille pure dans les veines du wendigo, de se sentir proche de quelqu’un de nouveau. Un frère, ça veut tout et rien dire pour lui. Avec sa façon de voir le monde totalement biaisée, foutue en l’air. Et il aimerait, que cet aîné sortit de nulle part lui explique ce que ça signifie. L’aide à encaisser, à s’y faire.

Distance pourtant entre eux, les morts dans son dos qui continuent de le gêner et de faire courir du froid contre sa nuque. Tous les mots perdus dans le fond de la gorge, incapable qu’il est de répondre aux sarcasmes et autres paroles sortant de la bouche fraternelle. Est-ce que sa voix sonne pareille ? Il a beau se concentrer dessus, il arrive pas à le dire. Se laisse un peu bercer par le timbre aux douceurs qui font du bien.
Non il veut pas les voir et le signale d’un mouvement de tête un peu trop brusque. Pas pour l’instant. A réagir comme un fou en se retrouvant devant les fantômes de ses vieux. Ces visages blêmes qu’il ne reconnaîtrait sûrement pas. Et si Mattie l’oubliait elle aussi ? Horreur et haut-le-cœur mauvais, surtout pas ça.

C’toi qui décides. Mais il sait pas quoi penser, quoi décider. Ca se lit sur sa gueule, les traits tirés, abîmés de trop de choses qui cogitent dans le crâne, le pli entre les sourcils trop froncés et ces mâchoires crispées à lui faire des vilaines crevasses dans les joues déjà trop maigres. Tourne le museau et pose son regard troublé, paumé sur le frère qui s’est approché. La carte froissée comme un premier nœud du lien qui pend piteusement entre eux et qui ne demanderait qu’à se tisser. Il en a plus besoin Eden, de ce bout de papier piteux. Connait l’endroit, a retenu le nom. Le numéro surtout. Lui et sa mémoire des chiffres à faire peur, insoupçonnée pour un illettré inculte dans son genre.

« - J’en ai pas besoin. La boutique va pas bouger… » Lâche-t-il, arrache d’entre ses crocs serrés des mots qui se veulent plus légers. Plus détendus. Pas vraiment le rendu escompté mais il fait ce qu’il peut le Lovelace en pleine tempête. Faut que j’y aille. Ouais faudrait. Mais y a les pieds qui sont collés au sol, l’angoisse folle de bouger et de cogner contre un corps invisible et le sentir. Crever de froid jusque dans le fond du cœur.
Péniblement, le cabot de se redresse, plante ses griffes dans le comptoir comme pour s’y retenir quand pourtant son corps part dans la direction opposée. A la manière d’un gosse qui tangue d’avant en arrière sans savoir ce qu’il veut vraiment faire. Il peut pas rendre ses sourires à Arlo, c’est coincé. Parce qu’il sait pas vraiment sourire en fait Eden, sauf à sa môme. On lui a volé ses sourires quand on lui a volé son enfance et son innocence.

« - Je vais y aller… Faut que j’y aille. »
Et se gratouille la nuque dans un élan de malaise crève-cœur. Maman troublée de voir son bébé devenu grand déjà passer la porte. Papa qui vient la prendre par les épaules, tendresse de deux crevés en lambeaux aux yeux vitreux couvant le poupon tatoué de leurs orbites délavées. Presque fiers.
Alors il va enfin, Eden. Chemin en sens inverse jusqu’à la porte, pogne sur la poignée et hésite un peu. Tourne la tête, assez pour voir le frère du coin de l’œil, pas suffisamment pour lui faire totalement face. Y a des mots qui ont envie de sortir mais qui restent coincés quelque part entre la raison et l’incompréhension. Au fond c’est suffisant pour lui, pour une première. Pas qu’il soit certain de vraiment y croire à ces histoires qui font se dresser les cheveux sur sa nuque et agitent ses neurones fatigués.

Il va avoir le temps d’y penser, sur le trajet retour dans les collines. Cette ferme qu’il s’apprête à rejoindre et cette ville qu’il va délaisser. Avec sa môme dedans. Son amant russe casse couille. Son frère… Demi. Mais ça reste un frère. Souffle et soupire. Et Eden sort. Laisse dans son sillage la porte qui se referme et la clochette qui sonne. Remonte son col, un peu, parce qu’il flotte toujours et que ça l’emmerde.
Museau baissé, cabot aux crocs rentrés qui se retrouvent à mâchouiller un nouveau filtre. Coup d’œil chien au téléphone, y a rien. L’écran mort est éteint, la machine déconne encore. Alors il la frappe dans sa paume pour tenter de la raviver mais rien. Peste et fourre le machin dans sa poche, lève le nez pour poser un œil sur la devanture de la boutique qu’il vient de quitter.
Pas besoin de carte.
C’est inscrit dans sa mémoire.

Le chemin à emprunter pour y revenir.
Je t’ai donné la vérité.
Ouais mais elle fait mal putain.


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