Les marches qui s'enchainent, les flammes qui s'embrasent. Pas celles qui sortent de son briquet, pas celle qui a brillé plus tôt au bout d'une cigarette sur le chemin du motel. Pas de celles qui ramèneront
Bobby à la vie le temps de quelques secondes pour la hanter. Rien de ces feux-là ; juste de ceux qui peuvent consumer le creux de ses reins. Qu'elle enfonce son regard sauvage trop clair dans les iris trop sombres, plaquée à même le mur, à venir la garder contre elle dans une possessivité méritée après une soirée passée à l'attiser. Toujours la même rengaine. Toujours la même tentation, comme une obsession malsaine dès qu'elle se retrouve dans la même pièce ombrée qu'elle. Passe une langue perfide sur sa lèvre inférieure, la gamine. «
Jamais, » qu'elle lâche contre sa bouche, qui retrouve sa jumelle du soir dans un baiser sulfureux. Les mains qui se crispent sur le tissu la recouvrant, objet de tous vices, à se dire qu'elle a bien d'la chance, Lucy, d'avoir tapé dans l'oeil de Novia, y a des mois déjà. Enfonce son regard dans l'sien mais ne répond pas, Lucy, bien tentée d'lui faire croire que c'est de sa faute à elle, oui. La porte qui s'ouvre, se referme, les enferme là dans une pièce qu'elle ne détaille même pas, parce qu'elle s'en fout, qu'ça pourrait bien être une cave décrépite qu'ça n'aurait aucune importance à cet instant-là, qu'tout ce qu'il compte, c'est d'assouvir ses désirs. On l'a pas souvent vue pantin de la sorte, la gamine de la rue, plaquée contre le mur de nouveau, à y incarcérer ses omoplates, le souffle qui se heurte au passage des lèvres sur sa gorge. À passer ses mains dans les cheveux abyssaux pour les enrouler entre ses doigts, comme pour y appuyer plus encore le contact de son visage contre son corps, à ne pas se retenir de tressaillir à ses mains qui se font plus vagabondes. À se cambrer pour affermir encore le contact, la lèvre inférieure qui se mordille, la tête qui se rejette en arrière contre le béton pour fixer le plafond. «
Tu n'peux pas y résister, hein ? » qu'ça se souffle en poumons déjà contrits sous les assauts d'un plaisir qui s'impose toujours plus en ligne de maître.
Tu peux pas me résister, à moi, qu'ça semble vouloir dire, désireuse d'affirmer sa position, à n'pas rester sur le banc de touche. L'armature qui se détend, qu'elle rebaisse les yeux vers elle pour la regarder faire. Pour mieux la sentir, mieux s'en délecter.
Et sûrement qu'la provocation sonne à ses oreilles comme une insulte, presque, qu'elle attrape son visage entre ses mains, à l'attirer au sien pour que ses lèvres puissent à son tour détailler le contour de sa mâchoire. Que ses dents s'invitent à l'exploration, crissant contre l'os qui la dessine. «
J'ai déjà été docile ? » qu'elle s'enquit, quand ça ressemble presque à une question piège, qu'l'affirmative pourrait carrément la faire changer de ton. Parce qu'Lucy ne s'est jamais vue comme telle. Qu'elle ne le sera jamais.
Sauvage, indomptable, imprévisible. Personne ne mettra totalement la main sur elle, elle se l'est promis. «
J'ai pas envie d'attendre, ce soir, » qu'elle souffle à même sa peau en la repoussant d'une main contre son ventre. Le regard ténébreux malgré la clarté de ses prunelles devenues électriques, qu'elle fait passer son t-shirt par-dessus sa tête, les cheveux retombant de part et d'autres de son visage taquin. À faire glisser le soutien-gorge le long de ses épaules, s'échouer au sol, l'écarter d'un pied. Détache ses épaules du mur pour revenir contre Novia, une main posée au creux de son dos. Bien décidée à lui montrer. Qu'elle n'sera jamais docile. Jamais.
La repousse de son corps contre le sien, ses lèvres revenues trouver leurs pairs, à les mordiller autant qu'à les embrasser avec une ardeur qui ne se cache plus. N'en sont plus à ça. La pièce trop étroite, sans doute que ça l'arrange bien qu'elle bute déjà contre le bord du lit au bout de seulement quelques pas, qu'elle la repousse presque violemment pour l'y voir tombée en arrière. Sans attendre une seule seconde, qu'elle grimpe sur elle à califourchon, à attraper les pans de son haut avec empressement. Y glisser ses mains en-dessous, à vouloir harponner son regard du sien sans vraiment le trouver plus de quelques secondes toujours, sans s'demander pourquoi, parce qu'elle s'en fiche bien, Lucy, d'la connaître au-delà de son corps qu'elle a apprivoisé aux fils des aventures nocturnes. Et alors qu'elle soulève le t-shirt, pour venir déposer sa bouche près de son diaphragme, qu'y a un sursaut qui la dérange. Et ça lui part de l'épaule, remontant le long de son bras jusqu'à sa main qui se serre autour de la hanche qu'elle a empoignée. Qu'elle fronce les sourcils une demi-seconde, titillée, interpellée. Est-ce qu'elle se serait plantée dans ses calculs ? La date entourée d'une croix rouge sur l'frigo de son studio, c'est demain, ou après-demain, elle sait plus vraiment. Et si elle n'avait pas vu les jours passer ? Non, peut pas s'planter, Lucy, pas avec ça. La cage du chenil qu'elle garde chez elle, juste pour ça. L'numéro de Creed prêt à être composé si la terreur est trop forte et qu'y a bien qu'à lui qu'elle peut l'avouer. Bien qu'il faudrait qu'elle cesse de se venger sur lui quand ça la prend. Non, sûrement qu'elle est trop excitée, qu'c'est que le plaisir qui fait tendre ses muscles de la sorte. N'jette même pas un coup d'oeil au travers du rideau opaque de la fenêtre, parce qu'elle n'peut pas s'planter. Et qu'elle n'peut réellement pas gâcher c'moment-là qu'elle a attendu toute la soirée. Réaffirme les dessins brûlants de ses lippes contre son derme, à y tracer des sillons incandescents pour mordiller la peau de son ventre, les mains qui se serrent sur la couture de son bas.
Sûrement qu'elle l'ouvre un peu brusquement. Qu'ça passera pour de la hâte, de l'impatience grisante, quand elle sent presque les coutures lui résister, qu'elle a envie de les déchirer avec ses dents. L'envie qui s'impose, aussi, de les utiliser sur sa peau, plus fortement qu'pour un mordillement sensuel. Et qu'elle ignore les signaux, Lucy, l'alcool diffus dans son sang suffisamment présent pour embrumer son esprit. Parce qu'elle peut pas s'planter, elle peut pas échouer. N'est-ce pas ?
Alors, sans doute qu'ça passera pour ça. Pour de l'envie sauvage de rencontrer son corps du sien, quand elle la débarrasse de son bas en tirant trop fort dessus, que ses muscles se contractent et qu'peu à peu, son esprit s'ankylose. À revenir sur elle, plaquer sa poitrine contre son ventre, les dents qui viennent s'agripper à sa peau. Relève les yeux une seconde, un frisson qui lui raidit la nuque. «
Et si c'est toi, cette-fois, qui allait se révéler docile ? » qu'elle souffle en grimpant sur elle, son jeans encore enfilé quand son bassin vient encadrer le sien et s'y presser avec impulsion, à attraper ses poignets pour les remonter au-dessus de sa tête pour l'immobiliser, soupirant à même ses lèvres qu'elle revient prendre en otage. Sans doute que sa bouche se fait plus empreinte d'animosité, quand ses dents viennent mordre sa langue avant de l'en délivrer, qu'on devrait pouvoir voir les prunelles qui s'obscurcissent si elle daignait bien ouvrir les yeux. Et la colère, sournoise, qui s'infiltre dans ses veines comme une épidémie, sans qu'elle ne puisse la déceler, fidèle espionne, cruelle alliée.
(c) mars, icons strangehell