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 misery loves company ▬ persephone

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Enoch Sinclair
- castafiore wannabe -
Enoch Sinclair
- castafiore wannabe -
damné(e) le : o06/03/2020
hurlements : o2669
cartes : oava fürelise la plus belle // sign exordium // moodboard par l'angelot
bougies soufflées : o42
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Un bourdonnement au creux des oreilles, le long des muscles. Sa collègue avait beau avoir baissé le son, dans la cave du Cherry Blossom, Enoch sentait encore leurs vibrations. Comme une empreinte laissée à même ses muscles, imprimée dans ses nerfs, qui ne partirait qu'une fois la tête écrasée dans l'oreiller. C'était la règle dans ce bar-club étudiant. La sérénité ne venait jamais tout à fait le soir-même, même si le service était achevé depuis belle lurette. Ce ne serait que le lendemain qu'elle prendrait tout son sens.
Une sérénité en pointillés pour une soirée toute en pointillés, elle aussi. Nuit de travail en habitudes, le Cherry Town devenu son fief quelques années plus tôt. La patronne l'avait repris sans hésitation, malgré qu'il ait refusé un véritable contrat en bonne et due forme. S'ils savaient qu'ils se faisaient doubler et fermaient un oeil sur ça, les patrons du Tartarus Club n'auraient pas toléré que leur nouveau barman officialise son rythme de vie acharné. Exclusifs avec eux-mêmes, ces gens-là. Le besoin de dominer leurs employés d'une main de fer, et de pouvoir les rappeler à eux d'un simple claquement de doigts.

Pas qu'il eut nécessairement besoin de travail, Enoch Sinclair. Il aurait pu vivre aux crochets de sa fratrie, mais l'idée même d'être entièrement dépendant d'eux lui filait des boutons. Nonobstant de l'affection qu'il était supposé leur porter, Raphael étant bien le seul que l'éternel second préférait dans le lot. Il avait vécu, lui. Il avait compris ce que c'était d'avoir besoin de prouver qu'on existe au sein de la fratrie. Une différence que les autres ne comprenait pas, que Michael ne comprendrait probablement jamais, reposant sur ses acquis comme un coq sur son tas de fumier.
Une raison de plus pour avoir sa vie à lui. Chacun tenu à son côté de la barrière, chacun opérant sur son terrain de prédilection. Et les tournées des bars du bon côté du comptoir avait été un choix tout naturel pour l'Archange Annonciateur. Vergil Blackwell plus souvent dans son collimateur ces dernières semaines, l'occasion était trop belle pour ne pas en profiter. Un chien vaut mieux que deux kilos de rats. Si l'opportunité de grappiller des informations supplémentaires auprès de sa cible de prédilection était jouable, il n'allait pas faire la fine bouche.

Et il y avait ce gars, l'Enfant Divin. Son petit projet personnel, renié par le reste de la fratrie car jugé non-essentiel à l'accomplissement de la Mission. Manque d'informations. Vendetta personnelle. Si les autres entendaient parfaitement que le croque-lardon soit un infâme parjure, et s'ils reconnaissaient qu'il insultait le Seigneur par cette appellation blasphématoire, il n'était pas décrété comme cible prioritaire. Et, fichtre, que ça le faisait chier, à Enoch. L'immobilisme, comme frein à l'accomplissement du dessein divin, comme toujours. Une raison de plus pour prendre le problème à bras le corps. Il trouverait toujours à appeler les autres pour nettoyer le secteur une fois qu'aurait frappé la fureur divine. Sa fureur divine.

Paradoxe que de se dire qu'il appliquait pour Styx McCoy les mêmes préceptes que ceux contre lesquels il s'opposait avec une telle vigueur. L'observation de rigueur après leur première entrevue dans la forêt. La rage au bide en approchant du campement où il vivait pour mieux observer ses allées-venues. La Garde de l'Aurore ne voyait déjà pas cette fameuse Cohorte du Crépuscule d'un bon œil, les Sinclair non plus. Des doutes résidaient quant à la possibilité qu'ils accueillent des infamies dans leurs rangs. Quand bien même McCoy ne s'avérait pas être un rejeton de Satan, sa disparition serait certainement bien vue par les hautes instances. Une piqûre nette et précise dans la cohésion du groupe, et un avantage indéniable pour le côté de la Justice. Attaquer ne serait donc pas une flatulence dans l'eau, mais un service rendu à l'Humanité.
A trop observer, il avait noté d'autres allées-venues intéressantes, Enoch. Notamment un visage qui lui était familier, celui d'une jeune femme qu'il avait eu l'occasion de servir plusieurs fois au Cherry Blossom. Une étudiante, pensait-il. Toujours en groupe et jamais seule. Sympathique. Joli sourire, carrure fine et souple, probablement rapide.
Tirer entre les omoplates, dans son dos, quand elle ne s'y attendrait pas. S'il devait l'abattre, il s'y prendrait comme cela. Mais il y avait peut-être une meilleure manière de procéder. La faire parler, pour commencer.

-Sinclair, je vais boucler la salle du fond, tu fais le tour pour prévenir qu'on ferme dans une heure ?
-Affirmatif.


La patronne du Cherry Blossom haussa un sourcil rasoir ré-haussé de piercings, maquillée à outrance comme à son habitude. Malgré les années de bons et loyaux services de son extra, son jargon militaire la perturbait toujours autant. Héritage familial, héritage d'heures d'entraînement que seuls les Sinclair pouvaient comprendre. Le Chasseur s'extirpa souplement de derrière son comptoir et partit faire la tournée des convives pour passer le message. Sourire de convenance placardé sur le visage et coup de voix très convaincante si nécessaire. Il n'était pas là pour embabouiner les gens, juste pour faire son job. Certains décidèrent de rester, beaucoup comprirent qu'il était temps de dégager. Sa mission accomplie, il ré-élit domicile derrière la pompe à pression. La fatigue commençait déjà à se faire sentir dans la cave, pour les habitués, les fêtards et le personnel. La dernière heure, instant en suspension où le temps s'étirait toujours inexorablement. Un instant de presque félicité quand il ne fallait pas intervenir pour séparer deux poches à gnôle en plein bourrage de rognon.

Il ne pensait plus à elle depuis longtemps qu'elle fit son apparition. L'étudiante. Celle qui vivait dans le même campement que ce maudit McCoy. Seule, une fois n'était pas coutume. Surprenant, très surprenant, mais il n'allait pas cracher dans la soupe, Enoch. La journée avait été particulièrement creuse pour le Chasseur, humer de nouveau la piste de ses proies sublimait sa soirée. Épongeant toujours le comptoir, il lui adressa un sourire radieux et un léger mouvement de tête pour l'inviter à approcher. Ils avaient eu l'occasion d'échanger quelques mots par-dessus les basses, les quelques fois où ils s'étaient croisés. Trois fois rien, mais juste assez pour prétendre qu'ils se connaissaient. La maison ne tolérait pas que les clients débarquent sans consommer. Passer devant le bar était donc une étape obligatoire pour toutes les âmes en peine. Certaines y restaient même pour épancher leur vinasse et leurs tracas. Il espérait que ce soit le cas aussi pour la jeune femme.

-The usual ?

De manière générale, il ne se souvenait pas des consommations. Trop de monde, trop de faciès disparates, trop de bruit. Mais pour ses proies, Enoch se faisait violence pour charger sa mémoire des boissons alambiquées que chacun buvait. Nécessité fait loi, quand on a la possibilité de glisser si facilement de la mort aux rats dans leur verre. Ou une bonne dose de kétamine pour les assassiner froidement quelques minutes plus tard. Ce qui n'arriverait pas, ce soir. Enoch était en bonne disposition.

-'Saw your friends when I started my shift. They stayed for a while, but I believe they left a couple of hours ago. Guess you missed them.

Excellente disposition, pour se permettre ce genre de réflexion. Mais il y avait quelque chose qui émanait de la gamine, malgré -ou peut-être grâce à- ses connexions avec la Cour des Miracles où résidait McCoy. Il profita de l'occasion et de l'heure avancée pour se servir un café. Hésita une seconde devant la machine avant de pivoter sur ses pieds.

-Persephone, right ? They wanted me to tell you they planned on going someplace else next, they told me the name but... Work's been frantic tonight, I kinda forgot about it...

Foutaises. Personne ne lui avait jamais rien dit de la sorte. Ce n'était qu'un hameçon lancé en pleine mer pour voir si le poisson mordrait. Et il espérait qu'elle morde, la jolie Persephone. Même son prénom n'avait rien à voir avec d'hypothétiques amis qui auraient parlé avec le barman. Non, c'étaient ses amis à lui qui le lui avait communiqué : la Garde de l'Aurore.

-I can leave you on your own if you'd rather be alone. I'll tell you if it comes back.
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Nuit ourlée de lune n’a porté aucun fruit. Image sage de l’Exeter immobile, sans horreur, sans giclées de sang qu’elle aurait pu revendre, moteur moto de la gamine seul perturbateur de la paix publique. Pourtant empire du crime et de la mort, à son échelle, la petite ville du Massachusetts. Toujours trop facile de mourir, dans les ruelles coupe-gorges qui se font dédales où vivent mille Minotaures aux appétits voraces. Wrong place wrong time difficile à éviter dans le partout et le tout le temps, même les prudents s’y prennent les pieds. Pour ça qu’elle rentre rarement bredouille, Goutte chasseuse d’informations, pisteuse des morts et des blessés.

Sans Cyrus aux commandes de la Cohorte, père plus que chef d’une famille trop grande d’outsiders et de pestiférés, les activités de cette dernière se sont accrues. Pleuré de beaucoup mais surtout de Percy, figure qui s’était faite paternelle au fil des ans. Légende raconte que c’est lui qui l’a trouvée, bébé taché par le sang et la mort avant même d’être né, que c’est lui qui l’a nommée. Déesse dont la mère a retourné le monde à sa recherche. Plus ironique encore qu’elle ne le réalise, Percy. En lieu et place de Cyrus, le nouveau Monsieur Loyal qui ne l’est pas vraiment, lui qui traîne dans le coin depuis longtemps et qu’elle ne hait que depuis qu’il a pris les rênes. Colère facile pour Persephone qui la cultive en son cœur, jardin sombre de ronces aux épines de sang. Depuis son ascension, pourtant, la Cohorte qui se répand sur Exeter telle une ombre, qui se fait voleuse, qui se fait murmure qui extorque fric et infos à toutes les bouches. Vent d’action et de changement qui pourrait la galvaniser, la Goutte, si elle était pas campée dans ses a priori. Alors, plus souvent que de raison, elle abandonne sa famille, s’éloigne du campement et fait cavalier solitaire sur son destrier de métal à la robe noire.

Mais ce soir, elle et la lune regardent heures et rues tourner sans rien trouver d’autre que le temps long.

Retour au silence qui se fait alors que la moto crache et tousse ses dernières gouttes d’essence, et finit par mourir entre ses jambes. Peste et jure, Percy, fait chier, échouée en ville à des heures que certains jugeraient irraisonnables. Déjà, elle entend les remarques des cons qui, sous couvert de la nuit, se pensent invincibles et tout puissants, une jolie fille comme toi, ça devrait pas traîner dans les rues la nuit, c’est pas sûr. Princes serpents, chevaliers sans honneur, goules putrides et pansues qui s’improvisent chasseurs sans se savoir gibiers. Sourire morsure qui traverse la gueule de la gamine chien de chasse, prête à tailler dans le vif si l’occasion se présente. Appuyée contre sa bécane qu’elle a sécurisée en bord de route, entre deux voitures garées, y’a le téléphone qui sort de la poche et le répertoire qui défile à la recherche d’une bonne âme pour venir la dépanner. No, no, no à chaque nom croisé, personne dont elle a envie de voir la gueule, personne à qui elle veut expliquer sa présence. Ou plutôt, personne qu’elle veut embabouiner en mentant sans retenue sur les raisons de sa présence. Jusqu’au Z en fond de liste qui se fait pique en plein cœur et lui arrache une grimace à mi-chemin entre la colère et le triste. Nope final et puis elle a pas envie de rentrer, après tout, même s’il se fait tard et qu’elle fatigue. Excuse qu'elle trouve toute prête dans la panne, parce que l'immeuble-théâtre, second quartier général des hurluberlus du coin, n'est pas si loin, et elle aurait sans doute pu rentrer à pied.

Bécane abandonnée à son sort, sac à dos avec sa caméra inutile vissé sur l’épaule, elle s’aventure dans le ventre de la ville avec l’espoir que le Cherry Blossom serve encore, et l’espoir un peu moins franc d’y retrouver quelques visages familiers. Porte qu’elle pousse et vague de chaleur habituelle qui la frappe au visage. Nuits et jours restent frais pour la saison, et le contraste lui fait chauffer les joues. D’un regard, elle parcourt la salle, peu remplie à l’heure tardive, sans y reconnaître qui que ce soit. C’est les yeux du barman qu’elle accroche, et il lui lance un sourire auquel elle répond en s’approchant et en s’installant sur un des tabourets. Parce que finalement, c’est lui qu’elle connaît le mieux ici, ce soir. Nah, thanks, I'll have a Strawberry Daiquiri, I need a little pick me up tonight, qui répond à la question du barman. Gamine trop jeune pour les virées au bar, la majorité pas encore atteinte aux yeux de l'Etat américain. Mais elle a pas les airs juvéniles de celles qui prétendent avoir l'âge mais craignent de se faire choper. Goutte débarque avec des sourires qui se limitent et se méritent, confiance qu'elle affirme sans retenue, et la fausse carte d’identité qui la vieillit de deux ans dont elle se sert sans honte ni hésitation lorsqu’on la lui demande. And I mean that literally. Arrière-pensée qui vient suivre la première, plus pour elle-même que pour le barman, l'idée de trouver quelqu'un pour l'aider qui se fait tentante avant de l'agacer.

Le barman. Quelques mots échangés sans réel intérêt au fil des derniers mois. Sinclair. Nom choppé au détour d’une conversation où elle était pas conviée. L’habitude des oreilles qui s’attardent à tous les mots, ancrée au fil des ans par la famille et leur mantra. L’information, c’est le pouvoir. Sinclair, c’est pas un nom qui traîne souvent dans les bars, alors ça l’a interpellée, Percy. Gueule du barman qui fait flotter quelques vieux souvenirs d’enfance. Visage perdu parmi les pieux qui croyaient à un Dieu unique qui leur filait jamais rien, rassemblés pour vendre des biscuits. Goutte malice à délester le Seigneur de quelques gâteaux faits par ses paroissiens, entraînement autant que jeu pour la gamine. Concours avec Zyra, à celle qui ferait la plus belle prise, qu’elles partageaient ensuite dans des sourires. Alors elle s’était renseignée, avait glissé le nom sous le chapiteau de la Cohorte. Toujours plus simple d'avoir l'avantage dans une conversation où l'on connaît quelques informations basiques sur l'interlocuteur.

L'homme se fait avenant, à l'informer des agissements de ses amis. Enième soirée de plus ratée à cause de ses activités extrascolaires, sauf que cette fois elle n'a même pas été invitée. La vanité qui s'abîme dans le silence, mais qui s'apaise dès la phrase suivante. Suffisamment touchée par l'idée que ses amis aient pensé à elle pour passer outre le fait que c'est un peu étrange, d'en parler au barman quand ils auraient simplement pu l'appeler, directement. Percy's fine. Persephone c'est ce qui se gueulait après elle quand elle se faisait trouble-fête, quand les Goutte et les Percy suffisaient plus à exprimer la colère. And it's alright, thanks anyway, I might catch up with them later on. Pas la moindre intention, où et qui que soient les amis en question. Satisfaite d'être loin, aussi bien des étudiants aux mentalités qui diffèrent souvent drastiquement de la sienne, que de la Cohorte qui a tendance à l'oppresser, ces derniers temps. Sans compter qu'elle peut tomber sur Zyra, et que c'est la dernière chose dont elle a envie. Trop d'émotions qu'elle a pas encore réussi à démêler.

Nah, it's cool, I don't mind a bit of company, if you're not too busy. Bout de sourire alors qu'elle jette un regard au vide alentours. Méfiante derrière le ton badin, Percy curieuse plus qu'autre chose d'en savoir plus sur le Sinclair et de voir où la conversation allait les mener. And don't worry about the name, I might just text them if I want to meet up after you guys close. Elle réalise au passage qu'elle n'a pas la moindre idée de l'heure qu'il est. Suffisamment tard pour que le bar se soit vidé de ses étudiants bruyants, et pour que le barman porte son attention sur elle. Which is when, by the way? I completely lost track of time. Même en parcourant ses contacts un peu plus tôt, ses yeux ont glissé sur l'heure sans qu'elle ne l'enregistre.

So, work's been crazy, uh? How long you been doing this? Question informelle qui se veut anodine alors qu'elle prend appui sur le comptoir, sac à dos posé sur les genoux. L'humeur étonnamment bonne, malgré ses mésaventures de la nuit. Goutte qui, dans les mêmes circonstances, aurait pu aussi facilement se planquer dans un coin du bar et noyer sa colère dans son verre en silence.

I'd have zero patience with drunks.

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Il y avait quelque chose dans cette gamine. Non, ce n'était pas à cause de cet air goguenard, l'oeil pétillant et le sourire malicieux alors qu'elle lui tendait une carte d'identité qui avait l'air passablement correcte. Enoch aurait pu s'y laisser prendre plus d'une fois s'il n'avait pas vu un bon demi-millier de fois ce genre de contre-façons, au cours de ses dix années d'errances du bon côté du comptoir, dans les nombreux clubs de la ville. Toutes faites avec plus ou moins de brio, il fallait reconnaître que celle de la jeune femme pouvait passer pour tout à fait officielle sous les lumières tamisées de la boîte de nuit. Mais il avait fait ses recherches, le Chasseur, il avait vite compris que la jeune femme était bien différente de ce qu'elle affichait. Une de ces personnes d'intérêt qui pouvaient s'avérer particulièrement utiles pour ses propres préoccupations. Alors il n'effleura qu'à peine la carte d'identité du regard. Acquiesça à la commande, et s'occupa de la servir en même temps que la conversation se poursuivait. Alentours, la patronne aux cheveux roses poursuivait son grand nettoyage de pré-fermeture. Des râles indignés ou avinés enveloppèrent la voix juvénile de la dénommée Persephone, le tout dans l'indifférence générale. Les grippe-coquins viendraient les cueillir s'ils ne se montraient pas arrangeants, et c'était bien leur problème. Enoch avait un tout autre programme pour la soirée.

-Littéralement, hein ?

Pouffement au sous-entendu graveleux. Sourire avenant et, fatigue aidant, souplesse morale parfaitement assumée. Un mensonge gros comme le monde sorti de ses lèvres avec le naturel de la vérité. Instaurer un climat de confiance et de proximité avec la jeune femme était une priorité. Qu'importe la méthode, l'essentiel était toujours d'arriver au but. Si ce but impliquait d'invoquer les amis peu précautionneux de la membre de la Cohorte, ainsi soit-il. Conscient que son mensonge puisse paraître bancal, malgré qu'il soit cohérent. Ils étaient nombreux, les étudiants ébaubis à lui confier leurs petits messages sans se soucier s'il pourrait s'en souvenir ou non, persuadés qu'il passait son temps à peigner la girafe. Et s'il guetta activement la réaction de sa cliente pour voir si la pilule était bel et bien passée, une vague de soulagement assouplit ses muscles tendus. C'était bon. Elle l'avait cru.
Mieux que sa seule crédulité, elle acceptait qu'il reste avec elle. L'opportunité trop belle pour y résister, il secoua la tête poliment à sa question, un "Non, c'est bon." au bout des lèvres. Espéra que personne ne viendrait lui tenir la jambe dans les instants qui suivraient, comme il était bien trop souvent coutume dans son métier ou que la patronne ne trouverait pas une occupation idiote à lui faire faire. Certaines personnes avaient l'art et la manière de pousser leurs employés à mener les poules pisser, et la propriétaire du Cherry Blossom en faisait, malheureusement pour le Sinclair, assurément partie.
Kétamine glissée dans un verre. L'idée faisait progressivement son dans l'esprit du Chasseur, son curseur de cible mental glissant du troupeau d'ovins avinés jusqu'à leur bergère aux cheveux roses. Ce serait trop simple. Vraiment trop simple.

Répondant à l'invitation de discuter, il posa sa tasse de café noir devant la jeune femme. Occupa des doigts mats sur la quantité de verres qu'il lui restait à essuyer en prévision de la fermeture. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Si la perspective d'arracher des infos, quelles qu'elles soient, à la dénommée "Percy" était profitable, elle était volage. Le travail, lui, ne devait pas l'être. L'accomplir était la garantie d'une conversation sans la moindre interruption, tout autant que celle de ne pas avoir à rester plus longtemps dans cet antre de la débauche. Un bref coup d’œil à sa montre, sous la question. Un plissement de paupières pour distinguer les aiguilles sous la lumière tamisée. Le bar serait fermé au public d'ici une heure, le rideau métallique tomberait sur sa devanture quelques minutes plus tard. Lui s'arrangerait pour partir en même temps que les convives. Il avait toujours su se montrer particulièrement convaincant.

-Tu m'étonnes que t'aies perdu la notion du temps ! On ferme dans une heure, ça te laisse le temps de profiter. T'en fais pas pour la patronne, elle commence toujours à prévenir en avance. Ca nous évite des mécontents ou d'appeler la sécurité. Tu risques rien au comptoir.

Un haussement d'épaules en regardant divaguer la petite punk entre les tables. Ils savaient tous que tant de mouvement ne servait pas vraiment à grand chose, la patronne étant toujours au moins aussi ronde que le reste de ses convives. Mais elle tentait, chaque nuit un peu plus. Une résilience qui aurait pu être admirable si elle n'attisait pas autant la pitié.
Quant à Persephone, sur laquelle le regard d'Enoch glissait de nouveau, ce n'était pas dans ses habitudes de venir aussi tard et sans être accompagnée. A l'avoir suivie quelques fois, il n'avait pas encore réussi à percer tous ses secrets. Savait qu'elle s'échappait du campement, de nuit, régulièrement, mais avait perdu sa trace trop de fois à cause de ses propres obligations pour savoir en quoi consistaient ces escapades. L'avoir à portée de main ce soir pourrait être l'occasion d'en savoir plus à leur propos. A moins qu'il ne s'agisse de l'inverse. Un sourire en coin sous la barbe poivre-sel de l'aîné, tandis que sa proie se hasardait à une nouvelle question. La laisser approcher d'elle-même ? Pourquoi pas. Le prédateur savait se montrer paresseux, et l'heure avancée de la soirée n'était pas pour aider sa vitalité. Ses doigts mats relâchèrent finalement les torchons. S'enroulèrent autour de la tasse de café, qu'il sirota avec un plaisir non contenu. Le liquide déliait sa langue, le laissait se hasarder aux confessions de fin de soirée.

-Haha, je n'en ai pas plus que toi, de la patience. Cela doit faire une dizaine d'années que je fais ce boulot, y'a pas eu une nuit de calme. Pourtant je n'échangerai cette frénésie pour rien au monde.

L'impression d'avoir trouvé une forme de vocation, malgré tout. Malgré son passé, son éducation, sa foi et ses convictions. Un être tout en contradictions, Enoch, il n'avait strictement rien à faire dans l'antre de la débauche, à l'instar du reste de sa fratrie. Pourtant, à force de se fondre dans la bergerie, déguisé en mouton tel qu'il l'était, il avait fini par apprécier le tourbillon incessant des fêtards avinés. Il y avait une vibration différente, dans ce métier. Importance et responsabilités alors que la discrétion était le mot d'ordre. On savait qui était le barman, mais on ignorait tout de ce qu'il était. Une position à double-tranchant qui collait parfaitement à cette pseudo-liberté qu'elle lui conférait. Il n'était pas libre, Enoch, ne le serait probablement jamais. Mais, plongé dans les noirceurs de l'Humanité, il ne pouvait que mieux guider les agneaux de Dieu. Une Croix qu'il aimait à porter, tout bien considéré.
Confortablement installé derrière son bar, porté par la sérénité de la fin de soirée, il posa un regard chaleureux dans les prunelles marrons de sa proie. Lui trouva cette beauté de l'innocence, malgré son air railleur et sa fausse carte d'identité. Un moment de bascule chargé d'une miséricorde qui ne venait pas de lui, qui arrivait rarement mais le secouait à chaque fois. Les pécheurs n'étaient pas tous des monstres. Peut-être qu'elle même pouvait être de ceux-là, malgré quelle fricote avec une mauvaise engeance.

-Qu'en est-il de toi dans ce cas, Percy ? Si les personnes ivres mortes ne sont pas ton domaine de prédilection, quel est-il, alors ?

Accoudé à son comptoir, en jaugeant la jeune femme. Un sourire qui n'avait rien de prédateur lové au creux des lèvres, bien plus amusé que carnassier. Une différence due à l'heure avancée de la soirée. En temps normal, il aurait cherché à louvoyer. A pousser sa proie dans ses retranchements, pour en drainer la moindre bribe d'information viable. Mais ce soir ? Ce soir, il n'en avait pas envie. Ses doigts jouèrent le long de la porcelaine, le long de la tasse de café qu'il acheva finalement de vider. Conclusion à cette remarque qu'il ajouta, l'air de rien, un éclat de malice au fond des prunelles.

-Certainement pas la confection de faux papiers d'identité. Mais ton secret est sauf, avec moi, ne t'en fais pas.




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A défaut d'objectifs clairs, d'une ligne de vie tracée depuis la naissance, Percy a au moins toujours eu la chance d'avoir des gens sur qui compter. Clan famille qui l'a élevée comme une des leurs, et Zyra pilier de toutes ses années de vie, et puis ça lui suffisait. Alors même si le poupon était ballotté de bras en bras sans jamais être à personne, elle s'est fait une place à la Cohorte, dans la poussière, entre les jambes des grands quand ils se détournaient d'elle pour retourner à leurs véritables vies de famille, à quatre pattes dans les prémices de ses colères continuelles. Quand le flou des premiers instants de son histoire pesait trop lourd à ses épaules, elle taisait ses incertitudes et ses angoisses dans le confort de l'idée d'un foyer, aussi bancal qu'il puisse être. La notion de famille atrophiée, construite sur des restes d'attention donnés à ronger en vieil os coupants, bouche et langue perpétuellement entaillées sur les affections toujours trop éparses à elle qui aurait dû baigner dedans. Et si elle a sûrement jamais été prête à crever pour eux, elle s'est tout de même toujours considérée proche et attachée à eux.

Depuis près d'un an, Goutte à goutte que ça se barre, la loyauté en berne dans les sillages des trahisons et des désillusions qui ont marqué pèle-mêle les jours du calendrier, et c'est l'orpheline qu'est de retour. Ersatz de famille écrasés sous les talons McCoy, ses plus gros liens avec la Cohorte tranchés ou morts, y'a plus que Percy sur son radeau à la dérive. Plus goût à grand-chose. Les missions en pilote automatique, les journées encastrées les unes dans les autres dans une brume d'alcool et de rages. Puis on la dit trop jeune pour avoir l'âme aussi pétée, aux bords aussi tranchants, pourtant elle s'est fêlée tôt, Percy. Puis brisée tout à fait sous les coups de Zyra, et sûrement qu'elle était trop fragile pour casser si facilement. Elle est plus grand-chose d'autre que les tessons escarpés de son cœur, déposés autour d'elle en barricade pour entailler ceux qui veulent s'approcher.

Alors dans sa solitude, sûrement que ça fait du bien, de côtoyer quelqu'un d'extérieur à tout ça, de s'accrocher quelques minutes à la barque du barman, pour récupérer un souffle qui lui manque depuis des mois. Épuisée, Percy, de se défendre en continu contre les assauts du monde, de vivre trop vite et dangereusement, toujours sur ses gardes et sans pouvoir fier quoi que ce soit à qui que ce soit. Pour ça qu'elle se laisse attirer par les sourires qui ont l'air de s'offrir généreux, sur les lèvres du Sinclair. Une heure, qu'il lui dit, qu'il lui offre. Suffisamment de temps pour retrouver dans quelques verres des semblants de contenance, et assez de fatigue pour se résoudre à rentrer. Et mine de rien il dit tu risques rien, et ça fait trop longtemps que c'est plus vrai. Sécurité illusoire dans son monde à double-tranchant. Alors elle hoche la tête et porte le verre à ses lèvres, longues rasades qui descendent dans sa gorge et elle ferme un peu les yeux, s'essuie la bouche du revers de sa manche. God I needed that, tombé de ses lèvres dans un soupir satisfait.

Ten years, uh? dans un sifflement admiratif. A se demander ce qu'il faisait, avant, lui qui doit avoir autour d'une quarantaine d'années, mais elle sait pas précisément combien. Ca lui paraît une éternité, à Percy, dix ans. La moitié de son existence. Traits plus chaleureux qu'à l'accoutumée avec les étrangers, d'ordinaire toujours méfiante, toujours distante et en retrait. Pourtant y'a des relents de familiarité et de banalité dans la conversation tranquille qui s'entretient avec le barman. Elle se prend presque à le trouver sympathique. That's impressive. I mean, I think I'd like the rush, but dealing with people? Ugh. Pas si elle a rien à en tirer, pas si leurs regards glissent sur elle sans s'y arrêter, s'ils sont juste trop occupés à s'enfiler des shots pour accorder à celle qui les sert autre chose que la moitié d'une attention et le tiers d'un pourboire. La discrétion répétée mantra depuis toujours, mais Percy elle a besoin d'être vue.

Question sans réponse qui s'pose là et dans un rire soufflé elle fait les gros yeux et ramène le verre à ses lèvres sans aucun espoir d'y trouver l'inspiration. Trouver les morts qui s'avoue pas comme ça, me planter sur les gens qui fait trop pathétique pour jamais toucher ses lèvres. Et si elle cherche plus loin, ça devient évident qu'elle en sait rien. Perdue dans tous les possibles impossibles à quelqu'un comme elle, et au-delà de ça elle sait même pas de quoi elle a envie. Vraiment envie. Idées qu'elle caresse et envoie paître à la pelle, mais il paraît qu'elle a le temps. Qu'à son âge, la plupart des gens savaient pas non plus. Mais la plupart des gens, elle les emmerde, Percy.

Réaction instinctive à la révélation de la supercherie, le dos qui se tend et les doigts qui se serrent autour du verre, le regard qui se fait prudent sur l'homme qui vient de parler. Les sens en alerte, elle se force à expirer lentement par le nez, mais elle a le coeur qui s'est affolé. Pas le premier à qui elle la présente, cette carte, et si d'autres voyaient au travers? Bien la dernière fois qu'elle s'en sert, déjà noté dans sa tête de s'en procurer une nouvelle mieux réalisée. Usually works dans d'un haussement d'épaules qui surplombe un rictus crispé. Et s'il elle se relâche au ton badin,  du barman, y'a malgré tout une tension qui reste logée dans sa mâchoire. Pourtant a priori rien de menaçant, dans le sourire amusé qui accompagne les mots, mais elle se sent prise au piège, Percy. Difficile d'habiter ses airs de gamine, ses chaussures d'étudiante, quand y'a tous les instincts du clan qui se mettent en alerte. But uh yeah, that's a tough one. These days I don't even know... mots mâchés entre les dents et le glaçon qu'elle croque bruyamment, les yeux perdus dans le verre déjà presque vide. Ramène le sujet à elle pour s'échapper de la carte défectueuse, pas certaine d'avoir fait le bon choix. Impossible d'exposer ses problèmes à l'homme face à elle sans mettre à mal tous les principes inculqués en elle, sans se mettre elle et les autres en danger. Mais c'est des inquiétudes et des questionnements qui se répètent à l'infini entre les parois de son crâne sans jamais sortir, et pourtant elle les offre sans concession au Sinclair. Morceau narquois de son esprit qui se plaît à s'imaginer que c'est comme aller à confesse. I mean, I'm studying journalism, so I guess... that ? I don't fucking know, man. Nouvel haussement d'épaules alors qu'elle se fend d'un sourire amusé, un vrai. Pas ceux qu'elle se placarde sur la gueule quand elle a vraiment pas le choix, pas les sarcastiques qui répondent à tous les blaireaux quand elle peut décemment pas leur cogner dessus. Verre et glaçons qu'elle finit dans la foulée, can I get another one? qui s'réclame en poussant son verre vide vers lui.

Maybe you can help me out, though. Et ça pétille comme rarement, dans les yeux qu'elle pose sur le brun. Elle se penche par-dessus le comptoir vers lui, bien plus relâchée qu'au départ, pourtant toujours le même objectif en tête. You're what? Forty-ish? Give or take, qu'elle semble réfléchir en baladant son regard sur lui, le jaugeant sans aucun scrupule, la tête appuyée sur une main. If you've been doin' this for ten years, what d'you do before that? Maybe something in there will inspire me. Bonne excuse pour pêcher quelques informations çà et là, la curiosité en vilain défaut assumé.

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Enoch Sinclair
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Enoch Sinclair
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Phare au milieu de la nuit, balayant les eaux troubles d'autant de radeaux de la méduse perdus ça et là autour du comptoir. C'était une des raisons qui lui avait fait choisir le boulot de mixologue, au Chasseur. Un choix réprouvé par nombre de sa famille, manque de logique ou de bol, alors que la justification était toute trouvée. L'alcool délie les langues, il dénoue les noeuds, il apporte le réconfort que les athées refusent désespérément aux bras de Dieu. L'homme s'efface au profit du barman, tantôt confesseur, tantôt confessé, et ça lui allait très bien, à Enoch. Frénésie de début de soirée puis relâche aux premières lueurs du matin. Être la bouée de l'océan émotionnel de tant d'inconnus ne le dérangeait finalement pas tant que ça. Pas lorsque les eaux pouvaient laisser s'échouer les poissons qu'il cherchait à ferrer sur ses récifs, sans même qu'il n'ait à lever le petit doigt. Il était vaniteux et impétueux, comme Chasseur, mais il n'était pas idiot. Enfiler sa chemise et son sourire tous les soirs s'était avéré particulièrement fructueux pour la Mission.
L'était tout autant ce soir, l'étrange Persephone lovée sur son comptoir. Le coeur ralenti par la fatigue ambiante, se laisser aller à ce type de conversation ne le dérangeait pas plus qu'il ne le l'aurait cru. Il ne rangerait pas son sourire de convenance avant une heure, lorsque toutes les lumières seraient éteintes. Il pouvait donc encore s'en servir, et, s'il pouvait glaner des informations, serait le plus heureux des hommes.

Depuis dix ans, oui. Déjà. L'homme n'avait aucune notion du temps, le soldat n'avait pas besoin d'en avoir la notion. Seul l'Ordre et la Mission pavaient son avenir, et s'il avait quelques fois l'impression de se sentir plus jeune, il n'en était pas certain lui-même. Presque dix ans, et Ruth qui s'enroula autour de son doigt comme un étau glacial. Il portait toujours son alliance, lorsqu'il servait au Cherry Blossom. L'occasion d'éviter que des gamines avinées ne viennent frotter leur derrière contre lui sous prétexte qu'elles avaient des problèmes de père à régler. Persephone n'était pas de ces gamines-là. Aucune lubricité sous son regard malicieux, seulement cette espièglerie enfantine qui serait si facile à mener où il voudrait. Il pourrait la forcer à cracher tout ce qu'elle savait sur l'Enfant Divin. Mais ce soir, il n'en avait ni l'envie, ni la force. Un haussement d'épaules.

-Certaines conversations valent réellement toutes les autres, même après bien trop de verres au fond du gosier. Passée une certaine heure, et une certaine quantité d'alcool, il leur arrive de prendre la couleur d'une confession.

Confesseur. Des fois il enviait Raphael. Devenir le réceptacle autant de l'âme humaine que celui de la parole Divine. Enoch n'était qu'une paire d'yeux, pour observer les anomalies, une paire d'oreilles pour repérer les mensonges. Raphael était un outil de communication entre les pécheurs et le Divin. S'Il leur avait donné à tous la capacité d'absoudre les erreurs de Ses brebis, Raphael était celui qui avait le plus de chances de se retrouver à Sa droite, une fois qu'il finirait au Paradis. En qualité de deuxième fils, il aurait pu le devenir lui aussi, Gabriel. S'était tenu à ce chemin qu'il avait cru choisir, pied de nez à l'aîné, satisfaction médiocre des parents. Finalement, non, il n'enviait pas Raphael. Il préférait encore se frotter de très près à la population qu'ils pourchassaient. La chasse éveillait un frisson sans pareil le long de sa nuque, du même genre que celui qui hérissait doucement les bouclettes à la naissance des cheveux en parlant à Persephone. Il s'étira, attrapa souplement un nouveau verre à rincer et laver méthodiquement. Il n'aurait pas cru qu'il passerait une fin de soirée aussi agréable en compagnie de cette étrange demoiselle, mais il n'était pas homme à refuser une opportunité.
Encore moins si elle pouvait lui apporter quelque chose, à terme.

Laisser tomber le masque avait des fois des airs de fausse bonne idée. Pourtant il le sentait couler le long de son propre visage à mesure que la jeunette se dévoilait. Lasse, le regard d'ordinaire vif voilé d'un épuisement qui ne collait pas avec ceux de son âge. Âge d'apparence, quel âge avait-elle en vrai ? Certainement plus jeune que ce que mentionnait sa carte d'identité factice. Un adulte n'aurait jamais besoin d'user de ce genre d'artifices pour commander sa dose d'anti-dépresseur liquide. Il haussa un sourcil devant l'aveu, la confusion et le doute. Reposa finalement le verre qu'il était en train d'essuyer, ses mains contre la paroi lisse de son comptoir et inspira profondément. Noisettes contre noisettes. Si elle mentait sur sa propre confusion, elle le faisait divinement bien.

-Mais est-ce vraiment ce à quoi tu aspires ?

Il y avait une différence entre accomplir son devoir et faire quelque chose que l'on appréciait. Il en savait quelque chose, pour s'être toujours plié docilement aux nécessité de l'armée Sinclair. On ne travaillait pas par passion ni par conviction, dans son univers. On trouvait une certaine satisfaction à la tâche, éventuellement. Une certaine fierté, qu'il éprouvait lui-même à chaque fois que le regard émerveillé des clients le gonflaient d'un orgueil qu'il ne confiait à personne. Il serait réprouvé. Mais dire ce genre de choses ne faisait-il pas partie de ce que font les autres, tous ceux qui sont considérés comme normaux ? Il se fendit d'un sourire, le Chasseur. Attrapa la bouteille pour assouvir la soif de sa cliente, le verre rempli à ras bord.

-On le met sur ma note, t'en fais pas.

Jeta un coup d'oeil en direction de sa patronne avant de finir par se l'accorder, la petite goutte de pick me up au fond du café. Resquiller, il n'avait même pas besoin de le faire avec ses capacités, Enoch. Mais le montrer en toute évidence à Persephone était une manière comme une autre pour lui montrer qu'ils étaient du même univers. Connivence poussant la confidence. Il venait tout juste de couler ses lèvres dans la matière brunâtre qu'une nouvelle question s'imposait entre eux. Sourire de renard sous la barbe noire. Il s'offrit une rasade pour le plaisir du jeu, l'air de réfléchir. Parfaitement à l'aise avec son âge, autant qu'avec les sillon qu'il commençait à tracer le long de son visage carré, Enoch. Bien plus que la jeunesse perdue qu'il avait devant lui. Il ne suffirait que d'un coup de crocs pour la dévorer toute entière, la brebis égarée. Agnelle au regard de renard, peut-être était-elle aussi un prédateur en devenir.

-Tu vas être déçue d'apprendre que j'étais assistant social, avant de faire ce métier. A croire que le social est et restera une vocation, puisque je persiste dans cette voie, bien que je ne sois plus derrière un bureau, à présent. J'aurais pu être pasteur, dans d'autres circonstances. Mais ce n'était pas la voie que je devais prendre.

Ce n'était pas le rôle que le Père Sinclair avait voulue pour lui. Raphael était le récipient des enseignements de Dieu, avant la trahison. Prédestiné par le nom, Gabriel, le messager. S'il avait toujours cru pouvoir porter haut et fort la voix de Dieu au creux de sa gorge, tous savaient que ce n'était pas pour ça qu'il possédait ce don. Il était annonciateur. Pas prédicateur.

-Il s'agit d'une voie difficile, celle d'aider son prochain. Je n'aurais pas été capable d'honorer un rôle pareil, tout le monde le savait, moi aussi. Ne pas être entré dans les ordres est un regret, avoir été assistant social une erreur, et faire le métier que j'exerce à présent une révélation. Je suis persuadé qu'il faille se perdre pour mieux pouvoir se retrouver, en suite.

Dieu te retrouvera toujours, quoi que tu sois. Il se retint toutefois de prononcer Son Nom, voire le fond de sa pensée, le Sinclair. Avait bien compris au fil des années que la foi était vue d'un sale oeil. Les impies ne pouvaient comprendre que sans guide, leur vie serait pavée d'embûches. Un des éléments de la Mission. Ramener toutes les brebis de Dieu à la bergerie, quand bien même elles auraient refusé son aide. C'était pour cela qu'il s'appelait Gabriel. Il n'avait qu'à le leur suggérer.
Suggérer. Plus rien à faire derrière le comptoir, le travail de la veille pour le lendemain enfin accompli. Les yeux noisettes vagabondèrent dans la salle, s'accrochèrent à la tignasse rose de l'étrange propriétaire des lieux. Il sirota son café amélioré, le Chasseur, avant de reporter son attention sur sa proie.

-Si le journalisme ne correspond pas à ce que tu recherches, pourquoi ne pas changer de voie ? Qu'est-ce qui t'intéresse vraiment ? Profondément ?

Qui es-tu vraiment, Persephone ? Pas la jeune adulte représentée sur sa fausse carte d'identité, non. Il y avait autre chose derrière ce regard. Quelque chose de plus sombre, de plus tordu que ne le laisserait entendre son visage juvénile.
Une faille dans laquelle s'enfoncer.




But as sure as God made black and white, what's down in the dark will be brought to the light
Sooner or later
God'll cut you down

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A quoi t'aspires? Dresse l'oreille, tend la nuque. Malaise se loge dans les cervicales. Réajuste son cul sur le tabouret, juste pour se donner quelque chose à faire de toute sa masse. Corps pourtant pas grand prend trop de place, quand la question gratte en ongle sur tableau noir contre les parois de son crâne. Les aspirations en inconnues éternelles, ambitions sans boussole acharnées à toutes les tâches sans savoir à quoi se vouer. Question tabou que personne a jamais prononcé. Même pas elle, même pas à voix basse dans le secret de son intimité. Tête brûlée autoproclamée, à toujours sauter des deux pieds dans les nouvelles idées avec la semi-conviction que c'est ça, ou presque. Pourtant ça grince toujours à l'insatisfait, derrière le rush des premiers moments. Alors à quoi elle aspire, la môme? Jusqu'à quelques mois plus tôt, elle avait l'impression de savoir. Que la voie s'était tracée devant elle à mesure qu'elle foutait un pied devant l'autre, en entamant des études parce qu'elle voulait s'approcher des caméras, parce qu'elle aime dénicher des infos. Puis finalement ça la fait chier, d'se poser des heures pour apprendre, de se lancer dans des études longues à mourir, quand elle veut du tout de suite et du maintenant. Prête à bosser, Percy, môme acharnée, mais le long terme existe pas à l'esprit juvénile. Alors sous les lumières du bar, sous l'regard presque chaleureux du barman, quand la question glisse le long de ses vertèbres, la tend au passage, elle est bien obligée d'avouer qu'elle en sait rien. De s'avouer.

Le verre se quémande et se remplit en distraction bienvenue, sûrement trop prompte à balancer quelques couches d'ambre ou de cocktail coloré sur le tarmac de ses interrogations. Doute bitume morcelé de ses peaux quand elle s'y pète les genoux et les paumes dès qu'elle s'y penche. Alors elle désinfecte et anesthésie les plaies tout à la fois. Mais voilà que le Sinclair propose de payer le verre, et le non lui tombe des lèvres en automatisme. Accepte jamais qu'on lui paye des trucs, Percy indépendante invétérée. Veut pas s'endetter, veut pas devoir à qui que ce soit. Peur qu'on l'entube comme elle sait le faire aux autres, comme ils apprennent à la Cohorte. J'préfères régler mes dettes, merci. Tonne plus sec que les phrases autour, dans l'urgence de son refus. Les mains autour de son verre fraîchement rempli, elle observe le barman s'en servir un, prétendument à l'insu de la patronne des lieux. Elle l'a jamais vu faire, mais faut dire qu'elle l'a jamais observé avec autant d'attention que maintenant. D'intention. Pour ça qu'la question suivante se porte sur lui, sous couvert de ses propres interrogations. Parce qu'elle veut le voir, derrière la barbe, derrière les yeux sombres, au-delà du comptoir qu'il habite comme s'il y était né, avec une aisance qui, si elle est feinte, l'est à la perfection. Pourtant elle sait qu'il y a d'autres histoires sous le barman. Parce qu'elle le voit encore, dans les souvenirs flous d'une gamine sauvage. Et qu'elle sent, en intuition sourde, un autre chose qui anime la carne Sinclair. Ou peut-être que l'alcool tape déjà à ses systèmes. Mais elle est attirée par lui, bien loin de cette attraction animale qu'elle ne connaît de toute manière que peu. Toute l'adolescence entourée de ces autres aux appétits nouveaux quand elle persistait sur son orbite, longtemps étrangère aux éveils des corps. Alors quand elle le détaille, se penche sur le comptoir, ce n'est qu'avec une curiosité pseudo-enfantine.

La réponse s'énonce déception, et déçue, elle l'est, un peu. Sûrement que ça se voit sur sa tronche, les muscles trop relâchés pour contrôler toutes les expressions qu'elle réprime d'ordinaire. Elle écoute, les lèvres trempées dans son verre. Fait défiler les professions en essayant de les lui appliquer. Pasteur. Croit aux Dieux plutôt qu'à dieu, Persephone élevée dans le païen. Parce qu'eux se manifestent, en récompense aux sacrifices qu'ils leur font, pour obtenir des faveurs. Ils sont concrets, ses dieux, au moins dans les dons qu'ils leur accordent. Même si, autant qu'elle puisse chercher à s'octroyer leurs attributs, autant qu'elle et les autres aient pu essayer de les invoquer, elle croit pas qu'ils influent sur sa vie, au-delà de ces rituels. Refuse, même. Tout ce qu'elle arrache au monde, elle le fait seule. Refuse d'attribuer ses mérites à des dieux, comme le font souvent les pieux. Elle l'observe, mal planquée derrière son verre, écoute dérouler l'histoire d'une vie, moins ce qu'il garde caché. Discours habité trop bien déroulé pour n'avoir été répété, et elle est pas assez naïve pour croire qu'il a tout dit. Personne dit jamais tout. L'illusion de l'ouverture, pour mieux planquer le vrai à l'intérieur. L'a vu faire, à défaut de le pratiquer, elle qui s'est cadenassée il y a des années. Mais l'idée fait son chemin. Tomber pour se relever, en évidence rabâchée. Relève-toi.

Aider son prochain. Ricane sans moquerie, Goutte, juste parce qu'elle a jamais compris l'adage. Ou peut-être que si, rarement, dans des causes qu'elle se découvre parfois, mais jamais à long terme. Jamais en ligne de vie qu'on poursuit, en vocation qu'on se trouve. Jeunesse déjà désabusée, persuadée que la bonté c'est des conneries qu'on s'invente pour mieux dormir la nuit. A la place, tu l'aides à boire, ton prochain. Elle penche la tête, bout de sourire toujours accroché au visage. Bar tranquille, fin de soirée, deux désœuvrés cuvent leur verre autour d'une conversation plus profonde que la plupart de celles qu'elle s'autorise à avoir, Percy. C'est pas contraire à tes principes, Mr. J'aurais pu être pasteur? Malice, alors que le deuxième verre descend à bonne allure et que tout se détend, que tous ses angles poignards s'adoucissent. Pourquoi c'est un regret si tu sais que t'aurais pas pu? Ca aurait juste été du temps perdu. Comme ça qu'elle le comprend, en tout cas, à plisser les yeux dans sa direction avant de remettre le nez dans son verre.

Changer de voie. L'idée lui est déjà venue, s'est glissée dans ses poumons en eau salée dans les bronches. Et entre les marées, elle l'oublie, quand les plages apparaissent et qu'elle s'abêtit dans une routine trop mouvementée pour prendre le temps d'y réfléchir. Mais là, elle boit la tasse, Percy, et quand ça s'énonce dans les mots du barman, ça sonne comme une putain d'révélation. Elle piétine un peu son silence, bouge à nouveau sur son tabouret, les chevilles enroulées l'une autour de l'autre contre le pied en métal de son assise. Joue avec le fond de son verre, le fait rouler sur la tranche le long du comptoir pour s'occuper les mains. Puis elle l'amène à sa bouche et se vide la fin dans le gosier. Sûrement qu'il faudrait. J'vais finir l'année, là, puis on verra pour la suivante. Ca lui laisse l'été pour mettre de l'ordre à ses envies. Le menton affalé dans une main, le maintien absent au corps qui commence à s'oublier sous l'effet de l'alcool.

Ce qui m'intéresse? Profondément? Les mot roulent à l'intérieur à la recherche d'une idée pour arrêter leur course. Ce qu'elle préfère, c'est bien ses jeux de piste à travers la ville. C'est bien le glauque et le macabre qui tapissent les rues, les ombres qu'elle aime et manipule autant qu'elle veut s'en détacher. Jouer les funambules avec les limites, à frôler l'illégal. Mais c'est des sensations, des éphémères d'adrénaline qui s'estompent et ne la remplissent jamais véritablement. Au-delà, il lui semble qu'il n'y a rien. Y'a des éléments du journalisme qui m'attirent, quand même. Chasse aux scoops, sauf que les siens n'ont rien à voir avec les grandes choses du monde. Les siens s'écrivent dans le poisseux d'un sol ensanglanté, dans la mort des petites gens. Traquer l'info, filmer, questionner les gens. Hausse une épaule, les yeux perdus sur le comptoir. Questionner les gens oui, mais dans le seul but d'extraire des informations pour s'en servir plus tard, certainement pas par intérêt pour eux. C'est l'univers, et les débouchés, qui vont pas. Mots incertains à l'explication bancale, quand elle cherche à justifier l'inexplicable. La question s'est imposée comme un coup de projecteur à toutes ses zones d'ombre, et la lumière l'aveugle trop pour qu'elle voit le résultat. Alors elle referme la porte qu'elle a elle-même entrouverte, dans un désir vif et soudain et protéger ces on-ne-sait-quoi qui vagissent à l'intérieur, embryons de devenir. Réponse demi-teinte dont il devra se contenter. Enfin bon, j'ai le temps de voir venir, il paraît. Encore un, s'il te plaît. Verre vide renvoyé à la source, une fois de plus. Poids de sa jeunesse trop lourd, les mots décousus en ode à la confusion qui la dévore, quand en face le discours se pose et se prélasse, sûr de lui et tranquille. Chemin rivière qu'elle n'a eu qu'à suivre des yeux, quand ses courants à elle remuent, s'agitent, changent de sens et se ramifient en centaines de filets d'eau qui cascadent et irriguent des riens au goutte à goutte. Alors c'est elle qui change de voie, pour pas se voir goutter en flaque sur le sol du Cherry Blossom. Mais alors, petite interview, peut-être une de mes dernières. Eclat malice qu'elle force un peu, les deux mains accrochées au bord du comptoir, à presque se hisser hors de son siège. Comment un Sinclair termine-t-il à servir le manant derrière un bar? Pense pas vraiment à ce qu'elle vient de dire, Percy, déjà préoccupée par son nouveau jeu, la tête à demi engourdie par les verres qui tombent dans un estomac vide. Annonce qu'elle a quelques notions de qui il est, à défaut d'autre chose. Vous avez parlé de révélation, des détails? Et elle tend un micro imaginaire dans sa direction, avant de ramener son bras sur le comptoir dans un soupir. Objectif brouillé, cap à peine maintenu, môme échouée.

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