Situation 10 ▬ Let it Go

Tu aimes donner de ta personne pour aider ton prochain, et même pour faire avancer la science ou la technologie et c’est justement pour cette raison qu’une fois de plus tu te retrouves dans une salle avec des personnes que tu n’as jamais vu. C’est comme retourner à l’école après plusieurs années sans étudier en début d’année, attendant que le nouveau professeur fasse son entrée sans même savoir s’il sera sympathique ou s’il va te faire vivre un véritable enfer dans les semaines à venir. D’habitude, il suffit de donner un peu de son sang ou de répondre à quelques questions, mais cette fois c’est sûrement différent. Tu penses qu’un entretien devrait suivre le QCM indiqué sur le flyer demandant à plusieurs grandes têtes de se rendre sur place, même s’il évident que tout le monde n’a pas la lumière à tous les étages dans cette salle. Tu sais pourquoi la police d’Exeter commence à avoir plus de boulot que d’habitude, depuis quelques années une racaille que tu ne peux pas supporter essaie de faire la loi en ville. C’est ton boulot de faire en sorte que ça n’évolue pas plus que nécessaire, même au sein de ton propre service de police, tu penses que tout le monde n’est pas très honnête et pas besoin d’utiliser ton don pour en être quasiment certain. Tu croises les bras, assis au premier rang comme le petit élève modèle de la classe qui veut se faire bien voir par le professeur directement, mais surtout parce que tu commences à regretter d’être là. Quelle idée d’aider à ce point, tu ne vois jamais ta famille et utilises les seuls moments de repos pour continuer à bosser d’une certaine façon. Il faut croire que tu n’as pas plus envie que ça de rentrer à la maison. C’est alors que tu prends quand même la peine de te retourner, arrivé presque dans les premiers sans regarder les autres visages, ça n’a pas d’importance de toute façon. Puis, ton visage s’illumine presque alors qu’un ami à toi se fait reconnaître parmi les différents visages. Tu lèves une main sans un bruit, ce n'est pas le moment de commencer à discuter, ça va commencer dans quelques minutes. Tu reprends place sans même savoir si Enoch t’a rendu ton bonjour, sûrement que oui. C’est un homme bon.

L’étoile de shérif bien accroché à droite de ta ceinture juste à côté des menottes, depuis ta promotion, tu commences à te faire une petite notoriété en ville et dois assumer même quand tu ne bosses pas ta place de chef de la police. Il faut qu’on puisse te joindre à n’importe quel moment pour tout et n’importe quoi. Tu as pris cette décision et tu dois maintenant t’y tenir sans ronchonner. L’arme de service à gauche de la ceinture dans son étui et avec le cran de sécurité activé, il ne faudrait pas déclencher un accident tout de même, malgré le fait que pour certaines créatures, il faut bien plus qu’une balle pour calmer la situation. Heureusement que tu peux compter sur ta puissance et ton instinct de Wendigo pour venir compléter un équipement adapté à n’importe quel problème. Alors que tu commences à te perdre dans tes pensées, une alarme ressentie et tu sursautes presque sur ta chaise comme un petit vieux qu’on vient de sortir de sa sieste et qui va sortir pour crier sur les jeunes dans sa propriété. Tu lèves un sourcil et regardes autours de toi. « C’est quoi ce putain de bordel. » Tu restes assis en pensant un moment que ça fait partir du test et hausse les épaules comme pour faire comprendre à ton voisin que ce n'est pas avec une petite alarme de collège qu’on va t’impressionner. Puis, un homme en blouse blanche entre rapidement dans la pièce. « Nous rencontrons un léger contre-temps, ne vous inquiétez pas, nous gérons la situation. Je reviendrai vers vous quand le problème sera résolu. » Tu tapes contre la table de la paume de la main d’un coup sec en commençant à te dire doucement que pour un acteur, il joue réellement bien le mec en blanc qui vient de sortir de la pièce sans donner plus d’informations et fermant la porte derrière lui.

« Il va nous dire ce qu’il se passe Dr House ? » Tu prends appuie sur les jambes et te retrouves rapidement debout pour essayer de comprendre un peu plus ce qu’il se passe. Jusqu’à la porte en prenant soin d’ouvrir, dans le couloir, il fait sombre, certaines lumières clignotes comme dans les films d’horreur et l’alarme ne s’arrête pas. Ça commence à devenir inquiétant, mais heureusement pour tout le monde gérer ce genre de situation fait partie de ton boulot tous les jours au commissariat. Tu reviens vers le devant de la salle et lèves les bras vers le ciel en attrapant ton badge pour le mettre en évidence. « Tout le monde se calme, je suis dans la police. Avant que ça ne devienne n’importe quoi, j’aimerais quelques volontaires pour aller voir ce qu’il se passe avec moi. Quelqu’un ? » Tu balances un rapide coup d’oeil pour observer tout le monde, c’est vrai que ça n’a rien de simple, mais il est toujours possible de trouver quelque courageux pour t’accompagner. Tu pourrais t’y rendre tout seul, mais ne connaissant pas la situation, il faut au moins quelqu’un pour aller prévenir les autres s’il t’arrive quelque chose. Même une seule personne, ça pourrait être largement bon. « Et pour ceux qui vont rester, gardez bien la porte close et n’ouvrez à personne d’autre que nous. Même pas aux soignants. » Cette situation est peut-être une situation de crise, ou même seulement dans l’examen, mais si ce n’est pas le cas, il faut pouvoir protéger la population. Après tout, vous n’êtes pas dans l’endroit le plus sûre d’Exeter et tu as bien conscience de ça.

Les multiples précautions énumérées par les scientifiques lui firent rouler des yeux si fort qu'un peu plus et il se foulait les nerfs optiques. Il n'était pas là pour ce test, il n'avait jamais été question de le passer, ce maudit test. La Mission continuait, qu'il soit derrière son bar ou à patrouiller dans les ruelles d'Exeter au sein de la milice citoyenne. Une excellente initiative de la part de ses collègues de la Garde de l'Aurore, même Enoch devait le reconnaître. C'était par ce biais qu'il s'était procuré le flyer d'invitation à participer à ces fameux tests, le sésame qui lui ouvrirait les portes de Rutledge. Il n'aurait même pas dû en faire partie, de ces tests. Perdre son temps à cocher les cases d'un QCM sans fondement, probablement écrit par de maudits darwinistes, n'était pas pour le passionner. Pire, la Mission et Teodora l'attendaient. Et Dieu ne souffrait pas les contretemps, pas plus que le Chasseur.

Alors pourquoi était-il ici ? A cause de Vergil Blackwell. La famille, revenue depuis peu dans le collimateur de l'Archange, nécessitait à nouveau une observation rapprochée. Ils pourraient frapper, du jour au lendemain. Michael avait fini par s'en laisser convaincre, petit à petit, malgré toutes ses réticences. Enoch l'avait suivi toute la journée, emboîtant ses pas comme une ombre, jusqu'à ce que le shérif bien-aimé franchisse les portes de l'asile. Il s'était faufilé à sa suite, n'avait pas même pris le temps de laisser traîner ses oreilles pour savoir de quoi il en retournait. La demoiselle de l'accueil n'avait pas été difficile à convaincre, elle, de l'autoriser à circuler au sein de l'établissement. Elle avait été charmante, au contraire. L'avait accompagné personnellement à travers les corridors jusqu'à la pièce où l'on avait installé Blackwell. L'odeur de la naphtaline, intense, infiltra les naseaux de l'archange tandis qu'il prit place à son tour, non loin de sa cible. Lui rendit son signe de main avec une ombre de sourire, qui s'effondra aussitôt, son regard coulant vers deux autres visages particulièrement familiers.
Le premier était agréable à l’œil, quoique fermé. Saul Marsh, le propriétaire de cette étrange boutique de bricolage dans laquelle ils avaient eu une "conversation" toute aussi étrange. Il y avait toujours pire que se retrouver enfermé pendant ce qui s'annonçait être une petite demi-heure avec sa cible, et un homme qu'il connaissait bibliquement.
Il y avait ce visage tout en courbes, ces yeux d'un bleu perçant et cette tignasse blonde, qui n'appartenait qu'à une seule âme honnie d'Exeter : ce parjure d'Enfant Divin.

Il prit donc place à distance égale des trois après un haussement de sourcils interrogateur à Marsh et un regard appuyé à McCoy, une position stratégique qui n'avait pourtant rien de confortable. Endurer ces vingt minutes, pour la Mission. Dieu le mettait à l'épreuve, et il comptait triompher, son crayon à papier battant une cadence nerveuse entre ses doigts mats. Et l'épreuve de devenir sacerdoce, une alarme hurlant à présent entre les murs pourtant épais de l'hôpital psychiatrique. Une blouse blanche se faufila dans la salle de test pour leur annoncer la Bonne Nouvelle. Ils étaient coincés ici jusqu'à nouvel ordre.
Dieu avait décidé de vraiment le tester, et son agneau avait déjà les nerfs en pelote.

Calme olympien dans le Chasseur, alors que Blackwell se levait pour prendre les choses en main, son étoile de shérif toute fraîche au bout du poignet. La pression de son couteau papillon, lové confortablement contre sa cheville, qui s'enfonçait dans sa peau pour le forcer au calme. Il se contenta de hocher la tête, Gabriel, déjà dans cet état second qui précédait la chasse. Les rouages tournant à toute vitesse sous ses boucles brunes pour considérer quelle option serait la meilleure pour préserver sa couverture. Il pourrait suivre Blackwell, il était entraîné, peut-être même l'homme le plus à même de protéger le reste du troupeau d'une attaque avec le grippe-coquin. Mais personne ne s'en doutait, de ça. A part Styx McCoy, qui lui avait eu une démonstration de ses activités extra-professionnelles. Marsh, lui, ne le considérait probablement comme rien de plus que ce qu'ils étaient l'un vis à vis de l'autre : un plan cul.
Choisir entre la Peste et le Choléra.

-Je te suis. Je ne suis pas le meilleur des combattants, mais si nous sommes plusieurs, nous devrions pouvoir nous en sortir en cas d'attaque.

Son regard glissa malgré lui au fond des prunelles de McCoy. Un regard mauvais, de ces regards qui en disent bien plus qu'ils ne le devraient, à juste titre. Toi, tu fermes ta grande gueule. Il espéra, Enoch. Espéra que l'autre n'en profite pas pour griller sa couverture, qu'il reste sagement dans son coin, voire dans cette salle de test suffocante. Et tourna finalement ses iris marrons vers le supposé Marchand de Mort assis non loin du blondinet.

-Nous aurions bien besoin de ton expertise dans la confection de nœuds pour les immobiliser si on les croise, Saul.

Il se leva souplement de son siège, rejoint le côté du shérif, non loin de la porte, en quelques enjambées. Attendit patiemment les ordres, en bon soldat qu'il était, tandis que l'alarme n'en cessait plus de résonner, vrillant ses tympans. Éprouva un soulagement intense quand elle cessa subitement de tonner entre les murs, avant d'entrevoir en quoi c'était un problème. Un silence fracassant s'abattit sur l'asile autant que dans la salle de tests.
Il se pencha instinctivement jusqu'à sa cheville, le Chasseur. Se retint à mi-chemin, à deux doigts d'attraper son couteau pour aller voir de lui-même l'origine de ce silence. Masque à deux doigts de glisser, rattrapé in extremis. Une voix faussement blanche en posant une question plus qu'évidente alors qu'il se contrefoutait de la réponse, l'anticipant déjà.

-C'est normal que l'alarme ne sonne plus ?

Peut-être que ça permettrait aux autres volontaires de se motiver.
Ils n'en achèveraient que plus vite cette épreuve.
Ce qui était pour le mieux, car rester plus longtemps dans cette pièce exiguë commençait doucement mais sûrement à peser sur les nerfs de l'archange.

[HRP : j'utilise ma carte du Destin pour tout le topic, l'Hermite à l'Endroit, sens accrus, c'est l'occasion ]

Il n’y a des fois qu’un seul pas entre l’asile et l’école maternelle, de quoi donner des histoires à raconter pendant les repas de famille sur ce qui fait de toi un agent de la paix et un protecteur indéniable des plus faibles. Alors que tout pouvait avoir la forme d’une journée normale qui allait sûrement se terminer devant la télé avec une bonne pizza et une bière fraîche. L’idée même de passer un bon moment commence peu à peu à laisser place à un enfer à peine palpable, tu connais ton métier et c’est tout naturellement que tu peux voir le manque d’implication dans les yeux des personnes dans la même pièce que toi en cet instant. Il faut croire que tout le monde n’a pas inventé l’eau chaude ici, tu places ton badge à ta ceinture une nouvelle fois et observes ce qu’il se passe sous tes yeux, c’est à peine croyable. « C’est quoi son problème à l’Inspecteur Gadget ? » Tu tournes rapidement le visage dans la direction de celui qui aime faire ce genre de remarque de mauvais goût et te dirige dans sa direction sans un bruit, sûrement pour lui faire manger la table. Ce n’est pas inhabituel, et même si tu as une fonction plus que respectable, il faut savoir montrer les crocs pour survivre dans cette ville. « Tu vois quelqu'un sur le point de paniquer ici Texas ranger? » Voilà qu’un autre commence à s’y mettre. « C’est une blague. » C’est forcément des acteurs de mèche avec les employés de l’asile, ce n’est pas possible autrement, on veut te faire une surprise ou tester tes capacités à gérer une situation plus qu’inhabituel. Tu t’arrêtes et oublies rapidement les deux garçons alors que ton camarade Enoch se lève pour te soutenir et confirmer que tu peux compter sur lui. Tu souffles une seconde, enfin quelqu’un de raisonnable. Tu poses une main sur son épaule amicale et décroches un rapide sourire à son attention, il vient de t’aider sans le savoir à conserver ton calme. « Merci mec. »

Tout se passe rapidement et ton premier reflex alors qu’un débat vient de commencer sur qui doit venir ou rester prend place est de chercher ton téléphone, puis tu baisses la tête. C’est vrai que vous n’avez pas vos téléphones sur vous et qu’il est absolument impossible d’appeler du renfort, de toute façon, il faut s’assurer qu’il se passe vraiment quelque chose pour déranger les collègues. Le plus étrange, c’est que si un exercice incendie ou autre chose devait avoir lieu aujourd’hui, tu serais mis au courant par la direction, hors là ce n’est pas le cas. Et c’est vrai, l’alarme vient de s’arrêter et un silence de mort vient de s’installer. L’ambiance est pesante. Tu ignores tout ce qui se dit au sujet de cantine, de poisson pané ou même aux références cinématographiques que tu ne connais absolument pas. Styx fait une blague à l’attention d’Enoch concernant un « taré ». Une blague de mauvais goût, mais alors que tu lèves une main pour arrêter ce cirque, ton corps se fige et le malaise s’installe. Tu ne vois même pas l’homme devant toi te pointer du doigt et tu ne comprends pas ce qu’il dit, comme si rien n’était logique, comme si tu n’étais que dans un profond sommeil et que tu vas juste te mettre à rire à ton réveil. La détection n’a rien repéré. Styx n’a pas menti, il le pense réellement, ce n’était en rien une blague. Un regard dans sa direction, puis sur le serveur que tu connais depuis plusieurs. Pourquoi il pense qu’Enoch est un taré ? Tu secoues la tête rapidement, c’est pas le moment de se faire des films, c’est possible que la détection ne soit pas à 100 % sans faille. Puis, ce n’est pas parce qu’il le pense, que c’est vrai. Tu hausses les épaules, il va vraiment falloir dormir Vergil, tu commences à devenir dingue toi aussi.

L’un des hommes présent ouvre la porte et sort dans le couloir sans la moindre hésitation, alors tu observes la pièce ayant donné les directives à suivre et lui emboîte le pas sûrement suivis par les deux hommes volontaires restants. Il fait de plus en plus sombre, plusieurs lumières se mettent à clignoter de façon totalement irrégulière et bientôt il n’est plus possible de voir correctement à plus de trois mètres. Personne dans les couloirs, c’est vide et lugubre. Une main vient se poser instinctivement sur la pochette de ton arme, comme pour te préparer à toute éventualité et être prêt en cas de pépin. Tu dépasses Styx. « Fais attention, ce n'est pas un jeu. » Il a l’air un peu trop décontracté le mec. Ce n'est pas possible d’avoir aussi peu de soucis dans la vie, il doit tourner à quelque chose de pas très net le loustic, ce n’est pas ton problème pour le moment, ce silence n’est pas normal et vient confirmer de plus en plus qu’il se passe quelque chose de louche dans cet endroit. Tu arrives à un virage et regardes derrière toi, que tout le monde est encore là avant d’apercevoir un ascenseur au loin. « C’est le meilleur moyen de retourner à l’accueil pour savoir ce qu’il se passe. » Tu commences la marche en pensant que tout va se terminer rapidement, mais c’est alors que tu t’arrêtes d’un coup. « STOP ! » Une ombre au loin, figé. Un homme de dos, un habit blanc comme celui qu’on porte pendant un séjour à l’hôpital avant une opération. Celui qui te laisse le cul à l’air. Il se retourne et tu ne vois pas très bien son visage, tu dirais environ trente-cinq ans. Plutôt mince, grand et les cheveux noirs. « Tout va bien monsieur ? » Tu viens de parler un peu fort, mais tu n’arrives pas à te méfier de l’homme alors que ta main quitte la ceinture, il ne peut pas être dangereux, il cherche simplement sa chambre. Mais alors que tu relâches ton attention, il se met à sprinter dans votre direction en poussant des cris abominables. Il fonce tout droit sur vous et sera là d’une seconde à l’autre.

-Ah ça, pour remplir les gourdes, on a un spécialiste. Surtout s'il s'agit de celles des autres.

Roulement des yeux au ciel, en rebondissant sur la remarque de Marsh. Un sous-entendu appuyé, marqué et plus que sincère à l'attention de """"l'Enfant Divin"""", compte tenu de ses rapports passés avec la propre épouse du Chasseur. Ruth. Amertume au fond du palais, entrelacée dans ses paroles, malgré le spectre laissé par la main amicale de Blackwell sur son épaule. L'illusion d'une brûlure sur la peau, à ce mouvement d'une innocence rare. Si le ton aussi flegmatique que cinglant de Marsh avait aiguisé un début de rictus au creux des lèvres du Sinclair, McCoy avait décidé de lui taper sur les nerfs. Il n'en dirait rien. Il prendrait sur lui. C'était ça, ou attendre que Marsh et Blackwell soient suffisamment éloignés d'eux pour serrer le blondinet dans un placard à balais et achever le travail commencé dans la forêt.
Juste là. Au niveau de la jugulaire. S'il faisait assez vite, ses mouvements manqueraient d'expertise, et il ne serait donc pas malaisé de mettre ça sur le dos d'un des résidents permanents de Rutledge. Son orgueil de soldat endurerait bien une scène de crime aux faux-airs de boucherie, si cela impliquait que l'autre cesse enfin ses babillements. Roulement des yeux au ciel devant l'allusion au poisson. C'était lui qu'il allait égorger à coups de hameçon s'il fermait pas sa grande...

Seigneur, donne-moi la force.

Enoch soupira lourdement, s'installa aux côté de Blackwell, bras croisés sur la poitrine, pendant que des noms de code surprenants s'empilaient dans la pièce. Il n'avait aucune idée d'à quoi le blondinet faisait référence, prit le parti de ne pas poser la question. Personne sauf Vergil n'avait l'air de prendre la mesure de la gravité d'une telle situation. Autant s'allier au plus sérieux du groupe. Il était l'assurance de trouver rapidement la sortie, et donc de se libérer plus rapidement de ce cauchemar. Hochement de tête approbateur à la remarque du shérif. Ils étaient sur la même longueur d'ondes. Emboîtant le pas de ce dernier à travers les corridors, il capta plusieurs bruits surprenants. Comme un bruit de cavalcade, un étage au-dessus. La sirène avait beau s'être arrêté, il semblait que le bâtiment tout entier était en ébullition. Le Chasseur étudia ses compagnons. Personne ne semblait avoir perçu ces bruits-là. Surprenant, compte tenu de leur intensité. Il allait dire quelque chose à ce sujet, jusqu'à ce que Vergil interrompe le bataillon.

L'éclat d'une paire de fesses capta la lumière des néons, entre deux pans de chemise d'hôpital. Claires, vaguement flasques. Première introduction pour un homme qui, se retournant aux interpellations de Blackwell, avait tout autant une tête de cul. L'avantage d'avoir un shérif dans leurs rangs, c'était qu'il faisait tout le boulot pour eux. Même celui de s'adresser raisonnablement à la population locale, alors que d'autres auraient tout simplement tenté d'assommer le gars pour poursuivre leur progression. Enoch. Enoch était les autres.
Le cou tendu vers l'inconnu, guettant sa réaction. L'envie de prévenir Blackwell partagée avec celle de le laisser en maître complet de la situation. Il ne le sentait pas, Blanche-Fesse, là-bas. Tendit une main pour retenir le shérif, ferma ses doigts sur de l'air.

Et au fond du couloir, le gentil petit résident de Rutledge se mit à beugler. L'instinct du Chasseur figea aussitôt ses muscles en position défensive. Le mec courait droit devant eux. Il suffirait d'un uppercut en pleine gorge pour le neutraliser complètement. Inconscience ou mort. C'était jouable. Il marqua ses appuis, se prépara à recevoir l'autre de plein fouet.
Puis se souvint qu'il n'était ni seul, ni entouré des siens.
Esquive, au dernier moment. Le dos collé aussitôt contre le mur, un pied tendu en avant pour accrocher les pattes du chien fou.

lancer de dés x2 love sur vos têtes krr krr:

Il n'aurait jamais cru que ça fonctionnerait, même malgré tout l'entraînement qu'il avait subi depuis ses jeunes années. N'aurait pas cru que sa seule jambe suffirait à faire trébucher un mec en chemisette lancé en pleine course et complètement désinhibé, et pourtant. Pourtant leur nouveau compagnon se prit effectivement les pieds dans le piège. Trébucha, poussé par la Main de Dieu autant que la force de la gravité. Et s'effondra presque aussitôt, sa course amortie par nul autre que l'Enfant Divin. Un miracle. L'ombre d'un sourire mauvais au creux des lèvres en évaluant la scène. Avant d'enfiler de nouveau son masque, Enoch, et arborer l'air le plus choqué qu'il pouvait imiter.

-Seigneur, vous n'avez rien de cassé tous les deux ?

Une brève hésitation, à l'envie de laisser l'autre se dépêtrer avec son fardeau. Un regard interrogateur à Marsh. Allait-il en faire quelque chose et donner un coup de main, lui ? Charité bien ordonnée commençait par soi-même, après tout. Si les autres bougeaient, il se mettrait au boulot lui aussi. Mais seulement s'ils faisaient quelque chose.

Il ne pouvait pas se permettre de perdre la face devant le shérif. Encore moins de se dévoiler tel qu'il était, tel que le devinait Marsh et tel que le connaissait McCoy. Bien sûr, le couteau papillon pressait toujours sa peau contre sa cheville. Bien sûr, il aurait parfaitement pu régler son compte à Blanche-Fesse plutôt que de laisser s'écrouler sur l'Enfant Divin. Mais il leva les mains devant le sous-entendu enragé de ce dernier, Enoch, l'air de ne savoir de quoi il parlait. Innocent aux mains ni pleines ni vides, le soldat. Tant que Blackwell était dans les parages, il n'allait pas se risquer à ce genre de jeux. Et, bien que le visage rubicond du blondinet lui arracha un sourire amusé, il ne répliqua rien pour autant. Trop plaisant de le voir se faire humilier, McCoy. Trop plaisant alors que le Chasseur avait encore l'image de son visage imprimée contre les rétines, le regard de défi dans ses yeux clairs l'ayant accompagné pendant des semaines entières suite à leur entrevue. Juste retour de flammes que de le voir dans cet état. Il aurait ricané, si Blackwell n'avait pas été dans les parages. Encaissa le coup d'épaule bien senti du blond, grand prince, la nécessité faisant foi. Dans d'autres circonstances, le geste ne serait pas aussi bien passé.
Mais à circonstances exceptionnelles, docilité exceptionnelle.

Ce fut pour cette raison qu'il serra les dents et suivit le mouvement, le Chasseur. Assista le reste de la troupe à ouvrir des portes qui n'aboutissaient à rien, jusqu'à ce que l'alarme se remette à tonner. Que les lumières recommencent à grésiller. L'instinct en alarme en apercevant les trois silhouettes dressées à l'autre bout du couloir. Quelques enjambées pour se placer en tête de peloton, instinctivement, aux côtés de Blackwell. Protéger les plus faibles. Malgré ses coupe-papier et sa grande gueule, Enoch avait le pressentiment que McCoy serait parfaitement capable de se défendre. Mais Marsh ? Le vendeur avait une certaine poigne, il le savait parfaitement. Mais de là à être capable de gérer une meute d'hommes déshinibés et probablement agressifs... Autant être sûr. Entouré de ses cibles, il aurait peut-être tout intérêt à les laisser se démerder. Considéra un bref instant laisser aux pensionnaires de l'asile le plaisir d'accomplir la Mission pour lui. Pour Dieu. Mais il n'y avait aucune gloire à tirer de ce type d'agissements. Il pressa le pas.
Il était hors de question qu'autre chose qu'un Sinclair fauche l'âme de ces trois individus.

Sans surprise, Blackwell se porta volontaire pour aller interpeller les trois obstacles. Logé entre le négociateur et les deux autres, Enoch coula un regard en arrière. Jaugea les athamés de l'impie, les symboles qu'il distingua sur les poignards lui hérissant le poil.

-Tu comptes vraiment faire quelque chose de tes couteaux à beurre ?

Attiser le brasier ne servirait à absolument rien d'autre que de réussir à se faire planter un couteau entre les deux épaules. Mais Enoch n'en avait cure. L'autre homme s'était bien arrangé pour visser son faciès dans sa caboche pendant suffisamment de temps pour qu'il sache exactement combien il avait de tâches de rousseur sur le museau. Il se raidit en entendant des éclats de voix, à l'autre bout du couloir. Les négociations allaient bon train entre Blackwell et les trois autres. Il plissa les yeux, se concentra sur ce qu'il voyait derrière eux. Un sigle vert, clignotant, qui ressemblait vaguement à une lumière "Exit".

-L'escalier est à quelques mètres derrière eux. Je propose qu'on leur jette le shérif en pâture et qu'on profite de la distraction pour rejoindre l'autre côté.

Il n'était pas certain d'avoir bien vu, cependant. Interrogea Marsh du regard pour avoir sa confirmation. Si ses sens paraissaient plus aiguisés que d'ordinaire, il préférait être sûr. Un éclat de voix plus violent que les autres se répercuta dans tout le couloir. Un autre éclat, bien plus rude retentit alors qu'un des trois zombie s'était animé d'un coup. Et venait d'écraser son poing contre la mâchoire de Blackwell. Le sang d'Enoch ne fit qu'un tour, suivi, clairement, par celui des deux autres résidents de l'asile.

lancer de dés:

Il eut tout juste le temps de se pencher vers sa cheville pour attraper son couteau papillon que les deux hommes arrivaient à toute vitesse sur le reste de la troupe. L'écume aux lèvres. Le regard transpercé d'une lueur qui n'annonçait rien de bon. Ses doigts effleurèrent le manche du couteau. Appuis bien marqués, s'il fallait qu'il plante un connard, il le ferait.

lancer de dés:

Avec l'obscurité ambiante, les grésillements d'électricité, il n'anticipa cependant pas bien la course des deux fous. Prit l'un d'entre eux de plein fouet, eut tout juste le temps de sentir ses doigts glisser le long de son bras pour les refermer sur son poignet. Il le tira à lui pour l'empêcher de s'échouer contre McCoy et Marsh, ne put ralentir le second. Un regard chargé d'une haine sans pareille coupa son champ visuel. Le coup de poing dans ses côtes lui coupa partiellement le souffle. Il ne l'avait pas vu venir, lui non plus. Mais il n'allait pas se laisser faire pour autant. Focalisé sur sa cible, il se fit la note mentale de retourner bientôt chez l'ophtalmo pour revoir la correction de ses lentilles. S'occupa de son poulain, s'efforçant de trouver une méthode pour l'immobiliser sans avoir à le tuer.

Et laissa aux deux autres le soin de gérer le dernier. A deux, ils s'en sortiraient, il en avait l'intime conviction.