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Susan Love
- only sue can judge you -
Susan Love
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damné(e) le : o12/06/2019
hurlements : o2489
pronom(s) : oshe/her.
cartes : o(av/icons/cs) fürelise (sign) tucker.
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Le bonheur de Marlon passait toujours avant le reste, c'était une règle qu'elle s'était fixée de longues années en arrière. Il y avait bien des choses qu'elle se sentait capable de réaliser pour son frère, grimper des sommets sans fins semblaient à sa portée lorsqu'il s'agissait de lui. Pourtant, il était des secrets qu'il ne fallait répandre, que ce soit pour le plaisir de Marlon ou non. La fête qu'ils organisaient ne s'était pas ébruitée, Susan soucieuse de n'inviter que les êtres chers au cœur de l'intéressé, qu'il n'ait pas à s'embarasser de visages qu'il ne verrait que deux fois à l'année, ou qu'il n'avait tout simplement pas envie de côtoyer. La juge avait compris, ces derniers temps, que l'avocat n'était plus de ceux qui faisaient semblant, qui se construisaient de bonnes conduites afin que tout se passe pour le mieux, et enfermer Marlon dans un endroit avec des éléments indésirables serait tirer le diable par la queue. Les invitations avaient donc été envoyées seulement à quelques personnes proches, ciblées. Il ne s'agissait pas de ceux que portaient Susan dans son estime ; tout ce qu'elle organisait était pour son frère. Certainement que l'homme qui l'aidait dans la planification de la soirée ne serait pas là, dans le cas contraire. Mais elle savait que l'absence de Mattheson était inimaginable au vu de l'amour que Marlon lui portait. Elle avait prévu de lui donner rendez-vous durant la soirée, afin qu'il puisse passer voir Marlon, sans qu'elle n'ait trop à le croiser ; elle n'avait pas prévu qu'il propose de participer aux préparatifs, et ne s'était pas senti de refuser - une pensée à Marlon pour ne pas tout envoyer sur les roses.

La situation avait beau être sous contrôle, elle se sentait sur les nerfs. La simple présence de Donald près d'elle, à sentir son regard inquisiteur - du moins, le sentait-elle ainsi - dans sa direction, la mettait sur les crocs. L'envie de les laisser traîner contre quelques jugulaires, un grognement sans cesse coincé dans la gorge. Depuis la soirée en l'honneur de Romeo, l'agacement qu'elle ressentait envers l'associé de son frère s'était transformé en une contrariété bien plus impressionnante ; la culpabilité était trop forte pour qu'elle ne reprenne ses anciens sentiments à son égard. Lorsqu'elle le regardait, c'était ses erreurs qu'elle voyait.
Elle ne savait pas depuis combien de temps ils étaient là, réglant les préparatifs d'une soirée qui devait se dérouler sans encombre - Susan s'en assurerait. Le carnet dans la main, front légèrement plissé, elle comptait les bouteilles du dernier arrivage ; elle avait fait appel à un traiteur afin que tout soit parfait, ne voulait risquer aucun accident en attribuant à un pair la mission d'allumer les fourneaux. Les denrées alimentaires étaient sous contrôle, elle n'avait plus qu'à s'assurer que son camarade pour la journée en soit à un point semblable. Les convives n'arrivaient que quelques heures plus tard, cela leur laissait assez de temps pour les décorations, et les derniers ajustements - maintenant que tout le matériel était sur place. Le nez relevé de son calepin, la jeune femme chercha l'autre homme du regard, et referma son carnet en se dirigeant vers lui.

Le lieu où se déroulerait les festivités avait été décidé bien rapidement, sans réelle consultation avec Don. Il était hors de question de laisser l'ennemi prendre la décision, et montrer son domicile était la meilleure manière de sauvegarder les apparences. Il s'agissait de la maison qu'elle partageait avec son mari, celle qui ne voyait que rarement son ombre, la belle logeant plus généralement dans sa maison aménagée à la ferme, près des siens. Elle encouragerait peut-être le cyclops à laisser traîner son nez dans ses affaires, sûre qu'il n'y trouverait rien de plus que les éléments présents dans chaque foyer. La présence de la juge se sentait dans la maison, mais sans que l'habitation ne regorge de constituants la concernant. C'était l'endroit parfait. Une fois au niveau de son ami, elle croisa les deux bras contre sa poitrine, le carnet toujours dans sa main, et s'inquiéta du travail accompli. « Alors, tu as trouvé son cadeau ? » Elle n'était plus certaine que le sujet soit tombé entre eux ; avaient-ils oublié d'aposer un nom près de cette tâche ? Susan était persuadée que non, c'était forcément à Mattheson de s'en charger, et sûrement qu'elle aurait dû mettre son nez dans l'équation pour être certaine que les choses soient faites convenablement. Si quelque chose manquait à l'appel, ce serait forcément à cause de son compagnon d'organisation. La juge espérait qu'il s'en soit chargé, n'avait aucune envie de courir les magasins, se creusant la tête aux côtés du cyclops, pour trouver un cadeau de dernière minute. Elle n'osait pas s'approcher trop près de lui, comme si l'effleurer aurait le pouvoir de la changer en pierre. Elle se souvenait encore de l'empreinte de ses mains sur elle, en frissonna en repernant la parole pour ne plus y songer. « Je vais certainement regretter ma question, mais qu'as-tu prévu pour la musique ? » Elle avait commencé par lui refuser les commandes de ce point là des préparatifs, mais avait fini par céder en sachant que ses goûts colleraient certainement mieux qu'aux siens ; une fois de plus, le bonheur de Marlon l'emportait sur le reste.

Le regard sur sa montre, elle comprit qu'ils avaient assez bien travaillé pour s'octroyer un peu de répis - pour le moment - et leva un doigt en l'air, comme un silencieux : bouge pas. Elle fit quelques pas vers sa réserve personnelle d'alcool, et non celle organisée pour la fête, et sortit une bouteille de scotch ; celle de son époux. Un amateur, si ses souvenirs étaient exacts. Elle attrapa deux verres, et en versa deux doses avant de ranger la bouteille. Le regard porté quelques secondes de trop sur l'un des deux récipents, l'idée d'y ajouter une substance supplémentaire fila dans son esprit - c'était l'occasion parfaite pour mettre l'ardoise à zéro. Don sorti du tableau, l'honneur était de nouveau sauf. Mais quelque chose la retint, une chose qu'elle ne sut nommer, dont elle ne pouvait mettre le doigt dessus. Elle soupiar, et revint près de l'homme en lui tendant un des deux verres, un sourire à la fois accueillant et énigmatique. « Nous avons mérité une petite douceur. » Elle ne pouvait l'empoissoner, mais elle pouvait lui donner des raisons d'en douter ; il serait bien impoli de refuser un verre, et la belle saurait en avertir son frère. L'idée de le faire cogiter sur le sujet était revigorant. Elle garda le sien dans sa main libre, et ajouta : « Oh, j'y pense, j'ai invité Davidson à se joindre à nous. Nous ne pouvions pas faire l'impasse dessus, Marlon tient tant à lui. » Nouveau sourire insolent, et elle ne le quitta pas des yeux en buvant quelques gorgées.



BABY YOU'RE MY FLAME
never know how much i love you. never know how much i care. when you put your arms around me, i get a fever that's so hard to bear.
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Don Mattheson
- looks like billy the kid -
Don Mattheson
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damné(e) le : o05/10/2021
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pronom(s) : oshe / her
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Aucune nouvelle de la juge, depuis la soirée chez les Calloway. L'odeur de son parfum était restée plein les naseaux du renard gris, malgré qu'il ait tout fait pour tenter de s'en débarrasser. Fricotter avec l'ennemi n'était pas seulement un tabou, c'était également un danger. Les fréquentations de la belle Susan Love n'étaient plus à deviner, encore moins à prouver : il avait parfaitement repéré les quelques regards qu'elle avait échangés tout au long de ladite soirée avec celui qui était réputé pour être le gourou d'une secte de Wendigo. A prouver ? Pas ce dernier aspect. Il n'en avait pas vu les cornes, mais Don savait parfaitement ce que Darius Smith était. Avait entendu les histoires, avait vu les cadavres. Avait appris que la fragilité des relations entre Cyclops et Foyer Rouge tenaient à l'infime respect que leurs patrons respectif étaient capables de se vouer, fut une époque plus que passée. Mais le parfum de Susan, lui, était resté. Et ça, Don espérait que personne n'en sache jamais rien. Surtout pas Marlon, qui ne demandait visiblement que ça.
Aucune nouvelle de la juge, et lui-même n'en avait pas particulièrement pas donné. Avait été surpris de voir son nom s'afficher sur son téléphone, pour une invitation à une soirée surprise qu'elle organisait en l'honneur de Marlon. L'occasion de renouer contact, de continuer de creuser autant que possible du côté du Foyer pour savoir quels pions ils avaient prévu d'avancer sur le plateau des deals en tous genres. L'occasion de frôler à nouveau cette peau si douce pour voir si le souvenir de cette étreinte avait un quelconque effet sur la belle. Il ne se souvenait plus de comment c'était arrivé, mais il avait pris soin de conserver tous les détails de ce qu'il s'était passé en mémoire, lui. Parce qu'une étreinte n'était jamais une honte, pas dans son répertoire. Et un trophée de chasse comme Susan Love n'était pas pour lui déplaire. Il avait répondu à l'invitation, pour dire qu'il serait là autant que pour mettre la main à la pâte. L'air de dissension qui planait au QG des Cyclops depuis le retour de Colorado, le silence obstiné d'Irish depuis son supposé retour avaient rendu son bureau au sein du gang étouffant. Les tensions, il avait l'habitude de les gérer. Les échappatoires, elles, étaient toujours les bienvenues. Surpris que la belle ait décidé de lui laisser le soin de choisir un cadeau pour son associé, il avait pris l'opportunité en plein vol pour s'échapper de ses responsabilités. Marlon avait beau avoir changé depuis son accident, il était toujours le même : Don était persuadé que ce qu'il lui avait trouvé ne pouvait que lui plaire. Ne restaient plus que quelques détails à régler.

L'un d'eux se présenta sous la forme d'un rapport, énoncé en personne par le Cyclops qu'il avait mandaté. Une filature secrète, pour confirmer ou infirmer un doute qui le travaillait depuis plusieurs jours maintenant. Il avait mis cela sur le coup de l'intuition, le renard. Avait attendu que le motard dans son bureau lui donne la confirmation qu'il avait eu raison de se méfier. Missionner l'un des siens pour une affaire personnelle n'était pas dans ses habitudes, insister sur le fait que la filature devait absolument rester entre eux encore moins. Mais Max Davidson avait quitté la ville. Et le motard était formel : il n'avait visiblement pas prévu de revenir.

Le cadeau fermement attaché dans la besace de sa Harley, et l'impression amère qu'il ne suffirait pas. L'amertume au fond du bide, tous ces je l'avais bien dit que c'était une raclure qu'il allait devoir y enfoncer pour ne pas faire plus de peine à Marlon. Aurait mandaté un autre Cyclops, voire aurait réglé son compte personnellement au traitre s'il faisait partie des siens. Mais Davidson appartenait à ce pan de son existence où la Justice était inscrite en petits caractères dans le Code Pénal. Il en connaissait tous les tenants, tous les aboutissants : aucun d'entre eux ne mentionnaient les punitions qu'il souhaitait infliger au fugitif comme autre chose que des crimes. Dommage. Les mâchoires encore serrées quand les pneus de sa vieille Harley s'engagèrent dans l'allée qui menaient au point de rendez-vous. La façade d'une imposante demeure l'accueillit, rendant à tout cet aspect de sa vie ses lettres de noblesse. Comme une confirmation du statut presque intouchable de Max Davidson. Car dans ce monde tout de politesses et de cours de justice, Donald Mattheson Jr n'était pas Old Boy, le Vice-Président du MC Cyclops. Il était avocat de la défense, et s'apprêtait à pénétrer dans le Saint des Saints : la demeure de la juge Love. L'ombre d'un sourire salace, derrière son casque. C'était déjà chose faite, à quelques détails près.

De nombreuses petites mains s'agitaient déjà, autour et dans la maison. Rappelèrent au renard gris qu'il n'était pas au courant de la moitié de ce qu'avait prévu la Juge en l'honneur de Marlon. Savoir qu'elle s'était probablement sentie contrainte et forcée de l'inviter avait été suffisant pour Don, mais il ne put s'empêcher d'être impressionné par la quantité de moyens que Susan avait mise en place. La fête allait être somptueuse, sans la moindre ombre au tableau. Cadeau dans une main, son casque dans l'autre. Il gravit les escaliers du perron quatre à quatre, se faufila dans le poulailler, cheveux en bataille et cuir parfaitement neutre sur le dos. Aucune ombre au tableau de ce côté-là non plus. Afficher ses couleurs n'était pas dans ses intentions, pas alors qu'il avait celle de glaner encore quelques informations. Déposa casque et blouson à l'entrée, passa devant un miroir, puis une main dans ses cheveux pour y remettre un soupçon d'ordre, histoire de mieux se fondre dans le décor. Il n'avait encore jamais eu l'occasion de mettre les pieds dans cette habitation malgré les années passées à côtoyer Marlon. La tanière de la belle avait toujours été chasse gardée, et maintenant qu'il y était, il avait l'étrange impression qu'elle ne serait pas aussi riche en informations qu'il s'y était attendu. L'empreinte de la belle résidait bel et bien dans le lieu, mais elle était lointaine, étrangement distante malgré les habitudes de la juge de tout contrôler. A se demander si elle résidait effectivement entre ces murs. Au vu de ses fréquentations et de ce que Don connaissait des habitudes du Foyer Rouge, la réponse ne pouvait qu'être non. Chaque pas dans l'habitation prouvait un peu plus son hypothèse. Evoluant dans l'espace, parfaitement ignoré par toutes les âmes qui couraient un peu partout, il finit par repérer la silhouette plantureuse de la Juge. Lui adressa un signe quand elle leva le nez de son calepin avant de continuer à jauger l'espace, s'engorgeant de tous les détails qu'il pouvait y trouver. Des bouquets de fleurs aux décorations, tout concordait à prouver qu'elle y avait déposé son parfum sans y laisser réellement son empreinte. La maison était un vase délicatement orné qui n'accueillerait jamais vraiment cette Rose Anglaise en particulier.
Le parfum de Susan l'annonça avant même qu'elle n'ouvre la bouche. Raviva la mémoire du renard, comment chacune de ses nuances semblait différente quand elle était humée à même la peau douce de Susan. Il pivota pour lui faire place, mains chargées et sourire plein de dents. Satisfait d'avoir anticipé.

-Trouvé et emballé.

Un haussement de sourcils, avant de baisser le museau vers son butin. Il savait qu'il n'était pas utile d'entrer dans les détails : Susan les aurait très certainement voulus, mais la voir se creuser la tête en se demandant si le cadeau serait parfait était bien plus drôle. Il releva le nez, planta un regard gris dans les yeux de la louve. Ne put s'empêcher de la trouver bien jolie, avec cette barre de concentration qui voilait son front. Maîtresse femme dans une demeure où elle n'était pas même maîtresse de maison. Du contrôle jusqu'au bout des ongles, et pourtant certains détails qui lui échappaient.

-Rassure-toi, j'ai tout prévu. Beyoncé, Ariana Grande, Black Pink, j'ai hésité à rajouter du BTS mais je crois que Marlon préfère les groupes féminins en ce qui concerne la K-Pop. Je me suis servi de la playlist qu'il écoute au cabinet.

Lueur goguenarde au fond des yeux gris. Soirée de Marlon rimait avec musique de Marlon, et Don s'était mis comme point d'honneur de respecter les goûts de son ami. Parfois discutables, mais ce n'était pas à lui de choisir. Et entendre Mariah Carey s'époumoner au milieu des petits fours et des costumes élégants était la petite dose de chaos qui ne pouvait que le faire ricaner. Laissant une minute à Susan pour digérer les informations, il finit par ajouter, l'air de rien :

-J'ai également prévu une playlist plus élégante pour le début de soirée. Histoire de ne pas dénaturer avec les petits fours.

Ce qu'il tairait comme information serait la présence d'un Madison, au beau milieu des menuets et autres musiques appropriées pour le type d'ambiance que Susan avait l'air de vouloir instaurer. Pour l'effet de surprise, pour laisser à Marlon le plaisir, aussi, de montrer à quel point lui aussi maîtrisait ses pas de danse. Il l'avait vu faire au cabinet, depuis qu'il y était revenu. Le plus jeune aimait déjà se déhancher mais ce n'était rien par rapport à maintenant. Son cadeau toujours entre les mains, il obéit à l'injonction silencieuse et suivit le mouvement. Laissa ses iris traîner là où ils pouvaient s'accrocher, à savoir peu de choses, les déposa finalement sur la nuque gracile de la jeune femme. Sortit de sa contemplation le temps de remarquer ce qui semblait être un espace dédié aux présents et s'échappa le temps d'y mettre celui qu'il avait apporté. Quand il rejoint Susan, ce fut pour qu'elle remplisse à nouveau ses mains devenues libres. Le liquide ambré au fond du verre sentait bon le whisky hors d'âge. Sourire sous la moustache, alors qu'il haussait un sourcil.

-Tu n'as rien glissé dans ce verre, j'espère ?

L'occasion serait rêvée, après tout. Il n'avait pas prêté attention à ses gestes alors qu'elle les servait, il n'était personne aux yeux de tous les anonymes qui s'affairaient tout autour d'eux. L'intuition lui dictait que leurs consommations au cours de la soirée n'étaient pas des plus nettes, quelques temps auparavant, même s'il n'était pas capable de mettre le doigt sur ce qui pouvait avoir été glissé dedans. Qu'est-ce qui lui prouvait que ce n'était pas aussi le cas pour ce verre-là ? Soutenant toujours le regard de la belle en laissant tinter le récipient contre le sien, il trempa les babines dans l'ambre. Claqua la langue de contentement, le breuvage était divin. Tout était parfait. Tout, jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole. Les sourcils de Don se froncèrent, l'agacement reprenant tout son empire sur ses nerfs. Max Davidson, bien sûr.

-Cet enfant de chienne.

Et le juron était parti tout seul, entre les bouquets de fleurs et les petits fours. Devant la beauté impeccable de Susan, devant la quasi perfection de tout ce qui se tramait tout autour d'eux. Dans d'autres circonstances, ça l'aurait amusé, à Don. D'entendre son juron rebondir contre toutes les surfaces lisses, polies et parfaites de cet environnement élégant. Mais pas en l'occurrence. Parce qu'il était furieux, et que, pour une fois, il n'avait pas envie de le cacher.

-Tu peux déjà le rayer de la liste des invités. Il ne viendra pas, je peux te l'assurer. Ce putain de foie jaune a décidé de foutre le camp d'Exeter, en pleine nuit, y'a deux jours. Je le sais de source sûre.

Les mâchoires serrées, le texan drawl à couper au couteau. Laissa la mauvaise humeur tourner au fond de ce verre qu'il agitait nerveusement, avant de s'offrir une nouvelle gorgée d'ambre hors de prix. La brûlure de l'alcool n'était pas aussi nette que celle de sa colère. Mais personne n'avait à en faire les frais, ce n'était ni le lieu, ni le moment. Et s'il n'allait pas s'étendre sur le comment il savait une chose pareille, ou sa source sûre, il devait reprendre la conversation sur une note plus neutre. Question de diplomatie.

-Marlon t'en a parlé ? Si non, il est peut-être plus sage que nous n'en mentionnons rien, ce soir. Si Davidson est aussi lâche que je le pense, il ne lui aura rien dit avant de partir. Tu as tout fait pour que la soirée soit parfaite, autant ne rien gâcher avec cette nouvelle, qu'en dis-tu ?

Le bien-être de Marlon, le socle de leur alliance bancale. Le regard trop dur pour le planter dans les iris clairs de la belle, Don les laissa embrasser l'espace. Le compliment était parti tout seul, lui aussi. Il savait apprécier les efforts, et le travail accompli par Susan était exceptionnel. Un soupir, une nouvelle gorgée de whisky. Une main pour tirer les mèches grises en arrière, et, enfin plus calme, il reposa ses iris dans ceux de la Juge.

-Que sait-il pour ce soir, d'ailleurs, Marlon ? Tu as prévu quelque chose pour le faire venir ? Je peux aller le chercher d'un coup de moto en prétextant une soirée quizz dans un bar, si jamais.

Alias rien qui ne ressemble de près ou de loin à tout ce qui était déjà prévu. Retomber rapidement sur ses pattes était une nécessité, presque un réflexe de survie, pour le renard. La garantie d'être toujours capable de s'adapter à quoi que ce soit l'avait mené jusque là, à sa place d'avocat, à sa position de vice-président d'un gang, à cet endroit précis devant celle qu'il devrait considérer comme une ennemie. Les écueils de la colère assombrissant toujours légèrement son front, et ses lèvres s'étiraient à nouveau dans un sourire goguenard. L'envie de lui demander si elle avait repensé à leurs étreinte lui frôlait les lèvres, mais il la garderait pour un peu plus tard.

-Qu'as-tu prévu de manière générale ?




difficult-looking legal books stand in a formidable row. They mock me. I tried reading one, and it made my head hurt. When I closed it, it slipped out of my hand. Then my foot hurt too.
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Elle fut rassurée en constatant qu'il avait bel et bien amené un cadeau pour l'occasion ; mais elle le serait plus encore lorsqu'elle en connaitrait le contenu. Il lui fallait bien du contrôle pour ne pas réclamer plus d'explications, demander ce qu'il avait pris très exactement et en quoi il pensait que le geste conviendrait à Marlon. Elle ne lui faisait pas confiance, mais savait qu'il ferait toujours au mieux pour contenter leur amour commun ; elle avait promis à son frère de faire un effort, et décida donc de ne rien demander, et d'attendre de découvrir le présent en même temps que l'intéressé. Il fallait dire qu'elle avait plus d'un tour dans son sac, avait prévu une surprise supplémentaire au cas où Don ne se montre pas à la hauteur de la tâche. Elle ne préciserait pas le but, se contenterait de faire comme si ce n'était qu'un supplément pour une surprise qu'elle savait déjà excellente de la part de l'avocat. Elle n'avait rien prévu, ceci dit, concernant la musique. Elle avait d'abord songé à engager un groupe de musiciens, quelques violons au milieu de groupes qui plairaient bien mieux à son frère, mais avait fini par céder, comprenant que Donald était celui qui connaissait le mieux les goûts du concerné – il était le plus susceptible de lui faire plaisir.

Et pourtant, alors qu'elle s'attendait à la démarche de son interlocuteur, elle ne put que soupirer en entendant ce qu'il avait ajouté à une playlist qu'elle aurait aimé ne jamais avoir à entendre. Elle préféra ne pas réagir, laisser l'expression de ses traits parler pour elle ; elle ne voulait pas de ces titres, que Marlon les aime ou non, mais serrerait les dents le moment venu en s'excusant auprès des invités. Il ne s'agissait que des proches de Marlon, ils connaissaient certainement assez l'homme de la soirée pour savoir à quoi s'attendre, après tout. Peut-être serait-elle la seule déçue par les musiques proposées. Elle lui laissait le bénéfice du doute, mais ne serait pas tendre en apprenant que son double non plus n'aimait pas ces chansons-là. « Je te remercie, et j'aurai une discussion avec Marlon concernant ses goûts musicaux. » Elle avait arqué un sourcil pour appuyer la phrase, comme réellement inquiète concernant ce qu'écoutait son frère. Ils avaient toujours été très complémentaires, et leurs différences se ressentaient dans ce genre de détails.
Elle venait peut-être de là la barrière érigée entre Mattheson et elle ; ils ne venaient pas du même monde, le motard bien plus proche de Marlon que de ses goûts à elle. Il lui était plus doux d'imaginer cela, plutôt que de penser qu'il ne s'agissait que d'une question de rivalité. Ce point viendrait à apprendre qu'ils auraient pu s'entendre sans ces histoires, et Susan préférait se dire qu'ils étaient voués à ne pas s'apprécier à un niveau plus viscéral. Marlon ne semblait pas être de cet avis, mais il ne s'agissait que d'une manière d'insinuer qu'ils pourraient s'entendre – du Marlon tout craché. Elle inclina légèrement la tête pour remercier d'avoir pensé à ceux qui n'étaient pas apte à s'abandonner à une danse trop triviale. 

Lorsqu'elle revint avec deux verres, l'air suspect pour alerter son vis-à-vis alors qu'il n'y avait aucun danger à accepter la boisson, ce fut dans l'idée d'en apprendre plus sur les musiques en question. Les serveurs attendraient son signal pour servir selon ses ordres, et elle souhaitait s'accorder à la musique, afin que tout le monde ait assez d'alcool dans le sang pour supporter les immondices à venir. Tu n'as rien glissé dans ce verre, j'espère ? Elle garda ses interrogations pour elle, pour l'heure, et se contenta de sourire de contentement. Elle aimait rester dans le vague, le faire douter, quand bien même elle n'avait rien à se reprocher. Elle ne démentit pas. Les lèvres plongées dans le breuvage, elle aurait échangé leurs verres pour poursuivre un jeu puéril s'il n'avait pas décidé de boire de son côté. Elle en fut surprise ; d'un autre côté, il avait toujours accepter les règles du jeu. « Le seul moyen de s'en assurer, c'est encore de goûter. » Elle garda un sourire joueur aux lèvres, toujours la même lueur dans les iris lorsqu'il s'agissait de ces parties-là. Elle adorait cela, se livrer à des batailles de regard, des combats sans fin que Mattheson relevait toujours sans broncher. « Il est délicieux, n'est-ce pas ? » Il fut ensuite préférable de changer de sujet, la belle risquant de s'enfoncer un peu plus dans ces travers si le temps passait ; c'était ainsi qu'elle s'était retrouvée dans ses filets lors de la soirée de Romeo. Elle ne savait pas encore comment, mais ne pouvait blâmer que l'euphorie de leurs batailles, ou une manipulation mentale.

Le changement de sujet ne profita qu'à elle seule, elle le comprit à la réponse donnée par son compagnon d'organisation. Elle arqua de nouveau un sourcil à l'insulte : cet enfant de chienne. L'impression d'entendre Darius pester, son chef affectionnant tout particulièrement ces quelques mots dans les moments durs. Elle aurait pu croire que Don l'aurait fait exprès, une manière de lui signifier qu'il savait tout, jusqu'aux plus infimes mimiques de celui qui comptait le plus dans cette vie à la ferme ; mais la réaction de l'avocat était bien trop spontanée pour cela, elle le sentait. Elle n'aurait pas cru qu'il en ait autant après Davidson, en vint à se demander s'il ne s'était pas passé quelque chose sans qu'elle n'en ait entendu parler. Il avait l'air furieux ; Susan ne put s'empêcher de remarquer comme ça lui allait bien. Elle attendit ses explications, et soupira en apprenant le départ de celui qui avait toujours mis un point d'honneur à la fuir. « Quelles sont tes sources ? » Il y avait une réelle envie de savoir qui pouvait appuyer ces propos, pas seulement pour faire parler le cyclops, mais pour savoir s'il comptait revenir ou non. Marlon avait l'air d'apprécier l'homme, et elle ne voulait pas qu'il le perde. « Tu as l'air bien sûr de toi concernant son départ. Tu n'y serais pas pour quelque chose, par hasard ? » Il n'est pas au fond d'un trou, rassure-moi. Elle porta de nouveau son verre à ses lèvres, et en but quelques gorgées en réfléchissant. Don avait beau ne pas aimer l'homme, il savait à quel point Marlon y tenait, et elle n'était pas certaine que le motard soit capable de faire quoique ce soit qui puisse faire tant de peine à son meilleur ami. Elle en était la preuve vivante ; n'aurait-il pas essayé de se débarasser d'elle, si elle n'avait pas été aussi importante pour Marlon ? « Il ne m'a rien dit, et je pense que tu as raison, nous n'avons pas à l'évoquer ce soir. Merci pour ta discrétion. » Le bras tendu dans sa direction, elle posa ses doigts contre son bras en disant ces derniers mots, peut-être flattée par le compliment, ou pour ajouter à cet esprit de confidence – ce sera notre secret. Les doigts ne restèrent que quelques secondes, puis elle se persuada qu'il n'y était pour rien dans l'absence de Davidson, et décida de se concentrer sur le reste, sur ce qui comptait à l'instant présent. La fête.

Elle ne se fit donc pas prier pour rebondir sur la remarque de son ami. Il aurait, en effet, pu être utile pour cette tâche, mais elle n'avait pas prévu de le voir arriver si tôt, dans ses préparatifs. Elle haussa donc les épaules, exposant son plan. « Je comptais prétexter une dispute avec mon époux, lui demander de venir sur-le-champ pour me réconforter. Je dois admettre que ton idée est meilleure. » Il pourrait aller le chercher en temps voulu, cela permettrait à Susan d'accueillir les invités en son absence, et de ne pas avoir à le surveiller. Il reviendrait en compagnie de Marlon, et la belle n'aurait qu'à croiser les doigts pour qu'ils ne se lâchent pas de la soirée. Cette dernière s'annonçait délicieuse, bien qu'en petit comité. Elle aurait aimé pouvoir organiser quelque chose de plus impressionnant, s'en savait capable grâce à son grand sens de l'ordre, mais avait préféré privilégier Marlon plutôt que ses propres ambitions de grandeur.

Elle but une dernière gorgée de son breuvage, avant de déposer le verre sur la table près d'eux, en l'entendant demander ce qu'elle avait prévu pour la soirée. En temps normal, elle lui aurait dit qu'il fallait faire un échange de bons procédés, et qu'elle ne lui dévoilerait qu'en échange du contenu de son papier cadeau ; elle voulait savoir, s'assurer que Marlon apprécie. Mais elle préféra répondre immédiatement, Don étant impliqué dans la surprise en question. Elle reposa alors quelques doigts contre son bras pour l'inviter à pivoter légèrement, faire face à la petite scène installée ; celle mise en place pour le groupe qu'elle avait décidé de ne pas faire venir. Contre le mur était installée une guitare, juste à côté d'un tabouret sur lequel était posé un micro. « J'ai pensé qu'on pourrait lui faire une surprise ? Il semble si heureux quand nous arrivons à nous accorder. Que dirais-tu d'une petite chanson après qu'il a ouvert ses cadeaux ? Je n'ai pu te réserver que la vieille guitare de Morgan, mais j'imagine qu'elle te conviendra. » Elle baissa les yeux vers sa propre main, et la retira immédiatement en voyant qu'elle lui tenait toujours le bras. Les dents se serrant légèrement, par honte et embarras, elle eut envie de s'excuser, mais autre chose venait à l'esprit.
Elle récupéra le verre qu'elle avait posé sur la petite table, et en but deux longues gorgées avant de reprendre la parole d'un air plus grave – sans le regarder. « Il sait ? » Elle n'avait pas besoin de préciser de quoi elle parlait, il savait très bien où elle voulait en venir. Marlon et Don étaient si proches, elle savait qu'ils ne devaient se cacher que peu de choses ; est-ce qu'il avait prévenu son associé de leurs ébats passés ? Elle espérait que non, savait à quel point Marlon tournerait en boucle sur le sujet, et elle n'y était pas préparée. Elle ne voulait pas répondre à ses questions, à ses remarques, et ne pas se replonger dans cette nuit passée dans les bras de l'ennemi. « Je veux savoir si je dois me préparer à gérer son enthousiasme, ou si tu es arrivé à tenir ta langue, Mattheson. » Renfrognée tout à coup, mais Don pouvait voir que ce n'était pas à cause de lui ; pour une fois, il n'avait rien fait pour la pousser à bout. Son geste l'avait seulement surprise, et elle devait donner le change. Elle détestait se rappeler à quel point elle avait aimé ça, à quel point ils s'accordaient bien sur ce point. C'était peut-être pour cette raison qu'elle lui avait parlé ainsi, estimant que tout était de sa faute à lui, et uniquement de sa faute à lui. Elle n'aimait pas non plus ce contact qu'elle avait elle-même engagé, comme si ça avait toujours été aussi naturel entre eux.



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Don Mattheson
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Don pouvait sentir l'irritation pulser par à-coups contre sa tempe, à mesure que son sang brassait toute la colère qu'invoquait Davidson dans son système. L'avocat n'était pas étranger aux rapprochements récents, entre l'homme et Marlon. N'avait qu'une idée globale de la relation qu'ils avaient créée, son acolyte ne s'étant jamais étendu sur les détails, mais suffisante pour savoir que Marlon l'appréciait sincèrement. Que l'autre se soit échappé était une chose. Qu'il l'ait fait comme il l'avait fait, au beau milieu d'une nuit comme un foie jaune, en était une autre. Les iris noisettes devenus noirs, la mâchoire du renard avait préféré se serrer faute d'avoir une gorge où planter ses crocs. Il aurait déployé toutes les ressources du gang pour retrouver l'autre et lui régler son compte, si la discrétion n'était pas de mise. S'il ne s'agissait pas uniquement d'une affaire personnelle, impossible à rattacher de près ou de loin à celles des Cyclops. Surveiller Davidson était déjà dépasser les limites de son champ d'action, empiétait déjà trop la frontière difficilement érigée entre chaque pans de sa vie. Et s'il avait une pleine confiance en l'homme qui avait accompli la mission pour lui, il ne pouvait pas se permettre d'avantage. La frustration le mettait dans une colère noire. Il ne prit même pas la peine d'en cacher tous les témoins, savait qu'il en avait trop dit tout en n'en confiant pas suffisamment. Il n'y avait pas de différence entre alliés et ennemis, dans cette situation. Susan était la soeur de Marlon, elle avait tout autant ses intérêts à coeur qu'Old Boy. Qu'ils soient chacun de leur côté de la barrière côté moral ne comptait pas, pour cette fois. En témoigna l'expression plus dure qu'il lut sur le visage de la belle, à l'évocation de la nouvelle. Regard vif, toujours aussi noir, quand elle lui demanda la nature de ses sources. Ils savaient tous les deux qu'il ne répondrait rien à cela, même dans l'état de colère où il se trouvait. Une vérité confirmée par l'interrogation qui avait suivie. S'il y avait une chose qu'il avait toujours admirée chez la belle, c'était sa capacité à danser d'un sujet à un autre avec tant de souplesse. Elle louvoyait, d'une théorie à une autre, sans même qu'il n'ait à répondre. Et si la question d'une quelconque implication touchait directement son égo, le renard pris le parti de ne pas y répondre non plus. Fit tournoyer le contenu de son verre distraitement avant d'en tirer une longue gorgée, après un mouvement de mâchoire qui en disait long. S'il ruminait la nouvelle, lui qui avait d'ordinaire le sourire si facile, elle ne pouvait que conclure l'évidence. Non seulement il n'y était pour rien, mais en plus, il le regrettait profondément. Six pieds sous terre, ou dévoré par des bêtes sauvages, quelque part dans la nature et avec une balle entre les deux yeux, c'était là que Max Davidson aurait dû être.
Un deal. Une caresse du bout des doigts sur la peau de son avant-bras. Un frisson le long de l'épiderme. Les yeux noirs s'abaissèrent sur cet étrange contact, retrouvèrent progressivement leur couleur initiale quand le renard gris les reposa dans les iris marrons de Susan. Il hocha lentement la tête, se laissant apprivoiser pour un temps. Pour Marlon.

Prit lui-même le parti de changer le sujet, cette fois-ci. Cette soirée était pour leur frère, à tous les deux. De coeur, de sang. A en juger par tout ce qu'il voyait jusqu'à la colère, Susan avait mis les petits plats dans les grands. Rien ne devait venir entacher ses magnifiques préparatifs, encore moins l'absence de Davidson. Dévier sur lesdits préparatifs était encore le meilleur sujet sur lequel rebondir. Sur lequel rebâtir toute la nonchalance qui avait aussi toujours caractérisé Don. Un sourire goguenard revint s'installer sous les moustaches grises, devant l'excuse qu'avait trouvée Susan pour faire débarquer Marlon. Une dispute avec le fameux Morgan, un grand classique. Ca aurait pu fonctionner, mais si elle s'accordait à dire que son idée était meilleure, l'avocat ne pouvait qu'en être heureux. Chassa les derniers résidus de colère d'une dernière gorgée de whisky, avant de conclure :

-Le carrosse de notre princesse est donc avancé pour ce soir.

Il suivit le mouvement de la maîtresse des lieux et déposa son verre sur une petite table, non loin du sien. Sentit à nouveau des doigts délicats se poser sur son avant-bras, attirant toute son attention. Un sourcil amusé haussé devant le geste et surtout sa répétition, le renard gris pris de nouveau le parti de se laisser apprivoiser. Releva les yeux dans la direction qu'elle indiquait et la laissa le guider à travers tous ses préparatifs, surpris de trouver le contact agréable. De tout le temps qu'ils avaient passé à se supporter mutuellement, ils n'avaient jamais fait preuve d'autant de familiarité. Et si le souvenir de leur unique étreinte ne manquait pas de revenir à l'arrière de ses pensées dans de pareilles circonstances, il n'en dit rien. Il n'était pas si mal là où il se trouvait, son bras. Inutile de le retirer tout de suite. Les yeux noisettes, eux, évaluèrent la petite scène qui se trouvait devant eux. Don, lui, évalua la proposition qu'on venait de lui faire. Le nom Morgan lui parut étrangement aussi familier que particulièrement distant. D'autant plus alors que c'était à lui et non pas à son mari que la belle proposait de jouer de la guitare. L'ombre d'un sourire sous la moustache grise. Prétendre qu'il n'était pas amusé par la proposition était impossible.

-Morgan n'y verrait aucun inconvénient ?

Après tout, il y avait bien plus que les cordes de cette vieille guitare que les doigts de Don avait caressé. Il n'en dit pas plus, laissa le sous-entendu planer juste assez longtemps pour être saisi. Quelques secondes à peine, avant de reprendre, le ton bien plus léger.

-Pourquoi pas, Marlon en serait plus que ravi et cette guitare a l'air tout à fait correcte. En supposant que tu connaisses les paroles de Take me Home, Country Road. Ton frère aime beaucoup la chanter à tue-tête quand il n'y a personne au cabinet.

Sourcil goguenard toujours dressé, maintenant tourné vers la belle. Belle dont les doigts étaient toujours posés sur son avant-bras. Diffusaient une chaleur aussi agréable qu'électrique, à travers le tissu de sa chemise. Il n'en dit toujours rien, n'en pensait pourtant pas moins. Ce fut Susan qui se rendit compte elle-même du contact, rompant finalement le contact. La morsure de sa chaleur encore vive contre sa peau, l'avocat fourra ses mains dans ses poches comme si de rien n'était. L'impression de n'être pas du tout à sa place dans cet environnement, dans l'antre de l'homme qui avait passé une bague au doigt de la belle, dans la tête de cette dernière. C'était donc qu'il était parfaitement à sa place. En témoigna le changement drastique d'attitude de sa comparse. L'envie de répondre "Morgan ?" lui mordit délicieusement la langue, mais ne franchit pas le seuil de ses lèvres. Compte tenu des deux grandes gorgées d'alcool que Susan venait de voir, de son attitude particulièrement secrète et renfermée, le trait d'humour était tout sauf approprié.

-Marlon ?

Une supposition confirmée entre deux charmantes mâchoires serrées. Mains toujours dans ses poches, l'avocat bascula d'avant en arrière sur les talons de ses bottes. Concéda la vérité avec un non de la tête, aussi bien pour la rassurer que pour se conforter lui-même.

-Rassure-toi, Love, il n'est au courant de rien. A ses yeux, nous avons simplement décidé de passer une bonne soirée, avons parlé un peu et rien de plus. J'estime que certains secrets sont faits pour être gardés et à moins que tu ne désires que nous en parlions, celui-ci en fait partie.

Le ton vaguement plus sérieux qu'il ne le ressentait lui-même, pour rassurer la belle. Contrairement à l'idée générale qu'en donnait Susan, Don ne regrettait rien de ce qu'il s'était passé entre eux, au cours de cette soirée plus que surprenante. Au contraire, il avait trouvé leur rapprochement aussi positif que les circonstances le leur permettaient. Avaient découvert une facette aussi dangereuse que particulièrement attirante de la juge. Et s'il était nécessaire de conserver ce secret jusqu'à la tombe par commodité ou tout simplement parce que Susan le désirait, il y était prêt. Ils étaient adultes, tous les deux. Femme et homme de loi. Avaient, selon le peu qu'il savait déjà de Susan Love, tous les deux une vie toute entière dont personne ne pouvait se douter à part ceux qui l'habitaient. Un sous-entendu, encore, dans sa confirmation. L'entendrait, l'entendrait pas, tout cela ne tenait qu'à la belle brune d'en décider. Dans tous les cas, le renard gris ne dirait rien.

Estima que l'atmosphère était devenue très lourde, le temps d'un souvenir apparemment terrible pour la belle. Regrettait-elle d'avoir franchi ce cap dans leur relation ? Elle ne serait pas la première. Et Don n'était pas du genre à laisser son égo se froisser pour cela, plus depuis longtemps. Il aurait pu profiter de l'état de Susan, même. Pour creuser. Pour tenter de se glisser encore un peu plus sous sa peau ou dans sa tête. Mais, par un respect qui le surprit lui-même, il décida de ramener la conversation sur un sujet bien plus léger. Reporta son attention sur la petite scène, la pointa de l'index pour tirer Susan de ses ruminations.

-Il n'y a pas encore grand monde, que dis-tu d'une petite répétition pour que la surprise soit parfaite ?

Tout le reste l'était, après tout. Les préparatifs, la maîtresse de maison, l'organisation. Laisser la place au hasard d'une guitare désaccordée aurait été bien dommage, en particulier si leur petite chanson pouvait être une forme de cerise sur le gâteau. L'envie de reproduire le geste initié par Susan, qu'il fourra un peu plus profondément avec ses mains dans les poches de son jean. Le renard gris prit de lui-même la direction de la petite scène pour découvrir celle qui serait leur partenaire de jeu, la fameuse guitare du fameux Morgan. Un instrument parfaitement dosé, visiblement bien plus cher que la Fender qu'il avait retapée. Le vernis avait pris quelques chocs, mais la guitare n'avait visiblement pas autant servi qu'elle l'aurait mérité. S'installant sur le tabouret comme si on l'y avait invité, il commença à pincer les cordes pour tester leur sonorité. L'instrument était à l'image du reste de la maisonnée, à moitié accordée pour ressembler à son propriétaire initial. Occupée comme tout ce qu'il avait sous les yeux depuis plusieurs dizaines de minutes, par un homme qui semblait n'être finalement qu'une arrière-pensée dans son propre foyer. Morgan.
Les doigts volant des cordes aux mécaniques, il accorda rapidement l'instrument à l'oreille. S'assura de son travail avec une petite mélodie entraînante, la guitare chantant chaque note comme si elle n'attendait que ça. Un sourire crâne, en voyant que Susan avait fini par le rejoindre.

-Elle est prête pour toi, Love. Il ne te reste plus qu'à nous montrer cette voix dont tu m'as tant vanté les mérites, l'autre soir.

Clin d'œil goguenard. La conversation qu'ils avaient eue, chacun s'efforçant de converser de tout et de rien alors qu'ils n'étaient pas du tout habitués à ce type d'exercice, n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. La force de l'habitude, à force de répertorier toutes les informations pertinentes que le monde entier pouvait lâcher sans même s'en rendre compte. Mais Susan Love n'était pas le reste du monde. Si elle avait trahi ce secret en particulier, ça ne pouvait être ni une erreur, ni un oubli. En témoignait la fierté non contenue avec laquelle elle en avait fait mention. Et le renard gris était bien trop curieux pour son propre bien. Attendant que la belle prenne ses dispositions, il commença à jouer quelques notes de la chanson pour se la remettre en tête. Signifia qu'il était prêt d'un hochement de tête. Et se lança dans la mélodie, aussitôt le feu vert accordé.

lancer de dés:

-Morgan ?

Don s'était laissé agréablement surprendre par la voix de Susan. Une voix d'une pureté quasi absolue, d'une maîtrise qui n'aurait pas dû le surprendre et pourtant. La belle avait de quoi être fière en dévoilant ce secret, révélait une toute autre facette en chantant que tout ce qu'elle projetait d'ordinaire. Une facette captivante, mystérieuse et entraînante, qui n'avait aucun problème à s'accaparer l'attention et du monde, et des instruments eux-mêmes. Même alors qu'ils répétaient, même alors que les harmonies n'étaient pas supposées s'allier aussi parfaitement, le rendu était différent que tout ce à quoi le guitariste aurait pu s'attendre. La voix de Susan ne faisait pas que se poser sur les notes qu'il jouait. Elles se mélangeaient, se répondaient, se complimentaient, chanteuse et guitariste ne formant plus qu'un tout. Pas de combat, pas de friction. Juste une harmonie où chacun trouvait son équilibre, s'offrait chacun sa place à son tour, à des lieues de ce qu'était la relation entre les deux artistes.

-Susan, tu m'avais caché que Morgan serait avec nous ! Ca fait si longtemps depuis la dernière fois !

Les doigts de Don ne s'arrêtèrent de jouer que quand il remarqua que Susan ne chantait plus. Il leva un regard interrogateur vers la belle, se demandant la raison de son silence. Suivit les yeux marrons pour remarquer enfin la personne qui venait de s'approcher du duo de musiciens, un grand sourire sur son visage parcheminé. Incertain de la marche à suivre, il esquissa un sourire tout aussi incertain à la troisième roue de leur carrosse. Reporta son attention sur Susan, la guitare toujours en main, et l'oeil noisette luisant d'une proposition silencieuse maintenant qu'il commençait à comprendre. Ils pouvaient jouer au bluff. Ou elle pouvait reprendre les contrôle de la situation.
Dans tous les cas, et depuis le début de cette soirée, c'était elle la maîtresse des lieux. Et tant qu'il aurait cette guitare entre les mains, il ne ferait rien sans avoir son feu vert.
Quand bien même l'idée de devenir le fameux Morgan était tentante. Après tout, selon les dires de beaucoup, l'époux et Don se ressemblaient énormément.




difficult-looking legal books stand in a formidable row. They mock me. I tried reading one, and it made my head hurt. When I closed it, it slipped out of my hand. Then my foot hurt too.


Dernière édition par Don Mattheson le Lun 20 Fév - 0:53, édité 3 fois
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Il lui avait fallu prendre sur elle pour faire passer les intérêts de son frère avant les siens, surtout en ce qui concernait les activités qu'elle avait prévues pour la soirée. Elle ne comptait pas gérer les évènements comme un goûter d'enfant, le plus gros de la soirée serait bien sûr des papotages, de la musique, et un peu de danse connaissant l'amour de Marlon pour se déhancher. Mais la guitare qu'elle avait installée sur le petit estrade, et la proposition qu'elle comptait en faire au meilleur ami de la star du soir n'avait rien de facile. Il lui suffisait pourtant de fermer les yeux, et imaginer le sourire qu'afficherait Marlon en les voyant s'entendre assez pour lui proposer un duo musical, et ses doutes s'envolaient comme par magie. Le bonheur de l'homme passait avant tout le reste, et même l'énervement que Mattheson lui inspirait bien souvent. Elle espérait donc, secrètement, qu'il ne refuse pas la main tendue, dans l'intérêt de celui qui comptait tant pour l'un comme pour l'autre. Mais elle n'en doutait pas vraiment, avait bien compris que le jeune avocat était assez important pour qu'ils puissent laisser de côté leurs différents lorsqu'il était nécessaire de le faire. La guitare de Morgan était en parfait état, et si Mattheson était aussi doué qu'il l'avait prétendu, il n'aurait aucun problème à l'accompagner de la meilleure des manières, sur une chanson qu'ils n'auraient qu'à choisir ensemble. Le répertoire de la juge était vaste, et elle connaissait beaucoup de tubes privilégiés par son frère ; peut-être partageaient-ils les mêmes goûts ?

Morgan n'y verrait aucun inconvénient ?

Elle braqua son regard sur lui en comprenant l'ampleur de son ton, un regard inchangé mais qui en disait long. Elle se contenta de secouer la tête, ne préférant pas rebondir sur une réflexion pareille ; ils devaient faire une trêve pour la soirée, elle se l'était juré en le faisant venir jusque chez elle. Il lui serait pourtant si aisé de glisser quelque chose dans son verre, de lui soutirer des informations d'une manière ou d'une autre, et rentrer à la ferme pour recevoir les louanges de Darius. Mais il s'agissait de l'anniversaire de Marlon, et elle ne pouvait gâcher l'occasion pour des raisons politiques. Il se contenterait de cette réponse, n'en avait pas tellement le choix. Elle hocha ensuite la tête à l'évocation d'une musique qu'elle connaissait par cœur. « Très bon choix. Je suis certaine qu'il sera ravi de cette attention. » Elle avait hâte de voir l'expression faciale de son frère s'illuminer sous sa surprise. Elle n'avait pas été toujours disponible pour lui ces derniers mois, bien trop absorbée par son travail et ses obligations au sein de son clan, mais elle comptait bien lui montrer qu'il restait une priorité pour elle. Et si pour cela elle devait s'allier à un ennemi qui en avait peu l'air ce soir-là, elle le ferait sans hésitation.

L'ennemi passé sous l'appellation d'amant le temps d'une nuit, et la belle ressentit le besoin de clarifier certains détails. Et s'il en avait discuté avec Marlon ? Elle n'était pas désireuse de voir arriver son frère en sautillant jusqu'à elle pour lui demander quand aurait lieu le mariage – son divorce avant cela. Elle fut rassurée de constater que l'avocat n'avait rien trahi de leur petit secret. « Merci, Don. Tu comprends bien que Marlon se ferait de fausses joies, et je ne veux pas qu'il se fasse trop d'idées nous concernant. » Elle parut tout-à-coup gênée, peut-être pour avoir prononcé son prénom plutôt que le nom qu'elle préférait toujours utiliser par commodité, ou plutôt pour dresser la barrière du mépris entre eux. Elle ajouta donc, pour masquer son malaise. « Je te suis reconnaissante pour ta discrétion, et- » Elle eut envie d'ajouter qu'ils avaient tous les deux une réputation à sauvegarder. Qu'adviendrait-il si l'entourage, le tribunal, apprenaient qu'ils avaient eu un tel rapprochement ? Mais Susan connaissait assez son interlocuteur pour savoir qu'il ne serait pas dupe, avait certainement déjà lu l'expression de son visage, savait ce qu'il en était. Elle était bien trop partagée pour vraiment penser à sa réputation, surtout en ce qui concernait des gens aussi peu importants à ses yeux que ceux du tribunal. Alors elle ne termina pas sa phrase, resta sur ce remerciement qui était sincère ; l'homme s'étant montré bien plus mature et raisonnable qu'elle ne l'aurait cru.

Il n'y a pas encore grand monde, que dis-tu d'une petite répétition pour que la surprise soit parfaite ?

La belle sortit de ses songes, releva les yeux vers lui comme pour essayer de comprendre, et put être sur la même longueur d'ondes en remettant les deux pieds sur terre. Il avait raison, la surprise méritait qu'ils soient parfaitement accordés, pour être parfaite. Elle ne s'y était pas préparée et fut tout-à-coup légèrement stressée à l'idée de donner de la voix ainsi, sans préparation, aux côtés de cet homme qui était entre deux eaux. Elle hocha pourtant la tête en souriant du mieux qu'elle pouvait, et le regarda prendre le chemin de la scène. L'envie de retourner au bar pour se resservir un verre était tentant, peut-être qu'il lui donnerait un peu plus de courage pour se confronter à ce Don Mattheson un poil différent de ce dont elle avait l'habitude. Elle chassa cette envie, aurait tout le temps de le faire ensuite, en se préparant, et s'avança à son tour vers la scène en regardant son invité accorder la guitare. Morgan ne s'en servait que peu, elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle l'avait vu en jouer, pour tout avouer.
Elle se plaça dans le micro, balaya la salle du regard en imaginant tous ceux qui se trouveraient présents quelques temps plus tard, et se retrouva à sourire. La scène lui manquait ; elle n'avait participé à aucun évènement en compagnie de Gideon depuis trop longtemps, et sa passion était passée en second plan malheureusement. Elle appréçia reprendre ses marques face à un micro, et tourna les yeux vers son compagnon lorsqu'il lui annonça être prêt. Elle sourit de plus belle à son clin d'œil, et pointa son index pour lui dire qu'elle était prête également. C'est quand tu veux.

Elle ferma les yeux en se laissant entraîner par les notes, appréciant autant la chanson que son jeune frère, et bougea la tête en rythme avant de laisser sa voix les entourer. Elle n'avait pas chanté depuis longtemps, et fut surprise du plaisir que cela lui procura ; ils pourraient peut-être interpréter plusieurs titres le moment venu – elle lui en ferait la proposition. Elle s'amusait, avait envie de taper dans ses mains et de faire danser la salle entière. A la place, elle se tourna vers le guitariste, et arqua un sourcil surpris pour lui faire part de ses pensées : on est putain de bons ! Ils avaient des litiges en tant que personne, mais les artistes semblaient parfaitement aller ensemble.

Le plaisir s'effaça au profit d'une voix que Susan reconnu immédiatement.
Susan, tu m'avais caché que Morgan serait avec nous ! Ca fait si longtemps depuis la dernière fois !

La voix ne put que se taire face au sourire arboré par un des seuls membres de la famille qu'elle avait permis de venir. Marlon ne voudrait certainement pas de tout le monde, ils n'auraient qu'à organiser quelque chose de plus simple avec leur fratrie et les parents plus proches. Mais Susan avait invité cette vieille tante, sachant que Marlon voudrait de sa présence pour une raison bien précise : le chaos qu'elle laissait derrière elle. La langue pendue, prête à commenter tout et n'importe quoi, Marlon appréciait toujours les dégâts laissés derrière elle. Susan regretta son choix, eut envie que la dame disparaisse – immédiatement. Elle resta silencieuse un moment, les lèvres ouvertes, et posa les yeux sur son guitariste pour savoir ce qu'il pensait de la situation. Elle fut surprise qu'il ne corrige pas sa tante, et compris la lueur dans son regard. Elle arqua un sourcil, incertaine que ce soit une bonne idée, mais cela valait mieux que d'avoir à lui expliquer la vérité ; c'était peine perdue. Ils s'en débarasseraient plus rapidement en jouant la carte du bluff, en espérant qu'elle n'aille pas en parler autour, les autres savaient bien que Morgan n'était pas présent.
Elle lui adressa un hochement de tête disant qu'elle marchait, et se rapprocha de Mattheson en souriant à sa grande tante avec toute la gentillesse du monde. Elle l'avait toujours bien aimée malgré tout, pour des raisons semblables à celles de son frère. « Il a pu se libérer pour fêter Marlon ! » Elle se rapprocha du tabouret où il se tenait en disant ces quelques mots, l'attention accaparée sur la dame. Elle souriait pour ne pas la contrarier, espérant qu'elle s'en aille sans trop essayer de leur parler.

« Ravie de vous voir si proches, moi qui pensais que votre mariage battait de l'aile. »

Et la raison pour laquelle elle appréciait sa grande tante fut la même pour laquelle elle eut envie de la voire disparaître en un claquement de doigts. Elle faillit s'étouffer avec sa salive, leva un bras tremblant pour poser ses doigts dans la chevelure de Mattheson, comme elle le faisait avec son époux lorsqu'ils étaient en société ; l'image d'un couple uni, aux manies jugées mignonnes. Elle plongea ses doigts dans la chevelure argentée pour en caresser quelques mèches en répondant à sa tante : « C'est si gentil de t'en préoccuper, tante Trudy, mais nous sommes plus heureux que jamais. » Elle pencha légèrement la tête pour la poser sur celle de son guitariste dans une posture très peu naturel ; elle faisait comme elle pouvait, essayant d'être affective sans trop en faire. Elle ne pouvait quand même pas l'embrasser ou s'asseoir sur ses genoux. Elle murmura pour qu'il soit le seul à entendre : « Il va falloir la jouer fine, elle peut continuer pendant des heures, sans rire. » Elle sourit de nouveau à sa tante, ouvrit la bouche en redressant la tête pour lui dire qu'ils avaient beaucoup à faire et devaient répéter, avec toutes les politesses d'usage et blah blah blah, quand elle reprit la parole.

« Vous allez donc pouvoir mettre la machine à bébé en route, c'est que l'horloge tourne, ma belle Susan. Et regarde les beaux enfants que pourrait t'offrir ce grand gaillard. »

Le visage de la juge devint rouge, un air signifiant : je veux mourir. Elle pria pour qu'il prenne la parole, qu'il les sorte de là avant que le souffle de la jeune femme ne se coupe pour de bon et qu'elle ne s'écroule sur la scène. Elle n'entendit pas s'il prit la parole ou non, ses oreilles bourdonnant à cause de son rythme cardiaque. Elle finit par ouvrir, de nouveau, des lèvres tremblantes pour la congédier. « Malheureusement nous avons beaucoup à faire et le temps presse, on pourra en discuter tout à l'heure, va profiter du buffet. » Elle n'attendit pas que la vieille dame ne reprenne sa route pour se retourner d'un air dépité. Elle prit une grande inspiration, et jeta un regard à l'avocat qui voulait dire : ne rigole pas. Et finalement, alors qu'elle lui en aurait certainement voulu de se moquer, ses épaules s'affaissèrent et elle commença à rire doucement en levant sa main pour couvrir sa bouche de manière distinguée. Elle baissa ensuite la main en continuant de rire, et la posa sur son front en souflant doucement. « Je suis ... désolée, pour tout ça. Merci d'avoir joué le jeu. Si elle revient à la charge dans la soirée, on trouvera un subterfuge, pas d'inquiétude. » Elle était gênée, ne savait pas où se mettre ou comment cacher ses joues devenues rouges peu à peu pendant leur conversation. Elle finit par lever les yeux au ciel et regarda de nouveau son camarade musical en secouant doucement la tête. « Tout est presque prêt, tu pourrais aller chercher Marlon dans une dizaine de minutes ? Je vais monter me préparer. »



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Changer radicalement le sens de la conversation avait été une excellente idée. Habitué qu'il était à n'être jamais à sa place, Don en avait fait sa marque de fabrique. S'était trouvé parfaitement capable de naviguer en eaux troubles, retrouvant, sauf à quelques rares exceptions, toujours son cap. Prétendre être exactement là où il le voulait, même quand ce n'était pas le cas. Le bluff faisait partie de son ADN, dans tout ce que le renard gris faisait, et si les résultats n'étaient pas toujours garantis, force était de constater que dévier la conversation vers la petite scène avait été une réussite. Il avait fallu du temps à Susan pour céder à ce caprice de son invité, mais elle l'avait fait avec une grâce surprenante. Sourire amusé au coin des babines, en la voyant approcher du micro. Sourire amusé, encore, quand les noisettes avaient croisé le regard dubitatif de la belle, alors que la chanson était engagée depuis quelques minutes. Un hochement de tête, pour appuyer cette pensée qu'il avait cru entendre. Oui, ils étaient bons. Putain de bons. Portés par la musique, deux voix parfaitement distinctes mais complémentaires, unies dans un but commun. La voix de Susan jouant sans le moindre effort avec les variations que s'offrait la guitare, les deux artistes unis dans un ballet surprenant compte tenu de leurs circonstances. Devant les yeux du guitariste, c'était une toute autre femme qui s'était dévoilée. Libre, détendue. Passionnée. Une Susan bien différente de celles qu'il avait déjà vues. Pas la Juge Love, drapée dans son orgueil, sa rigidité et toute la froideur qui incombait à sa tâche. Pas la Susan Love, soeur de Marlon, qui brillait par sa beauté, son inaccessibilité, et tout le dédain qu'elle semblait porter sur l'amitié qu'il entretenait avec Don. Qui était-elle, cette artiste au sourire qui poussait si naturellement sur ses jolies lèvres, libre et spontanée une fois qu'elle se trouvait derrière un micro ? Avait-elle un nom, était-elle aussi différente de toutes les autres facettes que Don commençait à découvrir d'elle, petit à petit ? Il en avait eu un aperçu, au cours de leur étreinte. Celui d'une femme qui n'avait pas peur de prendre ce qu'elle voulait quand elle le désirait, bien plus libérée, farouche une fois que les lumières n'étaient pas sur elle. Une toute autre facette, encore, que celle qui se dévoilait à présent sous ses yeux. Don était capable de le reconnaître, de savoir ce que c'était, d'une certaine manière. L'apanage de ceux qui mènent plusieurs vies, compartimentant chacune d'entre elles avec la peur au ventre qu'elles finissent par déborder les unes sur les autres. Il lui avait dit lui-même, certains secrets étaient faits pour être préservés. Et cette Susan qui ne faisait qu'une avec la musique, sa voix de miel jouant si naturellement avec chaque note que les doigts du guitariste tirait de ses cordes, qui était-elle ? Il ne l'avouerait probablement pas, à personne. Mais l'espace de quelques minutes, le renard gris s'était volontiers laissé amadouer. Le naturel de la belle, ce plaisir manifeste qui étirait ce sourire sur son joli visage, la pureté de sa voix étaient un de ces pièges dans lesquels il était facile de se laisser prendre.

Ce fut une toute autre voix que celle de Susan qui finit par les tirer de leur session musicale. Celle d'un petit bout de femme au visage si ridé qu'il ressemblait à l'écorce d'un vieil arbre, qui les avait approchés sans qu'ils ne la voient. Elle, elle les avait bien vus. Quoi que bien était un grand mot, à en juger par le prénom qu'elle avait décidé de donner au Cyclops. Morgan. Le nom du fameux époux Love. De toutes les années qu'il fréquentait Marlon, Don n'avait jamais rencontré l'homme. Avait entendu parler de la supposée ressemblance qu'ils entretenaient tous les deux. Avait même pu voir des photos de l'individu, procurées par son partenaire, et constaté qu'ils partageaient effectivement certaines qualités. Grands, grisonnants, un faciès taillé au couteau. Pour Mattheson, la ressemblance s'arrêtait à cela, mais il était capable de concéder que de loin, de dos et dans une foule, ils puissent facilement être confondus. Ce qui ne semblait pas être le cas pour la petite vieille qui les avait interrompus, en témoignait la méprise. La tantine n'avait ni les yeux en face des trous, ni sa langue dans sa poche, visiblement. Et jouer le jeu était plus que tentant, pour le renard. A supposer que Susan accepte de prendre la perche qu'il venait de lui tendre, d'un coup d'oeil malicieux.
Et, contre toute attente, Susan l'avait saisie. A pleine main. Avait même surenchéri, s'approchant du guitariste incrédule avec un sourire plein de dents.

Les jeux sont donc faits.

Tout à son rôle, Morgan leva le nez vers sa sculpturale épouse, sa guitare toujours sur les genoux. Susan menait la danse, il ne serait personne pour la contredire. Comme une partition de musique, c'était la voix qui menait l'instrument. Il se contenta donc d'adresser un sourire innocent à la petite vieille à côté d'eux, jaugeant la situation pour mieux s'imprégner des éléments qu'on lui donnait. L'intruse semblait connaître Morgan, mais pas suffisamment pour être capable de faire la différence entre l'époux et un sombre inconnu qui lui ressemblait vaguement. L'avait-elle déjà entendu parler ou valait-il mieux qu'il se taise, pour préserver la supercherie ? Il fronça le nez à la mention du mariage, secoua ses mèches grises pour marquer la négative en guise de réponse. La pique était directe, sembla déstabiliser sa complice. Don ouvrit la bouche pour rétorquer, la referma alors que des doigts se glissaient dans sa chevelure. Un agréable frisson lui dévala le long du dos sous le contact. Il releva le museau vers sa tendre épouse, l'expression tendre d'un mari aimant sur les traits. L'information lâchée par la fameuse Tante Trudy, elle, n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Alors comme ça, le mariage bat de l'aile ? Avec tout ce qu'il savait, et tout ce qu'il supposait, il était certain que tel était déjà le cas depuis un moment. N'importe quel mari aimant n'aurait probablement jamais laissé une femme comme Susan lui filer entre les doigts. Encore moins pour, en supposant que ses informations soient exactes, rejoindre une secte à la réputation aussi sombre que le Foyer Rouge. Le frisson dans son échine passa du plaisir à la glace, sous les caresses de la belle. Il n'en rentra que plus dans son rôle, le sourire du renard s'étirant sur ses babines alors qu'elle se penchait vers lui.

-Tu t'en sors très bien.

Un murmure encourageant, amusé. Libérant une de ses mains de la guitare, il enroula son bras autour de la taille de la belle et l'attira vers lui, profitant qu'elle joue le jeu de la proximité. Un geste tendre de mari aimant, pour parfaire la toile d'illusions qu'elle tissait pour Tata Trudy. L'image du petit couple marié, parfait, beau, et terriblement amoureux. Une représentation un peu trop parfaite, ou pas suffisamment au goût de la tantine, en témoigna sa réflexion suivante. Il sentit Susan se tendre, sous ses doigts. Il était temps qu'il entre en scène à son tour. Morgan pouffa, d'un rire mi-gêné, mi-amusé. S'efforçant d'atténuer un peu son accent Texan -comment ça parle, un Morgan ?-, le Cyclops répondit :

-Allons, Tante Trudy, nous sommes encore jeunes, nous avons encore de longues et belles années devant nous. Même si une belle surprise peut toujours nous arriver, qui sait !

C'était décidé, Morgan n'était donc pas contre l'idée d'avoir un enfant. Vu la personne qu'ils avaient devant eux, l'information serait probablement répétée, déformée et amplifiée. Bon courage, message du renard au fameux Morgan. Il en avait sûrement, des enfants, disséminés dans la nature par le vent. N'en avait jamais vu ni la forme ni la couleur, et ne s'en portait pas plus mal, s'ils existaient vraiment. Mais en ce qui concernait Susan, si l'idée n'était pas dans les papiers, il était certain que Tata Trudy n'aurait aucun mal à lui rafraîchir la mémoire. Il fallait bien qu'il dise quelque chose, après tout. Don resserra ses doigts sur la hanche de la belle alors qu'elle semblait reprendre une certaine forme de contenance. Belle qui finit par congédier leur invitée surprise en quelques mots. Il relâcha sa taille aussitôt que cette dernière ait fini par tourner les talons, l'impression que ses doigts étaient brûlants. Et, pourtant, de la malice plein les yeux. Regard qu'il leva vers le joli minois de la brune, regard qui lut sans aucune difficulté l'injonction silencieuse que les iris marrons lui lançaient. Ca ne l'empêcha certainement pas de ricaner sous sa moustache, au renard.

-Tata Trudy, hein ?

Puis de ricaner plus fort en la voyant perdre toute contenance et céder à un pouffement, puis un véritable éclat de rire. Une hilarité partagée pendant quelques minutes par les deux complices. Surprenante alliance, agréable. Très agréable. Les noisettes encore pétillantes de malice, alors que le renard retrouvait cette facette si agréable de la belle, cette Susan si libre et si fugace qu'il ne voyait que trop rarement. Une Susan qui était aussi intrigante que délicieuse, il devait bien l'admettre. Elle le remercia, il fit mine d'attraper le pan de son chapeau pour le pencher respectueusement dans sa direction, quand bien même il n'avait rien sur la tête.

-Pas la peine de me remercier, l'occasion était trop belle pour la laisser filer.

Ils trouveraient un subterfuge, hein ? Il en était parfaitement sûr, lui aussi. Quitte à endosser une nouvelle fois le costume de Morgan. Un rôle qu'il avait fini par prendre plus d'une fois, et pas seulement devant la chère Tante Trudy. Susan lui avait permis bien des écarts, depuis la dernière soirée qu'ils avaient passée ensemble. Don avait pris la place de Morgan pour bien des choses, dans cette maison, avec sa guitare, avec sa nourriture, avec son alcool. Dans les bras de sa femme. L'impression de n'être pas à sa place qui se concrétisait, et affirmait la simple et inéluctable vérité que c'était exactement où il devait être, Don. Un renard qui avait élu domicile dans le poulailler, et qui était à deux doigts d'en remplacer le coq après l'avoir dévoré. Sourire plein de dents, il finit par tapoter sur les flancs de la guitare avant de se relever. La déposa avec précaution sur le petit tabouret et, tournant sur ses talons pour faire face à la belle, lissa les pans de sa veste noire.

-Je vais même décoller maintenant, histoire de me refaire une beauté aussi. Je t'envoie un message dès que j'ai récupéré notre birthday boy.

L'air de rien, en enroulant de nouveau son bras autour de la taille de la belle. Il se pencha pour déposer un baiser sur sa joue rose, à quelques millimètres à peine de ses lèvres, le même simulacre de tendresse dans les gestes que quelques minutes auparavant devant Tatie Trudy. Son souffle caressant la peau douce, il murmura, un rictus au creux des babines.

-Ne t'inquiète pas pour le subterfuge, ma tendre épouse, il est déjà tout trouvé. On se retrouve d'ici peu pour le deuxième acte.

Sourire crane, l'éternel adolescent certain de jouer avec le feu se retirant immédiatement du danger avant de s'y brûler. Les lèvres encore chaudes du contact, il recula d'un pas, puis deux, les mains en l'air avec l'air le plus innocent du monde. Et pivota sur les talons de ses santiags pour se diriger vers la sortie, son casque et sa moto, en levant la main dans un dernier salut sonore.

-A tout à l'heure, Love !


******

Quelques sms, échangés avec Marlon pendant qu'il s'habillait. Le plus jeune n'avait pas été difficile à convaincre, Don sachant parfaitement comment trouver les mots pour toucher directement son coeur. Il suffisait de passer par son estomac. Les deux hommes avaient pris l'habitude de célébrer leurs meilleures victoires, anniversaires et autres temps forts de leur vie en allant manger en ville. Les occasions étaient nombreuses, les habitudes, elles, étaient prises depuis longtemps. Marlon savait parfaitement que Don ne manquerait pas de l'inviter quelque part pour son anniversaire, et l'invitation n'était pour le moment pas encore tombée. Qu'elle coïncide avec la soirée organisée par Susan était donc le moment parfaitement trouvé. Le Cyclops avait bien insisté sur le dress code, mentant à peine sur le fait qu'ils risqueraient de se faire refouler s'ils n'étaient pas sur leur 31. S'était lui-même apprêté pour l'occasion, au cas où Marlon ait des doutes quant à ses intentions. Qu'il passe le chercher en moto n'était pas une raison pour manquer à leurs obligations.
Mais Marlon avait prouvé qu'il avait bien reçu le message. Ses bras enroulés autour de la taille fine du Cyclops, il n'avait absolument aucune idée d'où ce dernier avait l'intention de l'amener. Cela faisait partie du plaisir, lors de ces invitations spéciales pour célébrer des occasions toutes aussi spéciales. Et voir toute la joie du plus jeune, habillé comme un prince et un sourire jusqu'aux oreilles en apercevant son chauffeur, valait bien une petite entorse à leurs rituels. Les casques connectés entre eux pour pouvoir communiquer, Don ne manqua aucune des multiples questions de son partenaire. Laissa planer le doute en prenant des tours et des détours pour mieux le perdre, avant de s'engager dans la ruelle où se trouvait la demeure de la Juge Love. Un détail qui n'échappa pas à Marlon, encore moins lorsque la moto ralentit pour s'engager dans le chemin privé.

Surprise !

Le casque toujours vissé sur le crâne, alors que Marlon, descendu le premier, avait été aussitôt absorbé par les autres convives. Pas fâché de finir par arriver après la cohue, il profita de la solitude pour trouver un endroit où garer sa moto. Tira son casque pour remettre ses mèches grises en place et allumer une cigarette bienvenue, l'air frais l'aidant à se remettre les idées en place. Il aimait ces instants en suspension, ces brèves minutes de silence avant le grand saut. La demeure bourdonnait déjà de joie et de rires. Cigarette achevée, il était l'heure. Une dernière main dans les mèches grises pour les tirer en arrière et le renard revenait s'immiscer dans le poulailler. Fut accueilli par une toute autre ambiance que celle qu'il avait trouvée quelques temps auparavant. Les préparatifs étaient terminés et la fête battait son plein. Il ne fut pas surpris d'entendre la musique de la deuxième playlist qu'il avait laissée à Susan, celle qui était plus conventionnelle, tapisser le fond des conversations des convives. Il se glissa derrière un petit groupe, déposa son casque, le regard balayant les lieux à la recherche de l'organisatrice de la soirée. Sentit son manquer un battement dans sa poitrine en repérant enfin Susan. Oh.

Susan n'était pas seulement belle, elle était somptueuse. Au point que, s'il n'avait pas su que la soirée était entièrement réservée à Marlon, Don aurait pu se demander si ce n'était pas elle, la raison de cette sauterie. Une réflexion qu'il remisa au fond de ses pensées alors qu'il louvoyait dans sa direction. S'imposa à côté d'elle, mains dans les poches et l'attitude de l'homme parfaitement à sa place, malgré qu'elle ait été en pleine conversation avec de sinistres inconnus. Un sourire charmant, charmeur, et une main qui finit par se faufiler jusqu'au dos de la belle une fois qu'elle eut repéré sa présence. Le compliment ne fut pas difficile à exprimer :

-Susan, tu es divine. Vous permettez que je vous enlève cette vision angélique ? Nous avons prévu une petite surprise supplémentaire pour Marlon, nous devons conspirer encore un peu avant de mettre notre projet à exécution.

Sourire en coin et regard entendu aux autres convives, pour achever de les convaincre. Pas bien difficile, lorsque le champ lexical de la conspiration s'associait si bien au concept de soirée surprise. Ses doigts à peine posés contre le dos de Susan, poliment, il la guida en retrait. En profita pour subtiliser une coupe de champagne sur le plateau d'un serveur qui passait par là, non sans avoir contrôlé que la belle ait déjà un verre entre les mains. C'était le cas. Les doigts qui avaient effleuré la belle retrouvèrent leur place dans la poche de son costume noir. Un sourire en coin, sous la moustache grise.

-Alors, cette surprise ? Je n'ai pas revu Marlon depuis que nous sommes arrivés, mais à vue de nez, tout à l'air parfait.

Il fallait bien le dire. Levant sa coupe en l'honneur de la belle, il en tira une gorgée. Puis se pencha dans sa direction, pour murmurer :

-Quelle est la prochaine étape, maintenant ? Je suis, comme tout à l'heure, à ton service.




difficult-looking legal books stand in a formidable row. They mock me. I tried reading one, and it made my head hurt. When I closed it, it slipped out of my hand. Then my foot hurt too.
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Susan Love
- only sue can judge you -
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Même si une belle surprise peut toujours nous arriver, qui sait !

Elle n'était pas prête de l'oublier, cette phrase. La réflexion n'était pas méchante, et elle n'aurait aucun mal à faire croire que sa tante avait perdu la raison en mentionnant cette maladresse de Morgan, mais la réplique elle-même l'amusa étrangement. Elle en aurait plaisanté, aurait donné une tape sur le torse de son partenaire en jurant de se venger d'un ton taquin, s'il ne s'était pas agi de Mattheson. Elle l'avait presque oublié, durant un court instant, que la présence de l'autre n'était pas supposée être amicale. Elle aurait pu s'en vouloir d'avoir autant apprécié cette proximité, l'aurait probablement fait si la soirée n'avait pas été si importante ; n'avait-elle pas une excuse pour sympathiser avec l'ami de son frère, le soir de son anniversaire ? Il ne s'agissait que de gentillesse envers Marlon, rien de plus. Et peut-être que c'était ça, la raison pour laquelle elle l'avait envoyé chercher Marlon si tôt. Il devait partir, quitter la maison et la laisser se préparer avant que l'instant ne s'éternise. Il devait lâcher cette guitare. Il devait s'éloigner d'elle, et la laisser reprendre ses esprits pour revenir mieux préparée. Elle fut satisfaite de comprendre qu'il comptait partir comme elle le lui avait demandé, pour récupérer son frère. Il ne se douterait de rien en recevant un appel de lui, ils étaient assez proches pour que l'avocat puisse l'inviter un soir pareil pour aller boire quelques verres, ou manger un bout.
Elle était sur le point de tourner les talons, de monter les marches de l'escalier pour rejoindre sa chambre, quand un bras s'enroula autour de sa taille. Elle ne bougea pas, les deux mains contre son torse, ne sachant qu'en faire. Immobile, elle cessa de respirer en l'entendant parler, comme figée sur place. « — Je ... » Il lui fallut quelques secondes pour recommencer à bouger après qu'il ne l'ait lâchée. Elle le regarda s'éloigner en serrant les dents, et ne reprit sa route qu'une fois l'homme hors de sa vue. Elle baissa les bras comme se demandant ce qui venait de se produire. La tête tournée, elle s'aperçut que Tata Trudy la regardait toujours, mais savait pertinemment que ce n'était pas pour cette raison qu'il avait agi ainsi ; l'avait-il seulement remarquée ? Elle se râcla la gorge, afficha un sourire en direction de sa tante, et fit volteface pour rejoindre les escaliers en serrant les poings d'un air courroucé.

Elle parvint à rejoindre sa chambre et s'y enfermer en grommelant quelques paroles incompréhensibles. Les gestes lents, elle s'empara de sa trousse de maquillage, sa robe prévue pour l'occasion et s'engagea vers son dressing afin de s'habiller. La douche prise, robe enfilée et léger maquillage appliqué, elle s'installa de nouveau devant sa coiffeuse pour enfiler ses boucles d'oreilles. De temps à autre, elle jetait un œil à son téléphone au cas où une notification ne lui indique un contretemps. La plupart des invités n'allaient pas tarder à arriver, et elle tenait à être présente pour les recevoir au mieux. Elle se hâta alors, prête à affronter la soirée qui ne serait certainement pas de tout repos. Elle était toujours anxieuse dans l'organisation d'évènements touchants à celui qui comptait tant pour elle. Marlon méritait le meilleur, et elle espérait être en mesure de le lui offrir avec cette soirée guindée qu'elle avait essayé de décontracter au mieux pour coller à son jeune frère.

Elle jeta un rapide regard à sa montre et reprit le chemin de la salle principale en se balançant sur ses talons hauts. Elle savait pour sûr que sa robe ne passerait pas inaperçu, et avait assorti sa tenue du collier de perles qui plaisait tant à Marlon ; c'était sa soirée, après tout. Les convives arrivèrent peu à peu, rassemblant sur une grande table napée de blanc quelques cadeaux. Il ne manquait plus que l'étoile de la soirée, et Susan espérait qu'il arriverait le plus rapidement possible ; elle ne connaissait que trop bien son frère, il était imprévisible et pouvait être difficile à duper s'il avait décidé de n'en faire qu'à sa tête. En cas de problème, elle l'appellerait pour lui ordonner de venir avant qu'elle n'aille le chercher elle-même. Mais elle avait confiance en Mattheson pour cette mission, il saurait le convaincre sans problème – elle l'espérait.
La musique en place, les garçons sur le chemin, la belle put tout de même souffler de soulagement. Ils étaient là. Elle avait enlacé Marlon à la seconde où il était entré chez elle, l'avait gardé contre elle de longues secondes avec l'idée de ne plus jamais le relâcher. Les deux bras autour de lui, menton sur son épaule, elle se surprit à chercher quelque chose derrière lui – ou plutôt, quelqu'un. Elle finit par le laisser partir profiter de la fête, et passa de groupe en groupe pour ne laisser personne de côté. Elle prenait son rôle d'hôtesse très au sérieux, et tenait à ce que tout soit absolument parfait. L'attention s'arrêtant près d'un rassemblement en particulier, elle poursuivit la conversation naturellement, les doigts serrés autour de sa coupe de champagne. Elle ne réagit pas en voyant une présence s'imposer à côté d'elle, et ne tourna la tête qu'après quelques longues secondes, un sourire éblouissant aux lèvres. Elle ne dit rien et porta sa coupe à ses lèvres pour en boire une gorgée alors que la main dans son dos lui arracha un frisson. Il avait raison, ils avaient une surprise à orchestrer, et ils pouvaient s'y atteler maintenant que Marlon était là.

Il avait l'air de s'amuser, de ne pas voir la lueur qui brillait dans les yeux de la belle qui s'était sentie piquée par le baiser reçu un moment en arrière. Elle n'était peut-être pas tellement en colère qu'il l'ait fait, elle le connaissait à force ; mais elle détestait sa propre réaction et tenait à le tenir pour responsable. Elle aurait croisé les bras contre sa poitrine si elle n'avait pas tenu un verre, et aurait pu le lorgner pendant des heures avant qu'il ne reprenne la parole de lui-même. Elle n'aurait rien eu à lui dire, seulement à le regarder et attendre qu'il cesse de jouer. Le regard qu'elle lui jetait n'avait plus rien d'amical, et elle eut peur de se remettre à rougir en repensant à la raison de sa colère. Elle reprit alors elle-même la parole sans accorder d'importance à ce qu'il avait dit, se contentant d'un : « — Tu aimes me ... me mettre hors de moi. » Elle voyait bien le sourire prendre vie sur ses lèvres lorsqu'il parvenait à la destabiliser, la faire rougir, ou ne serait-ce que la faire réagir de manière démesurée ; comme elle le faisait quand elle s'en voulait à elle-même de tomber dans le piège, comme actuellement. Elle serra les dents, en pointant un index accusateur contre le torse de l'avocat, parlant assez bas pour ne pas être entendue. Elle ne voulait pas ruiner la fête. « — Eh bien pour ta gouverne, ça n'a pas fonctionné, ce coup-ci. Il va falloir grandir, Mattheson. » Elle ressemblait à une petite fille capricieuse, mais elle s'en moquait, elle tenait à lui faire part de son agacement avant qu'ils ne montent sur la scène improvisée pour la surprise de Marlon. Elle tenait à régler ça, pour ne pas y penser ensuite, ne pas avoir la tête ailleurs en chantant pour son frère. Mais l'esprit immature de cette guerre sans fin qu'ils s'usaient à maintenir depuis des années eut raison d'elle. Elle plissa les lèvres. « — Tu penses être le seul à pouvoir jouer à ça ? » Elle profita d'être dans un coin assez reculé pour comploter, là où très peu de passage se faisait pour mettre ses deux mains à plat contre sa chemise – après avoir rapidement posé sa coupe sur un meuble près d'eux – et le pousser en arrière sans ménagement pour l'éloigner encore plus ; qu'ils soient seuls. Le rejoignant, elle ne réfléchit pas en l'attrapant par le col et le tirant vers elle pour serrer ses lèvres contre les siennes avec fougue. Les doigts d'une main continuèrent de serrer le tissu pendant que les autres commencèrent à en faire de même dans ses cheveux pendant qu'elle jouait de sa langue contre la sienne. Elle finit par le relâcher, attrapa la coupe qu'elle avait laissée sur le meuble et la vida d'une seule longue gorgée. Elle prit ensuite celle se trouvant entre les doigts de l'avocat et la vida de la même manière avant de reposer le récipient vide sur le même meuble. « — Viens prendre la guitare avant que je ne change d'avis. »



BABY YOU'RE MY FLAME
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Don Mattheson
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Le regard que lui lançait la belle, alors qu'il venait d'habilement la subtiliser au reste de la foule, en disait long sur son état d'esprit. Un regard assassin, qui l'aurait foudroyé sur place s'il en était capable. Le même qui réveillait toujours un sourire crâne sur le visage du renard. Il ne l'avouerait à personne, pas même à lui-même, mais il y avait quelque chose d'exaltant dans ce regard. Un appel à poursuivre ses âneries, à la pousser encore plus dans ses retranchements. Par enfantillage, par goût du danger. Les affiliations de Susan avaient beau être des rumeurs, le Cyclops avait décidé de les estimer pour réelles. Et s'il avait suffisamment d'estime pour Marlon pour ne pas jouer à ce point avec le feu, Don n'était pas le genre d'homme à ne pas souhaiter se brûler une fois de temps en temps. Susan inspirait cette aura de danger, incarnait cette élégance froide qui faisait que peu osaient en approcher. La Juge Love était l'incarnation même de la Justice, implacable, inatteignable, terrifiante pour autrui. Mais pas pour lui. Pas alors qu'il avait décidé de jouer au jeu dangereux d'attirer son attention, par tous les moyens possibles, depuis la première fois qu'il l'avait aperçue entre deux couloirs. Que son associé en soit le frère n'avait rendu le jeu que plus attrayant pour lui. Parce qu'il se connaissait, l'avocat. Attiré par les flammes comme un papillon par une ampoule, un défaut qu'il n'avait fait qu'embrasser depuis qu'il était jeune. Tirer sur les couettes de Susan pour obtenir une seconde de son attention pouvait être pour beaucoup la même chose que tendre son bras dans un enclos plein de tigres. Mais pour un regard aussi intense, qui n'était destiné qu'à lui et qui ne voyait que lui, Don estimait que le jeu en valait la chandelle.

Parce qu'elle était sublime quand elle était furieuse, Susan Love. Tellement drapée dans son orgueil qu'il lui serrait la gorge. Le courroux empêchait les mots de sortir aussi proprement que d'habitude, révélant cette facette bien plus humaine qu'elle ne dévoilait que rarement. Envolée, la demoiselle de la haute, envolé, le verbiage pompeux. Son visage devenait bien plus expressif que jamais et les mots vrais s'imposaient enfin entre ses jolies lèvres. S'exprimaient difficilement sous les noisettes du renard, ses oreilles aux aguets de la colère froide qui les rendait si difficiles à dire. Le sourire crâne de l'aîné n'en put que s'élargir, ravi qu'il était d'avoir atteint son but.

-Qu'est-ce qui t'a mis la puce à l'oreille, Susie ?

C'était plus fort que lui, quand Susan était dans les parages. Pousser encore plus sur tous ses boutons, juste pour le plaisir de la voir réagir. Le baiser quelques temps plus tôt avait eu bien plus que l'effet escompté, il le réalisait à présent. Aurait dû jouer de diplomatie et s'arrêter là, mais Don n'était pas de ce genre là. Eternel intrus, jamais à sa place. C'était dans l'inconfort qu'il se sentait le mieux. Susan reprit la parole, ignorant visiblement sa réflexion. Un index accusateur s'enfonça dans la chemise blanche de l'avocat. Son sourire s'élargit.
Ca n'a pas marché, hein ? Susan Love était bien des choses, mais elle n'était pas aussi bonne menteuse qu'elle pouvait le croire. Levant sa coupe à ses lèvres pour siroter une gorgée de champagne et noyer son sourire, il se contenta de hausser un sourcil incrédule. Toute aussi digne qu'elle ait souhaité l'être, il n'était pas certain qu'elle soit moins en tort que lui. Il fallait être deux pour jouer à ce genre de parties. Don prit pourtant le parti de ne rien rétorquer, pour le bien de la surprise. Après tout, il aurait bien le temps de le souligner plus tard. En particulier maintenant qu'il était Morgan aux yeux de la Tante Trudy.

Tu penses être le seul à pouvoir jouer à ça ? Comme si elle venait de lire ses pensées. La coupe de champagne toujours en main, l'envie de rétorquer du tac au tac qu'ils étaient aussi fautifs l'un que l'autre. Une réplique aussi immature que le reste de leurs échanges qui ne sortit pourtant pas assez vite. Deux mains fermes se plaquèrent sur son torse, le poussant à reculer vers un coin retiré de la pièce où ils se trouvaient. Haussement de sourcil interrogateur, et aucune réponse à sa question dans le regard implacable de la belle. Le corps en autopilote maintenant que son équilibre était compromis, il se laissa guider par la poigne de la demoiselle, concentré sur sa coupe de champagne pour ne pas risquer de la faire tomber. Sentit des doigts agripper son col et le tirer en avant. Une demi-seconde de trop, alors qu'il essayait de comprendre ce qu'il se passait. Les lèvres qui s'écrasèrent contre les siennes prouvèrent que non, il n'était pas en train d'imaginer des choses. Le baiser était hargneux, passionné, dénué de tendresse. Une de ces flammes contre lesquelles il était terriblement facile de se laisser brûler. A laquelle Don laissa volontiers son cuir, le corps répondant à son appel avant que la raison ait le temps de s'y opposer. Le souvenir de leur nuit d'ivresse revint s'imposer sous ses paupières closes. Il n'avait rien fait pour le chasser, réalisa pourtant à quel point les lèvres de Susan avaient pu lui manquer. Lui manquèrent de nouveau, maintenant qu'elles lui étaient arrachées aussi vite qu'elles s'étaient imposées.
Le coeur battant brutalement contre sa cage thoracique et tous les sens aux abois. Comme la dernière fois. Il y serait revenu, il y serait resté, si Susan n'avait pas filé. Mettre leur passion passée sur le compte de l'alcool avait suffi pour se faire une raison, mais la raison n'y était pour rien ni dans ce qu'il venait de se produire, ni dans la manière dont son propre corps avait réagi. En dépit des hurlements de son instinct. En témoigna le regard incrédule qu'il porta sur sa comparse. Les lèvres encore brûlantes et la gorge terriblement sèche, il aurait sifflé sa coupe de champagne pour remettre de l'ordre dans ses idées si Susan n'était pas déjà en train de le faire pour lui. Bien plus rapide que lui pour reprendre contenance, elle enchaîna immédiatement sur la guitare.
Et lui de crever d'envie de lui dire que ce qu'elle venait de faire était tout sauf fair-play.

Froissé, le renard. D'avoir été pris à son propre jeu, parce qu'après ce qu'il avait fait, ce n'était que de bonne guerre. D'avoir réagi aussi vite, la passion prenant aussi aisément le pas sur la raison. Il opina du chef, mâchoires serrées. Emboita le pas de la juge sans rien dire, l'égo bien trop piqué pour répliquer quoi que ce soit. Elle avait redistribué toutes les règles de leur jeu mais il était un mauvais perdant notoire ; il trouverait bien un moyen de lui faire payer d'avoir utilisé la seule tactique contre laquelle il avait du mal à lutter. Ses doigts subtilisèrent une coupe de champagne d'un plateau, à la volée. Il engloutit son contenu d'une traite avant de la reposer à sa place d'origine. Une main dans les mèches grises, pour leur redonner  et se redonner - contenance. Enfila son plus beau sourire en rejoignant la petite scène, coula un bras autour des épaules de la belle pour glisser au creux de son oreille :

-Tu perds rien pour attendre, Love.

Il lui accorderait la victoire, pour cette bataille. Mais la guerre était très loin d'être finie. Comme ils l'avaient tacitement décidé, il lui laissa tout le plaisir d'être sous la lumière pour introduire leur surprise musicale. Tira un des micros sur pied jusqu'au tabouret et se coula de nouveau à la place de Morgan, derrière la guitare de l'absent, le regard rivé sur la silhouette sculpturale de l'épouse. Se surprit de remarquer à quel point la robe qu'elle portait complimentait si parfaitement ses formes, maintenant que la lumière des projecteurs s'y reflétait. Balaya l'observation d'un mouvement de tête avant de se mettre à jouer, le feu vert enfin donné.

Plonger dans la musique, retrouver cette étrange complicité qu'ils avaient eue au cours de la répétition. Chaque musicien complimentant l'autre, voix et guitare jouant l'un de l'autre comme s'ils faisaient ça depuis toujours. Une alliance parfaite, qui aurait pu le rester si Don n'avait pas une petite idée derrière la tête. Il s'était promis de jouer dans les règles, pour la surprise. De laisser à Susan toute la place qu'elle souhaitait sous le feu des projecteurs, parce que c'était de Marlon qu'il s'agissait. Leur prestation eut l'air de faire des émules, en témoignèrent tous les applaudissements des convives rassemblés autour de la petite scène. Mais, la chanson une fois finie, Don ne se leva pas de son siège pour autant. Attrapa le micro qu'il avait disposé devant lui, un sourire qui ne disait rien de bon plaqué sur le visage.

-La prochaine chanson est très chère au cœur de tous, mais plus particulièrement à celui de Marlon et de Susan.

Susan, qu'il ne manqua pas de fixer en citant le prénom, une étincelle sournoise au fond des prunelles. Celle qui annonçait que la trêve était finie. Les doigts du musicien s'activèrent de nouveau sur les cordes, jouèrent les premières notes d'un air que tout le monde avait entendu des millions de fois. Le texan se pencha vers son micro. Maintenant qu'il avait tenu sa promesse, plus rien ne l'empêchait de chanter. Hey Jude s'imposa le plus naturellement du monde sur la scène. Un clin d'oeil à Marlon, un défi pour Susan. Don n'avait plus décidé de jouer selon les règles de Susan, s'approchant du terrain très sensible de l'enfance des Love. Car Marlon lui avait dit plus d'une fois à quel point cette chanson était parmi ses préférées. Une chanson à laquelle il était tout particulièrement attaché tant sa sœur avait pu la lui faire écouter pour s'endormir, quand ils étaient jeunes, dans cette vie qu'ils avaient passée de l'autre côté de l'Atlantique. Attaquer Susan en se servant de ses souvenirs n'était pas le geste le gracieux que le renard ait pu faire. Mais elle avait annoncé la couleur avec son baiser : les frontières étaient faites pour être franchies.
Et l'expression émerveillée de Marlon, replongé dans les souvenirs de son enfance, valait bien un petit écart à ce qui était initialement prévu. Il jeta un regard à la chanteuse, une invitation silencieuse à se joindre à lui malgré l'affront. Certes, c'était traitre. Certes, il venait de décider arbitrairement de lui faire perdre pied. Certes, il l'attaquait directement sur le terrain des sentiments. Mais n'était-ce finalement pas le jeu auquel ils jouaient depuis des années ?

Son sourire s'élargit lorsqu'elle finit par répondre à l'invitation, sa voix venant finalement s'enrouler à celle du Texan. D'autres l'avaient déjà rejointe, mais ce n'était pas celles-là qu'il attendait. Haussement de sourcil goguenard, l'air de dire "tu récoltes ce que tu as semé". L'élégance de s'effacer pour lui laisser toute la place de briller, maintenant qu'il avait marqué le coup. Marlon était bien trop ravi pour que leurs enfantillages risquent de ruiner ce si beau sourire qui était né sur ses traits. La chanson fila comme si elle avait été répétée depuis des heures, s'acheva sur le duo de chanteurs et des applaudissements fournis. Prouvant qu'il n'irait pas plus loin, Don finit par se redresser de sa chaise et y déposa soigneusement la guitare. Salua le public, Marlon d'un clin d'oeil. Tendant une main à Susan en gage de paix, il se proposa de l'aider à descendre de la petite scène. En profita pour se pencher vers elle, glissant un :

-Remise de la balle au centre ?


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Susan Love
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Le cœur de la jeune femme continuait de tambouriner dans sa poitrine alors qu'elle montait sur la petite scène improvisée. Le baiser qu'elle venait d'échanger avec l'ennemi avait coloré ses joues de pourpre, de honte, et d'une chose bien différente qu'elle avait du mal à discerner. Malgré les sentiments divers, et contraires, qui se bousculaient en elle, il lui fallait reprendre ses esprits avant d'élever la voix vers le public. Elle ne devait pas trembler, ne rien divulguer de ce qui s'était produit avant d'arriver face à eux. Le seul détail qui la rassurait, du moins qui lui procurait bien plus de bonheur qu'il ne le devrait, était ce sourire qui avait enfin disparu des lèvres de Mattheson. Elle avait gagné, était parvenue à le lui faire ravaler – tant pis si c'était de courte durée, pourvu qu'elle n'ait pas à le regretter. Elle ferma les yeux un instant à côté de son micro, et souffla doucement pour se relaxer ; prête à redonner de sa voix, et ne laisser aucune émotion en réchapper, aucune qui n'avait pas lieu d'être. Elle accorda un sourire radieux en direction de son frère, et lui envoya un baiser signifiant : cette chanson est pour toi. Elle jeta un regard derrière elle pour donner le feu vert à son guitariste, et reprit son chant avec plus d'assurance encore qu'au moment des répétitions.
Elle ressentait le même plaisir, la même extase que quelques heures en arrière. Les vibrations des cordes et celles de sa voix s'alliaient toujours à la perfection, et Susan pouvait presque oublier qui était derrière la guitare pourvu que la musique ne s'arrête jamais. La surprise était réussie, elle le voyait sur les traits de Marlon, elle-même si heureuse de constater à quel point il était radieux. Ils avaient bien fait de s'allier pour un cadeau pareil, et la juge savait qu'en donnant une impression d'entente avec l'autre avocat, son frère ne pouvait qu'être ravi. La chanson ne fut pas assez longue à son goût, Susan souhaitant laisser ce bonheur bien plus longtemps sur le visage de son frère. Elle réfléchirait peut-être à un autre titre à proposer à son coéquipier une fois la mélodie terminée, peut-être une autre de ces chansons que tout le monde connaissait, et qui irait avec la voix de la chanteuse.

Lorsque la musique s'arrêta, elle sourit en acceptant les applaudissements, et se tourna vers Don en commençant à réfléchir à la suite ; ce en quoi elle n'eut nul besoin. Le sourire affiché sur ses lèvres annonçait la couleur, et la juge comprit qu'elle allait regretter son geste. Il se reflétait une fierté indescriptible dans ses yeux, une lueur qui prouvait qu'il avait une idée en tête – et qu'elle ne lui plairait pas. Elle ne bougea pas, attendant que l'instant passe ; possiblement sans encombre.

La prochaine chanson est très chère au cœur de tous, mais plus particulièrement à celui de Marlon et de Susan.

Elle arqua un sourcil, son micro tremblant entre ses doigts d'appréhension. Elle essaya de ne pas paraître trop perdue, comme si elle savait ce qui allait suivre, afin de ne pas se sentir de trop sur la petite scène. Les première snotes suffirent à faire perdre pied à la belle, qui aurait eut besoin d'un siège pour ne pas chanceler. Son regard s'égara dans la foule pour retrouver celui de Marlon, et elle sentit une boule se former dans sa gorge. La musique ne lui rappelait pas seulement combien elle avait pu aimer son frère, de leur enfance à ce jour précis, avec acharnement, mais également à quel point elle ne se sentait plus capable d'assumer cet amour-là. Elle n'était plus aussi disponible qu'avant, n'avait plus autant de temps à accorder, et elle était souvent trop épuisée pour lui réserver ces petites surprises qu'elle faisait dans leur vie de jeunes adultes. Elle s'en voulait parfois, en y pensant, bien que Marlon semble bien s'en accomoder. Elle avaut épousé un homme qu'il n'aimait pas beaucoup, et s'était éloignée sans le vouloir. L'impression de ne plus être une sœur aussi exceptionnelle qu'avant, quand elle jouait cette musique au petit garçon pour qu'il s'endorme. Une musique qui leur était si chère, qui les liait d'une manière unique.
Elle prit une grande inspiration, essaya de ravaler ses angoisses et se mit enfin à chanter. Elle ne s'était pas attendu à ce que la voix de Mattheson soit si envoûtante. Il chantait bien, l'enfoiré. Elle le suivit, termina la chanson avec lui, posant parfois ses yeux sur Marlon pour lui montrer qu'elle ne chantait que pour lui ; tout l'amour du monde dans son expression. Lorsqu'ils terminèrent, Susan remercia la foule en faisant une courbette très théâtrale, riant, et accepta a main tendue de l'avocat uniquement pour ne pas faire de scène. Elle sentait que ses doigts n'étaient pas sûrs entre les siens, et détestait cela. Elle avait peur de montrer à quel point il avait réussi son coup.

Elle attendit alors d'avoir quitté la scène pour relâcher cette main, les joues rouges de colère en l'entendant la narguer une nouvelle fois. Elle plaça ses deux mains devant elle et poussa contre son torse pour le faire reculer de quelques pas ; hors d'elle. Le regard qu'elle lui lança aurait fait trembler les ténèbres, avant qu'elle ne lui tourne le dos pour rejoindre Marlon en tendant les bras vers lui. Les deux bras autour de son frère, elle l'enlaça en plaçant sa tête contre son épaule. Elle le serra fort contre elle, murmurant un : je t'aime grand frère, à son oreille. Elle déposa un baiser sur son front en fermant les yeux, et lui redit quelques mots doux sans penser à celui qu'elle avait laissé derrière elle, détestant l'idée qu'il devait jubiler.

Elle dit à son frère de bien profiter du reste de sa soirée et prit la direction de la porte vitrée qu'elle tira pour sentir l'air frais caresser sa peau. L'effervescence était agréable, prouvant qu'elle avait réussi son coup, mais elle avait besoin d'un peu de calme. Elle referma derrière elle et s'appuya contre le mur près du salon de jardin en tirant une cigarette du petit sac pendu à son épaule. Elle tira une longue fois dessus et ferma les yeux en laissant ses nerfs se dénouer doucement. La boule dans sa gorge commençait à se dissiper et elle put enfin respirer de nouveau ; ce qui comptait était Marlon, et il avait adoré la chanson. Elle s'apperçu alors qu'elle avait peut-être réagi de manière excessive face à ce qui devait être une surprise heureuse. Elle baissa les yeux sur ses chaussures, ces talons hauts sur lesquels elle était si à l'aise, à force d'y être perchée, mais qu'elle avait hâte de retirer. Elle retira la bâton fumant d'entre ses lèvres en entendant la porte vitrée s'ouvrir et se refermer ; elle n'eut, étrangement, pas besoin de regarder pour savoir qui venait la rejoindre. Elle lui jeta un regard et lui proposa une cigarette en plissant les lèvres. « — Je suis désolée pour ma réaction, j'ai un peu ... » Elle ne termina pas sa phrase, déjà dégoûtée de présenter des excuses à Mattheson. Elle resta silencieuse quelques secondes avant de reprendre un peu plus fort. « — Tu sais, quand on était petits, Marlon adorait faire de la balançoire sans les mains. Il lâchait les cordes et laissait l'élan le porter ... » Elle sourit en repensant à son frère riant en essayant de rester en équilibre. « ... J'avais peur qu'il tombe, alors je faisais exprès de monter sur la balançoire avec lui, parce que je savais qu'il ferait plus attention s'il savait que je pouvais me blesser. C'était un peu notre façon de prendre soin l'un de l'autre. » Elle déglutit en retrouvant un sourire plus grand, l'amour pour son frère surpassant la colère qu'elle avait ressentie à l'encontre de celui qui se tenait près d'elle. Elle cracha un peu de fumée puis tourna la tête vers lui pour le regarder pour la première fois depuis qu'ils étaient à l'extérieur. « — Et aujourd'hui ... j'ai l'impression qu'il a lâché les cordes de la balançoire, mais que je suis trop occupée pour grimper avec lui. »

Elle poussa un profond soupir en levant les yeux au ciel, se demandant pourquoi elle se confiait ainsi à cet homme qu'elle était supposée détester au plus haut point, et dont elle devait se méfier comme la peste. Ils s'étaient bien entendus toute la soirée, et Susan en avait apprécié une bonne partie – bien qu'elle ne l'avouerait pas – mais ce la ne changeait pas qui il était. Elle releva la tête, gonfla la poitrine et reprit. « — Tout ça pour dire que ... je suis heureuse que tu sois là pour veiller sur lui quand j'en suis incapable. Promets-moi de toujours le faire. » Il ne lui devait rien, mais c'était seulement un moyen de se rassurer elle-même. Elle avait détestait les émotions ressenties sur scène, cette culpabilité de ne plus pouvoir accorder tout son temps à sa famille, et avoir la parole de Don lui retirerait une partie de cette honte. Elle savait combien Marlon tenait à son meilleur ami, et rien que pour cette raison, elle se devait de mettre de l'eau dans son vin. Elle relâcha légèrement les épaules après avoir écrasé la fin de sa cigarette dans un cendrier sur la petite table à côté, puis se tourna de nouveau vers l'avocat pour lui donner une tape derrière la tête, le visage redevenu sérieux. « — C'était très gentil pour Marlon, mais t'aurais quand même dû me prévenir avant ! » Fidèle à elle-même.



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Don Mattheson
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Il savait qu'il faisait une connerie. N'avait pas arrêté pour autant, s'était enfoncé dans l'erreur comme l'aurait fait l'ado revanchard qu'il était devenu. Faire perdre pied à la belle était une chose. Mais l'expression douloureuse qui s'était inscrite sur ses traits pendant une fraction de seconde, juste suffisamment pour passer outre la carapace d'ego et de suffisance qui enrobait habituellement la juge, il ne l'avait pas manquée. Tout ce qu'il avait voulu avait été lui faire ravaler sa fierté, en décidant de passer outre tous les plans de la belle. Il savait qu'il allait viser juste, le renard. Avait le nez pour ce genre de choses, toujours à renifler les terriers les plus crasseux pour se lover dedans. Mais le but n'avait été que de la faire un peu chanceler, pas de l'ébranler comme il l'avait fait. Remise de la balle au centre ? Une proposition comme une autre, pour une trêve qu'il pressentait de plus en plus nécessaire. L'impression d'être allé trop loin n'était arrivé qu'après coup, qu'après avoir vu les dégâts, que maintenant qu'il était sûr d'avoir un peu trop réussi son coup. Et celui qu'elle lui donna en guise de réponse, de coup, était plus que justifié. On récolte ce que l'on sème. Il l'avait dit lui-même, et toute aussi splendide que soit Susan quand son regard tournait à l'encre, Don savait qu'il méritait parfaitement ce qu'il venait de récolter. Observa la silhouette de la juge s'éloigner, maintenant seul avec ses sentiments contraires. De la fierté à lui gonfler la poitrine, d'avoir réussi à faire plaisir à Marlon. L'ombre de la culpabilité dans chaque inspiration alors qu'il savait que la raison principale, outre de faire une surprise supplémentaire à son ami, était de déstabiliser la soeur dudit ami.

T'es vraiment qu'un connard. Combien de fois l'avait-il entendu, par combien de bouches charmantes ? Il ne les comptait plus. En avait quelques séquelles sur le cuir, ce Jenna barré qui était encré dans sa peau, cette vieille cicatrice de coup de feu quelque part sur son abdomen. Pouvait les entendre, toutes ces belles insultes par toutes ces belles femmes, aussi clairement que si Susan la lui avait hurlée dans les oreilles. T'es vraiment qu'un connard, Donald Mattheson. Généralement accueillie par un rictus sardonique et un haussement d'épaules, alors pourquoi cette fois-ci était différente des autres ? Parce qu'en réalité, qu'il veuille se l'accorder ou non, chacune de ces fois avait blessé à sa manière. Et si Don avait tenté de s'en défendre, les quelques premières, il avait fini par accepter sa condition à force de s'entendre dire ce qu'il était par des personnes plus clairvoyantes que lui. Mais cette fois-ci, contrairement aux autres, il savait que c'était plus que mérité. Ils étaient allés trop loin, non, il était allé trop loin. Botter en touche aurait été la meilleure manière de réagir, mais il avait vu rouge. Et comme à chaque fois qu'il n'écoutait ni l'instinct ni la prudence, son impulsivité le brûlait. Les années n'avaient pas suffi à le calmer sur cet aspect-là. Cette fois-ci le prouvait encore.

Il finit par détacher ses noisettes du dos de Susan, hocha brièvement la tête avec un léger sourire quand il croisa le regard de Marlon par dessus l'épaule de la belle. Articula un happy birthday, partner silencieux à son adresse avant de tourner les talons pour se diriger vers le buffet. Avait-il encore sa place parmi tous ces inconnus en beaux costumes, en belles robes, il n'en savait trop rien. Susan venait de lui faire bien comprendre que non. Evolua entre les convives à la recherche d'une coupe de champagne sans propriétaire, adressa quelques sourires faux à ceux qui venaient exprimer leur satisfaction quant à leur petit spectacle. Des merci, des c'est très aimable, des c'était Susan, le clou du spectacle, je n'ai fait que l'accompagner. Une modestie qui n'était pas fausse, encore moins sur ce dernier point, tant il le pensait réellement. Et qu'importait qu'on l'appelle parfois Morgan, ou qu'on ne sache pas quel était son nom. Jamais réellement à sa place était un art de vivre qu'il pratiquait depuis la prime jeunesse. Mais, pour une raison qu'il n'arrivait pas à s'expliquer, cette fois-là lui parut particulièrement inconfortable. A cause de cette culpabilité qui grimpait, peut-être. Leva les yeux par-dessus la foule pour guetter la raison de cette culpabilité, malgré qu'une paire de femmes particulièrement jolies ait décidé de jeter son dévolu sur l'avocat. Remarqua la robe si caractéristique de Susan s'engouffrer par l'une des portes menant au jardin. Confus de la voir s'échapper de sa propre soirée, il tendit sa carte distraitement aux deux femmes et finit par s'échapper de leur emprise. Il avait une conversation plus importante à tenir.

Il ne faisait pas aussi attention, d'ordinaire. Au bruit qu'il pouvait faire, à la manière qu'il avait de se déplacer. A refermer aussi précautionneusement la porte-vitrée derrière lui, à approcher avec autant de déférence comme il le faisait avec Susan à présent. L'odeur de la fumée de la cigarette le surprit, mais il n'en dit rien. S'approcha de la balustrade en silence et s'y accouda, s'imposant sans un mot dans l'espace de la belle. Toujours l'impression de ne pas être à sa place et que, cette fois-ci, c'était plus qu'avéré, vissée aux entrailles. Un paquet de cigarettes se matérialisa dans sa vision périphérique, il se tourna pour en attraper une. Tira son vieux zippo usé de sa poche et l'alluma sans mot, laissant à Susan l'espace et le temps dont elle semblait avoir besoin pour lancer la conversation. Parce qu'après ce regard, après cette manière dont elle l'avait poussé, la belle avait des choses à dire. T'es qu'un connard, Donald Mattheson. Elles allaient encore tomber, ces paroles qu'il connaissait par coeur. Elles allaient encore faire mal, mais il avait fini par s'y faire. Etait prêt à tendre le bâton pour se faire battre, parce que même lui estimait que cette fois-ci, il le méritait bel et bien.

Je suis désolée pour ma réaction, j'ai un peu... Don arqua un sourcil, surpris d'entendre ces mots sortir de la bouche charmante de sa voisine de balustrade. D'aussi loin qu'ils se connaissaient, que ce soit au tribunal ou en dehors, il n'avait jamais entendu Susan dire ce genre de choses à qui que ce soit d'autre que Marlon. N'en dit rien de plus, tirant sur la cigarette en silence, les yeux perdus sur le jardin en contrebas. La certitude que s'il ne la regardait pas, elle se sentirait plus à l'aise pour poursuivre. Ce qu'elle fit. La voix de Susan s'éleva par-dessus le brouhaha étouffé, derrière eux. Valsa avec la brise d'Exeter, narrant un souvenir dont le Cyclops n'avait aucune idée. Il en écouta chaque mot attentivement, l'imagination suffisamment vagabonde pour voir clairement la scène. Les deux enfants jouant ensemble, chacun avec ses préoccupations, mais tous les deux se souciant l'un de l'autre. Et, quand il se tourna enfin vers elle, ce fut pour voir cette même ombre devant les yeux clairs que celle qu'il avait aperçue sur la scène. Une fraction de seconde où la belle avait un pied dans ses souvenirs, et l'autre dans un univers qui n'appartenait qu'à elle ; qui avait échappé à l'avocat jusque là. Elle révélait en une seule soirée bien plus que ce qu'ils avaient pu se dire pendant des années. Et Don était à des lieues de se doutait qu'une telle culpabilité pouvait se cacher derrière le regard implacable de la juge Love.
Une telle humanité.

Il le soutint, ce regard qui était un peu moins droit, un peu moins sûr que d'ordinaire. Hocha légèrement la tête pour montrer qu'il comprenait parfaitement ce qu'elle venait de dire, pour avoir souvent eu la sensation lui-même. Avec Marlon. Avec tant d'autres. Don tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette, pensif. L'ombre d'un sourire désabusé creusa ses babines, sous sa moustache grise, à l'allusion de ce que lui faisait pour Marlon. Parce qu'il ne valait pas mieux, au fond. Qu'il y avait toujours cette boule de culpabilité qui revenait se nicher dans sa gorge quand il se rappelait qu'il n'avait pas été là pour prévenir l'accident du plus jeune. Qu'il n'avait pas été suffisamment là pour empêcher que Marlon se rapproche de Davidson, et que le pire dans ce cas restait encore à venir. Au fond il aurait presque préféré qu'elle l'insulte ou qu'elle le traite de connard. Parce que ça, il connaissait. C'était bien plus facile à gérer que d'être mis devant sa propre incapacité à agir.

-Je te le promets.

Ce n'était pas qu'une promesse d'avocat, de celles que l'on fait à un client qui demande à être rassurer alors que l'on sait qu'il va être condamné. Mais une promesse qui se voulait aussi sincère que possible, alors que toute la raison du monde dictait qu'elle serait impossible à tenir. Il tenterait, il le savait. Marlon était parmi ces rares personnes suffisamment précieuses pour que Don le considère comme un véritable ami. Et même si le plus jeune ne savait pas la moitié de tout ce que son partenaire était, cela n'empêcherait pas ce dernier d'essayer. Il soupira à son tour, les yeux posés sur le jardin. Sentit le plat d'une main heurter l'arrière de son crâne et se tourna aussitôt vers la jeune femme, surpris du geste. Fut accueilli par un soupçon d'égo qui finit par raviver le sourire qui était éteint depuis longtemps. Il ricana, l'éternel adolescent. L'impression qu'un poids venait de s'alléger, quelque part sur ses épaules. Sans vraiment disparaître totalement.

-C'était une surprise pour vous deux, je n'allais certainement pas t'en parler !

Un clin d'oeil goguenard, en tirant sur son bâtonnet de nicotine. L'impression de retrouver sa place entre ces deux eaux, mais pas totalement, il finit par se retourner pour s'adosser à la balustrade. Les conversations allaient bon train, derrière la porte-vitrée. Le brouhaha des convives, les quelques basses qui filtraient, lui rappelaient qu'il n'avait été invité que parce qu'il s'était imposé dans ces lieux. Susan ne l'avait pas invité par gaité de coeur, elle l'avait fait par nécessité. Il leva les yeux vers les étoiles, vers la lune, cracha un nuage de fumée vers ces dernières. Comme pour les rendre moins lumineuses. Comme pour se cacher un peu plus de l'impériosité de leur rayons.

-C'est moi qui dois te présenter des excuses. Je suis allé trop loin. Le but de ma présence ici c'est que Marlon passe une bonne soirée, certes, mais pas que son plaisir se fasse aux dépens de qui que ce soit.

Il ne présentait que rarement des excuses. Dans son corps de métier, qu'il soit légal ou non. Dans sa vie privée, du moins ce qu'il en restait. Elles ne venaient pas spontanément, étaient généralement un automatisme pour désamorcer une situation épineuse. Mais cette fois-ci, il en pensait chaque mot. Parce que toute cette soirée était sortie de l'ordinaire. Pour la première fois depuis la soirée Calloway, Don avait eu l'impression de trouver un terrain d'entente avec Susan. Des atomes crochus qu'aucun d'entre eux n'aurait pu suspecter au cours de toutes ces années à se fréquenter. Susan avait beau être l'hypothétique ennemie de ses deux vies, elle avait su lui prouver qu'elle était une personne à part entière. Il tapota la cendre de sa cigarette sur le rebord de la balustrade, poursuivit, l'accent Texan qu'il avait muselé avec les autres convives reprenant son drawl habituel.

-T'es pas parfaite, je le suis certainement pas, personne ne l'est réellement, en vérité. Mais t'es très loin d'être une mauvaise sœur, Susan. Regarde tout ce que t'as fait ce soir pour Marlon, tout ce que ça représente comme boulot. Tu peux te dire que c'est une manière de compenser de pas être là pour lui, mais je peux t'assurer que c'est pas ce que lui il voit. Parce que les regards qu'il te jetait tout à l'heure, c'était pas ceux d'une personne qui a l'impression qu'on l'abandonne, c'est ceux d'un gars qui aime sa sœur du fond du cœur et qui sait qu'au fond, elle a jamais arrêté de monter sur la balançoire avec lui.

Crois bien que j'en sais quelque chose : aucun de mes frères ne m'a jamais regardé comme ça. Ni ses frères, ni Kade, ni Irish. Mais ce n'était pas de lui qu'il s'agissait, c'était de Susan, de Marlon, et de tout l'amour qui était encore aussi fort et intense entre eux que depuis qu'ils étaient tous petits. Et Don, où se plaçait-il dans tout ça ? Certainement pas entre eux. Cela n'avait jamais été son intention, encore moins sa prétention. Il était l'ami de l'autre, il était... encore à définir pour l'une. Un connard, probablement. Il sentit ses épaules s'affaisser, soupira en écrasant son mégot sur le rebord de la balustrade. Concéda ce qu'il aurait dû considérer depuis le départ, avant de laisser l'impulsivité régir tout ce qu'il restait de raison. Il finit par abandonner son appui pour se redresser et faire face à la jeune femme, son mégot toujours entre les doigts. Posa sa main libre sur le bras de Susan.

-Je vais saluer Marlon et filer, j'ai suffisamment abusé de ton hospitalité ce soir. Merci pour ton invitation, ça m'a fait plaisir de participer à cette surprise avec toi.

Il aurait pu embrasser sa joue, pour marquer le coup. En avait bien l'envie, bien que ça ne soit pas précisément pour cette raison-là. Les noisettes toujours lovées au fond des yeux de la juge, et l'envie vagabonde qu'il finit par chasser en relâchant son bras pour passer sa main libre dans ses cheveux. Il tourna les yeux vers la porte-vitrée, vers tous les convives, vers Marlon qu'il pouvait voir rire en travers de la pièce. Il était suffisamment heureux, entouré de tous les siens, pour ne pas remarquer l'absence de Don après son départ. Quant à Susan...
Dire qu'il n'avait pas envie de partir mais que cela relevait de la nécessité n'était pas qu'un euphémisme.



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Elle ne savait pas pourquoi elle avait cédé à la parole. Elle aurait pu rester silencieuse, attendre sagement qu'il vienne vers elle, que ce soit pour la paix ou la relance. Il y avait beaucoup de choses pour lesquelles la juge était douée, mais faire des excuses et se livrer à un autre n'en faisaient pas partie. Elle ne parlait que rarement d'elle-même, et n'évoquait son passé avec Marlon que lorsqu'elle était seule avec lui, ou bien dans une grande discussion – en toute confiance – avec Vinnie ; qui d'autre pourrait recevoir ses confidences ? Elle n'avait pas souvenir de la dernière fois qu'elle s'était autorisée à replonger dans sa mémoire pour y puiser ce genre d'instant ; pas parce qu'elle en avait honte, mais parce qu'elle avait l'impression que cette tendresse qu'elle ressentait à l'évocation de ses années de jeu avec son frère avait un effet néfaste sur celle qu'elle était devenue, que cela la rendait plus faible, peut-être. Et elle ne pouvait pas se permettre de l'être, surtout pas en compagnie du motard qui prendrait un malin plaisir à se jouer d'elle, et retourner cet instant de faiblesse contre elle. Ils avaient beau avoir eu cette complicité durant la soirée, la juge n'était pas dupe, Don restait l'ennemi qu'elle s'interdisait d'apprécier, et il ne manquerait sûrement pas une occasion de profiter d'elle. Pourtant, ainsi drapée de la douceur de la nuit, accoudée à la rambarde, elle avait déposé les armes.
Elle ne voulut pas se laisser destabiliser malgré tout, et se promit de garder la tête haute dans cette lente descente qu'elle était en train d'entreprendre. Mattheson n'avait pas l'air de lui en vouloir pour son geste, il n'avait l'air ni en colère, ni vexé, pas même présent pour une nouvelle bataille. Susan eut l'envie de l'en remercier tant elle ne se sentait pas capable de relever son bouclier de protection pour l'heure. Elle ne pouvait que profiter de l'air frais qui chatouillait son visage, et espérait que la soirée se termine sous les meilleurs auspices.

Elle arqua un sourcil à l'évocation de la surprise qu'elle avait – à juste titre, selon elle – pris pour une énème manière de la déstabiliser. Pourquoi aurait-il voulu lui faire la surprise à elle aussi ? Pourquoi essayer de lui faire plaisir, quand tout ce qu'ils savaient faire jusqu'ici avait été de se tirer dans les pattes ? Elle fit une moue dubitative en y réfléchissant, mais ne répondit rien, ne sachant s'il se moquait d'elle ou non. Elle n'était plus sûre de rien après cet instant partagé.

C'est moi qui dois te présenter des excuses.

Elle ne montra aucune surprise, et pourtant, elle ne s'était pas attendue à recevoir des excuses de sa part. Il avait l'air sincère, et Susan ne put que l'écouter avec attention pendant qu'il poursuivait ses pensées. Et finalement, elle leva les yeux un court instant en l'entendant dire qu'elle n'était pas parfaite ; un peu étrange comme excuses. Mais la suite était à la hauteur de ses attentes. Et, étrangement, les paroles qui se libérèrent de l'avocat étaient exactement celles qu'elle avait besoin d'entendre à ce moment précis. Elle avait besoin d'être rassurée concernant son lien si spécial avec Marlon, et d'être certaine qu'il soit au courant de tout l'amour qu'elle lui portait. Il était ce qu'elle avait de plus précieux, et qu'il puisse croire qu'elle le délaissait à cause de son emploi du temps chargé l'anéantirait. Elle posa son regard au loin, continuant de l'écouter attentivement. Elle fut surprise de l'entendre l'appeler Susan, mais pensa que c'était de bon ton.

Lorsqu'il termina par ramener l'ombre de la balançoire, elle sentit une boule se former dans le fond de sa gorge. Elle s'humecta les lèvres en retenant les émotions qui la submergeaient, et elle prit une grande inspiration pour garder cet air – presque – impassible qu'elle se forçait à avoir le plus souvent possible. Elle eut envie de parler, pour le remercier, ou pour lui signifier qu'elle était heureuse de voir qu'il pensait ainsi, mais elle n'était pas certaine de pouvoir aligner ses mots sans que sa voix ne la trahisse ; elle préféra donc garder le silence, en attendant la suite. Elle tourna la tête vers Don, plissa les lèvres et hocha légèrement la tête comme remerciements, essayant de chasser le surplus d'émotions.
Elle était de nouveau prête à rentrer à l'intérieur pour l'ouverture des cadeaux, et reprendre la soirée telle qu'elle était avant cet incident. Mais il en décida autrement, apportant sur la table son choix de quitter la fête. Elle baissa les yeux sur la main qui s'était posée, volatile, sur son bras, et eut un mouvement instinctif pour le rattraper. Elle n'avait aucune envie de le laisser partir, mais ne pouvait pas le formuler ainsi. Elle enroula ses doigts autour de son poignet pour attirer son attention, et ouvrit la bouche pour parler, lui demander de rester, de passer encore un de ces moments de complicité qu'elle avait tant apprécié.

Elle fut incapable de parler, se contenta alors de se mettre sur la pointe des pieds, et enrouler ses deux bras autour du cou du motard, poser sa tête dans son cou. Elle-même surprise de son geste, elle s'empressa de l'expliquer en murmurant près de son oreille. « — Tante Trudy nous regarde. » Mensonge. La vieille tante se trouvait en réalité non loin d'eux, semblait absorbée par une conversation qui la faisait parler en faisant de grands gestes. Elle ne les voyait pas, n'avait jeté aucun regard dans leur direction, et Susan espéra que Don ne s'en aperçoive pas. Elle ne lâcha pas sa prise immédiatement, garda la position quelques secondes comme pour le remercier sans en avoir l'air. Elle se remit ensuite sur ses pieds, stables, et le relâcha sans faire pour autant de pas en arrière pour s'en éloigner. Elle baissa la tête en se raclant la gorge, puis la releva, tournée, pour regarder le jardin en contrebas. « — T'es pas forcé de t'en aller, tu sais. Marlon est heureux de t'avoir ce soir, et tu n'as même pas encore pu lui donner son cadeau. » Elle fronça les sourcils en plissant légèrement les yeux, l'air de réfléchir, de chercher dans ses souvenirs. « — Tu ne m'as d'ailleurs toujours pas dit quel était son cadeau, j'aimerais savoir ce que tu as trouvé de notre part. » Ils avaient organisé la soirée ensemble, bien que Susan ait fait une grande partie par simple souci de contrôle, et avaient également décidé d'un cadeau commun que Don avait eu pour mission d'acheter, et amener emballé.

La nuit était fraîche, et à rester immobile, la belle commençait à avoir froid. Elle s'empressa alors de terminer cette conversation qu'ils avaient débutée, pour pouvoir ensuite le tirer vers l'intérieur. Elle tourna la tête, le regarda de nouveau en levant le menton, et laissa un sourire gagner son visage. « — Et merci, pour tout ce que tu as dit c'était ... c'était ce que j'avais besoin d'entendre. » Elle jeta un regard rapide à travers la baie vitrée pour observer ses invités, et reporta de nouveau les yeux sur lui. « — Si tu as envie de partir, je peux pas t'en empêcher. Mais si j'en suis la raison, tu n'as qu'à te racheter et rester. J'ai passé tellement de temps dans les préparatifs que j'en ai oublié de me trouver un cavalier, et bien que les deux jolies fleurs près du bar te dévorent du regard depuis plusieurs heures déjà, tu es venu seul aussi, alors ... » Elle les avait remarquées, lui lancer des regards de travers, des éclairs dans les yeux, pour oser chanter et se pavaner au bras de Mattheson. Elle avait également vu leurs yeux se promener sur la carrure de l'avocat, et avait fini par se demander pourquoi il n'avait pas sauté sur l'occasion pour poursuivre la soirée à leurs côtés.

Elle haussa les épaules, passa sa langue sur ses lèvres pour prendre le courage de lui faire la demande, et croisa ses mains dans son dos. L'envie de poser deux doigts sur son torse en lui parlant l'avait envahie, et elle s'était réfrénée au dernier moment, avait alors préféré capturer ses mains dans son dos pour ne pas céder à la pulsion. « — Invite-moi à danser. » Elle pencha la tête en dévoilant un nouveau sourire et fit quelques pas vers la porte vitrée pour l'ouvrir. Elle n'entra pas immédiatement, s'arrêta avant et regarda une dernière fois derrière elle pour dire d'un air outré. « — Tu ne peux pas refuser, quel genre de mari refuserait une danse à sa tendre femme ? »



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Don Mattheson
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Partir était la meilleure décision à prendre, en l'instant présent. Leur petit jeu était allé bien trop loin à en témoigner la réaction qu'avait eue Susan. Une décision aussi difficile à prendre que nécessaire, en considérant les frontières qu'il avait franchies. Le coeur en suspens, en l'énonçant, et pourtant la certitude que c'était la chose à faire. Il trouverait une excuse, un impératif, pour s'échapper sur sa moto au beau milieu de la soirée. Il savait que Marlon était suffisamment bien entouré pour ne pas prendre ombrage de cette fuite dans la nuit. Quant à Susan... Le renard gris en avait suffisamment vu, suffisamment entendu pour comprendre qu'il était temps de la laisser tranquille. Ce n'était ni la décision la plus noble, ni celle qu'il aurait égoïstement préféré, mais c'était la plus sensée compte tenu de l'état dans lequel il avait réussi à la mettre. La lui avait soufflée en étant persuadé qu'elle l'approuverait sans discussion.

De discussion, il n'y en eut aucune. Mais une réponse arriva toutefois, qui surprit autant Don qu'elle lui réchauffa le cœur. Plus qu'un rejet, ces bras qui s'enroulèrent autour de ses épaules. Une simple étreinte, spontanée, bien plus importante que tous les mots qui auraient pu être échangés. Les yeux gris s'agrandirent, avant de se refermer en même temps que ses bras autour de la taille de la juge, le temps de l'étreinte. Il déposa sa tête contre celle de la jeune femme, acceptant cette trêve silencieuse sans ajouter un seul mot. L'impression que pendant cette fraction de seconde, il n'était plus question ni de soirée, ni de rivalité, ni de potentielle inimitié. Seulement ce contact d'une simplicité presque enfantine, la possibilité d'une connexion sur le plan le plus élémentaire, le plus humain qui soit. Pas de guerre, pas de jeu. Juste la chaleur de l'autre, et cette proximité que Susan lui avait toujours autant refusée. Il la sentit bouger, entre ses bras. Captura son murmure d'une oreille attentive, hochant doucement la tête, un léger sourire au creux des lèvres à l'allusion de la tante. Les observait-elle vraiment, ou s'agissait-il encore d'un pieux mensonge ? Il n'avait aucun moyen de le savoir, pas plus qu'il n'avait envie d'y croire ou non. Lui laisserait le bénéfice du doute tant les codes qui régissaient leurs interactions n'avaient de sens que pour Susan. Pas que ça le dérange, en l'instant présent. Que la Tante les observe ou non n'avait que peu d'importance, en ce qui le concernait. Après tout, la bonne-femme était persuadée que Don n'était autre que le fameux Morgan. Une illusion qu'il avait été plus que partant à entretenir. Alors que cela pose problème n'était pas son problème. Mais s'il était celui de Susan, il obéirait à ce nouveau changement de tempo dans leur danse cruelle.

-Tante Trudy, hm ?

Obéissant à cette nouvelle mesure sans entièrement croire en la présence de la vieille femme, il relâcha la taille de la jeune femme. Sentit encore la chaleur fantomatique de l'étreinte tout le long de ses membres, sentit ce manque de connexion à l'instant même où cette dernière venait de s'achever. Mais il n'en prit aucun ombrage, bien au contraire. L'étincelle d'un doute amusé au fond des prunelles grises, il n'allait pas faire l'affront à Susan de vérifier s'ils étaient bel et bien observés. Fourra ses mains dans ses poches en basculant d'un pied sur l'autre, une profonde inspiration, alors qu'elle reprenait la parole. Renouer avec les convenances. Reprendre la conversation comme si de rien n'était. Si c'était aussi important pour Susan, il était prêt à suivre le mouvement. L'étreinte n'en était pas moins importante, et n'en serait pas moins précieusement conservée sous les mèches grises.

-Tu te souviens que Marlon n'a pas arrêté de nous parler de la tournée de Lady Gaga ? Je lui ai pris trois places de concert pour celui de Las Vegas. L'hôtel et les transports sont compris. Je pensais que vous pourriez y aller ensemble, et qu'il pourrait inviter sa douce ou son beau. Avec le départ de Davidson, ce dernier point risque d'être un peu compromis, mais je suis certain qu'il trouvera bien une troisième roue à votre carrosse.

L'envie d'ajouter qu'ils pourraient toujours y convier Morgan, qu'il tut derrière une esquisse de sourire. L'opportunité était trop belle de faire plaisir à Marlon, avec l'annonce de cette tournée. Susan avait beau ne pas avoir l'air d'être le public habituel de ce type de musique, il n'avait pourtant pas hésité à lui prendre un billet contrairement aux deux qui étaient sous-entendus dans leurs projets initiaux. La relation entre le frère et la soeur était si forte que Don n'avait pas eu le coeur de ne pas la prévoir dans le cadeau. Et s'il avait encore commis une entorse aux règles, il espérait qu'elle apprécie d'avoir été conviée à cette épopée. Tout était prévu pour que Marlon et ses accompagnants puissent passer un week-end d'exception. L'avocat avait vécu une année particulièrement contraignante, il ne méritait que ce qui était de mieux pour célébrer son anniversaire en beauté. Quand bien même une ombre s'était présentée au tableau : Davidson s'était échappé. Don passa une main dans ses mèches grises, chassant ces pensées de son esprit. Il n'était question ni d'animosité ni de la lâcheté du bougre. Juste de faire naître à nouveau un sourire de gosse sur les traits de Marlon.
Mais sa décision de partir, elle, restait la même. Malgré la reprise de cette conversation, malgré ce besoin de renouer avec les apparences que Susan avait eu l'air de vouloir adopter. Malgré qu'il n'ait toujours pas envie de quitter les lieux ou la belle. Belle qui semblait encore avoir de nouveaux projets, maintenant qu'elle reprenait la parole. Des projets qui se heurtaient à ceux décidés par l'avocat plein la tête, alors qu'un sourire étirait à présent ses lèvres ourlées. De nouvelles paroles pleines de ces promesses qu'il n'était pas sûr d'avoir entendues la première fois, cette assurance qu'il n'était pas malvenu dans cet univers qui ne lui appartenait pas. Position inconfortable, entre deux eaux, alors qu'elle lui proposait de rester. Là où il se sentait le mieux, et pourtant, l'incertitude lui coupait le souffle. L'envie de se laisser amadouer vissée au creux des tripes, le renard acquiesça lentement aux remerciements. Ne manqua pas la remarque suivante, concernant les deux jeunes femmes avec lesquelles il avait discuté peu avant de rejoindre Susan. Elle les avait remarqués ? Le sourire en coin revint se nicher sous les moustaches grises, marquant son amusement devant son insistance toute particulière. Aurait-elle quelque chose à redire sur ce qui s'était passé en son absence ?

Il prit le parti de ne rien dire, juste pour voir où s'arrêterait le cheminement de pensée de la belle. Invite-moi à danser. Une réponse à de nombreuses de ses questions, qui ne manqua pas d'accentuer son sourire goguenard. L'envie d'attaquer sur le même terrain, de demander s'il s'agissait bien de ce à quoi il pensait : un élan de possessivité. Mais Don n'en fit rien, n'en dit rien pour autant. Savait avoir suffisamment taquiné la belle pour ne pas recommencer tout de suite, quand bien même l'envie était très forte, devant son comportement. Il n'en haussa pas moins un sourcil goguenard, plus qu'amusé par ce revirement de situation. Lui qui s'était senti si malvenu quelques instants plus tôt ne pouvait qu'accepter une telle proposition. Resta planté à côté de la balustrade alors qu'elle reprenait la route vers la porte vitrée, jaugeant sa partenaire en se demandant tout de même s'il s'agissait de lard ou de cochon. Une confirmation, alors qu'elle continuait. Et le sourire d'éternel adolescent de rayonner, sur le visage du motard.

-Le plus piètre des maris, assurément !

Il se remit en marche, le coeur bien plus léger que lorsqu'il était arrivé. Délogea une main de sa poche pour venir cueillir celle de Susan du bout des doigts, l'élégance galante de celui qui aurait dû être Morgan. Si c'était bel et bien ce qu'elle souhaitait, qu'il endosse à nouveau l'illusion de l'époux aimant, c'était dans ses cordes. Cette dernière danse, il pouvait parfaitement la lui accorder, jusqu'à ce qu'elle se lasse de cet énième petit jeu. Puis il partirait, sur la pointe des pieds ou plus officiellement si c'était ce qu'il fallait. Mais il partirait, de ça il était certain. Car les doigts fins de la belle, logés entre les siens, étaient une flamme à laquelle il était certain de finir par se brûler s'il ne faisait pas attention. Risque ou danger, rien n'était entièrement certain. Les alliances obscures avec de potentiels ennemis n'étaient rien, quand on en venait au jeu de l'affection. Et cette Susan qu'il découvrait, plus vibrante et plus spontanée que toutes les facettes qu'elle avait découvertes jusqu'à présent, était de ces femmes qui pouvaient faire trop vite chavirer les coeurs.
Endosser le rôle de Morgan était bien plus aisé, dans ces conditions. Moins dangereux, que de faire et se faire croire au mariage parfait. Il ne connaissait pas l'homme mais commençait à s'en faire une certaine idée. Et si Susan n'avait émis aucune objection à son interprétation, c'était qu'elle lui convenait. Peut-être même qu'elle lui plaisait. Facile, dans ces conditions, de se lover de nouveau dans le rôle.

Les doigts de la belle toujours nichés entre les siens, il la guida vers l'intérieur de la salle. Balaya la pièce du regard à la recherche de Marlon, le trouva dans une conversation plus qu'animée qu'il ne put percevoir. Le plus jeune ne serait que trop heureux de voir la cohabitation entre les deux personnes qu'il estimait le plus. Un peu trop, mais pour son anniversaire, pour faire plaisir à Susan, il était prêt à en entendre parler pendant des heures. La playlist la plus acceptable qu'il avait confiée à la maîtresse des lieux résonnait dans toute la pièce, certains avaient profité de l'occasion et de la piste de danse pour se lancer dans une valse. Don se pencha vers son épouse, glissant dans le creux de son oreille :

-Il n'y a pas que des valses, dans cette playlist. En revanche, je sais que la prochaine, c'en est une. Et en revanche encore, à part le Madison, je ne sais danser que ça.

Un avertissement, pour préserver les pieds de la Juge autant que les apparences. Il avait supervisé toutes les pistes lui-même, roulant régulièrement des yeux devant son ordinateur devant la platitude de la musique. Le classique n'était pas vraiment sa tasse de thé, mais il fallait bien convenir à tous. Et la playlist spéciale Marlon n'était pas vraiment du genre à plaire à l'assemblée rassemblée dans ce salon. Sans relâcher la main de son épouse, il attendit les dernières mesures de la piste actuelle avant de la gratifier d'une révérence respectueuse. Regretta l'absence de son stetson blanc sur ses mèches grises, pour amplifier le geste, mais quelque chose lui disait que Susan préférerait cette version.

-Ma chère et tendre Susan, m'accorderais-tu cette danse ?

Conscient des quelques regards qui commençaient à se tourner vers eux, il lui adressa un clin d'œil goguenard. Comme un défi, comme une interrogation pour savoir s'ils pouvaient continuer ce jeu-là. Une décision que les premières notes de la nouvelle valse écourtèrent, mais à laquelle il fut ravi qu'elle soit favorable. Ses doigts s'enroulèrent autour de la main glissée au creux de sa paume, son autre main se déposa au creux du dos de la belle. Et si c'était la manière de se racheter pour tout ce qui s'était passé précédemment, il était prêt à lui témoigner également toute sa gratitude devant son insistance pour qu'il reste.
Lui accorderait la danse qu'elle désirait et s'appliquerait à ce qu'elle soit digne d'elle, puis s'effacerait sur la pointe des pieds.




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Susan Love
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Elle ne se souvenait pas d'avoir demandé à Mattheson de s'occuper du cadeau de son frère, mais partait du principe qu'il l'avait fait ; sans quoi ils risquaient d'avoir un problème. Elle avait été rassurée lorsqu'il lui avait dit avoir trouvé le présent, prêt à l'offrir. La soirée se faisant, elle n'avait pas repensé à ce qu'il avait pu lui trouver, mais s'était dit que c'était le moment parfait pour lui poser la question. Elle n'était pas certaine d'approuver ce qu'il lui aurait choisi, mais il connaissait Marlon presque aussi bien qu'elle, avait des goûts communs avec lui et ne prendrait rien qui ne pourrait lui déplaire. En somme, elle avait confiance en lui concernant l'achat de ce qui apporterait un plus non négligeable à la célébration. Elle avait toujours trop gâté son frère, comme tous les autres membres de sa famille, et ne s'était jamais arrêtée même lorsque la distance les avait brièvement séparés. Il lui fallait toujours trouver le présent le plus brillant, le plus coûteux, qui amènerait une joie pure sur le visage tant aimé. Lorsqu'elle n'était qu'une enfant, elle s'arrangeait pour lui faire les plus beaux dessins, s'appliquant pour écrire son prénom et prendre soin d'apposer des cœurs sur l'intégralité de la page pour que Marlon comprenne bien à quel point elle l'aimait. Elle qui avait toujours peur qu'il ne l'oublie, qu'il ne se sente mis de côté à cause de ses études, son travail, son mariage, et aujourd'hui ses responsabilités au foyer rouge. Ce soir n'échapperait pas à la règle, elle se l'était promis, et quoi que Don ait trouvé à offrir, Susan s'arrangerait pour que ce soit grandiose ; leurs chants n'étaient que la cerise sur le gâteau.
L'attente toucha à sa fin alors qu'il commença par lui rappeler ce que Marlon répétait depuis ce qui semblait être, pour elle, une éternité. Cette chanteuse qu'il aimait tant, qui avait pris possession de son cœur depuis si longtemps venait se produire dans les environs, il mourait d'envie d'y aller. Susan n'avait pas pensé à cela, fut ravie de savoir que son associé l'avait fait ; l'idée était parfaite.

L'explication derrière l'achat de trois tickets précisément ne l'était pas, en revanche. Davidson n'était plus présent dans l'équation et le problème rencontrait un nouvel inconnu. Elle ne comptait pas se rendre à ce concert, pas sans y être obligée. Il ne s'agissait pas de son genre de musique et, plus encore, elle avait bien trop de travail à abattre que ce soit au tribunal ou à la ferme pour espérer pouvoir s'évader tout un weed-end. Mais le plus urgent n'était pas son cas, il s'agissait de celui de Max qui ne reviendrait pas selon les sources de Don. Ils trouveraient une solution, quitte à ce qu'ils partent entre avocats ; Marlon, Don et whatever. Ils auraient bien un collègue à amener avec eux. « — Merci, c'est un très bon choix pour lui, il sera ravi. Pour ce qui est des tickets, nous lui laisserons le choix, il pourra les donner à qui bon lui semble. » Elle n'aurait pas à y aller si Marlon décidait de les donner à ses amis, ou les jumeaux, et n'aurait pas à donner d'excuses en retour, c'était le plan parfait pour elle. Les quelques pas qu'elle fit en direction de l'intérieur lui permirent de se rapprocher de la présence de sa tante et elle essaya de ne pas lever les yeux au ciel à l'idée de devoir aller lui parler pour lui demander pourquoi elle l'épiait à ce point. Déçue que la vieille dame ne lorgne sur elle que maintenant, quand elle en aurait tant eu besoin lorsqu'elle était dans les bras de son rival. Elle lui fit un sourire et décida de n'aller lui parler que plus tard, lui dire de ne pas répéter à leur entourage cet histoire d'enfant à venir. Elle se tourna ensuite vers Don pour lui indiquer plus précisément la manière de se racheter.

Elle sourit en lui accordant ses doigts, à deux doigts de faire une révérence de remerciement pour ajouter à cet air si princier qu'il avait pris pour lui répondre. La démarche toujours aussi droite, perchée sur ses talons hauts, elle suivit le motard à l'intérieur, passant parmis les convives en saluant certains d'un sourire – rien de plus. Elle n'avait pas le temps de s'arrêter pour discuter, pas alors qu'elle attendait d'avoir son dû, une danse qui aurait un goût de désastre s'il ne savait bouger que sur le madison. Elle tendit l'oreille en l'entendant s'adresser à elle et sourit en l'écoutant évoquer la valse à venir. Elle leva un regard vers lui et souffla : « — J'aimerais bien voir ça. » Il ne s'agissait pas vraiment d'une moquerie, plutôt d'un défi qu'elle voulait lui lancer. Elle ne le connaissait pas réellement, du moins, ne savait que ce qu'il laissait entrevoir. La valse ne faisait pas partie du lot, elle avait du mal à l'imaginer tournoyer au rythme d'une de ces musiques, avec ses santiags et un chapeau qu'il n'avait pas pour la soirée.
Elle en avait presque oublié que ses doigts étaient toujours dans les siens, comme un détail si évident qu'il n'avait plus de raison d'être soulevé. Elle faisait parfois pression dessus sans trop savoir pourquoi, peut-être s'assurer que rien de tout cela n'était un rêve. Finalement, elle agrandit son sourire en l'entendant l'inviter à une valse qu'elle avait hâte de mener, hocha la tête d'un air solennel et dit d'une voix claire. « — Avec plaisir, si tu t'en sens à la hauteur, mon cher. » Elle plissa les lèvres à son clin d'œil, ignorant tous ceux qui s'étaient tournés vers eux pour les observer. C'était la soirée de Marlon, seul son regard à lui comptait. Elle l'avait vu échanger avec des amis quelques minutes plus tôt, ne savait pas s'il verrait ce qui se préparait, espérait secrètement que ce ne soit pas le cas, de peur de lui briser le cœur après tant d'espoirs.

Elle laissa sa main épouser la forme de la sienne en faisant les quelques pas restants vers la piste, posa son autre main contre son épaule dans une position qu'elle ne connaissait que trop bien pour avoir tant répété. Elle avait adoré apprendre les danses de salon entre quelques cours plus indicibles qui ne lui avaient été utiles que durant ses services au tartarus ou dans d'autres bars, utiles pour charmer et récupérer les meilleurs pourboires. Elle attendit que la musique ne commence et fit les premiers pas en observant les pieds de son partenaire pour vérifier s'il lui avait menti ou non. Ce n'était pas le cas, il avait réellement appris à valser. Elle ne put s'empêcher de sourire, agréablement surprise. Elle essaya de ne pas trop montrer sa joie, le regarda et admit : « — Tu es plein de surprise Donald Mattheson, je dois bien l'avouer. » Elle resta ainsi contre lui à poursuivre au rythme de la musique, ne laissant plus son regard s'évader autour d'elle, seulement focalisée sur son partenaire de danse. Elle pouvait presque sentir son cœur battre contre le sien tant ils étaient proches, une proximité qui l'aurait ennuyée si elle n'avait pas été justifiable ; ils étaient en train de danser, c'était normal de se tenir si proche de son partenaire.
Elle vrilla, tournoya entre ses bras, faisant toujours bien attention à la position de ses pieds pour ne pas enfoncer ses talons dans les orteils de son compagnon. Le bonheur qu'elle ressentait à danser ainsi la gênait légèrement, l'impression de ne pas rester assez sur ses gardes face à lui, au milieu de tous ces convives. Elle essaya de réfléchir pour ne pas perdre pieds, rester sur terre ; elle reprit alors la parole, se disant qu'engager la conversation l'empêcherait de se contenter de se plonger dans ses yeux, au risque de s'y perdre. « — Alors comme ça tu me verrais réellement à un concert de Lady Gaga ? Je n'y serais pas à ma place. Je ne suis pas vraiment du genre à mettre des mini-shorts pour aller me trémousser devant la scène. Et avant que tu dises quoi que ce soit, sache que Marlon porte très bien le mini-short, il fera couleur locale au milieu. » Elle sourit de nouveau d'un air plus ailleurs, assez fière de sa plaisanterie mais essayant de ne pas laisser son rire s'élever trop haut. Elle murmura ensuite, le regard le quittant, plus pour elle que pour lui. « — Il n'y a bien que pour un artiste que je serais capable de le faire. » Elle n'en dit pas plus et relâcha une de ses mains pour faire une pirouette de rigueur avant d'attérir de nouveau contre lui pour continuer leur danse.

Une curiosité s'était infiltrée dans son esprit, et la question qui suivit ne fut pas pour combler la conversation, pour s'empêcher de se perdre dans son regard, il s'agissait d'une vraie interrogation de sa part. « — Je peux te demander où tu as appris à danser comme ça ? Jouer de la guitare et danser ; le combo parfait pour faire tomber les filles. Mais tu te débrouilles bien, on ne maîtrise pas si bien ces quelques pas grâce à des vidéos explicatives. » Et la réponse ne la regardait absolument pas, mais elle était curieuse. Quitte à passer la soirée ensemble sans se taper dessus, autant en profiter pour en apprendre plus sur qui était réellement Donald Mattheson ; et puis, avec un peu de chance, cela lui donnerait quelques informations utiles au passage. Ce ne serait qu'un bonus, mais un bonus non négligeable. Elle continua de danser, les mains placées au bon endroit, réagir aux bons moments à force d'entraînement, et toujours aussi admirative de voir son partenaire faire la même chose. Elle eut un sourire, un de plus, en resserrant sa main dans la sienne, de nouvelles notes de reconnaissance dans le fond des yeux pour le remercier de l'avoir invitée à danser. « — Merci de prendre le temps de faire les choses bien, c'est agréable. Cela me donnerait presque envie de te kidnapper pour la chanson d'après. »



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