you raise me up (marcus)

Il avait encore beaucoup de travail à faire pour la journée. Pour une raison inconnue, il s'imposait de plus en plus d'obligations au fil des mois, sans que les parents n’aient à être sur son dos. Le quotidien était chargé, mais il était le seul à en décider ainsi, ajoutant bien des tâches à accomplir, qui dépassaient le planning d’apprentissage qu’il devait suivre à l’origine. La surcharge de travail était pour lui un moyen de rester en tête d'un classement qui n'existait que dans son esprit. Il souhaitait rester le premier dans toutes les disciplines, et devait alors garder une longueur d'avance sur son premier frère, et sur tous ceux qu'il croiserait ensuite. Il avait peur de se planter une fois lancé dans les bras d'un monde qu'il ne connaissait que trop peu, son savoir reposant sur des domaines qui ne lui apporteraient aucune arme pour affronter la vie.
Il avait toujours été très impliqué dans ses devoirs, s'obligeant toujours à une rigueur excessive, qui ferait pâlir n'importe quel enfant ; puis adolescent. Afin de se concentrer dans toutes les pensées qu'il devrait classer pour mieux apprendre, il avait pris l'habitude de s'installer sur un petit bureau de la salle d'étude mise à leur disposition pour les heures passées sur leurs cours donnés à domicile, ou bien sur leurs devoirs plus spécifiques. Ceux dont ils ne devaient pas parler ouvertement une fois les murs de la résidence dépassés.

Il avait ses livres sous le bras, des ouvrages dénichés ailleurs qu'entre les mains de leur père afin de devancer ses espérances. S'il tenait à lui imposer un niveau, alors il s'installerait au pallier du dessus et attendrait d'en recevoir les louanges. Il aurait pu profiter de l'extérieur pour étudier au plein air, et profiter de quelques lueurs du soleil pour ne pas s'enfermer trop rapidement dans les écrits qui lui prendraient de bonnes heures. Mais l'extérieur constituait un trop grand terrain de déconcentration. À tout moment un de ses frères pouvait passer, ou sa mère pouvait venir le cueillir pour une histoire ou une autre. Il suffisait de bien peu pour que son planning ne soit entièrement chamboulé. La chaise qu'il occupait dans ces occasions serait bien plus apte à l'accueillir pour la journée.

La grande porte poussée, il comptait s'installer dans son coin, reculé de toute forme de vie, à l'exception du mouvement qui battait parfois contre la fenêtre à côté de laquelle il passait des heures. Il y avait cette branche qui frôlait parfois le vitrage, et le sortait de ses pérégrinations mentales, mais elle ne le dérangeait pas, étrangement. Elle était comme le fil rouge de toutes ces heures passées dans ce coin de la maison, et il appréciait voir les saisons la modifier à leur guise. Mais avant qu'il ne puisse définir son territoire sur ce petit bureau qui devenait parfois bancal sous le poids de certains ouvrages, une inconnue s'installe dans l'équation. La lettre X portant les traits de son plus jeune frère, Marcus. Il avait l'habitude d'être seul en dehors des heures d'étude imposées par leurs parents, et ne s'attendait pas à apercevoir le jeune homme à une heure si récréative. Il ne lui accorde aucune attention, dépose la charge de ses bras sur le bois du mobilier, et s'assied sur sa chaise en ouvrant un des livres à la page marquée par le coin d'une page plissée. Mais son regard ne pouvait se défaire du dos de son frère, se demandant ce qu'il faisait en ces lieux alors que rien ne l'y obligeait, à première vue. Lazare n'y voyait que deux options. Leurs parents avaient pu lui imposer quelques devoirs afin de renforcer son niveau ; qu'en savait-il ? Il ne s'occupait pas vraiment du travail des autres, trop concentré sur ses propres besoins en la matière. Ou bien, il était venu de sa propre initiative afin de faire la même chose que lui, s'améliorer.

L'aîné ne savait pas depuis combien de temps le petit garçon était assis là, le nez plongé dans les nombres, les chiffres, ou bien les lettres. Que faisait-il, exactement ? Sans faire trop de bruit, afin de ne pas déconcentrer Marcus, il referme le livre, pose son stylo, et se lève. Il marche à pas de loup, et attrape une chaise en faisant attention de ne pas la faire grincer contre le parquet brun. Il dépose la chaise tout près de celle de son frère, et s'y assied en regardant par-dessus son épaule, comme s'il allait y trouver de l'or. La curiosité, si peu habitué à ce que les habitudes des uns et des autres ne changent par ici. - Je peux t'aider ? Il n'avait qu'une dizaine d'années, si Lazare comptait bien, il pourrait peut-être lui être utile. Sans lui mâcher le travail, il saurait certainement être assez pédagogue pour l'aider à comprendre. Et s'il était seulement en train de lire une bd, ou faire du dessin, l'aîné retournerait à sa place sans broncher. - Il fait beau. Tu pourras profiter de l'extérieur si on se débrouille bien. Ils avaient un écart d'âge assez important, et certainement qu'il ne pouvait comprendre certaines de ses préoccupations d'enfant, mais il pouvait au moins lui venir en aide dans certains domaines, comme il l'aurait fait avec Caesar dans une autre vie.