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 pick your battles - james

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Darius Smith
- skippy, le grand gourou -
Darius Smith
- skippy, le grand gourou -
damné(e) le : o18/03/2021
hurlements : o1766
pronom(s) : oshe / her
cartes : ofürelise (ava) ; uc (sign)
bougies soufflées : o53
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-- You gotta pick your battles choose your war everything we have is gone, so I rule in love
La voix de Vinnie avait retenti, étouffée par les battements de la pluie torrentielle. Providentielle et pourtant si lointaine, perdue dans la douleur, noyée dans toute l'eau crachée par le ciel. Les sillons rougeâtres, il ne les voyait plus. Ne sentait que l'odeur métallique, caractéristique, de tout le sang qu'il était en train de perdre. La vision floue, lorsqu'il lui semblait avoir vu la silhouette du Chasseur s'enfuir. Enveloppée par les multiples lumières de la circulation. S'il n'avait pas été interrompu, il aurait porté le coup fatal. Darius l'avait lu dans son regard. Une certitude qu'il aurait lui-même eue, si le hasard n'avait pas voulu qu'il soit déjà affaibli. Se battre pour régler un problème était vite devenu se battre pour survivre.
Parce que le Chasseur était doué, il fallait bien le lui reconnaître. En témoignaient toutes les plaies qui parcouraient les chairs du Wendigo. En témoignait l'état de son pair, gisant encore à quelques pas de lui. Il ne frappait pas par hasard, il savait parfaitement ce qu'il faisait. Visait pour tuer et, le regard perdu le long des sillons d'eau rougie, toutes ses forces concentrées sur cette main qu'il plaquait furieusement contre la plaie dans son cou, Darius se demanda s'il n'allait pas atteindre son but.

Mourir dans une ruelle sombre, comme un chien.
Un échec.
Un putain d'échec.


Peut-être que ce n'était pas le Chasseur qu'il avait vu s'éloigner, alors qu'il s'effondrait à bout de forces, la joue contre le pavé dans cette foutue ruelle. La concrétisation d'une vie d'échecs, le Destin qui s'échappait en courant pour ne même pas lui concéder une fin digne de ce nom. Après tout, la méritait-il vraiment ? Quelle victoire, quels accomplissements avait-il obtenus ? L'empire qu'il avait souhaité bâtir pour le Foyer Rouge, au nom du Dévoreur, ne s'étalait même pas au delà des frontières d'Exeter. Son propre Fils le regardait avec la même ire dans le regard que celle qu'il avait lue dans le sien, bien des années avant de commettre l'impardonnable. Prendrait un flambeau dont il n'avait pas l'air de vouloir, sinon pour faire régner la tradition dépassée de son grand-père. Unique descendance à pouvoir le faire, et ni Vinnie ni Susan n'y pourraient quoi que ce soit à moins de faire couler le sang et éteindre la lignée Smith une bonne fois pour toutes. Et la personne par et pour laquelle tout avait commencé, de cet empire confiné à cette colère sans frontières qu'éprouvait son rejeton, n'était même pas là pour en voir l'avènement autant que la chute. James, dont la place aux côtés du Père était toujours aussi vide. D'autant plus depuis la rixe, quelques temps plus tôt. L'un de ses plus grands échecs, de n'avoir pas su conserver ce qu'il avait tant qu'il l'avait. Darius en enfant capricieux, le regard bien trop focalisé sur ce qu'il voulait plutôt que ce qu'il avait déjà.
L'ambition n'avait jamais été la cause de ces échecs répétés. C'était l'orgueil. Et aucun roi ne pouvait conserver sa couronne, voire son trône, par la seule force de son orgueil.
Cette leçon, c'était son père qui l'a lui avait apprise. D'un simple regard, toujours aussi orgueilleux. Le tout dernier qu'il avait planté dans celui de Darius, avant de pousser son dernier soupir.

Soupir. Sa vie lui filait entre les doigts, malgré la compression qu'il maintenait encore contre la plaie dans son cou. Trop difficile de garder les paupières ouvertes, et le poids de tous ces échecs qui écrasait un peu plus son corps dans les pavés de la ruelle. La présence omniprésente de la mort, juste à côté de lui, lui tournait la tête. Peut-être qu'ils seraient deux victimes du Chasseur, d'ici quelques minutes. Peut-être que c'était ce qu'il y avait de mieux, au final. Après tout, que lui restait-il, au milieu de tous ses échecs ? Sa vie toute entière n'en avait été qu'une succession. Il était peut-être temps d'arrêter les frais. Même pas capable de mourir dignement pour rejoindre la place d'honneur, aux côtés du Grand Dévoreur. Ses serres froides se coulaient déjà en gouttes gelées sous ses vêtements. Peut-être qu'il était temps de concéder qu'il ne la méritait pas, cette place. Incapable de prouver sa valeur en tant que leader, en tant que prédicateur, en tant que combattant. Ses doigts, crispés par le froid et la douleur, se détendirent doucement autour de la plaie dans son cou.

Un échec, d'avoir une mort digne.
Un échec, d'avoir été incapable de dire à ses proches tout ce qui s'étranglait au fond de sa gorge. Toute sa fierté, toute sa tendresse. La portée de cet amour qu'il avait toujours été incapable de clamer autrement que dans ses prêches, alors qu'il aurait voulu l'exprimer différemment, sincèrement à chacun. Dire à Vinnie et à Susan à quel point il était fier d'eux. A son fils à quel point il l'aimait, malgré tout ce que le plus jeune pouvait penser.
A James, à quel point il était désolé.
Des yeux dans lesquels il aurait voulu se perdre une dernière fois. Qui avaient tant dit sans rien déclarer, la dernière fois qu'ils s'étaient glissés contre les iris du Wendigo. S'imposaient maintenant contre ses paupières, d'une glace brûlante. Si beaux quand Darius pouvait les admirer jusqu'à plus soif, jusqu'à ne plus pouvoir respirer tant ils lui coupaient le souffle.
Un échec, peut-être l'un des plus cuisants. De ne pas avoir su dire je t'aime quand il le fallait.

Et la voix de Vinnie avait retenti. Lointaine. Ethérée. Intruse dans ce monde où n'existaient plus que les yeux de la Gorgone, lumineux comme des feux de Bengale. Le corps et l'être réduits à une seule et unique envie, celle de partir les rejoindre. L'impression de sentir des mains agripper ses épaules. Et la sienne de glisser le long de son cou pour tomber mollement au sol.

***

La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. L'allumette qui avait enflammé tout le Foyer Rouge réduite à un simple message. Le délai de sécurité imposé par le Père avait été dépassé sans le moindre signe de vie. L'équipe de nettoyage n'avait fait que confirmer ce que tout le monde redoutait : l'heure était grave. Très grave. L'embrasement avait été immédiat, dans la communauté. Il fallait faire vite. Débarrasser la voie pour permettre tout accès à l'équipe de nettoyage, de l'entrée jusqu'à l'infirmerie qui se trouvait dans les quartiers résidentiels. Dégager un lit, préparer tout le matériel pour pallier à toute éventualité. Renforcer la sécurité à tous les postes d'un côté, éloigner les enfants de l'autre. Des gestes appris et répétés par tout un chacun, par la force de l'habitude. Ce n'était pas la première fois, ce ne serait sûrement pas la dernière, que l'un d'entre eux reviendrait blessé d'un voyage à l'extérieur. Des générations qu'ils savaient quoi faire, et pourtant, toujours la même crainte au bide quand ça arrivait. Un vent de panique frémissant dans toute la ferme, l'appréhension croissant un peu plus à chaque minute qui passait. Les informations de l'équipe de nettoyage, bien trop succinctes, passaient de bouche en bouche. Grandirent en même temps que la peur, chacun alimentant ses craintes à celles des autres. Jusqu'à ce que les préparatifs soient faits, et qu'un silence angoissé s'abatte sur la ferme. Le Foyer Rouge retint son souffle.

Les appels des sentinelles retentirent enfin.
Les portes de la ferme s'ouvrirent sur quatre pick-ups, arrivés à pleine vitesse. Des ordres fusèrent d'un côté, de l'autre, de la pluie torrentielle. Dans le coffre ouvert du premier pickup, protégé par deux hommes, le Père était déjà inconscient. Fut glissé dans une civière, transporté aussi rapidement que possible jusqu'à l'infirmerie. Des plaies qui parlaient d'elles-mêmes, témoin d'une rencontre surprise avec un Chasseur. Une théorie qu'avait avancée Darius, en allant voir l'étendue des dégâts quelques temps plus tôt. Une rumeur qui enfla dans tout le Foyer, confirmée en particulier par la blessure au cou du Père. Père qui revenait à lui par poignées de secondes avant de sombrer à nouveau. Marmonna un unique prénom dans un bref instant de clarté, avant que les vagues de douleur ne l'emportent plus loin des rivages de la conscience.

Les yeux de la Gorgone plein l'âme, et son prénom au bout des lèvres.
James qu'il voyait partout, dans la ruelle, au cours de la route, dans cette infirmerie qu'il devina, une brève seconde, autour de lui.
Imprimé dans ses rétines, dans son cœur, quand il referma les yeux pour sombrer une énième fois.

 

-- @James Turner && @Darius Smith



run from me
darling, you better run for your life

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James Turner
- i'm the boom king -
James Turner
- i'm the boom king -
damné(e) le : o07/03/2021
hurlements : o1725
pronom(s) : oshe/her.
cartes : o(av/cs/icons) fürelise (cs/signa) tucker.
bougies soufflées : o52
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pick your battles
Il était arrivé la tête haute, sans craindre un seul instant que l'accès à la ferme puisse lui être refusé. Ils le connaissaient depuis le temps, avaient tous été témoins des voyages qu'il faisait, escorté par le maître des lieux la plupart du temps, de peur qu'un incident se produise une nouvelle fois. Les gardes auraient peut-être eu pour ordre de ne pas le laisser passer, selon les bons désirs de Darius en personne ; James savait que cela dépendrait de son humeur des derniers jours. Il le connaissait, savait parfaitement que le wendigo n'aurait pas demandé à ses sujets de s'attaquer à lui, ni de lever sa protection après leur dispute. Il lui en ferait sûrement la remarque, le menton levé, espérant lui prouver qu'il n'avait pas à le chasser ; il partait de lui-même, mais comptait bien revenir réclamer ce qui ne lui revenait pourtant plus. Il n'était plus en droit, en toute logique, de venir avec ses outils, son matériel, en espérant que le chef tende son bras pour lui. Mais il n'en avait pas le choix, ne savait comment se fournir autrement en cette matière si spécifique qu'il n'avait - presque - trouvée nulle part ailleurs. Il comptait bien renégocier les termes du contrat, ils finiraient bien par trouver un arrangement qui conviendrait à chacun ; qu'ils ne deviennent que de simples collègues pour cela serait un sacrifice qu'il se sentait capable de faire. Enfin, pas réellement, mais il comptait bien le prétendre afin de poursuivre les négociations si Darius venait à mettre leur dernière rencontre sur le tapis.
Il avait alors dépassé l'entrée en jetant quelques regards oisifs autour de lui, puis avait pris le chemin habituel sans se soucier des regards qui pourraient se poser sur lui. Il savait que la plupart étaient encore moins enthousiastes à l'idée de le voir, après les derniers évènements, et ils n'avaient pu être mis au courant de sa visite puisqu'il ne s'était pas annoncé. Darius ne savait pas qu'il venait, il avait compté sur l'effet de surprise pour le déstabiliser. Les maisons se succédaient autour de lui, jusqu'à ce qu'il arrive devant celle de Darius, qu'il avait tant aimé partager ces derniers mois. L'endroit lui paraissait moins avenant, les souvenirs de quelques semaines en arrière lui revenant bien clairement à l'esprit ; une soirée qu'il n'était pas prêt d'oublier. Un regard autour de lui lui avait signifié que certains visages connus l'avaient remarqué, dans le lot, il avait reconnu celui de la juge, dont l'attitude restait inchangée le concernant, depuis toujours. Il n'adressa aucun signe, aucune salutation, se contenta d'entrer dans l'habitation, et soupirer d'aise en refermant derrière lui.

Darius était absent.

Il aurait pu sortir, s'inquiéter de la situation auprès d'un des habitants, afin de savoir combien de temps il aurait à attendre leur chef. Mais il n'avait pas envie de se mêler à eux, pas après tout ce qu'ils incarnaient à ses yeux, dorénavant. Il décida alors de s'armer de patience, en s'installant sur ce lit qu'ils avaient partagé ; il saurait se réveiller avant le retour de son ancien amant, afin qu'il ne le retrouve pas endormi chez lui. Mais les journées étaient difficiles ; retrouver la confiance de Larry, qu'il pensait avoir injustement perdue en instaurant ses propres règles, était épuisant. Il passait ses journées au laboratoire, dormait parfois sur son bureau sans se rendre compte du temps qui passait, et ne rentrait que pour se rendre compte qu'il était trop fatigué pour penser dormir. Il était épuisé, et s'il devait attendre le retour du wendigo, autant en profiter pour recharger quelques batteries, il risquait d'en avoir besoin pour survivre à la confrontation qui l'attendait. Il déposa alors ses sacs au pied du lit, et s'y allongea un court instant, le temps de fermer les yeux - quelques minutes, selon lui.

__________

Il fut réveillé par des bruits qui semblaient provenir de tout autour de lui. Une agitation qu'il n'avait pas trouvée à son arrivée, et qu'il ne comprenait guère. Il se leva, passa une main sur son visage en se demandant combien de temps il s'était endormi, puis ouvrit la porte pour réclamer des explications. Il fit quelques pas, regarda autour de lui afin de comprendre où semblaient se rejoindre une bonne partie de ceux qu'ils croisaient, puis finit par s'arrêter en voyant des hommes transporter une civière, un homme à l'intérieur. Darius. « Qu'est-ce qu- Darius ? » Les mots étouffés dans sa gorge, à peine audibles. Il sortit de sa torpeur, définitivement éveillé par la peur qui l'emporta sur toutes les autres émotions qui auraient pu le traverser. Il accéléra le pas, se mêla aux autres en se perdant entre des « Laissez-moi passer ! » et des plus forts « Vous l'emmenez où ? ». Mais personne ne semblait l'entendre, ou plutôt, ils l'ignoraient ; bien trop occupés à secourir, ou s'inquièter de l'état de santé de leur chef. Il avait fini par perdre le principal intéressé des yeux, et sentait que sa patience atteignait ses limites, il était prêt à hausser le ton, même peut-être en bousculer un ou deux pour que quelqu'un lui réponde. La logique devait le conduire du côté de l'infirmerie mais il ne connaissait rien de leurs coutumes, en venait à craindre quelques détours qui leur feraient perdre du temps : des prières peut-être ?

Il sentit une main s'accrocher à son bras, le tirer dans une direction sans s'embarasser des mondanités ; pas même une salutation. Les pas rapides, il la suivit sans faire d'histoire, se doutant de l'endroit où elle le précipitait. L'infirmerie, il avait vu juste. Il se demanda un instant pourquoi elle était venue vers lui, elle qui semblait ne jamais l'avoir apprécié, du moins s'être toujours méfiée de la relation qu'il entretenait avec Darius, comme s'il n'était pas un atout pout lui, mais un boulet capable de le ralentir. Elle dut comprendre l'interrogation dans son regard, puisqu'elle l'informa :

« — Il t'a appelé ! » 

Il fronça les sourcils, sans comprendre, mais ne ralentit pas le pas pour autant, trop pressé ; Susan l'était tout autant, il se demanda d'ailleurs comment elle pouvait être si rapide avec des talons pareils. Il entra dans l'infirmerie en sa compagnie, épousa la pièce d'un regard circulaire et eut un hoquet de terreur en voyant l'état du wendigo - pire que ce qu'il avait cru entrevoir. Il ne bougea pas immédiatement, la juge s'invitant dans son champ de vision en se braquant face à lui, l'enfer au fond des yeux.

« — S'il a confiance en toi, alors moi aussi. Il se réveille parfois, ça peut l'aider de te voir j'imagine, alors j'te laisse t'en occuper avec elle. Et Turner, fais pas le con ou je te jure que tu regretteras qu'il soit plus là pour te protéger. »

Elle lâcha enfin son poignet afin de quitter la pièce, criant déjà des ordres à l'extérieur, étouffés par la distance et la pluie torrentielle qui sévissait à l'extérieur. Il était lui-même trempé, mais ne sentait plus le froid glacer ses os, obnubilé par sa mission. Il devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour venir en aide à Darius. Il releva les yeux vers ce elle que la jeune femme avait évoqué, et ne perdit pas une seconde de plus, avant de se précipiter vers son objectif. Ils furent efficaces à deux, capables de s'accorder pour avancer au mieux, offrir les meilleurs soins possibles à un Darius en mauvais état. James essaya de ne pas y penser, de ne pas lui accorder ce visage, de peur s'en perdre ses moyens. Cela ne lui ressemblait pas, le scientifique toujours imperturbable dans son travail, mais il expérimentait de nombreuses première fois ces derniers temps, et l'émotivité ne devait pas en faire partie, pas alors que garder son sang froid était si important. Il avait déjà eu l'occasion de discuter avec sa consœur quelques fois, s'était même entretenu avec elle dans le laboratoire après l'avoir croisée, sans en parler à Darius de peur qu'il ne se fasse des idées, et de fausses joies par la même occasion. Ils se savaient capables de travailler ensemble, et le prouvaient pour cette sombre situation. Ils tenaient tous les deux à ce que le blessé s'en sorte, avaient chacun des raisons de tout donner pour sa survie.

Il la laissa quitter la pièce une fois terminé, certainement pour aller épauler Susan ou prévenir Jane qu'ils n'avaient plus qu'à attendre. James préféra rester à l'intérieur pour surveiller le malade en cas de besoin, et il ne se sentait pas de rester au milieu, alors que certains risquaient d'être sur les nerfs, du moins chamboulés par la situation. Il était bien plus utile dans cette infirmerie à garder un œil sur le bel endormi. Il lui jeta un coup d'œil en s'installant sur un tabouret à roulette, et poussa un long et profond soupir de soulagement ; mais rien n'était gagné, pas avant qu'il ne soit réveillé et remit sur pieds. Les plaies avaient toutes étaient lavées et désinfectées, évidemment, mais arrêter l'hémoragie et s'inquiéter de sa survie avaient été plus importants que soigner son apparence. Le scientifique se leva alors, et alla remplir une bassine d'eau chaude pour lui faire sa toilette, la terre et la pluie ayant provoqué des traces de boue sur sa peau. Il voulait être plus minutieux. Il récupéra quelques linges supplémentaires, sans demander à personne, et revint vers le malade en roulant sur son tabouret. La bassine disposée sur une table à côté, il trempa le linge, et l'essora avant de se mettre au travail.
Il porta le linge vers la tempe de Darius, et le balada jusqu'à son front, en faisant attention de ne pas toucher ses yeux. Il passa quelques minutes sur la tête, avant de remettre le linge dans l'eau pour continuer ; quand il aperçut un mouvement du coin de l'œil. Il plaqua une main sur son torse par réflexe, sans appuyer, seulement pour l'empêcher de se lever si l'envie lui prenait ; il devait se reposer. Il se leva de son tabouret pour se rapprocher de lui, et secoua la tête avec autorité.

« — Non non non, tu restes tranquille ! » 

Il hésita à se servir de ses yeux pour le forcer à l'immobilité, mais savait que se remettre de la torpeur d'un tel pouvoir pouvait demander de l'énergie, et il n'en disposait pas assez à son goût. Il plissa les lèvres, et refréna son envie soudaine de l'enlacer. Il s'était réveillé plus rapidement qu'il ne l'aurait pensé, mais après tout, il savait son ancien amant plus fort que la pierre. Il s'inquiétait pourtant encore, malgré que ce dernier ait les yeux ouverts. Il était resté inconscient un long moment, et il devait se reposer avant de pouvoir faire quoique ce soit. Un sourire s'infiltra sur ses lèvres, faisant de l'ombre à la mine sombre qu'il avait portée toute la journée. Il était heureux de le retrouver, mais avait peur qu'il ne lui glisse entre les doigts.

« — On va t'installer dans ton lit pour que tu puisses te reposer, j'attends juste Vinnie pour m'aider. Mais je devrais y aller, Jane s'occupera du reste. » 

Il jeta un coup d'œil en direction de la bassine, et un vers le matériel qu'il comptait utiliser pour changer ses bandages par la suite. Il avait songé rester le temps de son sommeil, mais ne se pensait plus légitime pour ce rôle, si l'autre était éveillé. Il était arrivé à la ferme en tant que collègue, et ne pouvait rester avec un statut différent. Il eut pourtant envie de proposer une plaisanterie pour justifier de ne pas poursuivre sa toilette, un rappel de ce qu'il était.

« — J'en ai profité pour te tirer trois litres de sang, c'est pour ça que tu te sens patraque. » 

C'était faux, évidemment, mais il lui fallait établir le contact sans avoir à lui dire ce qu'il avait réellement sur le cœur. Il ne pouvait lui avouer à quel point il avait eu peur en le voyant dans un état aussi désastreux ; à quel point l'idée de le perdre avait été difficile durant son inconscience ; comment il crevait d'envie de rester pour s'assurer qu'il aille bien. Il finirait par s'endormir de nouveau, de toute manière, n'était pas censé ouvrir les yeux avant quelques heures d'après ce qu'il avait prévu ; mais Darius dérogeait toujours à toutes les règles. Il prit une grande inspiration, et fit claquer sa langue contre son palais.

« — Je vais chercher Vinnie, rendors-toi. T'as perdu beaucoup de sang, il faut que tu te reposes. » 



IN THE NIGHT WE TRUST
have i doubt when i'm alone. love is a ring, the telephone. love is an angel disguised as lust here in our bed until the morning comes.
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-- but i take all you give for granted,
what really matters i keep breaking
L'impression de n'être rien, et tout à la fois. La dernière seconde, en suspension dans le temps. Plus la moindre douleur dans tout son corps, tant elle était devenue omniprésente. Omnipotente, déesse de l'Univers pourtant confiné du Père Rouge. L'écho des sensations de son propre corps n'était qu'un vague souvenir, dans ce monde tout de ténèbres. Bruits sourds, calfeutrés, si lointains qu'ils n'altéraient en rien le soupir qu'était devenu cette unique seconde. Celle à laquelle il s'accrochait encore, même en ayant tout abandonné. Parce que, lors d'une fraction de lumière, il lui avait semblé voir ce dernier visage que ses propres pensées avaient imprimé sur ses paupières closes. L'envie de s'y accrocher pour lui courir après une toute dernière fois, pour le voir s'animer d'autre chose que ce qui avait paru être de l'inquiétude, s'était rapidement imposée dans le noir. Avait grossi, comme le chagrin, comme les regrets. Mais ces derniers et la douleur allaient de paire. Loin, main prophétique dans la main, à se tenir à distance de l'espoir alors qu'il ramenait quelques rayons de lumière dans la torpeur. Et surtout, ce visage. Et surtout, ces yeux qui lui échappaient encore, même alors qu'ils ne risquaient n'avoir aucun pouvoir. Preuve de respect, preuve de pudeur, preuve d'une certaine peur, peut-être, de ne pas pouvoir les soutenir ; Darius qui n'osait pas plus dans son linceul que de son vivant, tant il se sentait petit à côté de leur infinie beauté.
De celles qui vous rappellent que les rêves deviennent quelques fois réalité.

L'impression d'avoir échoué à le garder intact, ce si beau rêve qui était devenu concret. D'y échapper autant que de le voir filer entre ses doigts, trop faibles pour réussir à s'accrocher à ce qu'il représentait. Le visage de James allait et venait, dans cette seconde infiniment longue. S'imposait contre ses rétines pour mieux s'en effacer, lumière fragile dans le puits sans fond de l'inconscience. L'impression de ne pas réussir à ouvrir des paupières trop faibles pour obéir, d'appeler sans voix dans le néant. Mais l'envie de s'y laisser glisser, dans le néant, n'était plus à l'ordre du jour. C'était celle de s'en tirer, d'escalader les parois sans prise, quitte à s'y élimer les doigts jusqu'à l'os. C'était celle de retrouver ce rêve qui avait été si concret et de s'y accrocher. Qu'importait l'issue, elle viendrait ensuite. Les suggestions et les théories, c'était pour les vivants. Darius, lui, devait déjà survivre pour en arriver là.

Survivre à cette interminable seconde. Un soupir retenu dans le temps, la suspension de son instant qui, pour d'autres, avait duré des heures. La sensation de quelque chose d'humide contre la peau de son visage lui parvint, aussi lointaine que l'impression de régir un corps tout entier. Un contact auquel il se raccrocha avec l'énergie du désespoir. Put bientôt suivre le trajet du contact humide, non, mouillé le long de son visage. L'impression de lutter contre lui-même, encore et encore, alors que le contact se définissait encore d'avantage. Pouvait sentir la matière du tissu, à présent. L'odeur chimique de l'environnement. Le poids aussi absurde qu'abominable de ce corps qu'il réinvestit, alors que ses pupilles luttaient contre ses paupières.
Puis revint le reste. L'eau, la pluie sur son visage. La ruelle. Le profil aquilin de son attaquant. L'éclat de la lame qui avait porté le coup de semonce, s'élevant pour donner à présent celui de grâce.

Poussée d'adrénaline. Ses nerfs réagirent aussitôt à la vision, le Père se redressa brusquement, les yeux grands ouverts, l'inspiration si profonde que la goulée d'air frais qu'il aspira aussitôt lui gela les poumons. Se heurta à une main, ultime barrage contre les réflexes. Affolés, les yeux noirs trouvèrent une paire de lèvres ourlées qu'ils connaissaient bien. Qui n'avaient rien et tout à voir avec la situation. Poussé sans l'être par cette main sur son torse, Darius obéit à l'injonction. Posa un regard aussi confus que paniqué à ce visage qu'il avait chassé dans le noir, sans que ce soit celui du Chasseur. Incapable de déterminer si les battements brutaux de son coeur venaient de l'adrénaline, de la stupéfaction ou du soulagement de trouver James à son chevet. Ses doigts se portèrent spontanément à la plaie dans son cou. N'y trouvèrent ni coupure, ni sang, juste le contact chaud d'un pansement épais. Il pouvait sentir la compression de bandes de gaze et de compression, partout sur son corps. Autour de son cou. Déglutit difficilement, toujours confus, alors qu'il se renfonçait dans ce qui semblait être un lit. Incapable de voir autre chose que James, encore James, James qui s'était remis à parler. James, le seul prénom à faire sens malgré tous ceux que le scientifique venait de prononcer.
Perdu, Darius. Trop affaibli pour comprendre ce qu'il racontait, trop anesthésié pour réussir à saisir ce qu'il se passait. Le regard toujours rivé sur le visage de celui qu'il ne se serait jamais attendu à voir à ses côtés, alors que progressivement, c'était la certitude qu'il n'était jamais sensé le revoir qui s'imposait dans son esprit. Que faisait-il là ? La bouche pâteuse, alors qu'il esquissait un mouvement des lèvres pour poser innocemment la question. Obtint une réponse sans même avoir à le faire, qui le rendit encore plus perplexe. Il lui avait prélevé du sang ? Ici ?

Le coup au cœur le toucha avant qu'il ne comprenne qu'il ne s'agisse d'une plaisanterie. Et même si une ombre de sourire creusait à présent les lèvres ourlées, Darius n'était pas certain qu'il s'agisse d'une boutade ou d'un fait. Qu'il s'agisse de la réalité, ou de la suite du délire dans lequel il s'était retrouvé, durant cette seconde infiniment longue. Il déglutit difficilement, le regard toujours perdu sur les traits fins de son amant. Ne reconnaissait rien sinon lui, ni les lieux, ni le contexte, ni le concret. Jusqu'à l'esquisse de mouvement, chez son ancien amant.
Et le main libre de Darius de s'envoler immédiatement jusqu'à celle du scientifique. De l'étreindre pour ne pas la laisser filer, qu'elle ne disparaisse pas, et surtout pas définitivement.

-Reste.

Un croassement difficile. Il ne reconnut pas sa propre voix, pas plus que tout le reste sinon James. Mais la main du scientifique, serrée entre ses propres doigts, était chaude et familière. Concrète. Réelle.
Au moins autant que le souvenir de leur dernière conversation alors qu'il s'imposait, vibrant, à sa mémoire. Une altercation violente, où les sentiments avaient claqué du ton des ordres et des menaces. Il s'adoucit aussitôt, un murmure plutôt qu'un râle.

-S'il te plaît. Reste.

Une supplique plutôt qu'une demande. Enfantine et maladroite, tant ce type de mots n'avait que rarement leur place entre ses lèvres. Comme pour accentuer la demande, ses doigts qui serraient un peu plus ceux du scientifique de peur de les laisser filer. Parce que James était comme l'eau, indomptable. Insaisissable. Destructeur et curateur. Les yeux noirs dévièrent vers ceux, impossibles, de la Gorgone. S'y seraient perdus s'ils en avaient le droit comme la force, mais s'arrêtèrent presque respectueusement juste en dessous. Guidé par la chaleur de la main dans la sienne, malgré qu'il relâche son étreinte autour des doigts. Proposition désespérée pour la laisser filer, malgré l'envie qu'elle ne s'échappe jamais. Sa chaleur, elle, ancrait Darius dans ce concret qui s'imposait progressivement sur le délire. Il y voyait plus clair, autour de la Gorgone. Reconnaissait d'avantage les murs, les odeurs. Pouvait presque capter des voix lointaines, sans réussir à déchiffrer le sens de leurs mots. Quelle importance avaient-elles, après tout ? Tout ce qui comptait était là.
Devant Darius, sous ses doigts. L'autre main toujours pressée contre sa plaie, par réflexe, malgré le pansement qu'il sentait parfaitement.

-Le Chasseur... Ils l'ont eu ?

Et l'urgence de remplacer chaque mur de l'infirmerie par ceux de la ruelle. D'imposer la silhouette athlétique de son agresseur dans l'encadrement de la porte, derrière James. Les pupilles dilatées, les nerfs soutenant son corps bien plus que ses muscles affaiblis, Darius esquissa un mouvement pour se redresser. La situation était critique. Urgente. Main toujours plaquée contre le pansement, alors que des saillies de douleur commençaient à transpercer la ouate confortable des anesthésiants, sous ses mouvements. Mais il y avait la pluie. Il y avait la nuit. Il y avait le corps d'un des siens, juste à côté de lui.
Et il y avait James.

-Il a massacré Aaron... S'il nous a suivis... Si je dors, si tu sors, je ne pourrai pas te protéger...

Et le concept lui était insoutenable. Parce que le danger était réel. Parce qu'il avait encore tant l'impression d'être encore dans cette ruelle, parce qu'il était encore si important de presser la plaie à son cou pour retarder l'hémorragie. Un pied dans le délire et l'autre dans l'urgence de la situation, et une unique supplique au fond des pupilles dilatées de Darius. Ses doigts coururent le long de son corps, là où les saillies de douleur coïncidaient avec des pansements plus ou moins importants. Le Chasseur était efficace. Malgré l'impromptu de la situation, il avait attaqué pour tuer, et s'en était presque sorti. L'envie d'arracher le pansement à son cou, pour plaquer sa paume contre la plaie cachée sous la gaze. Ses doigts griffèrent nerveusement les côtés du pansement dans l'espoir d'y arriver, de pouvoir se lever pour réussir à rejoindre les siens. Sa convalescence le ralentissait. Les bandages, les plaies, les soins, l'empêchaient de se mettre entre la menace et les siens. Protéger en ligne de mire, sauf que ses forces étaient bien plus limitées que ce que le délire poussait Darius à croire. Elles l'abandonnèrent quand il attrapa le pan de la couverture qui le recouvrait, pris d'un élan pour s'extirper du lit. Un coup d'assommoir sur la tête, quand cette dernière tourna si fort qu'elle l'obligea immédiatement à s'allonger dans un grognement frustré. Insoutanble impuissance. Ses ongles grattèrent encore nerveusement les rebords de son pansement, avant de retomber lourdement dans les draps. A bout de forces, Darius. Déposa un regard vaincu sur le visage du scientifique.

-Les pansements, c'est toi ?

Parce qu'ils étaient parfaitement réalisés. Parce que pousser le peu de voix qu'il avait, racler sa gorge douloureuse pour entretenir une conversation qui demandait beaucoup à ses maigres énergies, était peut-être le seul moyen qu'il lui restait pour avoir encore un peu James à ses côtés. Une négociation silencieuse, entre les inconscients. Aurait attiré le scientifique contre lui, si ça signifiait qu'il ne se fasse pas la belle. Pour le protéger. Parce que ces semaines sans sa présence avaient été encore pire que ces vingt années à l'attendre. Parce qu'il y avait encore ces mots impossibles à dire qui lui brûlaient les lèvres, échec éternel de son incapacité à dire ce qu'il fallait quand il le fallait.
Ce fut autre chose qui échappa de ses lèvres, malgré lui. Un feulement de douleur alors que cette dernière revenait, toujours plus obnubilante, attisée par l'adrénaline et ses mouvements brusques. Il serra les mâchoires pour la contenir, malgré la pâleur de son visage, malgré les tâches noires toujours plus grosses qui troublaient sa vue. Ca ne l'empêcha pas de tenter de s'accrocher à celle de James, à côté de lui.

-C'est grave ?

Au fond, il se doutait que oui. Il avait vu l'état d'Aaron, il savait ce que le Chasseur s'apprêtait à faire. Et s'il ne l'avait pas achevé, la plaie à son cou aurait fait le boulot toute seule comme une grande. Elle aurait juste mis un peu plus de temps. D'instinct, Darius le savait. Mais entretenir une discussion, toute aussi poussive et difficile qu'elle soit, était le seul moyen de garder James auprès de lui.

 

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Il n'avait plus sa place entre les murs de la communauté, et cela incluait cette pièce – encore inconnue jusqu'alors – dans laquelle ils se trouvaient. Il n'avait jamais fait de tour du côté de l'infirmerie, se contentant toujours de se rendre directement chez Darius, ou bien passant parfois dans le laboratoire pour faire un tour, admirant toujours avec plaisir la qualité du matériel mis en place, et la compétence des ouvriers. Il ne l'avait jamais dit à Darius, de peur qu'il ne se fasse de fausses joies concernant une potentielle embauche, mais il aimait cet endroit, et se sentait à sa place au milieu des autres laborantins ; peut-être avaient-ils eu l'ordre de bien le traiter ? Mais dans cet endroit, pourtant en seule compagnie de son ancien amant, il ne se sentait plus du tout à sa place. Il n'avait rien à faire ici, et surtout pas face au chef de la troupe qui devait se ronger les sangs derrière la porte. Il savait que Susan ne le louperait pas si Darius venait à avoir des complications, mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus – il savait, au fond, qu'elle serait le cadet de ses soucis s'il ne sauvait pas l'homme, mais ne voulait pas y songer, pas alors qu'il n'était pas encore parvenu à mettre de jolis mots sur ce qu'ils étaient, à l'époque. Il ne pouvait prétendre s'être dissocié de l'ouvrage. Les gestes automatiques, le cœur restait à l'affût chaque dois que ses yeux s'arrêtaient sur le visage du blessé. Elle était là, la vérité ; il ne restait pas pour satisfaire les autres, pour sauver leur meneur, mais parce qu'il tenait trop à Darius pour prendre de risque.

Il resterait à ses côtés le temps qu'il faudrait, ferait son devoir de médecin avant de s'en aller pour le laisser en paix. Il n'était pas venu pour cela, était arrivé au foyer avec d'autres buts en tête, et ne pouvait changer ainsi ses plans malgré la situation. Ils s'étaient quittés dans les cris, et James ne se voyait pas revenir autrement qu'avec des propositions professionnelles. Il ne pouvait faire dans les sentiments, pas après leur dernière entrevue quelques semaines en arrière. Il aurait du s'en aller avant qu'il ne se réveille, alors, mais voulait s'assurer qu'il ouvre les yeux. La meilleure solution avait alors été de jouer sur l'humour, avant de mettre les voiles pour qu'un autre s'occupe du reste. Vinnie viendrait l'emmener jusqu'à sa chambre, et ses nombreuses maîtresses n'auraient plus qu'à veiller sur lui. Ils n'avaient pas besoin de lui, Darius non plus. Il voulut alors s'éloigner, n'aurait qu'à contacter Vinnie dans la journée du lendemain pour prendre des nouvelles, seulement rester prévenu de son état.
Mais le principal intéressé en avait décidé autrement, les doigts s'élevant dans sa direction pour attraper les siens, et réclamer sa présence. Reste. Il eut un frisson, entre plusieurs sentiments qui se percutaient en lui, et ne lui laissaient plus aucune chance de faire les bons choix. Il regarda leurs mains, un instant, puis releva les yeux vers le visage de Darius, en faisant attention de ne pas s'inviter au contact des siens. S'il te plaît. Reste. Il prit une profonde inspiration, et sentit ses épaules s'affaisser légèrement, comme baissant les armes. Il ne pouvait s'en aller après ça, pouvait sentir dans les vibrations de sa main, la ferveur avec laquelle il souhaitait le voir rester. Immobile, il tourna la tête pour jeter un regard vers la porte, puis reporta son attention sur lui. Il n'entendait plus aucun bruit au-dehors, comme s'ils étaient tous partis vaquer à leurs occupations, en attendant que leur chef ne reprenne des forces ; Susan devait y être pour quelque chose, le scientifique l'ayant entendu crier dès sa sortie de l'infirmerie.

Il ne bougea pas, mais fit pression contre ses doigts comme pour lui signifier qu'il restait ; il ne savait pour combien de temps, mais s'éclipserait certainement quand le wendigo serait endormi, ou un proche de retour. La main toujours dans la sienne, il se réinstalla convenablement sur son tabouret, et ne releva les yeux vers lui qu'en entendant sa question.

« — Non ... Enfin, d'après ce que j'ai compris, il n'était plus là quand ils t'ont trouvé, il s'est volatilisé. » 

Il ne savait pas vraiment, n'entendait que quelques murmures depuis son arrivée, des paroles ici et là, mais était trop concentré sur l'état du blessé pour vraiment s'en soucier. Il s'en moquait que ce chasseur soit vivant ou non, retrouvé ou non, ce qui importait pour l'heure était de minimiser ses dégâts.

« — Je me suis plutôt bien protégé ces dernières semaines, c'est à mon tour de te surveiller. » 

Il savait que malgré leur dispute, Darius ne l'avait sûrement pas laissé seul pour autant. Peut-être avait-il continué de le suivre pour s'assurer de sa sécurité, peut-être avait-il ordonné à ses sujets de le faire à sa place, mais il doutait que l'homme l'ait lâché dans la nature sans poursuivre ce qu'il avait fait durant plus de vingt ans. On ne se défaisait pas si facilement de ce genre d'habitude. Mais il avait raison sur un point : si le chasseur les avais suivis, James n'avait aucune chance de survie en quittant la ferme. Il était bien moins résistant que son ancien amant, et si ce dernier n'avait pu venir à bout de l'autre homme, alors le scientifique n'avait aucune chance.

« — T'es pas en état de jouer les héros, et pour être tout à fait honnête, tu serais un poids pour eux. Dans ton état, ils passeraient plus de temps à te protéger qu'à surveiller leurs arrières. »

Il ne s'était jamais gêné pour dire la vérité, et savait qu'il avait raison. Ils surveillaient les entrées, étaient plus nombreux, organisés. L'état de Darius en disait long sur la bataille qu'il avait mené, et connaissant les forces de ce dernier, le chasseur ne devait pas être dans un bel état. James était persuadé qu'ils ne risquaient rien, personne n'était assez stupide pour venir se confronter à un peuple entier – blessé, qui plus est. Mais le wendigo était têtu, lui aussi. Le scientifique se redressa pour revenir poser ses deux mains contre le malade pour le maintenir couché, mais n'en eut pas la nécessité, l'homme tombant déjà comme une mouche. Il n'avait plus la force de rester debout, ils étaient donc tranquille. Il rebaissa alors un bras, mais garda l'autre en l'air afin de donner une légère tape sur la main de Darius qui s'activait autour de son pansement.

« — C'est moi, oui, et j'apprécierais que tu arrêtes d'y gratter. »

Il passa quelques doigts sur le pansement en question, contre son cou, et appuya doucement sur les bords afin de s'assurer qu'il n'ait pas endommagé son travail. Un enfant.

« — En réalité, j'ai été aidé par ... Tu sais, blonde, souvent au labo, les yeux clairs, qui en impose ; enfin, pas autant que la juge là, elle me fout les jetons, elle. Mais à mes yeux tes maîtresses se ressemblent toutes. »

Il voulut ajouter qu'il avait un faible pour les blondes, plaisanter sur les qualités physiques de celles qu'il avait croisées, mais se rétracta en comprenant qu'il partageait également les mêmes caractéristiques. De plus, c'était faux, la jeune femme qui l'avait aidé à soigner Darius ne ressemblait pas réellement aux autres, elle était bien plus jolie que la moyenne ; mais ça, évidemment il ne le lui dirait pas. Il s'humecta les lèvres, et croisa les bras contre son torse en redressant son dos, prenant la peau d'un professionnel.

« — Mh ça dépend, tu veux la vérité ou être rassuré ? »

Il croisa ses pieds au sol, bien stable contre le tabouret, et se râcla la gorge en poursuivant.

« — C'est grave, oui. Mais j'suis pas inquiet, je sais que tu t'en sortiras. »

Lui même était grave, dans son ton, dans la manière qu'il avait de le regarder, comme effrayé qu'ils repprennent des conversations qu'il ne souhaitait plus avoir. Il finit par sourire tristement, le bout du pied tapotant distraitement le sol. Finalement il se mit debout, et s'approcha d'un des robinets pour faire couler l'eau ; il s'empara d'un gobelet et le remplit d'eau avant d'y coller une paille au fond afin de lui faciliter la tâche, comme il l'aurait fait pour n'importe quel enfant à l'époque.

« — Je t'ai pas supporté près de trente ans pour que tu me claques si facilement entre les doigts. »

Il déposa le récipient sur la table près du fauteuil, et se rapprocha de Darius pour passer un bras sous lui, et un contre ses épaules pour ne pas être trop brusque. Il l'aida à se redresser de peur qu'il ne s'étouffe, et le relâcha en attrapant le verre d'eau. Il s'était peut-être très légèrement attardé pour profiter de l'étreinte, se rassurer lui-même concernant son état, sans montrer le bonheur que c'était de le savoir réveillé ; même si cela ne durait pas, c'était bon signe qu'il ait déjà ouvert les yeux, James le savait. Il lui tendit le verre, le garda à auteur de visage pour qu'il n'ait qu'à atteindre la paille qui pendait vers son nez.

« — T'as besoin de quelque chose ? Il va falloir que tu reprennes des forces rapidement, j'ai du travail et je compte pas te laisser sans surveillance. »

Comme si la surveillance des autres ne comptait pas, qu'il était le seul capable de prendre soin de lui. Il savait que c'était faux, qu'il pouvait le laisser au soin de n'impoorte qui de compétent de la ferme, seulement, il n'en avait pas envie. Il enverrait un message à Larry dans la soirée, ou le lendemain – de peur de le réveiller – pour l'informer qu'il ne viendrait pas au laboratoire de la journée.
Il reposa le gobelet d'eau sur la petite table, et glissa sa main contre la sienne, l'air de rien. Il attrapa ses doigts, et caressa le dos de cette main avec son pouce. Il baissa les yeux pour ne pas voir sa réaction, puis les releva en se râclant la gorge, espérant qu'il ne relève pas.

« — Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu as vu le visage de ton agresseur ? »

Il était partagé entre l'envie de lui parler, de comprendre, de l'aider à partager cette expérience qui aurait pu se terminer plus mal encore, et celle de le laisser se reposer, avec la crainte qu'il ne se réveiller jamais. Il patienta pourtant pour avoir une réponse, sans trop savoir en quoi cela pouvait bien lui importer. Après tout, ce n'était pas comme s'il était en capacité de faire quoi que ce soit, ce n'était pas son rôle de protéger Darius, il n'en avait pas la force. Mais il tenait pourtant à avoir une réponse, peut-être pour être sûr qu'il serait capable de le retrouver rapidement, et que Darius ne risquerait rien quand l'autre homme serait mis hors d'état de nuire. Il soupira à cette pensée, et murmura :

« — Tu m'as fait peur. »



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Le voile du délire commençait doucement à se soulever. Raccroché aux traits fins de son amant comme à une bouée, pour s'empêcher de sombrer à nouveau. Chaque mot qui tombait entre eux se heurtait à l'incompréhension, avant que les sens de Darius, amoindris par les sédatifs, ne permettent à son cerveau de les déchiffrer. La présence de James à ses côtés tenait encore si intensément du rêve que, s'il n'y avait pas eu la main du scientifique si brûlante dans la sienne, il n'y aurait probablement pas cru. Tant il l'avait souhaitée. Tant il avait cru qu'il ne la tiendrait plus. Disparaître aussi simplement que par un coup bien porté, sans avoir pu dire tout ce qu'il voulait à James. Parce que le Chasseur était bon. Il visait juste, il frappait pour tuer. Aaron en était témoin, charpie sans vie abandonnée dans sa ruelle. L'odeur du sang et de la pluie ne lui lâchaient pas les narines. L'étreinte de l'humidité pressait encore ses muscles. La morsure gelée du froid continuait de le faire frissonner, malgré la chaleur confortable qui régnait dans l'infirmerie. Sous sa couverture. Un pied dans la ruelle et l'autre dans cette petite pièce. Abattu par un épuisement qu'il n'avait jamais ressenti et, pourtant, il était vital d'agir. Il ne s'agissait pas que de lui, il n'y avait pas que lui qui était concerné par l'urgence de la situation. Le danger était omniprésent, il pouvait toucher tous les siens. Il pouvait toucher James, et le supplier de rester avait été aussi vital que respirer.
Pas seulement à cause du danger.
Ou peut-être que si, à cause du danger. Sauf que ce danger n'était pas un Chasseur, il n'avait pas un profil aquilin, ni un couteau qu'il savait parfaitement maîtriser. Il y avait une toute autre urgence pour étreindre ses entrailles, et serrer cet étau autour des cordes vocales du Wendigo. Celui du départ inéluctable de James. Ce n'était pas qu'une question de défense, pas uniquement. C'était une question de volonté. Si James voulait partir, Darius n'était pas en état de le retenir.
Et cette idée était au moins aussi terrifiante que celle d'être incapable de le protéger.

Les mots figés dans sa gorge, quand le scientifique avait répondu du tac au tac concernant sa défense. Une remarque d'une spontanéité enfantine, qu'il n'avait pu contenir que parce que la conversation avait suivi son cours. Un simple "J'étais là pour te surveiller" au fond de la gorge, étouffé par un concept qui était jusqu'alors étranger au Père Rouge. Celui que quelqu'un puisse le protéger, lui. Monstre parmi les hommes, chef parmi son peuple. Rien dans sa condition jusqu'à sa position qui puisse justifier que quiconque puisse endosser cette responsabilité. Personne pas même les siens ne se risquerait à prétendre une telle chose sans avoir peur des répercussions. Mais pas James. La bouche entrouverte sur son aveu, alors que les pensées s'entrechoquaient dans la brume. Etait-il sérieux, ou faisait-il de l'humour ? Il déglutit, Darius. Avait laissé le fil de la conversation se poursuivre, sans pour autant ne pas réussir à buter sur les concepts parfaitement étrangers que James lui énonçait. La possibilité qu'on le défende. Celle qu'il soit un fardeau pour les siens. Qu'il doive non pas agir, mais rester en retrait. Tant d'éléments qu'il savait impérieux, mais qui pourtant n'arrivaient pas à s'imprimer suffisamment profondément dans un esprit façonné dans le sens inverse. Et s'il savait au fond que James disait vrai, pire, qu'il ne pensait pas à mal en énonçant toutes ses vérités, il n'accusa pas mieux le coup. Echec sur échec sur échec. En tant que Père. En tant que protecteur. En tant que leader. En tant que Wendigo. Auprès des siens, auprès de James. Rester inactif était admettre tous ces échecs.
C'était au-delà de ses forces.

Se redresser aussi l'avait été. Abattu, par le délire, la douleur et son incapacité à maîtriser son propre corps. La tape agacée de James le ramena aussitôt à la réalité, à ce concret que le délire avait chassé si facilement. Un geste naturel, presque paternel, qui l'arrêta aussi sec. Reposant sa main dans son lit, il jeta un regard outré à son garde-malade tandis que ce dernier s'occupait de remettre son pansement en place. Se laissa faire en silence tel un enfant venant de se faire gronder. Personne ne lui parlait comme ça. Personne n'agissait de telle manière avec le Père Rouge, pas même Susan. Pas même l'Officieuse. Il resta silencieux le temps que James s'occupe du bandage. Peu habitué à ce qu'on prenne soin de lui, Darius, encore moins qu'on le fasse avec autant d'application. Il avait toujours admiré le doigté de James, l'exécution parfaite de ses actes médicaux même lors des premières fois qu'ils avaient fait des prélèvements sanguins. Cette fois-ci était différente et pourtant, elle ne faisait pas exception. Même au milieu de la vexation d'avoir été grondé comme un enfant désobéissant.
Il se laissa porter par les soins, par la voix de son amant. Le visage de l'Officieuse s'imposa devant ses rétines à sa mention, réveilla un sourire sur celui du Père. Maintenant que James en parlait, il lui semblait se souvenir de l'avoir aperçue au milieu de cette interminable seconde qu'il avait passée en suspension dans le vide. Il avait cru qu'elle aussi avait fait partie de ses rêves. Comme James. Comme Susan. Comme Vinnie. Mais même s'il lui semblait encore flotter entre deux eaux, les faits étaient apparemment très différents. Sa poitrine se gonfla d'une chaleur diffuse, tendre, à l'idée que James et l'Officieuse aient travaillé de concert, sous la supervision avisée de Susan. Tant de personnes essentielles à sa vie oeuvrant dans un but commun. Pour lui. Un concept tout droit sorti d'un rêve, si inespéré que le Père n'était pas certain qu'il s'agisse totalement de la vérité. Se prit pourtant au jeu d'y croire rien qu'un peu.

Le rêve ne dura pas longtemps. Comme un signal pour en marquer la fin, les doigts de James s'envolèrent finalement de sa peau. Une gravité que Darius ne lui connaissait pas assombrit ses traits, durcit leurs angles déjà marqués. Et s'il aurait eu envie que la candeur dure encore de longues minutes, Darius devait redevenir le Père Rouge. Se confronter à la réalité, de ses blessures, de la situation.

-La vérité.

Une requête étranglée par sa propre faiblesse, mais le ton pas moins sûr. Il devait savoir ce qu'il en ressortait. Et il connaissait les siens, ils allaient probablement minimiser son état de santé. Ils avaient beau ne pas mâcher leurs mots, le contexte ne leur permettait pas le détachement que James pouvait avoir dans ces circonstances. Darius avait confiance dans son jugement, tout comme dans sa capacité à lui dire clairement tout ce qu'il se passait. La langue pâteuse, il acquiesça à l'énonciation du diagnostic. A sentir sa vie s'échapper entre ses doigts par torrents d'eau et de pluie, il l'avait compris dans la ruelle. Avait cru qu'il allait y passer, et c'était la voix en laquelle il avait le plus confiance qui le lui prouvait. Il s'en remettrait, oui. Mais ce serait long, malgré les capacités régénératrices que le don du Dévoreur lui octroyait. Malgré les certitudes de James, un soutien à en réchauffer un coeur redevenu trop froid. Mais son état était un échec de plus. Il ne serait donc d'aucune aide pour personne, ni ce soir, ni avant un certain temps. Ses doigts se portèrent à la blessure à son cou, s'arrêtèrent avant de toucher de nouveau au pansement, de peur d'une nouvelle tape correctrice. Il soupira en fermant les yeux, le Père. Enfonça sa tête dans l'oreiller. Battre en retraite. Le concept lui filait le tournis.

-Je m'en doutais.

Il garda les yeux fermés pendant ce qui lui sembla être une minute, afin de laisser le tournis passer un peu. Quand il les rouvrit, ce fut sur une pièce totalement vide. Sans James. Un vent de panique s'abattit sur ses sens, ne le lâcha pas même alors qu'il pouvait entendre le bruit de l'eau qui coule dans la pièce d'à côté, par dessus le bourdonnement de son propre sang contre ses tympans. Il ne s'apaisa qu'à peine en retrouvant la silhouette familière de son amant dans l'encadrement de la porte. Comprit qu'il avait la bouche bien plus pâteuse que d'ordinaire quand il repéra le verre d'eau dans sa main. Un sourire faible à la remarque, qui apaisa presque aussitôt ses nerfs malmenés. Docile, le Père se laissa guider. La piqûre de la douleur, dans chacune de ses blessures, commençait à se faire plus marquée avec les mouvements et le passage des sédatifs. Et s'il n'en dit rien, il savoura chaque seconde de cette étreinte involontaire, Darius. Tant il en avait eu besoin depuis la ruelle, tant il l'avait cherchée pendant ces semaines de solitude. Par sa faute. Une vérité que l'inconscience n'avait pas cessé de lui rappeler, les cris de leur dernière conversation en écho au creux de ses dernières pensées avant la chute.
Les lèvres venant chercher la paille et il but quelques gorgées. Douloureusement malgré la soif qui se réveillait de plus belle avec le passage de l'eau. L'impression qu'il allait être malade s'il buvait d'avantage, il recula finalement le visage. Secoua lentement la tête à la question avant de reposer un regard perdu sur les lèvres ourlées de son amant, à la mention de son travail.

-Tu dois repartir ?

Un murmure candide devant l'impératif. Les nuances langagières, il avait fini par les comprendre avec le temps et l'expérience. Mais dans son état, il n'était plus sûr de rien. S'en tenait aux faits et James était en train de dire qu'il avait l'intention de s'en aller une nouvelle fois. L'envie de le retenir, et tout son corps qui l'empêchait de faire ou dire quoi que ce soit. La peur qu'il s'échappe et que cette fois-ci, ce soit définitif. Jusqu'à ce qu'une main vienne se glisser dans la sienne, poussant encore plus le Wendigo dans la confusion. Il serra ses doigts avec précaution, incertain que ce soit la chose à faire. Chaque caresse contre le dos de sa main l'apaisa un peu plus, le confortant dans l'idée qu'il ne s'agissait encore que d'une tournure de phrase. James était là. Il n'allait pas partir. Et Darius de détester un peu plus l'état d'impuissance dans lequel les sédatifs le mettaient. De lutter contre leur effet, cette langue qu'ils rendaient pâteuse, ces mots sur lesquels ils le faisaient buter, ces phrases qu'il avait du mal à prononcer, pour donner un semblant de réponse aux interrogations de son amant.

-Non. Tout s'est passé trop vite. Aaron. Il avait un deal. Il devait nous prévenir. Quand je l'ai trouvé, c'était trop tard pour lui. Vinnie est parti chercher le pickup pour le ramener. Le Chasseur a du revenir pour vérifier si Aaron était mort. On a parlé. On s'est battus. Il était bien blessé, il a fui quand les gars sont revenus.

Parler autant relevait d'un effort qui draina une grande partie de ses forces déjà moindres. Raviva la nausée, mais James méritait bien une explication. Il n'avait certainement pas prévu de se retrouver dans cette situation, encore moins après les derniers mots qu'ils avaient échangés. Et si Darius se sentait déjà coupable, un sentiment qui lui était généralement très lointain, sa culpabilité de peser d'autant plus lourd quand son amant répondit d'un simple murmure.

Tu m'as fait peur.

-James...

L'impression de chuter à nouveau, malgré qu'il soit fermement enfoncé dans son lit. Enfoncé par la douleur, par les sédatifs, par la fatigue. Par cette honte si lourde, si pesante, qui n'avait cessé de croître au fil des semaines. Il se mordit la lèvre inférieure, le Père. Toutes ces semaines à errer après son erreur sans réaliser qu'il n'y avait pas que lui dans l'équation. Obnubilé par ses problèmes, il avait été incapable de comprendre, de voir quelque chose d'aussi élémentaire. Elle était là, sa tâche. Sa raison d'être. De protéger, de rassurer, de guider les siens. Et ça passait par une humilité et une précaution sur lesquelles il avait plus que fait l'impasse ces derniers temps. Rassemblant ses dernières forces, il se mit en mouvement. S'agita dans son lit pour se décaler autant que ses blessures et son peu d'énergie le lui permettaient, relâchant la main de James pour s'appuyer des siennes. Ces quelques ultimes mouvements avaient beau lui tourner la tête, raviver la nausée ou la douleur, il n'en avait cure. Il y avait plus important que lui. Il y avait toujours eu plus important que lui, et ça, il avait eu le tort de l'oublier ces dernières semaines. Il leva une main, difficilement, vers son amant. Un signe, pour l'intimer à venir s'installer contre lui.

-Viens.

Il se doutait que James ne réagirait pas de manière favorable, encore moins dans son état. Mais il n'était pas l'heure des égos, pour Darius. Il était l'heure de ces mots qui comptent et qui sont pourtant si difficiles à dire.

-S'il te plaît, viens.

Ce s'il te plaît, qui revenait. Le même que celui qui avait réussi à le faire rester une première fois. De la même intensité, mais cette fois-ci pour une toute autre raison. Son bras, tendu jusqu'à ne plus pouvoir, retomba mollement sur son ventre. Pitoyable. Mais son regard, lui, ne quitta pas pour autant les pommettes de son amant. Respectueusement mais fixe, juste en dessous des iris envoûtants de la Gorgone. Il réussit à refaire bouger son bras lorsque l'autre homme finit par obtempérer. L'enroula mollement autour de ses épaules dans une étreinte qui avait pour but de les rassurer tous les deux. Décala sa tête en cherchant une position confortable pour la blessure à son cou, fourra son museau dans les mèches blondes. Une profonde inspiration et l'impression de vivre à nouveau en retrouvant l'odeur de son amant. James sentait James, toujours. Il sentait aussi la peur, le stress et la sueur. Le coeur d'autant plus gros, en déposant ses lèvres contre le sommet de son crâne.

-Je suis désolé.

Murmuré à même sa peau, parce que c'était là qu'ils devaient être prononcés, ces mots. A peau contre peau, loin des murs des maisons, des infirmeries ou des prisons. Là où seules les oreilles qui devaient les entendre le pouvaient, parce qu'ils étaient bien trop difficiles à dire pour être criés. Jamais le bon moment, jamais la bonne manière. Peu habitué à les dire, aussi, pour ne pas dire qu'il ne s'y essayait quasiment jamais. Mais il le fallait, et son instinct lui dictait que cette fois-ci, le moment était bien choisi. Parce qu'il l'était, désolé. Parce que James avait et peur et que même si lui était capable de lui pardonner, Darius n'était pas certain de se le pardonner lui-même. Les yeux fermés, le visage pressé d'avantage dans les mèches blondes. S'il se concentrait, il pouvait percevoir les battements du cœur de James. Battait-il aussi vite que le sien ? Est-ce que c'était parce qu'il avait encore peur ?

-J'ai eu peur aussi. Pas de mourir. Mais de mourir avant d'avoir pu te revoir. Sans t'avoir dit que je suis désolé. Mais pas comme ça. J'aurais préféré que tu ne soies jamais confronté à ça.

Ma réalité. Un monde de peur, de monstres et de chasseurs. Une ligne tendue entre les deux si fragile qu'elle se brisait régulièrement, les uns devenant facilement les autres. Le corps trop faible pour beaucoup plus, il laissa son pouce caresser doucement le dos de James. S'engorgea de sa chaleur comme de sa présence, ne s'occupant de plus aucun des bruits qu'il pouvait capter alentours. Eclats de voix, de vie, de terreur, tout autour de cette infirmerie. Le flou qui revenait entrechoquer paroles et pensées, mais toutes tournées dans une seule direction : que James se sente mieux.

-Ils t'ont bien traité ? Tu es chez toi. Demande si tu as besoin. Si tu as faim. Il y a de quoi pour toi, chez nous. Les verts, tes préférés.

Même après toutes ces semaines de silence. Même après que le Père ait lui-même fui ses propres quartiers, tant le vide était devenu intolérable. Un au cas où qui l'avait poussé à se dire que, peut-être, James finirait par revenir pour une raison ou une autre. Et tout serait prêt pour l'accueillir, malgré les circonstances, les blessures et les mots qui avaient été échangés. Une attention qui le poussait à revenir pour changer les présents dans le frigo, à évaluer la portée du mal qu'il avait fait en voyant ces pièces dénués de la seule présence qu'il aurait voulu y voir. Un réflexe derrière lequel il fermait généralement la porte, incapable de rester plus longtemps avec ses remords. Inconscient de ce chez nous qui s'était glissé entre ses lèvres, tant il était évident depuis toutes ces semaines. De présence. D'absence.

 

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damné(e) le : o07/03/2021
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pronom(s) : oshe/her.
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J'étais là pour te surveiller.

Il l'avait entendu, du fond des ténèbres, cette simple vérité. Et il le savait, avait été assez présomptueux pour savoir que le wendigo ne l'abandonnerait pas à son sort malgré leur altercation ; il s'estimait trop important. Il s'était surpris, parfois, à regarder autour de lui, se demandant si quelques hommes du culte ne l'observaient pas, ou Darius en personne ; mais il n'était jamais arrivé à les démasquer – bien trop discrets. Il ne lui dirait pas qu'il avait eu assez confiance en lui pour savoir qu'il était toujours là, quelque part, à le protéger de tous les esprits mal intentionnés qui ne rêvaient que de le voir périr. Il aurait peut-être fini par le laisser, mais pas si rapidement, James s'en était persuadé. Il ne pouvait perdre ses habitudes après tant d'années, s'asseoir sur tout ce qu'ils avaient bâti au fil des rencontres.
Mais pour l'heure, c'était à son tour de prendre soin de lui. Il n'avait plus grand chose à faire, en dehors de surveiller son état, de le rassurer – ou lui dire la vérité – et lui réclamer de ne rien faire de stupide. Il le connaissait assez pour savoir qu'il s'empresserait de se lever une fois éveillé, et il mettrait tout en œuvre pour ne pas lui en laisser la possibilité. Il serait intransigeant, prêt à l'attacher s'il le fallait ; et il savait qu'il pouvait avoir gain de cause auprès du reste de la ferme, puisqu'il s'agissait de la santé de leur chef. Il lui dit alors la vérité concernant son état, espérant que cela lui passe l'envie de se prendre pour un héros, et partir au secours de ceux qui s'en sortiraient mieux sans lui. Lui ne pouvait plus rien faire, seulement essayer de le raisonner, et l'empêcher d'arracher ses pansements – n'importe qui pouvait le faire, au final. Il avait du travail, aurait dû laisser Darius à son repos et repartir aussi sec pour s'y atteler, mais c'était bien intuile. James savait qu'il ne pourrait être utile dans ces conditions. Il passerait plus de temps à s'inquiéter du rétablissement de son amant, que de ses recherches. Il n'avait aucune envie d'expliquer la situation à Larry, et y serait forcé s'il se contentait de se rendre au laboratoire sans l'avoir informé de son retard, ou de son absence totale. Le message qu'il finirait par envoyer suffirait mais il devrait tout de même s'occuper l'esprit pour ne pas rester dans cette pièce de trop longues heures.

Partagé entre le besoin de s'aérer l'esprit ailleurs, et l'envie de rester au chevet du malade, il ne pouvait que trouver un entre-deux. Darius lui avait demandé de rester, d'une manière qui lui avait pincé le cœur, et il n'était pas certain de pouvoir ainsi l'avandonner après ça. Il pourrait peut-être installer quelques affaires dans un coin, travailler sur des écrits ou quelques échantillons si certains acceptaient de l'aider à installer du matériel. Il ne travaillait que rarement en silence, mais s'y forcerait pour ne pas réveiller Darius, si ce dernier venait à s'endormir par miracle. Il devait se reposer, mais James ne se sentait pas de le forcer au sommeil, alors qu'il subsistait tant de questions sans réponses, qui étaient d'une importance capitale. La première, qui pourtant était inutile pour le scientifique qui ne ferait rien de l'information, était de savoir qui avait eu l'audace de s'en prendre à lui – et comment en était-il sorti en vie ? Il avait posé la question, et la réponse serait utile aux autres, il pourrait le leur rapporter pour qu'ils prennent les mesures nécessaires dans cette situation. Ils avaient peut-être un protocole à suivre, dans ces cas-là ; peut-être un groupe d'élite chargé de retrouver le coupable pour éviter que cela ne se reproduise ?

Il soupira en le voyant s'agiter, prêt à s'imposer une nouvelle fois pour lui signifier qu'il pensait l'attacher pour l'empêcher de désobéir – pire qu'un gosse. Mais il n'agit pas, pas en comprenant qu'il ne comptait pas se lever, seulement se décaler pour lui faire une place. James arqua un sourcil en l'entendant lui demander de le rejoindre, incertain. Il jeta un regard autour d'eux, comme s'il était possible qu'il parle à quelqu'un d'autre, ou bien qu'il ait simplement mal entendu. Il allait se faire entendre, lui signifier qu'il ne devait pas bouger, pas parler, seulement dormir, et qu'il avait également peur de le blesser en appuyant sur une zone sensible. S'il te plaît, viens. Il ne put que changer d'avis, accepter en essayant de ne pas trop y réfléchir, de peur de faire machine arrière. Les gestes doux pour ne pas risquer d'être trop brusque, il s'allongea à côté de lui, et le laissa s'installer contre lui dans la position qu'il pensait la plus confortable. Il ne l'aida que pour qu'il ne force pas trop, un bras contre lui – évitant toutefois les zones sensibles.
Il l'écouta attentivement, immobile par manque d'habitude, incapable de comprendre comment placer ses membres, ni ses sentiments. Il préféra donc ne pas bouger, et seulement acquiescer à ses paroles. Il ne comprit pas immédiatement de quoi il s'excusait ; de leur dernier rendez-vous ? Non, concernant tout le reste. « — Tu sais, je ne t'ai pas attendu pour être confronté à ça. » Il faisait partie d'un monde violent depuis bien longtemps, s'y était juste accommodé très tôt pour ne plus vraiment s'en rendre compte. Les horreurs du laboratoire ne pouvait sortir du cadre du travail, et certainement que peu de monde pourraient comprendre ce qu'il y fabriquait depuis la fin de ses études ; Darius, lui-même, n'en savait que peu, ne pouvait certainement pas imaginer le monde qui s'y trouvait. Il en aurait lui-même des hauts le cœur si les cris des enfants n'avaient pas été son quotidien. Il avait passé bien des épreuves, entre les chasseurs et les autres tracas, de sa jeunesse à aujourd'hui, en passant par ce wendigo qui l'avait attaqué en pleine forêt, des mois en arrière.

Mais il voyait où Darius voulait en venir, et il décida de ne pas en dire plus, de ne pas se lancer dans des belles paroles qui ne pourraient que plus l'agiter encore. Il se contenta alors d'hocher la tête, comme pour montrer qu'il comprenait, et en réalité, il n'en avait pas besoin. Darius n'avait pas à être désolé pour ça, et si ses remords portaient également sur cette dernière conversation qui avait tout fait voler en éclats, le scientifique estimait qu'il n'était pas le bon moment pour en discuter. Il y avait bien trop à dire – ou rien justement, maintenant que tout paraissait futile en dehors de l'état de santé du wendigo. « — Il faudra qu'on discute, mais pas maintenant. N'oublie pas que dans ton état, j'ai le dessus sur toi ; ce serait risqué pour toi de reprendre notre conversation. » Il sourit, pour que Darius comprenne qu'il plaisantait. Il savait que son amant n'était pas très alerte concernant l'ironie et autres sarcasmes, et apportait souvent quelques indices pour l'aider à comprendre. « — Je propose une trêve jusqu'à ce que tu sois remis sur pieds. » Comme si c'était nécessaire, comme s'ils avaient besoin de tout leurs moyens pour faire un combat à mort ; quand ils savaient tous les deux que tout avait déjà été dit, et qu'ils n'avaient plus qu'à admettre qu'ils étaient allés trop loin, et que leur attachement pour l'autre valait bien plus que cette fichue guerre d'égo. Mais James ne se sentait pas de dire des choses pareilles, souffrant déjà de la proximité qu'ils partageaient, ainsi blotti contre lui. Ce n'était pas qu'il n'en voulait pas de ce lien si spécial, de ce droit de se tenir ainsi dans ses bras, à pouvoir enfin dire ce qu'il avait sûrement sur le cœur depuis toujours ; mais il ne savait s'y prendre, s'en sentait trop gêné, et n'en n'avait pas l'habitude. Il n'était pas à l'aise, dans l'inconfort alors qu'il se sentait bien, au retour de leurs corps, lui qui n'avait pu le retrouver depuis des semaines déjà.

Il finit par se redresser, se sortir de la chaleur de ses bras pour ne pas s'y abandonner trop longtemps, il s'y plaisait bien trop, et n'était pas certain de pouvoir se le permettre. Il devait rester lucide sur la situation, et ne pas endormir la partie de son cerveau qui lui servait à peser le pour et le contre jusque là, et les contre apparurent plus clairement après ce chez nous déroutant. Il s'y était senti chez lui, en avait oublié qu'une maison l'attendait dans le quartier chic de la ville, et c'était leur dispute qui l'avait aidé à garder la tête froide, à prendre du recul, à élancer son aura tout autour du casino des Moreno pour oublier qu'il n'avait plus d'autre repère ; avait perdu Iain, avait perdu Larry, et plus récemment Darius. Il tourna un peu plus la tête pour le regarder, évitant sagement ses yeux. « — Je venais juste d'arriver quand ils t'ont ramené, la juge est venue me chercher de suite. Ne t'inquiète donc pas, ils m'ont bien traité. Enfin, elle m'a menacé, mais c'était pour ton bien, alors disons que ce n'étaient que des encouragements. » Il lui sourit, et se releva enfin sans lui laisser la possibilité de le retenir. C'était trop pour lui, il avait assez donné, et ne pouvait que s'inquiéter d'avoir aimé ça. Mais il y réfléchirait plus tard, n'en avait pas encore le temps ; Darius était toujours éveillé.

Une fois debout, il tapota la place qu'il occupait alors pour lui demander de se remettre convenablement, bien confortablement, pour se reposer au mieux. Il n'était pas fort pour rester au chevet des gens, surtout quand l'état du blessé lui importait tant. « — Je vais travailler ici, aujourd'hui. Je te changerai tes pansements quand tu auras dormi un peu, et d'ici là je ne veux pas t'entendre, d'accord ? » Il retourna chercher le tabouret sur lequel il était installé jusque là, et s'y assis en le rapprochant du lit où Darius était allongé. « — Dès que tu te seras endormi, j'irai aux nouvelles concernant ton agresseur. En attendant, je reste, mais toi tu te reposes ; contente-toi d'écouter. » Il s'humecta les lèvres, et posa ses coudes sur ses propres genoux, penché en avant, le menton dans ses mains. Il resta ainsi, dans une posture adolescente, presque enfantine, ayant baissé quelques barrières pour mieux réfléchir. Le regard perdu sur les pansements, il mit un moment avant de reprendre la parole. « — Je pense que je te dois des excuses. Tu avais raison au moins sur un point : je n'ai jamais rempli ma part du marché. Tu as toujours été là pour nous protéger, Eddie et moi, pour le nourrir aussi, en plus de tout le sang que je t'ai pris jusqu'ici, et je n'ai rien donné en échange. Même si je pense que ma présence est déjà suffisante, en soi. » Et il ne plaisantait pas. « — Je t'ai pris bien plus que ce que ce que j'ai donné. Je ne peux pas me permettre de quitter mon travail, et mes recherches personnelles me prennent un temps considérable, mais je m'engage à venir durant mon temps libre pour aider les tiens, si c'est encore ce que tu souhaites. » Il avait prévenu qu'ils ne pourraient parler de leur différend qu'après un temps de repos, et se lançait dans un tel discours ; mais c'était d'une plus grande importance à ses yeux. Il ne lui demandait pas de répondre en retour, mais avait eu envie, besoin, de lui signifier qu'il serait là à l'avenir, après ses horaires près de Larry.



IN THE NIGHT WE TRUST
have i doubt when i'm alone. love is a ring, the telephone. love is an angel disguised as lust here in our bed until the morning comes.
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Darius Smith
- skippy, le grand gourou -
Darius Smith
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-- but i take all you give for granted,
what really matters i keep breaking
Le nez dans les mèches blondes, et l'impression que les secondes avaient repris cette langueur infinie qu'elles avaient adoptée dans la ruelle. L'impression de retrouver enfin cette sérénité qui lui avait manqué pendant tout ce temps, une paix du fond du coeur qui n'appartenait qu'à ces moments volés au reste du monde. L'odeur de James était partout autour de lui, sa chaleur était ce bastion aux murs protecteurs qu'aurait toujours dû être le Foyer. Une protection contre le reste du monde, alors qu'il était enfin lui-même à sa place. Le chasseur disparu, crevé dans une autre ruelle, loin de cette étreinte qui signifiait bien plus que tous les mots qui auraient dû être prononcés. Parce que James était là et qu'il n'y avait plus que ça qui comptait. Parce que fermer les yeux contre sa peau lui permettait d'entendre la violence de ses battements de coeur, la fragilité de cette vie entre ses bras. Il n'était pas dupe, James. Il avait parfaitement compris l'aveu du Père avant même qu'il n'ait eu à l'admettre ouvertement. Sa volonté de protéger cette vie si précieuse malgré la violence de leur dispute et du silence qui avait suivi. Le Père avait beau être ce qu'il était, il n'avait qu'une parole. La promesse qui avait été faite entre eux serait tenue jusqu'au bout, qu'importaient les écueils que pourrait avoir leur relation. Mais Darius comprenait, maintenant qu'il y était tout contre. James n'était pas qu'une promesse, pas qu'une personne, pas qu'un de ces larbins sur lesquels il pouvait passer ses frustrations ou ses colères sans qu'il n'en ressente les conséquences. Une présence indispensable, chassée pendant des années. La raison de tout ce qui l'avait amené jusqu'à cette étreinte, des choix pour le Foyer à cette altercation qui aurait pu si mal tourner quelques heures plus tôt. L'impression de sombrer autant que de retrouver l'intégralité de ses sens, maintenant qu'ils étaient pleins de James. Il aurait pu s'y perdre, dans la chaleur de cette étreinte. Et s'il sentait bien la tension dans les muscles de son amant, il ne l'aurait lâché pour rien au monde.
Parce que cette vie qu'il tenait entre ses bras, tout contre lui, était celle qui avait toujours rythmé la sienne. La nécessité de lui dire ce qu'il en était, ces mots si difficiles à exprimer par manque d'habitude. Si difficiles à sortir dans son état, la langue et les pensées plus anesthésiées que le cœur par les anti-douleurs. Il ne sut pas s'il se sentait mieux ou moins bien une fois qu'ils sortirent. Aurait voulu en dire d'avantage, exprimer le fond du problème pour en trouver la solution. Mais amoindri par les blessures et leur traitement, il fut reconnaissant à James de ne pas chercher à l'interrompre. De ne pas chercher à le fuir, non plus, malgré les circonstances qui avaient précipité leur chute.

Il y serait resté, dans cette étreinte. S'y serait probablement assoupi, tant il se sentait réellement bien pour la première fois depuis des semaines. Des mois. L'absence de James comme cause principale de ce froid qui avait gelé ses membres et son coeur pendant bien trop longtemps, et, maintenant qu'il était là, Darius de se lover dans sa chaleur pour en capter jusqu'au dernier degré. Enfin soulagé. Enfin serein. Une oreille distraite en écoutant les recommandations de son amant. Le nez qui s'enfonçait d'avantage dans ses cheveux pour en capter l'odeur, et l'ombre d'un sourire au creux des lèvres en comprenant la boutade. James qui faisait aussi attention, dans ses termes, dans cette ironie parfois mordante qui sortait de ses lèvres ourlées, c'était nouveau. C'était galvanisant.

-Très dangereux, en effet. Mais trève acceptée.

Et son coeur de s'alléger, à cette idée. L'impression de n'avoir pas tout à fait expié ses erreurs, mais d'avoir fait une partie du chemin. James qui avait fait à son tour un pas dans sa direction, et peut-être qu'ils se retrouveraient réellement bientôt. C'était ça, tout ce que voulaient dire ces mots aux yeux du Wendigo. La promesse de ce plus qui manquait tant, quand il avait volé aux éclats. Il aurait eu envie de lui dire, à James, à quel point ces quelques mots n'étaient pas juste cela. Mais dans ce cocon d'ouate dans lequel les blessures, les soins, la chaleur et ce bonheur qui lui réchauffait progressivement le coeur le plongeaient, il n'aurait pas su comment. L'aurait exprimé de la manière la plus naturelle pour lui, en le serrant encore d'avantage contre lui, s'il ne sentait pas déjà du mouvement.
Et, en à peine plus de temps qu'il n'en avait fallu pour que James le rejoigne dans ce lit, le vide reprenait son empire entre eux. Une distance toujours plus réelle, plus cruelle, à mesure que James s'extirpait de l'étreinte. Affolement du coeur, alors que le corps n'était déjà plus en capacité de le retenir. Mais James s'arrêtait déjà à mi-chemin, comme pour lui laisser le temps de digérer l'éloignement. Comme en pleine réflexion. Les yeux noirs se posèrent le long du profil régalien de son amant, contemplèrent un temps ses traits fins, redécouvrant leur beauté comme si c'était la toute première fois qu'ils se posaient dessus. Ils s'abaissèrent respectueusement quand son amant finit par se retourner vers lui. Une valse des regards rôdée depuis ce qui semblait être la nuit des temps, qui s'acheva sur les lèvres ourlées alors qu'elles se rouvrirent. Et propulsèrent la petite infirmerie où le temps s'était arrêté au milieu du chaos ambiant auquel elle appartenait, en quelques mots à peine. Retour brutal à la réalité. Susan, de qui James parlait. Susan qui avait été d'un courage exemplaire, qu'il avait cru entendre prendre la situation en main quand il était lui-même incapable de le faire. Les commentaires de son amant, pourtant, aiguisèrent un léger sourire au-dessus de ses canines. Ca ressemblait beaucoup à la juge, ce qu'il venait de lui décrire. Darius pouffa doucement.

-Si elle a menacé de te couper un membre ou plusieurs, ça en était probablement, oui.

Un peu de baume au cœur. L'ombre d'un sourire faible toujours au creux des lèvres, alors que James achevait son mouvement initial. Les doigts du Père se levèrent comme pour tenter de le retenir, d'attraper sa main, mais n'en firent rien. Trop faibles pour lutter contre la volonté de la Gorgone. Il suivit le tapotement des doigts clairs, finit par obtempérer mollement. Le cumul d'émotions intenses, ajouté à tout ce qui le clouait dans ce lit, lui tourna violemment la tête quand il se redressa pour reprendre correctement sa place. Du brouillard plein la tête et ses yeux qui s'humidifièrent tous seuls. Il renfonça sa nuque dans l'oreiller, l'impression que le monde ne tarderait pas à basculer de nouveau. Se concentra sur la silhouette de James, tantôt floue, tantôt terriblement précise. L'ancre de sa vie pour lutter contre les embruns violents de l'existence. Une pensée qui s'imposa avec une clarté limpide dans le brouillard. Le regard luisant, il hocha précautionneusement la tête en entendant les recommandations de son amant. Le cœur terriblement léger de le savoir rester à ses côtés, paradoxal alors que son corps semblait s'alourdir toujours plus à chaque seconde qui passait. L'observa aller et venir, visiblement incapable de tenir en place. Et se fendit d'un léger sourire en le voyant prendre aussi aisément les commandes de sa convalescence, avec un aplomb impeccable. Il était là, l'homme qu'il aimait. Dans ce besoin de contrôle, surtout quand l'adversité ou le contexte lui prouvaient qu'il n'en avait probablement aucun. Et s'il pouvait parfaitement percevoir que James était très sérieux, c'était justement ce sérieux qui accentua son sourire. Mélange de bonheur, mélange d'incrédulité et de fièvre alors que James s'octroyait des droits sur le maître réel des lieux. L'un des hommes les plus dangereux d'Exeter, à la tête d'un empire de drogue et de Wendigos qui n'auraient fait qu'une bouchée de la Gorgone, et pourtant c'était le scientifique qui lui ordonnait de l'écouter. Alors il se tut, Darius. Mais le paradoxe de la situation, lui, ne lui échappa pas une seconde.

Hochement de tête, de nouveau, alors que James s'exprimait plus ouvertement. Présentait des excuses, reconnaissait des faits qui n'avaient plus lieu d'être présentés eux-mêmes depuis longtemps. Décortiquait lui-même une situation qui s'était emmêlée bien des années en arrière, que Darius avait acceptée comme telle du moment que ça leur permettait de se fréquenter. Beaucoup de largesses de la part du Père que Susan et d'autres lui reprochaient, que James reconnaissait à présent. Surpris, agréablement, d'entendre son amant aussi conciliant. Aussi objectif, aussi, sur l'inégalité de leur arrangement. Dans bien d'autres circonstances, le Père n'aurait pas accepté le quart de la moitié de tout ce que James se permettait ; s'il avait été un employé comme un autre, ou même l'un de ses Enfants. Il aurait juré que cette conversation se passait dans un rêve, s'il n'avait pas eu la preuve de la présence concrète de James dans cette pièce. Une hallucination comme celles qui recommençaient à imposer des flashes sombres, comme des silhouettes, dans sa vision périphérique. Et si l'aplomb de James était visiblement plus sérieux que d'ordinaire, l'ironie de la situation, elle, n'échappa pas à Darius. Fiévreux, l'oeil brillant, en le laissant poursuivre. Ce que disait James était trop beau, trop gros, pour l'état dans lequel le Wendigo se trouvait. Des mots qui chamboulaient ses pensées, les laissant s'entrechoquer à l'infini avec tous ses espoirs dans sa cervelle embrumée. De nouveaux accords d'un contrat qui n'avait jamais eu besoin d'être négocié, alors que toute l'ironie d'eux et de ce qu'ils étaient devenus lui sautait à la figure en même temps qu'une vague de bonheur instoppable.
Il avait fallu qu'il soit à deux doigts de mourir pour que James accepte de venir donner un coup de main au Foyer.

-Si c'est encore... ce que je souhaite ?

Sa voix lui parut si lointaine, noyée dans le brouhaha des émotions. Dans le vacarme assourdissant du bourdonnement contre ses tympans, alors que la fièvre et tout le reste achevaient de l'enfoncer dans son lit. Il pouvait sentir un grondement, dans ses entrailles. Répéta les mots comme pour mieux les mâcher, mieux se les approprier, mieux les digérer. Ne sentit même pas les commissures de ses lèvres s'étirer dans un sourire, poussée par cette clameur sourde qui remontait dans ses membres engourdis. Qui commença par un pouffement, puis un autre. Vague de trop plein, indomptable, insurmontable. L'ancre de sa vie, James, plein les yeux, et sa joie qui s'échappa dans un nouveau pouffement.

-Si c'est... encore... ce que je... veux ?

Et l'hilarité de prendre un contrôle qu'il n'avait déjà plus. Le trop plein d'éclater totalement dans un rire d'abord douloureux puis sonore, arrivé avec la même violence qui avait dominé toute cette soirée. Un rire aussi douloureux que profond, par lequel s'échappaient la noirceur de la peur, du dégoût et de la honte, la violence de la soirée et celle de ses sentiments, la lumière éblouissante de cette joie qu'avait invoquée James avec sa proposition. Un rire purificateur comme des flammes, qui embrasait tout sur son passage. Inextinguible et salvateur. Comme il n'en avait jamais eu auparavant. Chaque éclat plus fort que le précédent, pour vomir tout le négatif, pour exclamer tout le positif. Des larmes plein les yeux et ses plaies qui lui rappelaient à chaque nouvel éclat qu'elles étaient bien réelles. Mais il semblait n'en avoir cure. Parvint à se calmer une brève seconde pour répondre, difficilement.

-Bien sûr... que c'est ce que je veux ! Ca fait... trente ans... que je ne veux que ça !

Et l'hilarité de jouer aux amantes avec sa fièvre, l'emportant dans une nouvelle vague d'éclats libérateurs. Si sonores qu'ils devaient probablement s'entendre de l'autre côté des murs de l'infirmerie, trop petite pour les contenir. La douleur de toutes ses blessures cumulées finirent par le rappeler à l'ordre, après de longues minutes d'hilarité. Il avait peut-être fait attention à ne faire sauter aucun de ses points, le Wendigo ne s'était pas attendu à rire autant. N'avait jamais ressenti, non plus, de plénitude si forte qu'après être doucement revenu à lui, rappelé à l'ordre par les réalités de son propre corps. Des larmes hilares plein les joues, qu'il tenta d'écraser d'un bras qui ne répondait qu'à moitié. Quelques dernières secousses plein les membres, le temps de s'ancrer de nouveau à la réalité.

-Excuse-moi... je...

Un nouveau pouffement, en écrasant une larme. Il ferma les yeux, souffla longuement pour tenter de s'imposer le calme. L'hilarité et la douleur lui montaient à la tête, mais il ne s'était pas senti aussi bien depuis bien longtemps. Trop longtemps.

-... tu ne pouvais pas me faire plus plaisir...

Assommé, par ce dernier éclat d'émotions. Il enfonça sa tête dans son oreiller, laissa retomber le plat de sa main sur son front brûlant dans un feulement. Son coeur cognait bien trop fort contre ses côtes, à deux doigts de les endommager d'avantage. La respiration sifflante, il s'efforça de poursuivre, comme pour donner une meilleure explication à James. Un effort de plus pour lequel il serrerait les dents. Lui faire comprendre que ce n'était pas quelque chose qu'il avait dit, ne pas poursuivre sur une nouvelle incompréhension. Il était pourtant incapable de savoir si c'était sa main ou son front qui brûlait le plus. Peut-être tout son corps.

-C'est... le cumul. Ces dernières semaines. Cette soirée. Les émotions. La fièvre. Tes mots. Il fallait que ça sorte. Ca m'a fait un bien fou. Ce n'était pas contre toi. Au contraire. C'est ce que je souhaite. Depuis tellement longtemps.

Trente ans, sûrement plus. L'impression que ses yeux allaient éclater sous ses paupières, maintenant qu'une migraine abominable commençait à monter dans son crâne. Sa main libre tâtonna faiblement dans les draps, à la recherche de James, de ses doigts. S'emmêla aux draps, se referma sur le vide. Rire avait beau avoir libéré toute la pression qu'il pouvait subir ces derniers temps, ça avait aussi galvanisé toute la douleur qui s'était effacée derrière les médicaments. Darius serra les mâchoires, étouffa difficilement un feulement douloureux. Son corps tout entier, sa tête en particulier, brûlait d'un feu qui allait probablement l'emporter rapidement. Ses doigts libres s'enroulèrent autour du draps, le serrèrent à s'en blanchir les jointures. Le souffle toujours court, les paroles hachées par la précipitation. S'il ne s'exprimait pas maintenant, la fièvre l'emporterait avant qu'il n'ait pu dire...

-Ce n'est pas pour notre... accord que j'ai respecté toutes tes conditions... sans jamais discuter...

Des lames de rasoir plein la tête, à lui en étreindre tous les membres. Les mâchoires vissées par la douleur, emprisonnant tout ce qu'il aurait pu vouloir dire de plus. Et plus assez de forces pour lutter contre tout ce qu'avait été et ce qu'avait représenté cette soirée bien plus grande que le Père Rouge lui-même.

-- @James Turner && @Darius Smith



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Il n’aimait pas avoir l’impression d’être moqué ; l’hilarité de Darius aurait pu le mettre dans de très mauvaises dispositions s’il ne l’avait pas su fiévreux. Le rire qui s’élevait entre eux était surprenant, mais le scientifique connaissait les effets des anti-douleurs ; si le wendigo était imposant, il n’en restait pas moins un être vivant, sujet à ces effets-là. Il ne le confronterait pas pour le moment, certainement jamais, pas alors qu’il sentait que rien dans sa réaction n’était contre lui. Il lui poserait la question, évidemment, saurait lui faire comprendre qu’il n’était pas ravi de le voir s’esclaffer de cette manière durant leur conversation – il répondrait de ses actes. Il était alors resté à côté du blessé, attendant d’en savoir plus avant de partir de son côté. Il ne devait pas rester, Darius avait besoin de repos. Il ne lui restait plus qu’à lever les yeux au ciel, râler pour conjurer le sort, puis se mettre en route vers un coin éloigné où il pourrait travailler sans être dérangé. Il demanderait à Vinnie qu’on le laisse tranquille, qu’on ne vienne vers lui qu’en cas de besoin, ou si Darius venait à le réclamer.

Ce n'est pas pour notre... accord que j'ai respecté toutes tes conditions... sans jamais discuter...

Il l’avait bien compris, avait su mettre des termes interdits sur ce qui les liait depuis si longtemps déjà. Ne sachant quoi répondre, il avait préféré garder le silence et laisser son amant s’endormir. Ils auraient tout le loisir d’en discuter plus tard, ou de cacher la révélation sous le tapis si le wendigo ne venait pas à en reparler.

Il s’était installé dans un coin de la ferme, ayant demandé à la juge s’il pouvait utiliser une de leur salle comme d’un bureau, ayant plusieurs documents à rédiger et transmettre à Larry dans les plus brefs délais. Il en avait profité pour lui envoyer quelques messages, le prévenir qu’il ne pourrait honorer le laboratoire de sa présence à cause d’un empêchement, d’un ami qui avait besoin de lui. Leur échange n’avait pas été cordial, mais James avait prévu de passer le voir le soir même, ou le lendemain pour mettre les choses au clair. Il avait bien trop à penser, bien trop à faire, ne pouvait pas se permettre de perdre du temps à gérer ses litiges avec son patron. Ils s’arrangeraient, trouveraient sûrement comment mettre un terme à leur conflit – ils étaient adultes. La santé de Darius lui importait trop pour qu’il ne l’abandonne, qu’importait que des personnes puissent lui administrer ses soins à sa place, il n’aurait confiance qu’en lui-même. Il savait que le principal intéressé ne lui en voudrait pas de prendre les choses en main, au contraire, peut-être serait-il heureux de l’avoir à son réveil. Les autres, ceux qui travaillaient pour lui, n’auraient qu’à s’habituer à sa présence et s’arranger avec leur chef en cas de désaccord. Il s’en moquait, se pensait au-dessus de ce qu’ils pouvaient bien penser.
Il occupait sa place depuis plusieurs heures déjà, regardant parfois la porte comme pour s’assurer de ne rien louper, pas même un bruit qui aurait pu lui montrer que l’homme s’était éveillé. Un regard était aussi régulièrement lancé vers son téléphone portable ; ne pouvant mettre l’intégralité de sa vie en pause. Son travail avançait, bien que ses facultés de concentration ne fussent pas au rendez-vous. Il avait du mal, relisait plusieurs fois la même ligne, laissait son esprit s’évader vers des éléments qui n’avaient aucun rapport avec ses recherches. Il était dissipé ; cela ne lui arrivait pas souvent, pour ne pas dire jamais.

Lorsque la porte s’ouvrit sur un visage qu’il ne reconnut pas, qu’il ne regarda pas réellement, il se leva de son siège et abandonna ses écrits sur la table qu’il occupait. Il aurait le temps de venir s’en occuper plus tard, de les ranger en ordre avant de reprendre la route. Il y avait bien plus urgent, apparemment, Darius venait d’émerger.

Il essaya de faire le moins de bruit possible en entrant dans cette maison qu’il avait si souvent foulée. Darius avait été installé dans son lit pour plus de confort, James en connaissait le chemin. La démarche lente au cas où il se soit rendormi, il pénétra dans la pièce, croisa les bras en le voyant toujours allongé et hocha la tête d’un air satisfait. Il connaissait assez bien l’autre homme pour savoir qu’il essaierait de se lever dès les yeux ouverts ; il ne pouvait pas le laisser faire. Il serait intransigeant, prêt à demander qu’on l’attache pour le forcer à une bonne convalescence. Il se moquait que personne ne le suive, il s’occuperait de l’immobiliser lui-même. Mais il était ravi de constater qu’il n’avait pas encore essayé de s’échapper, ça ne saurait tarder. Il plissa les lèvres en réfléchissant à une manière de l’aborder sans le ramener à la conversation sur laquelle ils s’étaient quittés. Il n’était pas en mesure de s’y confronter, pas maintenant, pas alors qu’il avait tant de choses à l’esprit et ne se sentait pas capable de s’y adonner avant d’y voir plus clair. « — They're all eager to see you; I promised to burn down the entire farm if they didn't let me come first. They didn't appreciate the joke despite the fact that it was hilarious. » Il attrapa le fauteuil qui se trouvait à côté du lit, et le rapprocha un peu plus encore pour être au plus près de lui. Il s’installa sur le fauteuil en se penchant légèrement en avant, une main tendue pour se poser sur le front de Darius, essayer d’évaluer ainsi l’état de sa fièvre. Il était moins chaud que lorsqu’il l’avait laissé, mais sentait qu’il n’était pas en pleine forme pour autant.

Il savait qu’il ferait mieux de prendre la parole, de dire quelque chose susceptible de les rassurer l’un et l’autre, mais rien d’acceptable ne lui venait. Il n’avait qu’une envie, lui demander comment il se sentait, s’il se souvenait de ce qu’il s’était passé avant qu’il ne s’endorme, et plus spécifiquement s’il avait des souvenirs de ce qui était arrivé dans la ruelle. Il savait qu’il n’aurait pas trop à s’en faire sur ce dernier point, les autres feraient cet interrogatoire à sa place. « — I informed them that you needed to rest. I'm not sure if they'll listen, but I can stand outside your door and control. » Il arqua un sourcil l’air de dire : je sais me battre, évidemment. C’était un mensonge, ils le savaient tous les deux, mais il tenait à dédramatiser la situation pour éviter à Darius de trop s’inquiéter, ce qui serait mauvais pour lui.
Il se remit debout en voyant qu’il essayait de se redresser, l’aida en essayant de ne pas lui faire mal. Il avait vu où étaient ses blessures, mais ne voulait pas risquer d’éveiller une quelconque douleur interne. Il devrait faire des analyses plus poussées, une fois remis sur pieds, afin de s’assurer qu’aucune blessure invisible ne puisse faire trop de dégâts. Il se rassit après l’avoir redressé, et croisa ses mains entre elles, sur ses genoux, ne sachant qu’en faire d’autre. « — How do you feel? »



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