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 because you want to die for love, you always have (agate)

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“what was it like to love? oh it was like burning. where did it burn? everywhere.” La neige s'est mise à tomber la veille au soir. Il l'a aperçue par la fenêtre de sa chambre, est allé coller son front contre la vitre, pour avoir tout le loisir d'observer les flocons. N'a jamais aimé ça, Romeo, que le ciel devienne d'un blanc immaculé, s'effrite en fragments voués à tout envelopper. Difficile, alors, de distinguer le soleil, et l'enfant de l'été en a toujours eu le coeur lourd. Un peu plus encore, ici, certainement. Là où il peut prétendre à déambuler dans les couloirs, rejoindre la salle d'activités, mais où sans cesse les chemins empruntés se ressemblent. Il n'a jamais aimé tourner en rond, à se lasser trop rapidement, ce qui vaut dans sa vie en général, en terme de passions, de destinations, ou de relations amoureuses. Le besoin de nouveauté n'est guère assouvi après trois bonnes semaines passées dans cet établissement, aux murs trop étroits pour sa carcasse de géant.

Et puis, il y a surtout eu le sevrage. Les premiers jours à se tordre dans son lit, à ne pouvoir abandonner ces draps trempés de sueurs froides. Courbaturé à en crever, pire qu'une répétition trop intense. A bien cru crever, Romeo, malgré les attentions répétées du personnel, ce que lui administraient les médecins pour apaiser ses maux. Dans la tête, probablement, que ça se jouait aussi. La seule idée de donner le spectacle le plus laid de son existence suffisait à révulser son estomac bien plus souvent qu'escompté. Une crise délirante surajoutée l'a conduit à vouloir se barrer sans plus de cérémonie, après sept jours, drapé dans la fierté rassemblée. Vous n'avez aucune idée de qui je suis. Vous n'avez aucune idée de l'erreur que vous commettez. C'est à peu de chose près par là qu'il a commencé, à se répendre dans un discours qui l'a nettement desservi - et à triplé le nombre de rendez-vous avec le psychiatre officiant dans l'aile de la désintoxication. Vous êtes Romeo Edelstein, et vous avez une addiction aux morphiniques. Voilà ce qu'on lui a répondu, ce qui lui a été répété sans une once d'animosité, en songeant que le garçon finirait par l'intégrer.

Mais il n'était pas prêt, Romy. Ne l'a pas été, pendant deux semaines à se cogner dans les murs et se raccrocher à la promesse de son frère. Devait rester, ici, et Ismaël trouverait le moyen de guérir son genou, de réaliser un rituel, dont le danseur a déjà oublié le nom. Et c'est probablement ce qui le travaille, surtout quand, une fois les antalgiques absents, la douleur s'est réinstallée de manière brutale. Contraint d'accepter une canne, au risque de ne pas pouvoir aligner trois pas sans s'effondrer dans la morsure insidieuse venant faucher l'articulation, il lui semble ne jamais avoir touché le fond à ce point. Alors, aujourd'hui encore, il neige, et il fabule de plus belle. S'imagine un mauvais présage dans l'insipidité céleste. S'imagine que sonne le glas de son existence merveilleuse et que bientôt, tout ne ressemblera plus qu'à cela : une succession de jours sans lumière. Le parc immense qui englobe la propriété a disparu sous une poudreuse qui ne laisse rien émerger. Romeo se demande s'il parviendra à s'en extraire, ou s'il est condamné à errer en permanence dans cet état d'entre-deux. Pas tout à fait mort, pas tout à fait vivant. Dans ce genre d'instant qu'il s'ose à écouter de la musique, à nouveau, dansant dans sa tête, quand son être ne souffre pas le moindre écart.

Mais ce n'est pas la fin du monde, certainement, même s'il se produira bien quelque chose, aujourd'hui. L'on frappe deux petits coups contre sa porte et il se redresse, bascule pour s'asseoir au bord de son lit, en venant baisser légèrement le volume du poste qui crache un morceau de partition classique. « Veuillez entrer. » L'énonce d'une voix qui ne tremble plus depuis quelques jours, le manque ayant cessé de ronger ses os au profit d'un étrange sentiment de sérénité. « Vous avez de la visite, Romeo. » Délicatement, sa main glisse dans ses cheveux pour y affirmer un brin d'ordre. « Qui donc ? » Réellement surpris, à croire que la notion du temps lui a échappé et qu'il n'a absolument rien retenu de son dernier échange avec le thérapeute. « Mais votre mère certainement, Monsieur. » L'infirmière s'amuse, sans doute, à imiter ses tournures cérémonieuses, certaine qu'il prend cela pour un jeu depuis son arrivée. Ce n'est pas le cas. D'ailleurs, Romeo la trouve d'un langage agréable et c'est sans doute la raison pour laquelle il aime bien quand elle est à ses petits soins. Aussi, probablement, parce qu'elle a de longs cheveux bruns, des yeux pétillants, qui lui rappellent ceux de Nina. S'accrocherait à tout et n'importe quoi pour ne pas perdre pied. « Ma mère, que diable, mais quel jour sommes-nous, au juste ? »

Le jour où Agate doit lui rendre visite. La première visite reçue, autorisée par son psychiatre, estimant que le danseur est prêt à retrouver ses proches, loin du cadre ayant enveloppé ses problèmes. Alors, il se prépare, soigneusement. Enfile une chemise blanche bien repassée, un pantalon de costume - comme quoi, ça valait la peine d'en amener un - et lorgne vers la canne qu'il se décide finalement à empoigner.

Tant bien que mal, il avance, tente de suivre le rythme soutenu de l'infirmière qui le conduit au salon d'hiver, qui leur sera réservé pour l'occasion. Ne tient pas, Romeo, à ce que le thérapeute assiste à l'échange, comme on le lui a proposé. Ma mère est responsable du service de psychiatrie d'Exeter, croyez-vous lui apprendre quoique ce soit sur son propre fils ? Voilà la question qu'il lui a posée, rhétorique, et il n'y a pas eu d'autre bavardage - mais l'homme a griffonné quelque chose dans son carnet. Le coeur battant, les gestes fébriles, il l'aperçoit avant qu'elle ne le voit, certainement. S'avance avec plus d'entrain, soudainement, le souffle coupé net à la vue de cette silhouette familière, le regard qui s'humidifie sans qu'il ne l'ait pressenti. « Bonjour, maman. » Et il s'arrête, à deux mètres à peine de sa génitrice, les doigts qui tremblotent sur le pommeau de sa canne. Essaye d'avoir fière allure, à redresser la nuque de son port naturellement altier, à bomber le torse. « Tu as une mine superbe. » Toujours à y aller de son petit compliment, ne plonge pourtant pas dans ses bras pour l'embrasser, comme il en est coutume. Parce qu'il a le coeur gros, sans doute, de lui infliger ça. Aurait aimé la préserver, à l'imaginer plus sensible que lui, encore. « Tu ne me retournes pas le compliment ? » Plus incisif, sans doute, quand la guibolle se veut instable, qu'il sent la main de l'infirmière glissée dans son dos pour l'encourager à s'asseoir. « Oui, bon, bon, laissez-nous, désormais. » Comme s'il congédiait le petit personnel, finira tout de même bien par s'enfoncer dans l'un des fauteuils en osier, le fils, pour éviter de se casser la gueule devant sa mère. Ce ne serait pas l'idée du siècle, quand il songe, initialement, prétendre que tout va bien.
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Il n’y a qu’un pas entre le paradis et le purgatoire, simple geste qui pourrait te faire pencher du mauvais côté et réveiller le démon qui sommeil en chacun de nous. Il attend de pouvoir déployer toute sa puissance, déverser sa haine qui de toute façon ne peut pas disparaitre malgré les multiples tentatives de tous par le biais de pratique tel que la méditation ou la sophrologie. Tu peux le constater chaque matin à l’asile de la ville que ce même diable ne peut dormir, qu’il se manifeste de plusieurs façons et souvent quand le mental est au plus mal. C’est sûrement ce qu’il se passe pour ton fils, un accident qui laisse le malin prendre le contrôler de ce trésor que l’on voudrait t’enlever dans la minute. On essaie de te voler ton ange, tu le sais. Au début ce n’était qu’une simple habitude de chercher à ne pas trop regarder ton téléphone dans l’espoir de recevoir des nouvelles, comme s’il pouvait être en colère contre sa mère. Tu lui donnes la vie, tu peux en faire ce que tu veux. C’est le pacte accepté et validé par le tout puissant lui-même et personne ne peut rien contre sa volonté et sa toute-puissance. Les premiers jours il était impossible de dire quoi que se soit à Larry et Tamara ne risquait pas de dire quoi que se soit, qu’elle soit au courant ou non. Cette relation qui reste au point mort et qui ne veut pas évoluer, figé dans le temps comme si une force mystique voulait prendre plaisir à te faire tourner en bourrique. Pourquoi l’univers prend autant le temps de faire souffrir une femme qui ne veut qu’aider ses proches, ainsi que le reste de l’humanité. Impossible d’être un grain de sable dans cette plage qu’est l’infini quand on se rend compte combien il est facile de tout perdre et de sentir sa peau se déchirer jusqu’à l’intérieur de soi. Perdre Romeo, c’est perdre l’envie de respirer, ne plus retrouver son oxygène et se laisser emporter par le néant au plus profond des abysses.

Ismaël avait quand même pris le temps pour t’annoncer la nouvelle, sûrement pour ne pas déclencher une nouvelle guerre mondiale et protéger ses arrières. Ce gamin qui ne prend pas au sérieux l’autorité parentale aussi peu présente soit-elle, même si tu n’es pas sa mère. Il n’a aucun droit sur ce fils, sa joue devrait s’en souvenir pour les mois à venir si tu acceptes un minimum de passer à autre chose, ce qui n’est pas certains. Prendre son frère pour un malade, croire qu’il est capable de perdre le nord et de ne plus jamais retrouver son chemin, il se prend pour qui. Le nombre d’appels téléphoniques à l’intention du centre ne pouvait plus se calculer qu’en dizaines et les courriers en centaines. On ne va pas apprendre à une psychiatre de renom à faire son boulot, si elle prend la décision que son fils n’a pas de problèmes, il faut l’écouter sans broncher et ne pas agir dans son dos au risque d’ouvrir les portes de la vengeance. Dieu seul sait à quel point elles sont dangereuses. Tu n’avais même pas le droit de lui rendre visite et si tu avais le malheur d’y mettre les pieds, on était capable de te sortir de force et de faire venir la police pour te marteler de menaces. « Vous ne m’enlèverez pas mon fils ! » Tu l’avais hurlé dans le combiné, moment de faiblesse qui pourrait prendre de l’ampleur sur ta place dans le corps médical. Perdre son sang froid n’est pas dans tes habitudes, il ne fallait simplement pas toucher à ce qui compte le plus pour toi et de plus, sans ton consentement. La veuve prête à fondre sur sa proie pour s’en délecter s’il arrive quoi que se soit à son essentiel. Prête à détruire le monde s’il le faut.

Puis rapidement avec insistance et courage, tu arrives à rentrer en contact avec des personnes influentes qui prennent le temps de t’écouter. Tu n’es pas n’importe qui et le nombre de patients soignés grâce à tes services ne peuvent se compter, ton intérêt aux yeux d’en haut n’est plus à prouver. Une discussion avec le chef de service de l’établissement, quelques informations dissimulés pour que tu puisses conserver ce qu’il reste de calme en toi. Et le jour que tu attends arrive, celui de retrouver le jeune homme et de faire ce qu’il faut pour qu’il quitte rapidement cet endroit. Tu sais ce qu’il se passe, tu le sais depuis toujours. Remontant légèrement ton sac à main sur ton épaule en terminant de poser le rouge à lèvre carmin sur tes lippes, tu quittes les toilettes des dames et prend le chemin du hall d’entrée. « Madame Ca.. » Tu poses une main sur la fiche d’information que possède l’infirmière et lève l’autre pour l’arrêter dans son monologue à venir. « Docteur Calloway. » Les yeux qui ne peuvent plus s’arrêter de chercher la moindre faille, le moyen d’arrêter ce que tu n’as pas réussi à stopper dès le début des hostilités. Si seulement tu avais été plus attentive. « Vous ne pouvez pas.. » Les iris commencent à s’envoler pour fixer la femme devant toi, sans l’ombre de la moindre compassion. Ce n’est pas le moment. « Je ne peux pas quoi ? Vous faire perdre votre boulot ? » Tu passes à ses côtés et t’arrête un instant dans cette immense salle qui laisse place à une intimité déconcertante et termine en chuchotant avec conviction. « Si, je peux. » C’est à ce moment qu’une pensée arrive jusqu’à toi. Ne me prend plus jamais mon fils.

La femme en question passa le relai à sa collègue qui t’escorta jusqu’à la chambre de celui que tu rêves de retrouver depuis bien trop longtemps, les minutes deviennent longues et le moment des retrouvailles ne peut plus se faire attendre. Ta simple patience arrive à son terme alors qu’un mince sourire arrive sur tes lèvres à l’idée de le retrouver. Elle s’arrête et tape plusieurs fois sur la porte en se tournant vers toi une ultime fois avant d’ouvrir. « C’est ici. » Enfin. Tu entends cette voix si familière et qui pourtant manquait à ton quotidien, comme si tu n’avais plus eu l’occasion de l’écouter depuis bien trop de temps. Une douce énergie remonta le long de ton cœur comme si tu devenais un tout à nouveau, comme si cette déchirure dans l’âme pouvait être colmaté. « Bonjour, maman. » C’est alors que tu vois son visage et de haut en bas commence à l’analyser pour être certaine que personne ne s’en prend à lui, que rien ne peut lui faire de mal. Oubliant dans l’instant l’autre femme pour t’approcher du jeune garçon. « Bonjour, mon fils. » Il se dresse devant toi et naturellement tu viens poser une paume de main sur le dos de la sienne, comme pour le soutenir dans cette lutte qu’il mène seul. Il ne l’est plus.

« Tu as une mine superbe. » tu balaies l’espace ambiant d’un revers de main en levant les yeux au ciel, évidemment que tu es superbe. « Tu ne me retournes pas le compliment ? » Tu hausses un sourcil et penche la tête comme pour observer la situation, il n’a pas l’air au mieux de sa forme, mais s’il est capable de parler de cette façon c’est qu’il va bien. Il va même très bien. « Tu es magnifique, comme toujours. » Et avant même d’en voir d’avantage tu captes une dernière fois la présence de cette femme gênante dans la pièce, en trop depuis le début. Si elle attend un pourboire, c’est mort. Il s’installe dans le fauteuil et elle disparait alors que la porte se referme pour laisser l’intimité attendu, c’est le moment que tu prends pour t’avancer à nouveau et poser les doigts sur le visage de Romeo. Tu analyses ses paupières un peu brusquement, lui tire le menton pour regarder dans sa bouche et ses gencives à la recherche d’une anomalie. « On te donne à manger ? Tu prends quoi comme médicament, on ne voulait pas me le dire en bas ! Donne-moi le nom de celui qu’il faut assassiner. C’est Ismaël qui t’a corrompu ? Tamara ? Ton père ? Parle-moi. » Il ne pouvait pas, la bouche ouverte alors qu’avec dextérité tu passes sur son visage à la recherche du moindre signe de maltraitance, mais ne trouve rien. Alors les mains quittent sa peau un instant pour rejoindre ton buste au même moment ou tu penches les hanches et l’enlace comme si tu ne l’avais pas vu depuis plus de trente ans. « Mon bébé ! » Tu recules alors et secoues les mains de gauches à droites en cherchant un endroit pour t’installer, le laisser respirer. C’est vrai. Les fesses sur le lit en direction du garçon, tu poses ton sac et le fixe à nouveau. « Je vais te faire sortir, aujourd’hui. »

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“what was it like to love? oh it was like burning. where did it burn? everywhere.” D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Romeo n'a jamais douté de ses capacités hors-normes en présence de sa mère. Se souvient des mots encourageants, d'ces promesses murmurées avant qu'il ne s'endorme, présages d'une existence lumineuse qui serait la sienne. Il suffisait simplement d'oser s'en saisir, et pour sûr, Romeo avait toujours été de ceux qui osaient. Osait tout, osait trop. Nul garde-fou pour contrer les élans d'un égo démesuré, brossé dans le sens du poil par la douceur d'Agate. Et c'était doux, certainement, de sentir ses paroles le porter toujours plus haut, l'emporter vers ces rêves qu'elle savait si bien entretenir, lorsqu'il les lui énonçait. Sa mère lui a toujours laissé le champ libre, à ne rien brider de ses envies les plus folles, de ses projets parfois insensés. Sans doute a-t-elle contribué à l'enchaînement de ses réussites, à croire en lui là où personne n'aurait pris de pari, à l'époque où le patronyme Calloway n'enjolivait pas encore son identité. Et lorsqu'elle lui apparaît, radieuse comme elle l'a toujours été, c'est un brin de sourire qui frémit d'emblée au coin des lèvres du fils unique. Seule présence suffisant à réchauffer son coeur après des semaines d'éloignement, Romy pourrait soudainement tout oublier.
Ce qui l'a conduit ici.
Ce qu'il fait ici.
Et à quel point il a sombré.

Sa jambe le lui rappelle, certainement, debout pour sembler plus grand qu'il ne l'est réellement, quand l'enfant se recroqueville dans un recoin de poitrail. Se doute, pourtant, que rien ne viendra contrer cet instant, ces retrouvailles attendues. Sa mère ne lui a jamais dit non, n'est jamais allée à contre-courant de ses élans et il lui semble que cette cure ne changera rien à cette dynamique inscrite en eux depuis longtemps. Se souviendrait, avec un soupçon de bonne foi, avoir fui ses cajoleries durant un temps, au morcellement du genou. Quand le soutien infaillible de sa mère devenait presque intolérable quand son propre échec continuait à grincer sous sa rotule. Peinait à croire que tout irait mieux, pendant cette sombre période où la confiance de sa mère ne suffisait plus à engourdir la réalité. Où, finalement, c'est en boitillant qu'ses pieds se sont ancrés sur Terre avec le plus de stabilité. Loin d'ce soleil convoité, loin des étoiles promises. Se rappellerait, Romeo, avoir touché le fond par une fois, avant ça. Avant que son frère ne réponde à ses cris de désespoir et prenne les choses en main. Mais pour l'heure, tout ce qui compte, c'est sa voix, sa voix douce mais suffisamment ferme pour en faire son point d'ancrage indubitable. Frémit, le fils, lorsqu'elle le salue, que la tendresse de sa main rejoint la sienne, et que soudainement, ça y est, il n'est de nouveau plus qu'en enfant égaré. Et il serait aisé de laisser ses mots l'anesthésier, à sentir ses paupières s'alourdir un instant, se fermer, même, concentration uniquement alignée sur ce qu'elle pourrait lui dire. Qu'il est magnifique. Si sa propre mère le dit, c'est que c'est vrai. Son avis est certainement objectif, c'est ce qu'il a toujours songé naïvement, que son regard était l'un des seuls qui pourrait réellement compter. Tant que sa mère le trouvait beau, ne s'effondrait pas en le disant, c'est que c'était vrai : elle ne pouvait lui mentir. Embourbé dans des certitudes ne tenant qu'à un fil, ses yeux s'ouvrent à nouveau, le trait plus détendu, l'échine s'enfonçant dans le dossier de son fauteuil. « Comme toujours. » Le répète, le souffle dans un murmure, revigoré par sa présence, par cette chaleur qui diffuse à chaque mouvement qu'elle initie. Ne pouvait décemment que briller, Romy, quand sa mère était si iridescente qu'Agate.

La porte se referme, et les voilà seuls. L'ont souvent été, même en la présence d'autrui. Bulle scellée autour de leur relation indescriptible, à ne rien percevoir de ce qui pouvait se jouer aux alentours. Se laisse porter, Romeo, en enfant docile, malgré l'urgence rythmant les gestes maternels. Gronde un peu, pour la forme, à sa manière peu convaincante, quand elle se met à l'ausculter sous toutes les coutures. Se souvient de ces jours à revenir de l'école après s'être étalé dans la cour en galopant trop vite, sa manière de s'assurer que la chair de sa chair était intègre, qu'on ne lui avait causé aucun mal. Le connaît, l'instinct de protection de sa mère, et s'en amuserait certainement, en témoigne d'ailleurs le rictus qui vient creuser sa joue droite. Roule des yeux, le danseur, à les replanter dans ceux de sa mère quand elle achève enfin sa petite inspection. « Maman, ma-man. » Soupire, le grand garçon, à refermer ses bras autour d'elle quand elle se penche dans sa direction. A déjà le genou qui fourmille et sa jambe qui se tend et se replie lentement, pour éviter de trop s'ankyloser. La sent à bout de nerfs, la serre un peu plus fort contre lui, aimerait la garder là, un instant, lui souffler qu'ça ira; qu'tout ira bien. Endossent ce rôle à tour de rôle, depuis le départ d'Emilio, une éternité plus tôt. Mais Agate lui semble fébrile et ses bras glissent mollement, à revenir poser ses mains délicatement sur les accoudoirs, en tentant de saisir le fruit de son agitation. Ne peut qu'imaginer la manière dont se sont agencées les explications de son frère, mais à juger par la réaction maternelle qui s'empresse d'avancer ses propos, il le sent mal. Très mal. Et le silence s'installe quand, interdit, Romy contemple sa mère.

Résiste. L'un des principes enregistrés au groupe de parole. La tentation sera partout, chaque jour. Il faudra y résister. Et Romeo, qui a toujours voulu exceller en tout domaine, ne manque pas d'y aller d'efforts légendaires pour s'imposer en patient le plus exemplaire de l'institut. Veut briller, même si c'est derrière ces murs de brique, en attendant une sortie à laquelle il tâche de ne pas penser. Vit au jour le jour, comme d'ordinaire. Ne s'attendait certainement pas à ce que sa mère lui rende visite pour lui annoncer qu'il pouvait sortir. Parce qu'évidemment qu'elle peut lui ouvrir les portes. Ne doute pas de la véracité du propos, Romeo, quand son corps se tend dans le fauteuil, qu'il met quelques instants encore avant de reprendre ses informations les unes après les autres.

« Je suis bien nourri, maman. Je suis bien traité, tu sais, ici, tout le monde souhaite m'aider, réellement. » Lui, en priorité, à sa manière de l'énoncer, exit les autres patients qui ne font office, dans son esprit, que de figurants. « Je ne prends plus de médicaments, maman. » Le dit, dans un cri du coeur, comme s'il s'agissait d'une promesse, d'un gage de bonne foi, et il se penche, vient attraper ses mains avec tendresse dans les siennes. « Ce sont les comprimés qui m'ont corrompu, tu sais. » Et ses pouces tracent des caresses sur le dos de ses doigts, à s'humecter les lèvres, tentant de rassembler la vérité. Sa vérité. Celle qu'il lui a caché. Comme à tous les autres. « Et je ne peux pas sortir maintenant. Je ne veux pas sortir maintenant. Je ne peux pas, je ne dois pas. » Tremblotent, ses gestes, dans l'anxiété qui s'empare de lui, à se faire violence pour reposer son regard dans le sien. Tant d'aveux qu'il aurait dû énoncer plus tôt. Mais il la voit, la devine plus fragile qu'elle n'y paraît - est bien placé pour le deviner, quand c'est ce que lui renvoie son propre reflet. Pas le moment, certainement, d'avouer que cette année l'a meurtri plus que de raison, plus encore que celle qui s'est écoulé suite à son accident. Devrait reprendre à partir du mois de février, expliquer les contours de la cicatrice incrustée contre son flanc, ce coup de poignard assené par un individu connaissant visiblement Larry. Ne sait plus réellement, Romeo, pour quelle raison il ne le leur a jamais dit. Peut-être parce que ça ne correspondait pas au déroulé idéal du film de sa vie.

« Je suis tombé amoureux, maman. » Et il porte sa main à sa propre joue, vient déposer un baiser dans le creux de sa paume. En a les yeux qui brillent, Romy, quand il la regarde à nouveau. « Je suis tombé amoureux d'un magicien. » Et ça se contracte dans sa gorge, à laisser reposer sa mâchoire dans la main maternelle. « Il pouvait guérir mon genou, tu vois. Je l'ai aimé, encore plus fort, pour ça. Avec lui, je n'avais plus mal. C'est pour ça que je pouvais danser, à nouveau. » Une pause, le temps de reprendre son souffle, d'organiser ses pensées comme il a appris à le faire, à force de solitude dans cette chambre, de solitude dans les couloirs de la bâtisse élégante. « Et puis, les représentations approchaient et j'ai commencé à les prendre, ces comprimés. Pour danser. Je voulais juste pouvoir danser, surtout quand le magicien est parti et que je n'avais plus que ça, pour y arriver. Pour danser, à nouveau. Je voulais que tu sois fière. » Comme toujours. Et la gorge se serre, à enfoncer son front, désormais, dans leurs mains emmêlées. « Mais les médicaments, les médicaments, je crois qu'ils allaient me tuer. Je crois qu'ils peuvent encore me tuer, si je sors maintenant. C'est pour ça que je suis là, maman. J'ai cru que le soleil allait s'éteindre pour de bon, j'ai cru qu'il ferait toujours nuit sur moi, et Isma, Isma connaît bien les nuits sans fin, tu sais, il ne voulait pas que j'y disparaisse, il ne voulait pas que je cesse d'exister, alors, il m'a emmené ici, et ici, parfois, je crois que le soleil va se lever, à nouveau, mais si je sors, si je sors avant, je vais me perdre, dans la nuit. » Divague, comme souvent, à frotter son front contre sa main, à épuiser ses mots en aveux contenus, de ceux qu'il tente de ne pas formuler devant le psychiatre de l'établissement, trop certain que ça passerait mal. Mais à elle, à sa mère, il peut tout lui dire.
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« Comme toujours. » C’est avec une certaine fierté que tu pénètres dans l’antre de ton fils, comme pour lui montrer que le temps n’a pas d’emprise sur ce que tu ressens. Il est toujours cette lumière qu’il manque à ton quotidien notamment depuis l’enfance, vide que peu d’hommes peuvent combler. Aucun, si ce n’est le fruit de tes entrailles. L’œil pétille et le cœur se serre à la vue de cet acharnement sont il fait preuve pour ne pas perdre la face et rester le même tant sur le plan mental que physique. Comme si tu ne l’avais plus observé depuis trop longtemps pour ressentir une once de nostalgie parcourir tes veines et se mélanger à ton sang en ébullition. Vous êtes seuls, occasion de pouvoir retrouver cette proximité des premiers instants et pouvoir mettre sur la table le plan parfait pour qu’il puisse sortir de l’établissement dans la journée. Il n’est pas question que ton enfant soit considéré comme un malade et placé avec des patients que tu connais et côtoies à longueur de temps. Tu étais prête à mettre la ville sous les flammes pour te laisser la chance de retrouver le jeune homme plus rapidement, bientôt rattrapé par la dure réalité qui t’empêche d’avoir tout ce que tu veux, quand tu le demandes. Assez intelligente pour le savoir, pas assez stupide pour l’ignorer. « Maman, ma-man. » Il râle pendant l’auscultation, ce qui ne te fait pas sourciller pendant que tu confirmes une bonne fois pour toute que rien est arrivé à ton trésor. « Arrête de bouger. » Tu l’attaques de questions et te pose pour essayer de reprendre ton sérieux et surtout pour écouter tout ce qu’il pourrait te dire sur son séjour dans cet endroit. Il est trop tôt pour réellement s’affoler, même si tu risques de ne pas lâcher l’affaire aussi facilement.

Tu acquisses légèrement alors qu’il indique que son alimentation est bonne, tout comme le reste, qu’on lui apporte une aide réelle. Il est presque… content d’être là ? Tu tournes doucement le visage vers la droite sans le perdre des yeux, comme pour essayer de sonder son âme t’interdisant de lire dans sa tête. Tu ne veux pas de ce genre de relation ou il suffit de regarder ce qu’il pense pour avoir toutes les réponses, tu veux agir comme une vraie mère et trouver les solutions par toi-même. Ce n’est pas un simple don qui t’aidera à connaître mieux ton enfant, il est tout pour toi et tu n’as besoin de rien pour savoir ce qu’il lui faut. Tu accentues ton sourire et plisse les yeux avec amour. « Mais voyons, mon cœur… Tu n’as pas besoin d’aide, tu n’es pas malade. » Tu trembles alors des épaules et laisse un premier sourire prendre la forme d’un léger rire, qui n’a pour intention que de détendre l’ambiance et de faire taire les démons dormant au plus profond de toi. Tu ne veux pas accepter la vérité, il est hors de question d’assumer et de laisser le monde l’emporter sur tes instincts maternels. Tu sais. Ils ignorent. C’est tout.

« Je ne prends plus de médicaments, maman. » Tu tapotes le matelas d’une main comme si tu jouais la meilleure des partitions sur un piano, laissant la musique calmer la flamme naissante. Bon, il n’est pas drogué au moins. S’il dit la vérité, mais tu n’as pas pour habitude de douter de lui, c’est même tout le contraire. Il pourrait même te faire croire que la terre n’est pas ronde, s’il insiste, tu serais prête à le penser avec lui, par amour. Il attrape tes mains et vient jouer avec, alors que tu secoues vivement la tête avec ce qui arrive, il devait s’en douter un minimum. « Tu ne veux pas sortir ? » Une main s’empare de la sienne et vient la serrer avec une certaine tendresse doublée d’une curiosité déconcertante. Comme si tu voulais comprendre, t’assurer qu’il s’agit bien de Romeo devant toi et que tu ne commences pas à devenir dingue. Un don capable de changer d’apparence ? Ne pas tomber dans la paranoïa Agate. Réfléchis, souffle et calme toi. C’est bien lui, Roméo. Et avant même que tu puisses continuer, il enchaîne et donne bien plus d’information que pendant les derniers mois, comme si tout devait sortir aujourd’hui. Conservé bien trop longtemps, dans un coin de son cœur. Le résultat d’une cure qui fonctionne ? Et pour la première fois, tu penses que sa présence ici n’est pas si mauvaise que ça. Lucide.

« Je suis tombé amoureux, maman. » Amaterasu. La flamme éternelle, noire de haine prend forme et berce l’esprit qui cherche à s’échapper depuis plusieurs semaines. Tu ouvres les lèvres, juste assez pour laisser sortir un simple mot que tu ne contrôles pas. « Hein ? » Ce n’est pas digne d’une femme de ton rang, de ton prestige et pourtant alors que tu n’arrives plus à bouger une seule pensée arrive jusqu’à toi. Quelqu’un cherche à t’enlever ton fils. La douceur se faufile dans la paume de ta main et tu laisses le jeune homme comme un marionnettiste, manipuler ta peau comme ton esprit. Depuis quand il ne dit plus rien à sa mère ? Trop longtemps à en croire le flot d’informations.  « Un magicien ? » Il pourrait disparaître, du coup. Tu veux envoyer tout ce qui se trouve dans cette salle au sol et l’attraper par le bras pour le sortir de ce purgatoire avant qu’il ne soit plus lui-même, croire qu’il puisse changer devant cette folie qui n’appartient qu’à toi. Tu poses une main libre sur sa joue et lève le menton. « Tu veux dire qu’un autre est capable de faire, ce que ta mère ne peut accomplir ? Je t’ai mise au monde Romeo Lucio Henry Calloway. Je n’accepte pas qu’on décide à ma place, ne me parle pas d’Ismaël. Cet enfant ne sait pas ce qu’il fait, ne laisse personne te retourner le cerveau. Je sais ce qui est bon pour toi, ce qu’il te faut pour être heureux. » Tu déposes un baiser sur son front, comme pour donner ta bénédiction à un enfant qui ne doit pas perdre de vue qui est la seule personne qui sera toujours présente pour lui. Pas Ismaël. Pas le magicien. Toi. Seulement toi. Le monde est trop dangereux, pour pouvoir faire autrement. Tu voudrais sourire à la naissance de l’amour, mais elle n’apporte que souffrance et désespoir.

Alors tu prends conscience qu’il n’était peut-être pas nécessaire de s’emporter et souffle une fraction de seconde avant de retrouver un visage d’ange, la lumière dans le regard. Réconfortante. « Tu es un prodige. Tu es l’élite. Le soleil ne se couche jamais pour toi, il demeure à ton service. Et crois-moi, tu n’as besoin de personne pour danser devant l’éternité. Même pas de moi. » Assez folle pour vouloir le posséder, pas assez pour le détruire. Réaliser un rêve, le sien comme le tien. Ta poitrine remonte et s’abaisse dans un profond calme, puis tu croises les bras et prend le temps pour choisir tes mots. « Tu restes, mais à une condition. » Tu retrousses la commissure de tes lèvres comme par hésitation, consciente que tu n’es pas d’accord avec tout ça, mais capable de le faire pour lui. Prête à tout, pour le voir sourire. « Tu acceptes que je séjourne dans un hôtel pas loin et que je vienne te voir, le plus souvent possible. » L’unique condition.

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“what was it like to love? oh it was like burning. where did it burn? everywhere.” Depuis tout môme, il a toujours bu ses paroles. Parce que sa mère a toujours raison, quand elle chante ses louanges. Il aurait sûrement été idiot de remettre en question cette confiance aveugle qu'elle a toujours eu en ses capacités, puisqu'il partageait cette conviction. Ne garde des souvenirs de son enfance qu'une série de journées toutes plus lumineuses les unes que les autres, gâté à l'excès, encouragé à alimenter ses passions, à les vivre sans que sa mère ne le freine, jamais. S'il se rappelle de son admiration à l'égard d'Emilio, ce père durant ses huit premières années, il semble qu'à son départ cela n'ait fait que renforcer le respect immense que Romy pouvait vouer à Agate. Et pendant ces moments à ne plus évoluer qu'à deux au sein de la maison, il était certain, le gamin, que rien ne pourrait jamais leur arriver. Il y avait leur demeure, sa mère et lui et puis, le monde entier. Lien cloisonné en bulle impénétrable, personne n'était en mesure de s'immiscer à leur proximité, de deviner quelles convictions pouvaient alimenter cette attache si fusionnelle. Né invincible, immortel dans le regard tendre de sa mère, personne ne pourrait jamais le persuader du contraire. Il suffisait de plonger dans ses grands yeux, de se laisser étreindre comme un enfant - même la vingtaine passée - pour que tout lui semble rentrer dans l'ordre. Cet ordre naturel des choses où, finalement, érigés au sommet de l'existence humaine - puisqu'il ne l'était pas tout à fait, humain, et sa mère non plus, certainement, puisque lui ayant donné naissance - rien ne pourrait mal se passer.
Et à la regarder, à l'entendre lui dire qu'il n'est pas malade, Romeo pourrait presque la croire.

En ferme les yeux d'aise, trop aisément brossé dans le sens du poil, l'échine jamais mieux flattée que par sa génitrice, qui a certainement toujours eu le ton adéquat, les mots adaptés. En frissonne, le danseur, à se redresser un peu dans sa chaise, en prenant grand soin de ne pas bouger sa jambe. Tu n'es pas malade. Pourtant il est ici. Pourtant, il ne peut presque plus dérouiller son genou gauche, mais le dire de manière audible n'est pas encore d'actualité. Ne peut encore l'admettre, accepter le rendez-vous à honorer lorsqu'il sortira, avec un chirurgien spécialisé, pour refaire le point. Peut-être la raison pour laquelle, parfois, il aimerait que le temps passe encore moins vite que ça. Que la cure dure, encore, car tant qu'il y est, à l'abri entre ces murs, on ne posera pas de verdict sur ce que, dans le fond, il sait déjà. Alors, il se ressaisit comme il le peut, de cette faculté à relativiser qui lui échappe ces derniers temps, mais se ravive lorsqu'il répond de tout l'aplomb rassemblé : « Pas maintenant. » Et il aimerait la rassurer, lui dire qu'il se plaît réellement ici, qu'non il ne se sent pas diminué. Mais il n'a jamais su lui mentir. Certainement pas pour rien qu'il a eu tendance à éviter toute discussion, récemment, quand sa mère a toujours eu la faculté de le lire d'un simple regard. « J'ai déjà parcouru la moitié du chemin, tu sais. » Parce qu'il ne reste plus que trois semaines, et qu'il ne saurait dire si ça lui semble trop court ou trop long. « Puis, tu sais, je donne l'exemple ici, ils n'ont certainement jamais reçu de patient comme moi, c'est un véritable honneur pour les autres de me côtoyer. Je pense d'ailleurs que tout le monde cherche à m'imiter quand on doit se réunir pour discuter, » Comme ça qu'il voit les thérapies de groupe, des petites conversations où il peut briller, même si ce n'est pas le public qu'il aurait choisi. « mais n'est pas bon orateur qui le veut. » Certainement qu'il n'a pas l'air d'avoir changé, au premier coup d'oeil, le sourire qui s'installe en coin de lèvres, le regard qui s'met à pétiller lorsqu'il attrape les mains maternelles.

Et il ne peut s'empêcher de rire, quand sa mère semble effarée par la nouvelle. S'esclaffe d'ailleurs à gorge déployée, le danseur qui n'a pas ri depuis très longtemps, d'ces éclats trop vivaces, s'élevant contre les murs dans les vibrations costales. « Comme tu dis, oui. » Parce qu'il aurait probablement réagi de la même manière si on lui avait prédi cette relation, d'un hein dubitatif. « Oui, oui, un magicien, je ne saurais l'exprimer autrement, maman. » Je ne suis pas fou, soufflent ses prunelles quand il revient jumeler leur regard. « Il suffisait qu'il pose sa main, comme ça, » Et c'est sur son articulation blessée qu'il entraîne la paume de sa mère, pour la poser bien à plat sur les rouages rouillés. Il n'a jamais autorisé personne à toucher son genou depuis l'accident, hormis le corps médical, et l'infirmier également, par conséquent. Ne l'a pas effleuré lui-même non plus, à se dire qu'y vouer tout son mépris suffirait à donner au mal l'envie de se barrer. « et il me prenait la douleur. Mais ça n'a rien guéri, je le sais, maintenant. » Un anesthésiant et rien de plus, constat cruel auquel il tâche de ne pas pensé, de toute manière détourné de ses pensées par l'agacement d'Agate.

Jamais bon signe lorsqu'elle se met à le nommer en entier, faisant résonner successivement le nom du père d'Emilio, puis de son grand-père maternel, suivi du patronyme de Larry. Un étrange mélange et pourtant, représentant toutes ses attaches. Un moment qu'il ne l'avait plus entendu de la sorte, et probablement que ça le revigore un peu, à éviter de voûter ses épaules à la réprimande. « Maman. » Le soupire quand les lèvres achèvent leur diatribe en échouant contre son front. Il a toujours aimé ça, Romy, qu'elle l'embrasse sur le front, comme quand il était petit. « C'est moi, d'accord. » C'est pas toi le problème, c'est pas Ismaël. C'est pas même le magicien. S'humecte les lèvres, le temps de rassembler le courage du constat, l'genre qui n'aurait jamais pu sortir avant qu'il ne soit pris en charge ici. « Je t'ai tenue à distance. » L'avoue, parce que c'est elle. Peut lui offrir une remise en question sommaire, parce que c'est elle. Persuadé que son amour sera à jamais inconditionnel. « Je t'ai rien dit, je t'ai rien montré, c'était plus facile, sur le moment. Je voulais pas que tu me vois. » Plus facile de se taire que de se sentir deviné dans ses yeux. Inconsciemment, sans doute, pensait-il que tout ce qui semblait aller, s'arranger, grâce aux subterfuges rassemblés, serait démasqué par la clairvoyance maternelle. Ne pouvait prendre le risque, Romy, trop incertain de ses réactions à ce sujet. Alors, le secret s'est gardé, cultivant l'idée que tout ça était absolument normal, sans risque aucun. Aveuglé par ses idéaux, la course au succès, c'est son frère qui s'est retrouvé aux premières loges de son déclin. Le seul qui, selon le danseur, aurait les épaules pour prendre des décisions fermes, lorsqu'il le faudrait. « Est-ce-que tu m'aurais amené en cure, maman ? Si tu m'avais vu, malade ? » Nulle provocation, quand ça sort du ton le plus ingénu du monde. Se demande, Romeo, s'il l'a sous-estimée malgré lui. Si l'erreur a été de lui faire du mal, à elle, en ne se confiant pas, en s'en remettant aux seules mains de son frère, et en laissant Ismaël en seul responsable de sa destinée. Il ne le sait pas, Romy, mais n'est jamais si désarçonné qu'à l'idée d'avoir causé du tort à sa famille, à ceux qui lui sont le plus proche. « J'voulais pas te laisser tomber comme Emilio. » Précipitamment, ça sort, sans vraiment y penser, parce que c'est ce qu'il a ressenti, en laissant la distance s'immiscer entre eux. Qu'il n'était pas mieux que l'Italien, qu'il n'y avait pas besoin de partager ses gènes pour agir de manière égoïste. Pour la faire souffrir, quand c'est ce qu'il devine, à enfouir à nouveau son visage contre les mains de sa mère avant de les laisser retrouver leur liberté. Ne prononce jamais le nom d'Emilio, jamais, devant elle. Il ne se souvient d'ailleurs plus l'avoir évoqué depuis dix-huit ans, à ne rétorquer que des mh tacites lorsqu'il s'agissait d'aller passer le week-end chez lui.

Bercé par les dires doucereuses, par les présages solaires, son visage s'illumine, enfant de l'été rompant avec la monotonie hivernale une fois qu'il s'en laisse persuadé : il n'a pas encore fini de briller. Tant que sa mère sera là pour le lui dire, tant qu'elle l'encouragera de la sorte, il n'y aura pas de réelle obscurité. Et il s'éclaire davantage quand elle évoque des visites plus rapprochées. « Oui, s'il-te-plaît. » Sait qu'elle a besoin de l'entendre, à quel point il a tout de même besoin d'elle. Devine à quel point l'effort lui coûte, de le laisser ici, à respirer plus aisément quand elle abdique. « Si tu veux, quand je marcherai un peu mieux, on pourra aller faire un tour dans la propriété. Le parc est immense, je suis certain que ça te plairait. » En parle comme si c'était sa propriété, lui, le maître de tous lieux. Même sous la neige, même quand la nature s'endort, et il s'agite un peu, au regain de son enthousiasme. « Tu reviendras seule, pas vrai ? » Interroge, Romy, en scrutant son visage, avant de laisser filer la question qui lui brûle les lèvres. « Larry a eu une réaction à ce propos ? » A propos de la cure. A propos de ton désarroi. Est-il présent pour toi ? Parce que de toute évidence, Romeo ne s'imagine pas que le géniteur ait pu réagir à son propre propos.
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« Pas maintenant. » Voilà que tu mènes une guerre depuis trois semaines maintenant contre les membres de cette famille, pour entendre que le principal intéressé lui-même ne veut pas sortir. Le simple fait qu’Ismaël puisse dire la vérité à ce sujet t’irrite légèrement, tu pinces légèrement ta lèvre alors qu’il est évident que tu ne peux pas te dresser contre toute la famille. Cette sensation que personne ne comprend, que tu as la bonne réponse et pourtant qu’aucun ne veut vraiment le comprendre. Avoir raison et être obligée de fermer les yeux et de se taire, c’est sûrement l’une des pires sensations qui soit. « Comme tu veux. » Ton fils ne sait pas ce que tu viens de vivre, cette discussion avec Larry qui devra arriver plus vite que tu le penses et qui viendra mettre une distance dans votre couple. Parce qu’entre Romeo et lui, se sera toujours ton enfant. Votre enfant, comme il aime si bien le rappeler. « J'ai déjà parcouru la moitié du chemin, tu sais. » Un programme de six semaines, comme l’a dit le second fils de la famille Calloway quand il est venu t’annoncer l’internement de son frère. Tu avais réagi un peu brusquement, tu le sais alors qu’il n’avait sûrement pas mérité d’en prendre une mais pourtant n’arriver pas à regretter ton geste. Comme si on voulait te prendre absolument tout ce que tu possèdes, une jalousie qui voudrait que tu échappes encore une fois au bonheur. Ce n’est pas avec des beaux cadeaux qu’on achète celui d’une femme. « Pourquoi tu n’as pas demandé à être placé dans mon établissement, je pourrais mieux surveiller ce qu’on fait sur toi. » Tu n’as confiance en personne, ce n’est pas nouveau. Trahis beaucoup trop de fois pour véritablement t’en souvenir, mais l’idée même de repartir tout à l’heure sans lui, est un déchirement qu’il faudra pourtant arriver à supporter. Ce n’est pas simple d’être une mère.

Il attrape tes mains et t’observe avec tout l’amour qu’un fils peut avoir à offrir, ce qui te réchauffe le cœur. Ton bébé est encore là, il ne partira jamais. Tu pourrais tout faire, pour que ça n’arrive jamais. « Ils ne pourront jamais faire comme toi. » Jamais. Ce n’est pas pour rien que la planète peut abriter autant de vies, il faut bien des gagnants et des perdants. Le sujet du sorcier arrive sur la table et tu hausses un sourcil perplexe devant autant d’admiration pour le magicien d’Oz qui n’a rien de spécial. Tu laisses ton fils guider ta main jusqu’à son genou et serre un peu les doigts comme pour essayer de faire comme ce magicien. S’il peut le faire, alors pourquoi pas toi. Tu secoues la tête de gauche à droite et plante tes yeux dans ceux de ton enfant, ta connaissance de médecin pointe directement sur la réponse à sa question qu’il ne se pose même pas. Pourtant, c’est évident. « C’est un Placebo mon fils, on te fait croire une chose par des mécanismes psychologique, un pouvoir de suggestion digne d’un magicien, pour soulager la douleur. Mais il ne s’agit pas de magie, c’est de la manipulation. » Voilà le véritable visage de son sauveur, un charlatan qui fait passer la psychanalyse pour de la magie et qui veut voler le cœur de ton fils avec ce genre de bêtise. Tu baisses la tête et ferme les yeux un instant, comment peut-il se faire avoir aussi facilement, quand tu tombes amoureux il est impossible de conserver une bonne lucidité. C’est ce qu’il s’est passé avec Emilio, alors tu commences à comprendre ce qu’il se passe et ne peut pas rajouter quoi que se soit, ancienne victime qui voudrait pouvoir faire ouvrir les yeux à Romeo. Mais comment ? Ce gosse est amoureux, il suffit d’un regard pour s’en rendre compte. Le regard d’une mère.

« C'est moi, d'accord. » Tu n’as pas besoin de t’emporter longtemps, il sait comment te rendre docile et te faire prendre conscience de ce que tu dis, de ce que tu fais. Tu pourrais presque pleurer s’il n’était pas là, sûrement que tu pourras le faire une fois à la maison. C’est tout ce que tu pourras faire. C’est la première fois de toute ta vie, que tu entends de sa bouche qu’il ne voulait pas te voir, la toute première fois. Et malgré la situation du moment, c’est un déchirement pour ton cœur. Comme la naissance d’une plaie qui ne pourrait jamais vraiment cicatriser, voilà que même lui ne veut plus te voir. Ce n’est pas le cas, mais c’est comme ça que tu vois la chose, l’une des médecins les plus compétente de son domaine quand il est question de n’importe quel humain. La pire psychologue, quand il est question de ton fils. « Est-ce-que tu m'aurais amené en cure, maman ? Si tu m'avais vu, malade ? » C’est trop. Tu transperces ses yeux de ton plus dangereux regard, comme s’il fallait arrêter d’utiliser ce mot devant toi.« Tu n’es pas malade ! » Tu veux que ça rentre une bonne fois pour toute. S’il veut rester dans cet endroit encore un peu d’accord, s’il veut s’amuser à écouter les autres pour revenir plus rapidement c’est ok. Mais tu es catégorique, Romeo n’est pas malade. Son visage vient se réconforter dans tes mains alors qu’il utilise le nom d’Emilio. Tu ouvres légèrement la bouche dans sa direction, désorientée. Pendant une seconde, ta folie te laisse penser qu’il vient de parler de t’abandonner lui aussi, mais rapidement la raison revient prendre le contrôler et tu comprends seulement, qu’il n’est pas question de toi. Qu’il ne peut pas toujours être question de toi. Alors tu approches et tu poses sa tête contre ta poitrine, tu passes une main dans sa nuque et tu enlaces ton trésor. « Emilio ne représente rien à côté de toi. »

Il accepte que tu puisses passer le voir de temps en temps pendant les trois semaines à venir et un fin sourire s’affiche sur ton visage, comme si tu avais eu le droit à un minimum de victoire. Tu ne veux pas partir et regarde la pièce en lâchant ton fils avec tendresse, comme pour trouver une armoire qui pourrait te cacher pendant la nuit et les jours à venir. Une idée complétement débile, mais il n’est plus question d’être rationnel en cet instant. « Tu pourras me montrer ce parc avec plaisir. » Une main passe dans ses cheveux, comme pour le coiffer. Une habitude du passé, quand vous aviez vos longues conversations et que tu trouvais toujours quelque chose sur lui à arranger. Un vêtement de travers, une mèche rebelle. La perfection n’existe pas, mais il est toujours possible de s’en rapprocher un maximum et c’est exactement ce que tu cherches à faire. « Oui, seule. Nous n’avons besoin de personne d’autre. » Surtout pas Ismaël. Tu aimes ce garçon, mais pour les semaines à venir, vous ne serez pas les meilleures copines du monde. Il parle de Larry et un éclair commence à parcourir l’intégralité de ton dos, une conversation qui restera sûrement pendant des années alors qu’il s’est mit à défendre son fils pendant toute la soirée. « Comme toujours, quand il sourit légèrement c’est qu’il prend un fou rire. Il ne réagit pas. » Pour mentionner combien Larry peut être froid dans certaines situations. Il te parle de Romeo et de son enfermement dans cet établissement comme il pourrait te parler de son boulot, et encore il ne parle presque jamais du boulot. « Alors mon fils, raconte-moi tes journées. » C’est un moyen d’en apprendre plus sur ce qu’il fait de son quotidien ici et surtout une combine pour essayer de comprendre ce que le personnel soignant pratique sur lui. Personne ne voudra être honnête avec toi, mais Romeo le sera.

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“what was it like to love? oh it was like burning. where did it burn? everywhere.” Peine à garder pied, le fils. Tiraillé entre ce qu'il a songé comprendre en suivant son frère jusqu'ici, au plus bas, selon lui, ce qu'il ne pouvait nier, et ce qu'avance sa propre mère. Ce qu'on lui a fait enregistrer, ici, au sujet de cette problématique à décortiquer, l'idée que non, l'addiction n'était pas tombée du ciel, subitement, et que pour la comprendre, il fallait décrypter son environnement. Certainement ne pouvait-ce être exaucé qu'à distance du berceau natal, scruté sous un oeil neutre et inconnu, et il le comprend, désormais. N'aurait jamais été admis dans l'établissement maternel, et ne l'aurait pas souhaité. Tout aurait semblé plus vrai, plus atroce, une fois cerné de ces patients dont elle s'occupait. Ne voulait pas être qu'un numéro de plus derrière la porte d'une chambre, destiné à la rencontrer durant ses visites matinales. N'avait d'ailleurs pas un très bon souvenir de ce confrère qu'il avait eu l'occasion de rencontrer une ou deux fois après que le départ d'Emilio l'ait sonné. Pas le temps d'entendre le diagnostic de délire mégalo énoncé, quand les mains maternelles s'étaient attachées avec soin à ses oreilles, sans que Romeo n'ait jamais su ce que sa mère avait pu dire à son collègue. S'était simplement imaginé que ce dernier était nocif, comme tous ces êtres qu'il tâchait de ne pas approcher, une fois mis en garde par Agate. Car elle avait toujours raison, mais il semble clair au fils, avec l'éloignement, qu'elle aussi peut s'égarer. Elle aussi, peut se retrouver aveuglée. Et comment lui en vouloir, mh ? Si c'est le cas, c'est bien qu'il demeure assez éblouissant, malgré tout ça, pour qu'elle n'y voit que du feu. Et c'est assez plaisant d'y songer ainsi. De s'imaginer lumineux, certes de manière encore insuffisante en comparaison à ce qu'il a pu représenter, au sommet de son Olympe personnelle, au point de duper sa propre mère.
Bien parce qu'il brille, qu'elle n'y voit pas clair.
Ne peut pas se tromper pour un autre motif, jamais.

Alors, c'est avec douceur qu'il lui répond, doux sourire aux lèvres, celui qu'il ne réserve qu'aux plus proches, celui avec lequel elle l'a vu grandir. Incapable de faire du mal à quiconque sciemment, certainement pas à sa propre génitrice. « Je ne voulais pas donner de complexes à tes patients, je sais que tu as déjà assez de travail comme ça avec eux. » Brin d'humour et de légèreté à jamais accrochés au poitrail, même si ça défaille un peu en évoquant les autres. Ceux qui ne pourront jamais faire comme lui. Mais lui, lui a fait comme eux, en atterrissant ici, et ça se bouscule à nouveau entre les mailles de sa fierté légendaire, de la démesure de son égo. « Jamais, nous sommes d'accord. » Donner le change, chercher en ses yeux son propre reflet, s'inventer inimitable à nouveau. Puiser sa force entre leurs mains enlacées, dans ces révélations qu'elle commence à énoncer. Romeo a toujours prise pour véridique chaque dire énoncée par sa mère, lorsque celle-ci l'arrange. Alors, l'idée que l'amant n'ait pu être qu'un manipulateur averti, user de suggestion à son encontre le trouble, le laisse un instant hésitant. Comme si cela lui ôtait quelque chose, de partir sur cette hypothèse. Comme s'il avait l'air faible, soudainement, en imaginant que ç'ait pu être le cas. « On m'aurait manipulé. » Il pèse les mots, les appréhende sur sa langue, puis dans le timbre de sa voix, en cherchant à savoir s'ils sont dignes d'être enregistrés dans la grande et superbe histoire de sa vie. « On aurait manipulé Romeo Calloway, mais, malgré tout, en usant d'une volonté indubitable, il est parvenu à reconnaître le stratagème, et à s'en extraire. » Prononce sa version pour lui-même, en se demandant ce qu'il pourrait bien y ajouter de supplémentaire, pour redorer son image. Ne pas rester sur la seule idée d'avoir été dupé d'un bout à l'autre, ce qui ne ferait certainement pas bonne figure dans le récit de son existence fabuleuse. « On peut dire ça, j'imagine. » L'essentiel étant qu'il soit toujours debout, et le protagoniste héroïque que tout le monde attend.

Et le mot malade devra être rayé du vocabulaire, c'est ce qu'il comprend. Figé dans son élan, ses yeux bleus harponnés par le regard intransigeant que lui offre sa mère, ses épaules s'affaissent légèrement. Devant elle, il peut se montrer vulnérable, mais n'apprécie pourtant pas quand c'est le cas. Alors, la nuque se redresse, le torse se bombe légèrement, la posture se revigore et il l'énonce : « Je ne suis pas malade. » Si aisé de l'affirmer. Si aisé de renouer avec cette idée de perfection qu'il a toujours embrassé sans la moindre lucidité. Pour autant, quand il l'énonce, il semblerait qu'il s'agisse avant tout de rassurer sa mère, plutôt que d'une véritable conviction. N'aime pas quand elle hausse le ton, et l'étreinte offerte à la suite apaise lentement les battements désordonnés de son coeur. Les bras refermés autour d'elle, la tempe calée contre sa gorge, il a l'impression de n'être qu'un gamin, un gamin noyé par le parfum de sa mère, par ses dires rassurantes, et sur l'instant, il faut admettre que ça lui convient. Emilio n'est rien, à côté de lui, et c'est le genre d'idée qu'il n'avait jamais envisagée dans sa vie. Toujours à courir après la reconnaissance du Napolitain trop rapidement parti, à s'imaginer qu'il pourrait trouver mieux, comme famille, quand Romy ouvre les yeux et s'écarte lentement d'Agate, il semblerait qu'elle ait fait mouche. Et il le répète, d'un ton qui n'a plus rien de mal assuré. « Emilio ne représente rien, à côté de moi. » Les sourcils se froncent, légèrement, fait rare, et le regard se charge légèrement. « Il ne représente rien non plus, à côté de toi. » Et c'est bien la première fois qu'il s'ose à dire ce genre de chose à voix haute. Désarçonné par cette confiance nouvelle, un soupir de soulagement échappe à ses côtes, poids porté depuis près de quinze ans semblant seulement décroître. « C'est lui qui a perdu au change, en partant. » Réalisation incrustée dans le crâne, son dos se recule, s'enfonce dans le dossier du fauteuil, une main portée à son visage de manière théâtrale, lissant son visage parfait avant de revenir masser son genou blessé. Pourquoi ne se l'est-il jamais dit, avant ? Pourquoi toujours s'imaginer à ses trousses, à quémander son affection de manière pathétique ?

Les gestes tendres de sa mère glissés dans ses cheveux, le garçon demeure songeur, ancrant ses coudes dans ses jambes, soutenant son menton du bout des doigts. « Qu'est-ce-qui t'a plu, chez Larry ? » Parlez-vous réellement à votre mère ? C'est la question que lui a posé le psychiatre il y a quelques jours, quand Romeo lui comptait à quel point tous deux pouvaient être proches. Après avoir admis s'être longuement tu, il lui semble désormais nécessaire de converser plus profondément. Quand bien même les questions l'intéressant sa manifestent de manière impromptue. Quand sa mère évoque l'impassibilité de Larry, il ne peut que rebondir, Romeo. Se rappelle cette photo sur laquelle il est tombé, enfant, regroupant le trio amical, sa mère resplendissante sur la côte Californienne, entourée de ses deux meilleurs amis. Emilio et Larry. Nulle question piège dans la bouche du danseur, incapable de manipuler la discussion. Se contente d'aborder les sujets comme ils lui viennent, réellement, en se disant que, peut-être, cela l'aidera à mieux comprendre les liens ayant régi leur relation. « Et chez Emilio ? » Comme un môme souhaitant qu'on lui conte une histoire, en ne s'attendant pas, cette fois-ci, à ce qu'elle soit belle. « Tu les aimais tous les deux, pareil ? » Quand la question de l'amour lui a toujours semblé importante, quand bien même tombe-t-il lui-même amoureux à tout bout de champ, sans se dire que cela confère moins de légitimité à ses histoires. « Es-tu heureuse, maintenant, maman ? » Un moment qu'il ne le lui a pas demandé. Semblerait que cette fois, le fils soit prêt à entendre toute sorte de réponse de sa part, en saisissant les nuances de son timbre lorsqu'elle évoque son mari. Sans doute que ça le blesse un peu, le fils, de s'dire que même dans une situation comme celle-ci, Larry n'a pas eu de véritable réaction. Devait-il en attendre davantage ? Probablement pas. Probablement que dès le moment où Isma et lui ont persisté à l'appeler Larry, quand Tamara se mettait à l'appeler papa, les choses semblaient claires dans leur tête. Difficile pourtant, pour Romy, d'admettre que son géniteur ne viendra pas jusqu'à lui.

« Et bien, ça dépend un peu des jours. Hier, par exemple, j'ai passé la matinée à rééduquer mon genou, avec le kinésithérapeute que l'établissement a fait venir spécialement pour moi. » Ce n'est peut-être pas tout à fait le cas, mais c'est ainsi qu'il le perçoit. « Et puis, nous avons participé au groupe de parole durant l'après-midi, pendant une petite heure, j'ai ensuite au rendez-vous avec le psychiatre, mais seul à seul, tu vois. » Comme si ça conférait une sorte d'importance à ce moment-là. « Pour finir, j'ai passé le reste de la journée à écouter l'intégralité du sacre du printemps, je songe à le suggérer à Mariana lorsque je rentrerai à Exeter, pour la saison 2021. » N'aura probablement rien à suggérer à Mariana, la directrice du ballet, s'il ne récupère pas son genou d'ici là. « Je sais que ça paraît fou, mais je te promets, maman, que tu me verras danser à nouveau, sur scène, en rôle titre, l'an prochain. » Lueur mystérieuse dans les yeux, à ne pouvoir évoquer la manière dont cela sera réalisable, quand ses pensées naviguent jusqu'à Ismaël, au rituel qui se prépare.
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Il est simple de perdre le contrôle quand une personne que nous aimons se trouve dans une situation dangereuse, quand elle est pointée du doigt sans une réellement bonne raison. C’est ce qu’il se passe pour ton fils, du moins quand on se place de ton point de vu pour analyser la situation qui n’a rien de normal. Et à ce moment tout devient paranoïa pouvant faire germer le doute et la peur dans ton esprit, croire que son frère peut le jalouser et lui vouloir du mal pour être le centre d’intérêt. Ismaël n’est pas comme ça, mais l’amour aveugle que tu portes pour Romeo est capable de créer un ennemi qui n’existe pas pour rendre plus supportable ta souffrance et alléger ta conscience. Il faut comprendre pourtant que cette fois tu ne possèdes pas le pouvoir d’en faire qu’à ta tête, devant un obstacle bien trop grand alors que tu pourrais t’y meurtrir sans hésiter. Il attrape les mains de sa mère avec douceur pour t’envoyer un merveilleux message attentionné, celui que tu dois pouvoir accueillir avec le sourire quand il essai malgré tout de te faire comprendre que tout va bien. Que rien ne change. « Tu penses à mon bien être. » Une lueur dans le coin de l’œil, comme une larme qui ne vient pas et qui cependant n’enlève en rien au bonheur que tu peux ressentir à ces quelques mots. Il pourrait s’éloigner pendant des semaines loin de ses proches pour t’enlever une charge de travail et cette simple idée arrive à apaiser un peu ton cœur. Il sait toujours quoi dire, toujours quoi faire. Le fruit de tes entrailles. Vous êtes toujours du même avis alors que tu hoches doucement la tête, c’est le même qu’avant et avec un peu du calme tu arrives enfin à t’en rendre compte. La respiration qui se fait moins régulière et qui se fait discrète alors qu’une main reste dans la sienne, une bonne façon d’être à ses côtés le plus longtemps possible. Jusqu’à ce que quelqu’un vienne te le prendre encore une fois et cette fois pour toujours, ne veut pas y penser pour ne pas gâcher ce moment.

Il est question d’une manipulation sans l’ombre d’un doute et pourtant le jeune homme trouve les mots parfaits pour te donner à nouveau le sourire, comme s’il n’était jamais parti. Tu penches le visage sur la droite et plisse les yeux en réfléchissant, c’est vrai qu’il peut utiliser cette expérience pour s’améliorer. Tu frappes dans tes mains une fois et remonte les épaules dans sa direction comme pour dire. Eureka. Ce que ce garçon peut être surprenant même dans cette situation il n’arrêtera jamais d’améliorer ton humeur et la limite que tu veux bien t’accorder dans ce monde. « Je savais qu’on ne pouvait pas rentrer dans ton esprit, mon fils. » Sauf toi. Ce que tu évites de faire pour ne pas fouiller dans ses secrets, une volonté souvent compliquée à maintenir alors que la curiosité d’une mère est bien plus intense que la passion elle-même. Le visage qui arrive à se détendre en même temps que le haut du corps que tu laisses se reposer, n’a pas besoin de conserver cette posture de reine en sa présence. Pas quand le projecteur est maintenu au-dessus de sa tête, ce qui ne doit pas changer alors que tu dois conserver ce rôle secondaire qui pourrait permettre à Romeo d’arriver au sommet. Et à ce moment- là tu seras au premier rang pour l’applaudir de toute tes forces, de toute ton âme jusqu’à en perdre l’usage de tes mains, jusqu’à en perdre définitivement ta propre voix. C’est exactement ça, l’amour d’une mère. Il reprend son rôle et lève le buste ainsi que le menton pour te regarder avec des yeux remplis de fierté. « Tu vois, il suffit de le dire. » Tu lui offres un magnifique sourire comme pour lui faire comprendre combien tu es fière qu’il comprenne aussi facilement que tout ce que tu peux lui dire est la parfaite vérité. Comme une loi absolue, d’un médecin qui transforme sa renommée et sa connaissance en savoir divin pouvant parfois tenir le rôle de patient à n’en pas douter.

L’étreinte qui recharge les batteries un minimum alors que son odeur n’était plus qu’un souvenir ce matin, tu retrouves l’envie de vivre après plusieurs jours à prendre des médicaments pour trouver le sommeil. Personne ne le sait, même pas Larry qui sûrement n’aurait aucune réaction de toute manière, bien clairvoyant sur le fait qu’un médecin connaît les risques et qu’il agit en son âme et conscience quand il prend des somnifères. C’est ton cas. Il s’échappe de toi et t’observe en parlant de d’Emilio, un sourcil qui se hausse ayant perdu le compte sur le nombre de mois qui te sépare de votre dernière discussion avant qu’il ne te quitte. Encore plus étrange, que Romeo puisse en parler avec autant de facilité, ne sait pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais retrouve ton sourire comme une façade cette fois. Le sujet Emilio n’est toujours pas classé et tu es la seule à le savoir, même si tu voudrais pouvoir te mentir à toi-même c’est cette phobie de la solitude qui fait que tu es dans cette situation aujourd’hui. Ne pourra jamais l’admettre, même pas à ton fils. Tu pinces les lèvres à sa seconde remarque et glisse une main sur son visage. « Il n’est rien, à côté de nous. » Tu lèves une main pour dessiner un cercle dans l’air et fait danser la paume à travers la pièce sans perdre le jeune homme des yeux avec tendresse. « Ce monde n’est rien, à côté de toi. Et sans toi, je ne suis rien. » Si simple à dire et d’une vérité sans faille. Bien consciente que s’il arrive quelque chose à ce garçon, dans la journée prise pas la détresse tu mettras fin à ta vie. Il doit le savoir, tu ne pourrais pas vivre.

Tu commences à sentir ta poitrine se comprimer alors qu’il devient un peu trop insistant avec le sujet qui ne convient pas, le laisse faire en silence consciente qu’il veut surement se débarrasser d’une chose qui lui fait du mal. Répondre à des questions qu’il se pose et si tu ne peux pas l’aider en tant que thérapeute, tu peux au moins le faire en tant que mère. « Avec Larry, c’est toujours une aventure. Depuis notre enfance, il sait me surprendre et je n’ai pas le temps de m’ennuyer avec lui. » Ne sait pas si tu réponds vraiment à la question même s’il est évident que c’est cette capacité à t’abasourdir pendant vos études presque tous les jours qui t’as poussé rapidement dans ses bras. Vos retravailles entre les cours, pendant parfois. C’est Larry qui a eu la chance de faire de toi une véritable femme, cette chance de découvrir ton corps dans une bulle passionnelle comme le souhaitait n’importe quelle adolescente de l’époque. Une romance comme dans les films, comme dans les livres et le droit de rêver au prince charmant alors que rapidement tu avais compris qu’il n’avait rien d’un prince, mais d’un roi ambitieux qui n’épargnera personne pour réaliser son objectif. Ne peut pas lire dans son esprit, comme une promesse pour votre couple, pour que tout puisse fonctionner. Tu n’es pas bête pour autant et sait qu’il ne faut pas mettre tes mains dans ses affaires, n’est pas qu’un simple scientifique le bonhomme, mais il est plus simple de fermer les yeux et te laisser bercer par la fortune, par le pouvoir qu’il t’offre. Tu souffles du nez discrètement et relève un peu le buste, Romeo n’a jamais été aussi curieux de toute sa vie et n’a jamais posé autant de questions aussi intimes. Qu’est ce qu’on lui fait dans cet établissement, la paranoïa qui remontre le bout de son nez, n’est jamais loin pour te faire douter. « Emilio est.. » Tu passes l’index sur ton menton pour faire mine de réfléchir alors que tu laisses ton esprit divaguer, retrouver des souvenirs que tu avais très bien enfermé dans une boite qui ne doit plus s’ouvrir. « Il était visible dans la foule et je n’arrivais pas à détourner les yeux à son passage.. » Ne sait presque pas ce qui vraiment t’as fait perdre tes moyens, son énergie et sa présence qui n’avaient de cesse de te faire tourner la tête. Ne peut rien cacher à ton fils, alors laisse les mots s’échapper. « Cet homme était libre. » Pas comme toi.

« J’avais beaucoup de passion pour l’un et autant d’amour pour l’autre, il est difficile de choisir entre les deux quand ils ne se retrouvent pas dans la même personne. » Ne dit pas pourtant lequel avait le droit à ton corps pour son ardeur et l’autre à ton cœur, pour son honnêteté. Ne pouvait pas avoir les deux et si tu continues ne pourra pas en avoir un seul, la souffrance qui pourrait t’amener à ta perte dans les semaines à venir. « Heureuse ? » Tu balaies la salle du regard, ne pensait pas qu’une question si simple pouvait être si compliqué à aborder et sûrement que si ce n’était pas ton fils qui le demande, tu arriverais à mentir. Ce n’est pas le cas. « Non, je ne le suis pas. » Tu penches la tête et plisse les yeux en terminant par un sourire aussi faux que sincère. Dénué de toute ressource et d’une profonde tristesse. Ne veut pas s’attarder sur ce qu’il se trouve dans les abysses de ton âme alors tu changes de sujet, lui demande ce qu’il fait de ses journées en quelque sorte pour essayer de récolter un maximum d’informations, n’aime pas rester dans l’ignorance. Tu hoches la tête en l’écoutant, pince légèrement les lèvres d’agacement quand il parle d’un rendez-vous avec un psychiatre, n’aime pas l’idée qu’il puisse se confier à un autre que toi. Et lorsqu’il termine tu passes la paume de la main sur son visage une nouvelle fois avec finesse et affection, le regard ancré dans le sien. « Et je serai au premier rang. »

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“what was it like to love? oh it was like burning. where did it burn? everywhere.” Hausse les sourcils, visiblement surpris, incapable de camoufler les émotions trop sincères qui s'installent sous ses traits tirés. Il lui semble évident, oui, de s'être toujours intéressé au bien-être de sa mère. Mais est-ce véritablement le cas ? N'a-t-il pas, et ce depuis l'enfance, laissé l'aile protectrice s'enrouler autour de sa propre carcasse, sans déployer la sienne en retour ? Ne s'est-il pas contenté des efforts déployés par sa génitrice, assujettie à ses moindres caprices, sans s'intéresser à ses propres envies, ses propres doutes ? Le lui aurait-il mal rendu, ou plutôt, pas rendu du tout, depuis tant d'années ? Il semblerait bien que ce soit le cas, trop orienté sur son propre sort, à en négliger les états d'âme maternels, la vouloir souriante, toujours enjouée, sans se demander si, peut-être, Agate pouvait ne pas aller bien. Parce que Romeo n'a jamais dévoilé ses propres émotions négatives, les relayant au second plan ou les façonnant sous des angles plus lumineux, sans doute en attendait-il autant d'elle. Quand, à trop se complaire dans ses euphories mensongères, il ne percevait guère en autrui la moindre once d'obscurité. Ni la malveillance, ni le chagrin. Ni la manipulation, ni la colère. Ni l'angoisse, ni le mal-être. Palette affective teintée d'or et d'argent, aucune place pour la grisaille dans son sillage, quand il n'y en avait jamais eu - jusqu'alors - sous sa propre peau. Désormais confronté à ses propres parcelles embrumées, il devient plus difficile alors d'ignorer celles des plus proches. Et l'inquiétude, et l'ombre qui encadrent le doux visage de sa mère, se dévoilent au fil de l'échange, et le percutent douloureusement. Presque la première fois de sa vie, finalement, que Romeo s'ouvre à la douleur, oriente un regard plus avisé, non modulé, sur le monde. Sur celle qui lui a donné la vie, en premier. Pouvait-il en être autrement, réellement ? Qui d'autre qu'elle, elle qui était là depuis son premier cri, et avant, même, pour être décryptée par un fils plus attentif qu'il ne l'a jamais été ?

La ligne de son front s'affaisse légèrement, ondulation jusqu'alors rarement inscrite entre les tempes, trop craintif de la ride prématurée, et pas d'un naturel soucieux aussi, il faut l'admettre. « Ton bien-être est bien l'un des seuls qui peut m'importer, j'espère que tu le sais. » Honnête dans son égoïsme très sélectif, quand la plupart des liens sont faussement tissés, jamais entretenus que pour garder un public à portée, ceux qui lui sont chers ne l'ont, finalement, jamais quitté.

Et elle le pousse à fabuler, et c'est ce qu'il apprécie, Romeo, pouvoir s'élancer sans être freiné, encouragé par ses soins, sourire croissant lorsqu'elle frappe dans ses mains. L'éclat se ravive en fond de prunelles, incertain quand il faut le dire, qu'il n'est pas malade, le coeur battant, pourtant, à l'aube de ces perspectives. Réécrire l'histoire, sûrement ce que doivent faire tous les héros, un jour ou l'autre, et c'est dans une satisfaction presque mesquine qu'il retrace mentalement le récit qu'il tiendra. Réinventera la rupture en ultime évidence, en couperet lâché par ses soins dans une indifférence des plus totales, tissera le discours de sa fameuse éloquence et laissera l'amant retourner au néant. N'évoquera aucune peine, aucun amour, rien. Rien d'autre qu'un amas de mots cousus du bout de ses lèvres délicates, chantant ses aventures en barrant chaque obstacle de son chemin, surmontés avec courage, sans trébucher, sans s'interrompre. Sans s'arrêter de danser, surtout.

Emilio est un accroc dans le tissage de son existence, une brèche qui ne s'est jamais comblée, en dix-huit années. En parler lui fait mal, aujourd'hui encore, mais il est nécessaire d'aborder certains sujets, aussi fâcheux soient-ils, c'est ce qu'en a dit son thérapeute. Parce que Romy n'a jamais digéré le départ, l'orage ayant cerné cette nuit gravée comme cauchemardesque dans sa mémoire, au point de frémir, depuis, à chaque coup de tonnerre. N'aurait dû connaître d'abandon, parce qu'on ne pouvait le délaisser, on ne pouvait l'ignorer. Encore moins l'être l'ayant élevé, pendant huit ans, censé avoir tenu le rôle de père. Celui qui avait été son père, avant qu'il ne comprenne la mascarade, ne rencontre Larry, Larry qu'il n'a jamais pu qualifier comme tel, sauf en attendant quelque chose de sa part. N'avait aucune difficulté à appeler Emilio papa, en habitude prise de l'enfance, quand il devenait désormais pathétique de continuer à le faire. Alors, les mots de sa mère sont repris, et martelés : « A peine une poussière, en réalité, une ode à la médiocrité. » Toujours les grands mots, le regard vissé dans celui d'Agate, l'air grave lorsqu'il s'agit de sceller le sort du Napolitain dans cette conversation qu'ils n'ont jamais tenue jusqu'alors. Une page à tourner, parce qu'elle s'est trop froissée, et n'a pas sa place dans le livre de leur existence. « Tu ne seras jamais rien, maman, déjà, parce que tu es toi, mais également parce que je serai toujours là. » Les cordes vocales vibrantes, l'émotion trop présente en fond de larynx pour ne pas teinter ses paroles, un sourire force le coin des lippes à se retrousser. A la sensation, pour la première fois, de devoir être fort pour elle, quand elle a toujours été forte pour lui.

Arrive la question de l'amour, quand les réponses lui sont nécessaires. Prétendra s'y connaître dans le domaine, quand avoir accumulé les conquêtes et s'imaginer le fils d'Eros ne fait pourtant pas de lui un expert en la matière. En témoignent probablement ses aventures éphémères, cette incapacité à se tourner vers un autre, ou une autre, bien longuement, toujours réorienté vers son propre reflet, percevant alors toutes les imperfections à ses côtés, et se lassant. Un éternel recommencement. Porté par le récit qu'en fait Agate, note bien l'inconfort dans lequel il la pousse, mais s'en détache. Parce qu'il y a quelque chose de fascinant dans ses mots, à s'inventer des histoires similaires à son tour. « Vraiment ? Des aventures palpitantes, avec Larry ? Es-tu sûre que nous parlons bien du même homme ? » La question est sincère, et sort du coeur, bientôt assortie à une pulsation violente sous les côtes. « Aurait-il tant changé, en trente ans ? Peut-on évoluer de la sorte ? Être vif, et surprenant, pour finir... comme lui ? » L'effroi est presque palpable, la main posée sur le torse, dramatique dans le moindre de ses gestes. Se demande, subitement, s'il risquerait de suivre la lancée du géniteur, si ce ne serait pas quelque chose d'inscrit dans sa chair, pour en être le descendant. Peine à s'imaginer le Larry dont sa mère a pu s'amouracher à l'époque, quand celui qu'il connaît est guindé, ne sourit que lorsqu'il l'entend. Si éloigné de lui, réellement, qu'il peine, Romy, à le comprendre. Ne cherche guère à le faire, non plus. Entendre parler d'Emilio comme d'un être au charme magnétique est plus aisé à croire, à se dire, une fois encore, que sa mère a peut-être fait erreur. Espérer, presque, que tout ne soit qu'une vaste farce, que le sang italien soit bien implanté dans ses veines. Pourtant, la pensée de perdre au passage toute filiation avec Ismaël - et même Tamara - l'ébranle et le contraint à changer d'axe. « Si tu veux mon avis, aucun ne te mérite. » Le ton trop honnête d'un gosse n'ayant d'yeux que pour sa mère, le sourire malicieux qui s'élève. « Un sacré dilemme, malgré tout. Tu auras bien eu les deux, finalement, ceci dit, Larry a juste eu à patienter sagement. » Pourrait paraître cruel s'il ne le disait pas simplement comme il le pensait, sans le moindre filtre - pourquoi s'en encombrer ? Préfère ériger sa mère en vainqueur de ce triangle amoureux, plutôt que d'envisager son choix final par défaut.

Bien contraint de se confronter à sa vérité, après l'avoir quémandée, et ça lui fait mal, fige son air amusé sur ses traits avant de l'en chasser abruptement. D'instinct, sa main vient trouver la sienne, s'y arrime jusqu'à capturer délicatement son poignet. Sa mère n'est pas heureuse. La donnée bute et cogne aux portes scellées de ses tempes, s'y infiltre lentement quand l'envie de pleurer se réprime férocement. Mais il faut que tu le sois, il faut que tu sois heureuse, sinon ça ne colle pas, sinon, ça s'écrase dans le poitrail en vagues lancinantes. Au même titre qu'Agate ne souhaite entendre que son fils est malade, il paraît inconcevable pour l'enfant d'admettre que sa mère est malheureuse. « Quand as-tu cessé d'être heureuse ? » S'humecte les lèvres, avant de reprendre : « Sais-tu de quelle manière tu pourrais l'être à nouveau ? » Il doit bien y avoir un moyen, certainement moins simple que ce qui peut se tracer de manière binaire dans l'esprit troublé de Romeo, pourtant. « Bien entendu, tu seras au premier rang. Je t'inviterai à me rejoindre sur scène, tu verras, lors du salut. » N'en a pas franchement le droit, mais il se dit que c'est ce qu'il fera. Après tout, c'est lui la star, et il a, par conséquent, absolument tous les droits.
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Ce n’est pas simple d’être témoin de l’évolution qui ne veut plus stopper sa course devant les années prêtes à faire disparaître l’enfant pour qu’il devienne un homme, même s’il l’est déjà depuis longtemps. Le voile d’Iris qui commence à se dissoudre et qui sans amertume vient remplir ton cœur de réconfort devant cette peur de perdre le garçon qui devant l’âge adulte pourrait se détourner de sa génitrice. Ce n’est pas le cas, mais tu ne pourras jamais continuer à ressentir cette peur, cette appréhension qu’il puisse s’échapper pour toujours et ne jamais revenir. Ton regard qui pétille à la révélation alors que le myocarde s’emballe à répétition comme pour venir confirmer que tu es vivante et que tu as encore le droit au bonheur d’une certaine façon. Tu bouges de droite à gauche pendant quelques secondes pour lui montrer qu’il suffit d’une simple phrase de sa part pour faire repartir la machine de la joie. « T’es un ange. » Un habitué des compliments et pourtant pour la première fois ce n’est pas par manque ou par dépendance affective que tu prononces ces mots, mais par amour incommensurable pour sa personne. Certains doivent vivre avec l’idée qu’ils seront seuls pour le reste de leur vie et mourir en ayant conscience que l’existence n’a été qu’une multitude de déceptions. En prison sans vraiment l’être, ne veut plus continuer à respirer comme s’ils pouvaient contrôler les poumons et donner l’ordre d’arrêter les machines une bonne fois pour toute. Ce n’est pas ton cas, quoi qu’il puisse arrive et avec n’importe qui, tu ne seras jamais seule. Parce que Romeo est présent, parce qu’il sera toujours là pour te bercer de tout son amour, de toute sa passion. Et cette simple idée arrive à bouleverser le cœur de pierre qui se trouve dans ta poitrine pour le changer en guimauve, comme si plus rien ne pouvait t’atteindre. Plus jamais.

Ne souffle plus rien au sujet de cette maladie qui n’est pas présente, de ce vice qui ne montrera jamais le bout de son nez même s’il pourrait arranger pas mal de personnes de votre entourage. On ne rendra pas ton fils malade, pas sans ton accord. Et l’heure qui semble aux confessions alors qu’il évoque avec une facilité déconcertante Emilio comme Larry et tout ce qui pourrait faire que tu ne trouves pas le chemin du Nirvana depuis toutes ces années à croire qu’il n’est qu’un mythe. Tu plisses les yeux dans sa direction ayant du mal à penser que l’homme que tu as toujours aimé puisse être une simple poussière dans l’air sans importante, mais ne dit rien pour ne pas le contrarier. Pour ne pas lui montrer plus que nécessaire combien cette histoire continue à te faire souffrir d’une façon ou d’une autre. Tu hoches simplement la tête parce qu’il te fixe et attend sûrement que tu sois de son côté, ce qui sera toujours le cas, de toute façon. « Il trouvera chaussure à son pied, des gens médiocres ce n’est pas ça qui manque, dans ce monde. » Que tu murmures un mince sourire sur le coin des lèvres avec une part de sensibilité, comme si tu pouvais être cette poussière et voudrait le devenir depuis toutes ces années. N’être rien, ce n’est pas un problème, si tu es avec lui. Tu baisses le visage, mais conserve ton regard dans celui de ta progéniture alors qu’il n’est pas avare de compliment aujourd’hui, pour ne pas te déplaire. Pour une fois, tu ne donnes même pas de réponse et conserve simplement les pupilles dans les siennes. Avec insistance et affection. Tu n’as plus besoin de le dire, que c’est réciproque, que c’est le devoir d’une mère et que ton âme sera vendue au diable s’il le demande dans la minute. La seconde.

Tu portes une main à ta bouche pour ne pas laisser s’échapper le rire qui arrive devant la remarque concernant Larry, c’est vrai qu’il est très différent depuis quelques temps. Tu mets tout ça sur le dos de son boulot qui doit être épuisant et dont tu ne cherches pas à découvrir tous les secrets. « Tu sais, quand nous étions étudiants, il pouvait se montrer entreprenant et m’emmener dans des endroits magnifiques. » Tu bouges les mains et créer la représentation théâtrale sans t’en rendre compte alors que ton subconscient retourne des années en arrière pour retranscrire la meilleure interprétation possible. N’a pas perdu une miette de ton bonheur d’antan et de tout ce que Larry pouvait faire pour un simple sourire de ta part. Ne peut pas l’oublier, même s’il continue à faire énormément d’efforts et à t’aimer comme aux premiers jours, tu ne peux pas en douter. C’est toi qui as changée, pas tant lui. « Nous passions des nuits sous les étoiles à rêver sans penser au lendemain et même à l’avenir.. » Tu ouvres les mains et laisse les doigts prendre l’espace pour créer une explosion en continuant ton récit. « Les feux d’artifices constamment, les festivals et quand il commençait à me bloquer dans les ruelles sans prévenir.. » Tu tournes les paumes de main dans sa direction en ouvrant légèrement les yeux comme une adolescente qui vient de prendre conscience de ce qu’elle dit et va se faire sermonner par son père, comme qu’il s’agit de ton fils. « Je veux dire, il était très agréable à vivre. » Tu replaces une mèche de cheveux et secoue légèrement la tête pour faire passer les quelques secondes de malaise avant de retrouver le regard de Romeo. « Il doit avoir ses raisons. » Pour terminer sur une note positive, pour ne pas affronter la réalité et pouvoir détourner le sujet à ta convenance. Ne pense pas que de montrer ce que tu ressens de cette façon puisse aider ton enfant qui se trouve dans une position bien moins avantageuse que la tienne en cet instant. Tu n’as pas le droit d’être égoïste.

« C’est vrai, aucun ne me mérite. » Tu lèves le menton et arrive à lui sourire avec une lueur dans les yeux qui pourtant ne devrait pas se trouver là. Il trouvera toujours les mots, quoi qu’il arrive et ne cessera jamais de te surprendre même dans ce genre de situation. Ce garçon ne peut pas être malade et ceux qui le connaissent un minimum doivent s’en rendre compte, pour son bien. Tu regardes quelques secondes le plafond devant l’authenticité du garçon et son honnêteté à toute épreuve, mais la vérité fait toujours plus mal que le mensonge. « C’est vrai.. » Encore une fois, n’a rien à rajouter devant l’évidence des mots prononcés. Tu souffles doucement, plus pour reprendre un peu de courage avant la suite que d’agacement en le perdant une nouvelle fois des yeux, ne sait pas comment affronter cette suite. « Je ne suis plus heureuse depuis trop longtemps, mais une chose me réconforte. » Tu n’as pas la moindre idée de comment retrouver le bonheur, de quelle façon il est parti, de toute façon, mais tu es certaine d’une chose. « Du moment que tu es là, il restera toujours à l’intérieur de moi. Reste avec moi et je pourrais l’être quoi qu’il arrive sans perdre l’envie de vivre. » Car ton simple malheur vient du reste de ta vie, Romeo est la lumière au cœur des ténèbres qui ne cessera jamais d’illuminer ton âme. Il parle de sa représentation à venir et d’un sourire tendre tu confirmes que tu ne risques pas de rater ça, impatiente de le rejoindre sur scène pour constater de sa réussite, qu’on puisse se rendre compte que personne n’arrive à sa cheville dans ce monde. Ce que tu penses et ne pourra pas t’en détourner quoi qu’on te dise, quoi qu’on fasse. Ton téléphone qui vibre et se met à vibrer alors que tu n’avais pas l’autorisation de vraiment l’avoir avec toi. C’est qu’on surveille de moins en moins ce genre de chose, commence à te demander si ces quelques erreurs ne sont pas identiques à celle de ton établissement. Tu observes l’écran et roule des yeux avant de décrocher, ne peut pas laisser passer une urgence. « Duncan ? » Tu hausses un sourcil et remonte légèrement les épaules sans regarder ton fils, n’aime pas qu’on puisse t’interrompre alors que tu n’as pas toute la journée, mais terminer dans le bureau du directeur ne serait pas la meilleure chose à faire en ce moment. Il n’est pas très agréable à vivre depuis quelques semaines, ne doit pas avoir ce qu’il veut avec sa femme, ce n’est pas toi qui lui donneras. « Tu n’as qu’à déplacer l’ergothérapie de Marta à 17h et tu donnes son Halopéridol à Bertrand juste avant. Tu sais ce qu’il se passe quand on oublie de lui donner. » Tu hoches rapidement la tête et ne prend pas le temps de lui accorder plus de temps en replaçant le téléphone dans ton sac. « Pardon, mon chéri. » Tu prends le temps de te lever et de lui faire face en posant les mains sur tes hanches, l’observant d’avantage. « On te laisse sortir pour te promener quand tu veux ? » S’il ne peut pas quitter sa chambre quand il veut, tu iras rapidement remettre le directeur de l’établissement à sa place, il ne peut pas rester enfermé de cette façon alors que tu commences toi-même à manquer d’air.

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