not my first rodeo (tina)

not my first rodeo -- @tina cuervos & @don mattheson

Bien longtemps qu'il n'avait pas traîné ses bottes au Tartarus. Trop longtemps, maintenant que l'ambiance brûlante et licencieuse de l'établissement l'accueillait à bras grands ouverts. Comme un fils qu'on se précipite d'étreindre, parti depuis depuis de trop nombreuses années. Certes, sa dernière visite au club ne remontait pas à si loin. Mais il avait eu à faire, Old Boy. Entre le tribunal, entre les affaires des Cyclops, entre ces bouteilles au fond desquelles il avait fini de trop nombreuses nuits, ces derniers temps. Ici ou ailleurs. Mais pas au Tartarus. Une erreur qu'il s'était juré de corriger rapidement. La maîtresse des lieux saurait lui faire comprendre que les délais s'étaient un peu trop étendus, entre chacune de ses visites. Evoluant dans le domaine de Tina Cuervos, le Cyclops la chercha du regard. Croisa celui de certaines de ses nymphes, certains de ses serveurs. Celui de nombreux de ses invités, le club particulièrement rempli en ce samedi soir. Mais la sulfureuse patronne, elle, était introuvable.

Dommage. Ce n'était que pour avoir le plaisir de croiser le fer avec elle qu'il était là, ce soir. En qualité d'ami, mais, aussi, parce qu'il avait bien des choses à négocier avec la belle. L'information n'avait pas fait les gros titres des journaux, mais elle était sûre : le Père Rouge s'était fait attaquer. Un coup de maître de la Garde de l'Aurore, salué sous cape par le MC. Parce que Darius Smith avait failli passer l'arme à gauche. Ces saloperies de cannibales s'étaient sagement retirés dans leur petite ferme à la con, et les souris de danser la gigue maintenant que le gros chat léchait ses plaies. Faute de l'ombre de Smith pour les protéger, certains des pôles de commerce tenus par le Foyer Rouge avaient été repris par les Cyclops. Petites avancées stratégiques dont Old Boy se félicitait, tant ils recommençaient à gagner du terrain côté drogues. Toutes des frappes ciblées, chirurgicales, avec quasiment le même mode opératoire : une descente de bikers, une fusillade, une nouvelle zone à ajouter à toutes celles contrôlées par l'écusson au crâne borgne. La Garde de l'Aurore tournait le dos à leurs magouilles, trop contente de les l'assister dans son ménage. Et, à quelques exceptions près, c'était ce qu'ils faisaient.

Les exceptions, une en particulier, étaient une autre des raisons pour lesquelles Old Boy s'accoudait au comptoir du Tartarus. Regard entendu de Sinclair deuxième du nom, sans que Don sache si le barman le reconnaissait, ou saluait un énième client. S'était arrangé pour brouiller les pistes de son côté, troquant son blouson floqué de l'écusson des Cyclops pour celui sans le moindre signe distinctif. Se contenta de soulever le bord de son chapeau en signe de remerciement, avant de siroter le bourbon qui venait de lui être servi. L'une des bouteille de la réserve spéciale, toujours. Tina avait ses préférés, parmi ses invités. Don avait la chance de figurer sur sa liste. Il continua de la guetter, du haut de son tabouret. Ne la remarqua pas, mais repéra un tout autre visage familier. La deuxième raison pour laquelle il était là : le gang au bébé. L'une de ces frappes effectuées au nom de la capture de nouveaux territoires, sauf que celle-là avait très mal tourné. L'enfant était à l'abri dans sa nouvelle famille, à présent. Mais ses propriétaires pouvaient être encore à sa recherche, et s'ils le faisaient, ce serait un problème. L'attaque n'avait pas encore été revendiquée. Elle le serait dans les jours qui viendraient, entre gangs, pour ne pas avoir à éveiller les soupçons des autorités. Sauf que ce gang, tout aussi affaibli, pouvait être une épine dans le pied des Cyclops. En sous nombre, peut-être. Mais suffisamment furieux pour s'avérer dangereux.

Il sirota son verre, finit par se retourner côté comptoir pour s'installer plus confortablement. Le poison de Tina s'infiltrait toujours aussi délicieusement dans ses veines. Pas de conversation à tenir avec Sinclair, parti servir d'autres convives. Il devait avoir compris qu'Old Boy était venu pour affaire. Good boy. Inutile d'en rajouter, juste laisser le temps s'étirer un peu plus que d'ordinaire le temps que sa présence soit annoncée. Connaissant l'œil d'épervier du chouchou, Tina devait déjà être au courant. Tina, qu'il allait devoir convaincre. Resserrer les liens entre les Cyclops et le Tartarus était un coup auquel personne ne s'attendrait, s'il arrivait à gérer son affaire. La réputation de la patronne n'était plus à faire, ses connexions étaient aussi connues que son envoûtant sourire, en ville. Une position de pouvoir dans l'Eglise de Minuit, une autre avec ce club que tout Exeter connaissait. Mais, si certaines des convictions de l'Eglise étaient loin de s'aligner avec celles du Code de Morris, proposer une nouvelle alliance avec la belle brune n'était pas franchir de limites. Après tout, Irish avait fréquemment été vu y faire un tour. La zone était considérée comme neutre pour beaucoup, à l'exception de certaines faveurs accordées au Foyer Rouge. La troisième raison pour laquelle il était ici. Abattre ses meilleures cartes pour coiffer le Foyer Rouge au poteau, et embarquer tout le pot. Et ce pot, c'était la capacité de jouir du Tartarus pour que les Cyclops puissent y mener leurs affaires.

Le parfum capiteux de Tina l'annonça à sa droite. Pivotant sur son sièges, un sourire lumineux s'étira sous la moustache grise en apercevant enfin l'objet de ses désirs. Tina Cuervos, assise dans toute sa splendeur juste à côté de lui. Il avait vu juste, le renard, Sinclair avait dû la prévenir. Pinçant le bord de son stetson blanc entre son pouce et son index, il salua respectueusement la maîtresse des lieux avant de le faire basculer vers l'arrière. La laissa déposer ses mains sur ses joues et l'attirer dans un baiser sulfureux. Chassa lèvres et souffle avec amusement, habitué à ce petit manège. Nombreux se contentaient d'une poignée de main ou d'une étreinte pour saluer quelqu'un d'autre. Pas Tina. Les rituels de la belle brune avaient de quoi en déstabiliser beaucoup, Don s'y adonnait toujours avec le même plaisir. Retira la main qu'il avait posée sur son épaule une fois qu'il fut temps de recouvrer son souffle et revissa son chapeau sur sa tête, une lueur amusée au fond des prunelles. Le baiser lui avait semblé plus long que d'habitude.

-Quel accueil, je t'ai manqué ?

Les lèvres encore brûlantes du baiser s'étirèrent dans un sourire en coin. Quelle que soit la réponse de la belle brune, elle était justifiée, et ils le savaient tous les deux. A trop avoir joué aux filles de l'air ces derniers temps, Don manquait à tous ses devoirs. Il aurait dû revenir plus tôt, et faire des visites plus fréquentes. Et s'il était tout prêt à négocier une punition appropriée avec la maîtresse des lieux, il était venu pour une autre raison. Pour des tas de raisons. Rien qui ne l'empêche de profiter encore de sa compagnie, jusqu'à ce qu'elle décide d'en avoir assez. Il s'accorda une nouvelle gorgée de bourbon, du courage liquide dont il n'avait pas réellement besoin. C'est qu'il était diablement bon.

-Je dois te présenter des excuses, j'aurais dû venir te voir plus tôt. Mais tu sais ce que c'est, avoir une grande famille. Il suffit que Tonton Jack revienne dans le coin et tous les gamins n'écoutent plus rien.

Tonton Jack, Irish. Un langage codifié dans les zones les plus fréquentées du Tartarus. Les informations allaient vite, parfois trop, et beaucoup d'oreilles rassemblées au même endroit signifiait généralement que certaines pouvaient traîner. Et, s'il avait commencé à accorder sa confiance à Lazare Sinclair, il n'en était pas de même pour son frère Enoch. Question de précaution. Ses doigts coulèrent le long de son verre, les noisettes portées dans la direction du barman. Suffisamment loin, et la musique était suffisamment forte pour qu'il ne capte rien de leur conversation, où il se trouvait. Choisit de privilégier la prudence et se pencha dans la direction de la belle brune à sa droite. Elle avait changé de parfum.

-Je t'ai rapporté un souvenir de mon dernier voyage, que dirais-tu de le découvrir dans un endroit un peu moins bruyant ?

Il tira le pan de sa chemise pour dévoiler la crosse d'un magnum flambant neuf, niché dans la poche intérieure du vêtement. Une maigre compensation pour son manque de présence ces derniers temps, mais il n'allait tout de même pas se présenter à elle les mains vide. Oh, elle ne manquait certainement pas de jouets du type. Si jamais elle n'en voulait pas, il n'était pas contre repartir avec.

Elle n'avait pas décidé de rejoindre ses ouailles pour cette soirée. La plupart des commerçants s'arrangeaient pour être présents dans les périodes les plus agitées ; ce n'était pas le cas de la patronne du Tartarus. Elle savait que son empire avait des rouages assez bien organisés pour qu'elle n'ait pas à lever le petit doigt quand les âmes s'entassaient dans son club. Elle préférait rester au coin vip, à régler des affaires plus importantes, ou louvoyant à l'étage pour s'assurer que tout soit en ordre, rien n'était laissé au hasard lorsqu'il s'agissait des sacrifices, des trouvailles, de l'arrivée de ses confrères et consœurs. Le samedi soir était un moment qu'elle aimait particulièrement, non pour le chiffre d'affaire qui était égal en pleine semaine dans une ville aussi damnée, mais pour les actes qu'osaient entreprendre ce que les timides n'auraient pas osés la veille. Il lui arrivait de reconnaître des anciens, des habitués, se retrouver dans des explications musclées avec des pères de famille venus souffler après une semaine de travail, lorgnant sur les danseuses pour la première fois et cherchant à résister à la tentation d'en engager une. C'était ceux-là que la louve préférait, ceux-là qu'elle rejoignait parfois pour susurrer à l'oreille, pousser à la tentation. Elle attendait généralement la fin du service, que les raisonnables soient partis, que les avinés soient au sol ; elle se faufilait alors après le vacarme, et laisser son venin faire son œuvre.
La soirée était loin d'être terminée, pourtant, lorsque son portable avait annoncé un message, d'un faible faisceau lumineux. Elle ne comptait pas descendre dans le bruit ambiant avant plusieurs heures, et s'était arrangée pour ne pas être dérangée en ces temps si importants. La main tendue, yeux levés au ciel d'exaspération, elle avait pourtant allumé l'écran pour envoyer l'émetteur sur les roses : fuck off. Elle se ravisa en voyant le nom s'afficher sur son écran, plus encore en lisant l'indication de son protégé. Enoch savait qu'il ne devait pas déranger la patronne qu'en cas de grande nécessité ; les problèmes moins urgents, il avait la permission de s'en charger lui-même. Il pouvait être les muscles, il pouvait être le messager, et tout ce qu'il souhaitait. Tina avait confiance en lui, avait même demandé à Jax de lui laisser une bonne part d'autonomie – elle se chargeait de lui.

L'information qui venait de lui être envoyée était intéressante, justifiait qu'elle abandonne ce qu'elle avait entamé, et s'enfonce dans les entrailles de la fosse. Un sourcil arqué, elle ne prit pas la peine de répondre, rangea son téléphone et prit le chemin de la foule. Elle lança quelques regards autour d'elle pour s'assurer qu'aucun visage inconfortable ne soit dans les parages ; très peu envie d'avoir à botter le cul de certains indésirables alors qu'elle recevait un convive de premier choix. En passant devant le bar, elle adressa un hochement de tête en direction de son barman pour le remercier de l'avoir prévenue et s'installa sur le tabouret libre, à côté de l'homme au chapeau qu'elle avait reconnu de loin grâce à ce simple accessoire. Elle adressa un regard à la personne venue la service, et refusa de lui répondre, lançant à Enoch qui se tenait plus loin : « — Quelque chose de fort, et fruité, épate-moi. Et un autre verre pour notre ami quand le sien sera terminé. » Elle ne s'adressait souvent qu'à son chouchou, au grand désespoir de ceux cherchant à s'attirer les grâces de la dame.

Elle reporta ensuite son attention vers celui qui était arrivé sans s'annoncer et leva les yeux au ciel en le voyant la saluer d'un air si distant. Il connaissait ses habitudes, comme tous ceux venus s'associer avec elle. Les salutations ne changeaient pas la concernant, elle savait que beaucoup se laissaient déstabiliser par ses manières et en était ravie. Et concernant ceux qui s'étaient assez habitués pour ne plus rougir sous ses lèvres, rien ne l'empêchait de se servir quoiqu'il advienne, ses plus fiers alliés en faisaient partie. Elle se redressa alors en posant ses deux mains sur les joues du nouvel arrivant, et attrapa ses lèvres dans les siennes sans plus attendre. Un rictus aux lèvres, elle s'autorisa quelques attaques supplémentaires en passant furtivement une main contre sa nuque. Elle revint ensuite confortablement sur son siège en lui lançant un regard signifiant : c'est ainsi qu'on salue une dame.
Elle attrapa le verre déposé devant elle, Enoch ayant rempli sa mission pendant qu'elle s'occupait de la sienne, et y trempa vaguement les lèvres en souriant à la remarque de son interlocuteur à venir. Elle prit quelques secondes pour apprécier le liquide guidé dans sa bouche, valida le choix de son protégé dans son esprit, puis répondit sans détourner les yeux de son verre. « — Disons que mes visiteurs ne sont pas tous aussi séduisants, je serais sotte de ne pas en profiter. Et puis, qui sait quand tu reviendras la prochaine fois. » L'œillade dans sa direction voulait tout dire, il avait mis bien trop de temps à revenir vers elle, et Tina détestait attendre. Elle l'observa, ravie de constater que le bourbon lui plaisait en bonne hôtesse qu'elle était.

Elle croisa ses mains sur le comptoir en entendant ses excuses, tourna ses pouces en laissant ses ongles gratter contre sa peau. Le sourire qu'elle afficha montra qu'elle était satisfaite de l'entendre lui présenter ses excuses ; pour elle c'était évident, mais pas pour tout le monde et elle le savait. Elle leva alors son verre dans sa direction pour montrer qu'elle appréciait, comme un semblant de trêve. Pourtant, l'évocation de Tonton Jack lui fit reposer son verre. Les doigts crispés, elle essaya de ne pas montrer combien entendre son prénom lui donnait envie de se lever et partir à sa recherche pour lui botter le cul. « — La solution ne serait pas d'éliminer Tonton Jack ? Je connais des volontaires pour t'accompagner dans cette mission. » Elle pencha sa tête contre son épaule comme mimique prouvant qu'elle plaisantait, mais ce n'était pas le cas et il devait le savoir. Elle redressa la tête en le voyant se pencher et montra un rictus à sa demande. « — Tu parles de ça, ou de ça ? J'accepte les deux. » Son regard passa de l'arme qu'elle voyait dépasser, au corps de l'homme sur lequel elle s'attarda exprès pour marquer ses intentions. Elle se redressa ensuite en arquant un sourcil et attrapa son verre dans une main quittant sa place. Elle espérait tant que le motard rentrerait raconter leurs interactions à Tonton Jack, se pourléchait les lèvres à la mine de l'ex amant si tel était le cas.

Elle lui fit signe de la suivre et commença à fendre la foule pour atteindre la mezzanine contenant le coin vip qui était bien trop sélectif selon certains. Elle y fit son apparition, son verre toujours à la main, et fit un geste de sa main libre en ordonnant. « — Laissez-nous. » Un regard à Javier, et elle fronça les sourcils pour demander : oui, toi aussi. Elle attendit alors qu'ils aient tous quitté les lieux et posa sa boisson sur la petite table basse. La zone était en hauteur, éloignée de la piste et offrait plus de calme ; la musique s'entendait, mais seulement comme un bruit de fond. Ils pouvaient enfin s'entendre discuter sans avoir à hausser le ton. La belle se planta face à son invité, très près, son corps touchant le sien, et passa ses doigts contre le ventre de l'homme en s'y attardant de manière évidente, pour finir par attraper le jouet qu'il lui avait présenté quelques minutes en arrière. Elle resta ainsi quelques secondes, comme pour que son parfum reste sur lui à jamais, qu'il l'amène partout dans son sillage. Prends ça Jack. Elle fit ensuite un maigre pas en arrière et leva l'arme devant ses yeux pour l'analyser. « — Très joli. » Elle prit l'arme en main, les doigts autour de la crosse et pointa le canon dans une direction pour évaluer le poids, la maniabilité, décider s'il lui plaisait ou non. Elle hocha ensuite la tête d'un air appréciateur. « — Merci, tu viens de gagner environ cinq minutes d'entretien. » Elle posa le jouet près de son verre et s'éloigna du motard pour rejoindre un des canapés dans lequel elle se laissa tomber. Les deux bras contre le dossier, de chaque côté, et les jambes croisées dans une posture dominante, montrer qu'il avait beau avoir ses forces, elle était ici chez elle. « — Tu crois que ça te laisse assez de temps pour me dire ce que tu es venu faire ici ? Je ne suis pas assez candide pour penser que tu es en simple visite de courtoisie, et notre alcool a beau être délicieux je sais que tu préfères t'abrutir sur les tabourets de votre boui-boui. » Le dernier mort sortit étrangement d'entre ses lèvres, comme un terme appris récemment qu'elle avait encore du mal à bien articuler ; cela donna un air presque méprisant. Don savait que ce n'était pas entièrement le cas, Tina le respectait trop pour cela, elle était seulement un peu brute dans ses propos, et dans ses actes. « — Et j'ai beau apprécier voir ton joli minois, je sais qu'il faut une contrepartie à cette jolie vue. Alors je t'écoute, que puis-je faire pour toi ? » Elle tapota la place près d'elle, sourire aux lèvres.