Merle Ketillsdotter || Can't save me now, should've run when I had the chance

All eyes on me Tu sortais de l’église, confuse, comme souvent. Ta famille, sa famille, étaient si heureuses. Toi aussi, tu l’étais. Tu avais eu l’occasion de vivre ce fameux instant que tu avais tant vu dans les films. Tu étais le centre de l’attention et tu adorais ça. Tous ces yeux tournés vers toi, décrivant avec admiration et envie ta robe magnifique qui valait probablement plus cher que le salaire de certains ouvriers. La météo n’était pas au beau fixe. Un vent froid soufflait dans tes cheveux magnifiquement coiffés où perles et diamants scintillaient d’un éclat radieux. Ton visage d’ingénue aux pommettes rosies d’une lueur artificielle soulignait avec douceur tes yeux qui découvraient le monde sous une toute nouvelle perspective. Une vie à deux et la disparition de l’enfant unique indésirée. Depuis ta naissance, tu ressentais un manque d’équilibre dans ta vie. Une incompréhension qui flottait sans cesse dans ta tête. Ce frère d’une autre mère, que tu ne voyais que lors d’interminables repas familiaux ou pendant les vacances scolaires. Son monde t’apparaissait bien plus paisible que le tien. Bousculée en permanence par le business familial, se faire de l’argent sur le dos des malheureux, curieux ou simplement naïfs. Tu te rendis compte rapidement que tu étais doué dans ce domaine. Mentir. Jouer la comédie. Raconter mille et unes histoires horribles à faire bondir les cœurs hors des poitrines. Entre idiots, il était facile de se piéger.

Eilert étudiait le droit, toi la médecine. Futur brillant avocat, future excellente médecin légiste. Vous étiez le couple idéal. Le yin et le yang. Lui, la raison et toi, le cœur. Et tu l’aimais. D’un amour pur et beau, celui des premières aventures, des premières expériences, mais aussi des premières déceptions. Le manque creusait tes joues, cernait tes mirettes et palissait ton teint de poupée.

Le mal d’amour.

Douloureux. Épuisant. Tu tuant à petit feu. Eilert le voyait et savait que tu agissais pour réduire tes symptômes. Il tenait tant à toi. Peut-être est-ce pour cela qu’il ne dit jamais rien ?


Die young “Le dernier à rejoindre la Spikersuppa rink devra manger le vomi d’Eilert !”

À peine ces quelques mots prononcés sur un air outrageusement joyeux, tu retirais déjà le peu de vêtements qu’il te restait. Soirée arrosée, amis aussi immatures que toi et des mauvaises idées qui s’enchaînèrent toute la nuit pour te mener à cet instant. Tu dégrafais ton soutien-gorge, sentant le regard d’Eilert sur toi. Tu lui glissas une œillade complice, charmeuse comme à ton habitude et pleine de malice. Tu n’avais pas été aussi heureuse depuis des mois. Le monde était bien plus simple lorsqu’il n’était plus pollué par la raison et l’ennui. Tu resplendissais dans la nuit d’ébène qui couvrait Oslo de son tapis d’étoiles. Même dans la pénombre, tes courbes dansaient au gré de ta course effrénée jusqu’à cette fameuse patinoire sur laquelle tu passas une bonne partie de son enfance et adolescence. Petite patineuse artistique qui abandonna sa passion pour devenir la parfaite voyante. Finalement, tu gardes de cette période que des souvenirs et des cicatrices sur ton genou droit, séquelles de la maltraitance subie par tes ligaments.

La soirée aurait pu être parfaite, oui, si parfaite si cette patrouille de police n’était pas passée au même moment qu’une bande d’adolescents dénudés dévalaient les rues en hurlant les chansons pop du moment. Les sirènes retentirent et la voiture s’arrêta face à vous. Tes amis n’étaient pas téméraires, aucun n’eut le courage de revendiquer sa liberté. Ce n’était rien, tu le ferais pour eux, tu deviendrais une icône. Libertine et fière. Décomplexée. Vivante.

Tu tournas les talons et tournas au coin de la rue. Tu les fis courir un moment, toi que rien ne pouvait arrêter, la fougue de la jeunesse battant dans tes veines. Tu lâchas des injures alors que tes pieds nus s’abîmaient sur le goudron gelé. C’était douloureux, mais tu ne t’arrêtais pas, malgré les invectives des policiers et de tes amis. Jeune et folle, rien ne t’arrêterait. Sauf peut-être cette main ferme et autoritaire qui stoppa net ta course. Secouée par la violence de la manœuvre, tu vomis toutes tes tripes sur les chaussures de l’adjudant.


The Queen's Final Coda “C’est comment la prison ? C’est pas aussi terrible qu’on pourrait le croire ! C’est comme les camps de vacances qu’on allait quand on était petit, mais en plus crade.

- La nourriture n’est pas terrible, mais j’ai jamais été très difficile, donc ça passe. Les filles sont jolies et j’ai même le numéro de cellules de certaines. Fais pas cette tête, j’essayerai d’être sage.

- Tu crois que tu peux m’apporter un oreiller à ta prochaine visite ? J’ai utilisé le mien pour faire une luge et dévaler les escaliers. Et non, ça n’a pas plu aux gardiens.

- Je sors dans quelques jours, j’en peux plus d’attendre ! Heureusement que t’es là, Síarl. Sans Eilert et toi, je serais morte d’ennui dans la seconde ! Tu me manques, tu sais, je suis vraiment triste de ne plus te voir. Promets-moi que tu me donneras ton adresse pour que je puisse te rendre visite !

- Qu’est-ce que je vais faire à la sortie ? Reprendre mes études de médecine et bosser à côté comme voyante par téléphone, histoire de me faire un peu d’argent. Avec la réputation de ma famille, ça devrait être un jeu d’enfant !

- Tu sais bien que je prends toujours soin de moi ! Et au pire, Olivia m’aidera à me détendre. File, tu vas rater ton vol !”


The Promise “Tu as pensé à l’argent ?

- Oui, j’ai sauvé tout ce que j’ai pu. À ton avis, tu crois que 10 000 000 krones sont suffisants pour s’installer à Exeter ?

- Par Odin, c’est largement suffisant !”

L’avion secoué par des turbulences attira ton attention. Cette situation imageait presque parfaitement ce qui venait d’arriver à ta famille. Quelques secousses, mais rien que les protecteurs des Ketillsdotter ne pouvaient contrer. Quelle bénédiction cette alliance avec un brillant cabinet d’avocats, véreux et avares. Toutefois, lorsque les preuves d’escroqueries furent accablantes, même eux ne purent rien faire et se retirèrent bien vite avant de couler avec le navire. Toi, tu ne compris rien de ce qu’il s’était passé. Un jour, tu jouais une astrologue répondant aux questions pressantes d’une future mariée et le jour d’après, le royaume entier crachait sur tes racines. C’est Eilert qui prit l’initiative de fuir le pays. Il a toujours été le plus malin, l’intelligent capable de réagir à la seconde où le vent ne lui était plus favorable. Toi, tu insistas juste sur la destination. Exeter, ville des exilés. Son frère vivait là-bas depuis des années et tu rêvais de le rejoindre. Ce qui te retint, c’était la barrière de la langue. Tu parlais très peu l’anglais. Tu connaissais quelques mots comme “cheese” et “forensic”, mais c’était là la limite de tes connaissances.

Tu versas une petite larme qu’Eilert chassa d’un geste doux et aimant. Tu lui adressas un sourire triste et reniflas doucement. Laisser ainsi ta famille derrière fut la pire décision que tu dus prendre de ta vie. Adieu déchirant avec ta mère qui t’aida à faire des bagages rythmé par les mots d’encouragements inquiets de ta tante. Tu ne voulais pas craquer devant elles, car sinon, tu savais que tu ne serais plus capable de partir. Tu les embrassas une dernière fois et t’enfuis au bras de ton époux.

Maintenant que tu étais dans l’avion, tu pouvais enfin laisser les larmes sillonner tes joues. Un sanglot éclata, suivi d’un second avant que ta tête ne trouve refuge dans le cou de ton mari, pilier que tu ne pourrais supporter de perdre. Une main rassurante se posa sur ta tête, caressant tes cheveux d’ivoire d’un geste régulier.

“Ça va aller, on s’en sortira… Tu reverras ta famille.

- Inutile de me mentir, l’empire Ketillsdotter est tombé et il n’y a plus rien à faire. J’aurais juste voulu pouvoir récupérer plus d'argent…

- Bien sûr, ma belle, si tu le dis...”


Our Lady of the Underground Fièrement postée devant la vitrine de ton petit commerce, tu irradiais de détermination et de confiance en toi. Les mains étaient délicatement posées sur tes hanches et tu bombais le torse. Un sourire magnifique habillait tes lèvres, un mélange de fierté avec un brin de nostalgie. Toi, la descendante des Ketillsdotter, reprenant le flambeau et perpétuant la tradition familiale. Tu serais tant de choses à la fois : astrologue, voyante, médium, ghostbuster s’il le fallait, pour attirer le plus de monde possible dans ta petite boutique. L’adjectif était d’ailleurs trompeur car, si de l’extérieur, l’échoppe ne payait pas de mine, l’intérieur respirait l’occulte et l’étrange, nappés dans un décor des plus luxueux.

Pourtant, ton aura ne scintillait pas autant un mois auparavant quand la peur te tordait constamment l’estomac. Chaque jour, tu te rendais au travail, vomissant tripes et boyaux au sol et incapable de puiser la force nécessaire pour accomplir ton devoir. Tant d’années d’étude pour échouer à la ligne d’arrivée. Tu fus frustrée, c’est certain, un métier aussi prestigieux et à la paye juteuse qui te passait sous le nez. Cependant, tu fus pleine de ressources et retombas sur tes pattes avec brio. Eilert n’était pas ravi, lui qui craignait toujours qu’on retrouve votre trace, mais tu le sentais. Tu étais faite pour cette vie de comédie et d’escroqueries. La malice en toi réclamait son du à grand cri. Le chaos fit toujours parti de ta vie, rendant ton existence des plus passionnante et le cœur de ton époux bien fragile.


Alors, curieux, approchez, l’illustre Merle Ketillsdotter est prête à vous recevoir !