| | fear is a place to live (lilith) | |
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| Lilith&Maluum
Sa marche était assurée vers son objectif, un bâtiment insalubre à l’atmosphère nuisible, mais qui amenait Maluum à une sorte de contemplation méditative. Il y avait dans ces lieux une aura qu’elle appréciait de par son silence et la réflexion qui en émanait. Avant d’y pénétrer, elle avait pris soin d’en faire le tour. Des murs recouverts de graffitis plus ou moins réussis, de hautes écritures qu’elle n’arrivait pas à déchiffrer suivies de paysage ou de portrait d’une culture populaire qu’elle connaissait mal, mais qui semblait inspirer un nombre important d’artistes. Elle les effleure du regard, s’attardant quelques fois sur des pierres recouvertes de ce produit toxique, qui l’intriguait plus que d’autres. Un éclairage rapide, l’endroit était aussi déserts qu’un chenil abandonné. Il y avait peu de circulation aux abords de la ville, seules quelques voitures semblaient circuler pour sortir ou entrer à Exeter. Hôtel à l’abandon, loin de la route, accessible seulement par une rue piétonne, entouré d'immeubles dont il était impossible de déterminer une activité humaine tant les fenêtres sombres vues de l’extérieur faisaient douter de leur viabilité. Maluum avait eu la charge de la reconnaissance de cet hôtel abandonné, ayant jadis appartenu à une famille qui abandonna les locaux pour des raisons obscures. Il était depuis devenu un refuge pour sans-abris, squatteurs, et autres individus qui ne craignaient pas l’insalubrité et les inconvénients apparentés. Mais une fois encore, même les plus démunis de la ville avaient abandonné l’endroit. Presque une décennie que le lieu était en proie aux souvenirs et aux affres de la météo sans qu’aucune âme humaine ne décide de le restaurer ou le détruire. Futur lieu d’exploitation pour les cyclops ou terrain d’investigation pour une potentielle expansion du territoire sur les abords de la ville, Maluum en saurait sans doute plus à l'issue de son rapport. Son but était précis : déterminer le niveau de présence surnaturel des lieux et en faire un rapport à destination du patron en personne.
Il lui restait un peu plus d’une heure avant le coucher du soleil. Une heure de lumière naturelle avant que l’obscurité engloutisse le bâtiment et elle avec. Sac en bandoulière vibrant derrière son dos au rythme de ses pas, Maluum s’engouffra dans l’édifice dont la porte grinçait à son contact, comme pour annoncer l’arrivée du nouveau visiteur qui osait bouleverser le trépas sinistre de ces lieux. Elle ferma délicatement la porte derrière elle, laissant claquer le verrou dans son dos. L’aura était funèbre, l’atmosphère humide et brumeuse presque palpable tant sa vision semblait perturbé par la poussière environnante. Une présence ? Il y en avait plus d’une. Mémoires immatérielles qui émanaient des murs, les cadres aux portraits penchés, les objets calfeutrés dans leur épaisse couche de poussière grise.
Le périmètre du rez-de-chaussée fut rapide. Les résidus des précédents locataires traînaient de part et d'autre du hall d’entrée. Ce qui s'apparenterait sans doute à une salle à manger était devenu un amas de matelas, chaises renversées, tables encombrées … Tout résonnait comme un témoignage de plusieurs décennies d'abandon cumulées. Une odeur d’humidité suspecte flottait dans l’air. Maluum se devait pourtant d’inspecter toutes les pièces. Elle ne savait si les plans qu’elle s’était procurés étaient caducs, leur date d’origine remontant à la création de l’hôtel, vieux des années cinquante. Attentive à ses pas, son regard virevoltait à la fois entre les encombrements et les murs aux inscriptions diverses, dédicaces, obscénités, papiers peints déchirés. Elle retrouvait également des dessins familiers, style similaire qu'elle avait vu sur les façades à l'extérieur, des graffitis et calligraphies presque dignes d’intérêt. La marche aurait pu être mystique, si l'esprit se fermait et faisait abstraction de la diversité de l'insalubrité. Maluum continua sa quête à l’étage. Les marches de l’escalier étaient larges, chaque palier regorgeait d’inscriptions, de dessins, témoins de plusieurs vies délaissées. La recherche dans les chambres fut particulièrement aisée, les portes ayant été pratiquement toutes ouvertes par les précédents "propriétaires". Son objectif commençait à prendre forme. Au milieu des tableaux brisés et objets harassés, Maluum trouva au bout de sa troisième tentative de fouille un marquage au sol. Cette chambre était particulièrement délabrée, les meubles avaient leurs battants brisés. Un cercle quelque peu effacé par l’usure du temps, la craie utilisée loin d’être pérenne. Quel type de rituel ? se demanda Maluum, curieuse de l’historique que pouvait offrir ce lieu. Un cercle de cette circonscription ne pouvait que contenir un symbole, mais aucune inscription n’était visible. Pour quel type d’entité ? s’interrogea-t-elle de nouveau en passant ses doigts sur le sol crasseux à l’épaisse couche de poussière. Elle se releva, curiosité piquée, pour continuer son inspection dans les autres pièces. Car à la vue de ce cercle où rituel et prière ont dû avoir lieu, une autre interrogation lui vint à l'esprit et la poussa à finir son travail. Est-ce qu'il y en a d'autres ?
Maluum poussa la porte d’un geste vif, si bien que la présence qui jaillit sous ses yeux lui valu une clameur de surprise. Une jeune femme se tenait non loin d’elle dans le couloir. « Ça alors … » plus pour elle-même que pour la jeune femme lui faisant face, un ton mêlant à la fois le soulagement et la curiosité. Trouver une présence vivante dans ces lieux était surprenant et inattendu. Maluum avait été assuré que le bâtiment était vide. À moins qu'elle aussi, ait une bonne raison de s'y trouver ? Réalisant que ses yeux ne la trahissaient pas et qu'il s'agissait d'une personne physiquement présente, Maluum s’autorisa quelques secondes d'observation. « Si je m'attendais à croiser quelqu'un … oh … oh ?! » finissait-elle d’une voix perplexe, saisissant l’amplitude de l’attirail qu’avait en main la jeune femme. « Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi vous vous baladez avec ça ? » demanda-t-elle avec un ton de reproche, incapable de prononcer le nom de ce qu’elle désignait d’un regard anxieux. Maluum savait malheureusement trop bien de quoi il s’agissait. Un appareil photo, l’objet qui faisait naître une inquiètude appréhension chez Maluum de par ce qu’il produisait. Des photos, images capturant l’âme, enfermant les vestiges du passé, chose qui l’effarait depuis aussi longtemps que ses souvenirs remontaient. Montrant dorénavant ll’objet d’un doigt accusateur, Maluum semblait incapable de regarder son interlocutrice dans les yeux, ne voulant pas perdre la bête des yeux. Ses sourcils creusèrent un trou béant sur son front, sa main libre accrochée à la lanière de son sac, prête à en sortir un quelconque objet pour se défendre, bien qu’il pouvait être périlleux d’essayer de se défendre contre un tel accessoire. Son instinct la fit reculer d'un pas. Le sentiment d’une prémisse à une peur qu’elle n’avait pas affrontée depuis longtemps, car elle prenait un soin chirurgical à ne pas avoir à faire à ce type d'objet. Mais la soudaine présence de cette jeune femme avait transformé l’atmosphère du lieu en une silencieuse marche contemplative en un face-àface avec une anonyme inquiétante et dangereuse.
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| Tu ne peux pas terminer le book de la semaine dernière avec Soledad à cause d’une mauvaise grippe, c’est ce qu’il faut se dire quand vous commencez à ne plus reprendre le fil de la relation. Elle n’a simplement pas eu l’occasion d’allumer son téléphone et tu ne peux décidément pas terminée la journée seule dans ton appartement avec tes souvenirs. Il faut combler le manque de clichés d’une autre façon, pourquoi pas avec une petite aventure dans cet endroit dont t’avait déjà parlé Zéphy pendant une de vos balades. Tu voulais t’y rendre de toute façon, la nuit qui ne peut pas te faire peur alors qu’en Norvège se trouve un monstre bien plus dangereux que tout ce qui pourrait vivre dans cette ville. Ton père. Tu attrapes ton sac et le redresse sur ton épaule en prenant soin de ne pas tomber au moment de descendre les marches de l’autobus, un bref sourire au chauffeur avant de retrouver la sensation d’air sur ton visage. Tu fermes les yeux une minute pour profiter pleinement, sait le faire depuis quelques années alors que l’impression d’avoir des menottes aux poignets disparait d’année en année. Il ne faut pas se demander pourquoi la guérison prend autant de temps, sûrement parce que la souffrance imposée était d’une extrême violence et qu’il faut plus qu’une séance de psychologie pour arriver à s’en remettre. Tu attrapes ton appareil photo rapidement et commence à mitrailler tout ce qu’il passe devant ta vision périphérique, c’est pratique de pouvoir effacer les photos non désirées. Tu pourrais assumer de prendre des risques et beaucoup auraient raisons d’essayer de t’empêcher de sortir seule surtout quand le soleil va se coucher. Tu n’écoutes pas. Même si tu possède ce don particulier et apprend à te défendre depuis plusieurs mois avec Olympia ce n’est pas une raison pour jouer à ce point avec le feu. Une enfant qui découvre le monde et ne veut plus jamais porter de chaîne quitte à danser avec le seigneur de l’enfer en personne.
Tu arrives devant la fameuse sans te perdre ce qui est une première quand on connaît ton sens de l’orientation, il faut remercier la chance pour cette fois même si ça ne sera pas toujours le cas. Tu découvres un danseur de Hip Hop tagué sur le mur à droite de l’entrée avec des couleurs chaudes, décide de le photographier sans exclure la vitre explosée à ses côtés. Trouve du beau dans ce qui ne devrait pas l’être, sait le marier avec la destruction et le néant comme si tu pouvais voir dans le Styx un véritable éclat. Ce n’est pas simple de tout voir, c’est même impossible et pourtant en prenant le temps de ne jamais se précipité et en levant les yeux un peu plus il sera possible de découvrir véritablement le monte tel qu’il est pour de bon. Magnifique. C’est ce que tu veux montrer dans tes clichés, ce que personne ne peut voir et qui pourtant se trouve devant vos yeux depuis le commencement. Tu pousses d’une main hésitante la porte qui grince longuement comme pour te mettre la flippe et te demander de rentrer tout de suite chez toi, un large sourire qui s’affiche quand tu actives le mode courage. Tu passes en opération ninja et ça va faire mal. Le premier long couloir qui donne un comptoir faisant penser à une salle de réception, tapote sur la sonnette qui n’émet plus au son et t’accoude sur le bois comme dans l’attente de voir arriver une personne qui te donnera les clefs de la chambre. « Madame Solheïm, je vous prie de bien vouloir me donner votre meilleure suite pour mon mari et moi-même. » Tu secoues la tête de gauche à droite pour montrer que tu es quelqu’un d’important et n’a pas le temps pour se genre de broutille avant de ricaner comme pourrait le faire une gamine de dix ans tout au plus. Ne peut jamais garder ton sérieux trop longtemps, sûrement à cause d’un passé qui ne donne à personne envie de sourire et qu’il faudrait pouvoir balayer d’un revers de main. Ce qui n’est pas possible.
Tu photographies le comptoir ainsi que les documents éparpillés avec plusieurs mouvements de l’index avant de retourner dans le grand hall pour prendre le chemin des étages calmement. Tu n’as plus peur depuis longtemps, l’habitude de grandir dans ce genre d’ambiance alors que la seule crainte était celle de ne pas arriver à pousser la porte. C’est bon, maintenant. Les toiles d’araignées au premier dans chaque recoin alors que tu penches la tête pour essayer de ne pas marcher sur de la matière dangereuse, ne voudrait pas terminer à l’hôpital sans une bonne raison. Tu continues à mitrailler préférant avoir plus de contenu que pas assez comme souvent, pouvant espérer de créer une belle page sur cet ancien hôtel sur ton site. De quoi le faire découvrir à plus de monde, qu’on puisse y voir de la passion malgré l’aspect sale et délabré qui ne donne pas envie à première vue. Tu arrives dans le couloir du fond et capture la vitre qui change de couleur au passage de la lumière avant de sursauter quand une voix raisonne à l’opposé de ta position. Une femme qui s’avance dans ta direction et qui arrête sa course rapidement alors que tu plisses les yeux pour essayer de mieux voir qui vient de s’inviter à la fête, ne savait pas qu’une autre personne pourrait se trouver ici surtout à cette heure. Ce monde est plein de belles surprises, ce qui vient seulement le prouver une nouvelle fois alors que ton sourire affiche une mine délicieuse. Accueillante. « Bonjour. » Elle n’a pas l’air très à l’aise et pose une question, tu regardes ton appareil un instant sans vraiment savoir de quoi elle parle et décide de le mettre dans ton sac sans plus réfléchir à la situation. N’aime pas trop se creuser la tête de toute façon alors que tu sautilles presque dans sa direction, avant de taper une fois dans les mains comme pour lancer le clap de début de votre rencontre sans perdre le sourire. Tu pointes un index dans ta direction. « Je suis Lily. Et toi ? Vous ? » Ne sait pas ce qu’on doit dire dans ce genre de situation, préfère la simplicité et la joie pour affronter toutes les situations. Ce n’est pas nouveau. « Pourquoi je me ballade avec quoi ? » Pose une question pour ce qu’il vient de se passer sans se douter que ce qu’il se trouve dans ton sac et une bombe à retardement aux yeux de cette dame. Tu tournes sur toi-même dans le couloir pour prendre connaissance de la situation avant de plonger tes yeux couleur océan dans ses pupilles un léger rictus sur le coin des lèvres. « Vous êtes une vraie personne au moins ? Tu ? » Tu sais que les fantômes ce n’est pas des conneries et voudrait pouvoir en rencontrer un, mais cette femme est trop réelle pour en être un, une prochaine fois sûrement. |
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| Avenante, l’inconnue lui offrit un sourire si bienveillant que Maluum en avait presque oublié l'incongruité de la scène. Un Bonjour accueillant auquel elle répondit par un sourire aimable. Cependant, son esprit était préoccupé par autre chose pour daigner répondre à son amicale salutation. Bien que ses yeux tentèrent de garder la jeune femme en ligne de mire, elle ne put empêcher des regards furtifs vers l’appareil photo que la dénommée Lily rangea dans son sac, pour son immense soulagement. Maluum se dé-raidit peu à peu, et s’accorda même un soupçon de surprise face à l’enthousiasme dont émanait cette jeune femme. Son regard alternait entre l’index qui la désignait, et son visage en proie à une sorte d’excitation juvénile. « Enchantée, je suis Maluum. Tu peux me tutoyer. » rajouta-t-elle d’un ton courtois, la situation amenait effectivement à la familiarité plutôt qu’à la courtoisie. Puis sans le savoir, alors qu’elle refit mention de l’objet de son appréhension, Maluum haussa ses sourcils qui se retrouvèrent malgré elle au milieu de son front, paralysant la moitié de so nvisage. Elle tenta de se reprendre, cherchant calme et dignité face à sa question en feignant l’incompréhension. Immobile, Maluum sourit de toutes ses dents, paradoxe disgracieux à côté de son regard qui était exorbitant. « Oh, non, rien du tout. Absolument rien. » qu’elle répondit d’une voix un peu trop aigüe sur la dernière syllabe, préférant agréablement que l’appareil photo ne soit plus sous ses yeux. Maluum réalisa soudainement qu’elle avait dû lui paraître froide à sa première impression, son appareil lui ayant totalement bloqué toute capacité à la sympathie, trop préoccupée à se défendre.... elle n’était pas certaine de quoi, mais ce qu’elle savait c’était qu’elle devait s’en protéger.
Maluum observa Lily qui tournoyait sur elle-même, comme pour analyser son environnement. Elle s’approcha de telle sorte que Maluum percevait de façon tenace son regard profondément bleu plonger dans le sien. Sa deuxième question la fit sourire. Réelle ? Il y avait des jours, mais surtout des humeurs, où elle se demandait également si son âme n’était pas coincée dans un entre-deux obscur de réalité et d’illusion. « Ah, réelle, oui, il me semble bien que oui. » répondit-elle amusée et jouant sur l’étrange atmosphère des lieux qu’elle appréciait, dû à cette insalubrité mystique qui lui apportait une sorte de tranquillité intérieure. Sauf si une inconnue apparaissait avec l’objet de ses craintes. Bien que Maluum trouvait sa question étrange, elle admit intimement que le lieu était adéquat. Mais elle n’en demeurait pas moins intriguée, aussi bien par la jeune femme que par sa présence dans ce lieu aussi délabré et éloigné de la ville. « Est-ce que tu en as déjà rencontré ? Des entités… non-réelles ? » demanda-t-elle en refermant doucement la porte derrière elle. Était-ce pour dissimuler le cercle à la craie blanche qu’il y avait dans cette pièce ? Sûrement, bien qu’il soit inoffensif en l’absence de symbole. Cependant, elle était loin d’avoir visité toutes les pièces et sa curiosité semblait l’entraîner à déambuler dans les autres parties de l’hôtel. Et également parce qu’elle mettait un point d’honneur à fournir des rapports les plus complets possibles au boss et que son instinct lui chuchotait que le meilleur était à venir et surtout à voir. « Dis-moi, que faisais-tu juste avant de… de me trouver ? Tu viens souvent ici ? » interrogea-t-elle tout en louchant presque indistinctement sur le sac où Lily avait rangé son appareil photo, tentant de garder son regard dans le sien pour ne pas subir les mauvaises ondes de l’objet et conserver une concentration adéquate. Maluum quant à elle, n’avait concrètement aucune raison également de se balader dans un hôtel insalubre aux bordures d’Exeter. Mais l’apparition soudaine de Lily la rendait dubitative. Ce lieu n’était peut-être pas si abandonné ? Dans ce cas-là, les plans du clan devraient être revues et mis à jour. Maluum songea au boss, à ses projets auxquels les déconvenues inattendus n’étaient pas pour lui plaire. Il patientera. Ainsi que les autres. La qualité du travail primait sur la rapidité d’expansion de leur territoire. Maluum privilégie la réflexion à la précipitation. Cette rencontre pourrait tout aussi bien la ralentir au regard de l’emploi du temps, mais l’enrichir de témoignage instructif.
Maluum s’autorisa quelques pas autour de Lily, tout en gardant une distance respectable, pour s’assurer qu’elle contrôlait à la fois ses mouvements et pouvait préméditer les siens. Elle ne savait pas à quel point la jeune femme pouvait être imprévisible, et avec l’arme que Lily possédait, son esprit étant de ce fait davantage apaisée si toute sa silhouette était sous ses yeux, contrôlables, un minimum. « Tu es tombée sur des choses intéressantes ? » se risqua-t-elle, curieuse de ce que ses yeux novices auraient pu observer peut-être sans le comprendre dans des endroits encore inexplorés par Maluum. Elle regarda autour d’elle, comme priant qu’un élément tombe du ciel et lui prouve la valeur de cet endroit. Hormis le papier peint déchiré et le plancher grinçant, il n’y avait rien dans ce couloir qui pouvait assouvir sa soif. Maluum s’arrêta près d’une fenêtre aux vitres fissurées et à l’opacité démesurée. Elle pouvait cependant percevoir la faible lumière du ciel annonçant un crépuscule imminent. « Il va bientôt faire nuit. » qu'elle chuchotait, pour les murs, pour elle-même, pour Lily si elle pouvait l'entendre. Maluum avait eu conscience de son départ tardif pour son exploration, et elle avait de quoi s’éclairer, s’assurant un semblant de sécurité si l’obscurité venait à les engloutir totalement. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, s'autorisant de nouveau quelques pas vers la jeune femme dont la présence troublait certes sa mission de reconnaissance, mais lui apporterait quelque chose, elle le pressentait. Rien n'arrive par hasard, songea Maluum. Et cette Lily allait peut-être avoir un rôle à jouer.
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| Ce n’est pas dans tes habitudes de ne pas faire confiance dans la seconde, c’est pourtant impossible de ne pas laisser la nature faire son chemin. La gentillesse qui se montre à la moindre opportunité alors que la peau reste meurtrie après toutes ces années. Tu ne peux pas tomber pour ta famille, n’a pas le droit de tomber pour rien dans une peur qui ne pourrait plus donner l’impulsion nécessaire à ton cœur pour continuer de battre. Se réveiller à chaque geste, au moindre regard qui pourrait sembler étrange et même si tu ne pourras jamais te détacher de ce genre d’endroit, il semblerait que tu restes cette victime qui d’une façon ou d’une autre ne connaîtra jamais une fin heureuse. Pas après tout ça. La femme qui te laisse avec tes doutes et qui pourtant ne ressemble pas à une menace, tout comme cette mère qui entre deux câlins aimait joindre les mains pour te donner à l’ange qui sans ses ailes ne retrouvera jamais le paradis. Le bout du doigt qui vient frôler ton menton alors que tu plisses légèrement les yeux sans la perdre d’un centimètre. « D’accord. » Le sourire qui s’affiche juste après en dit long sur l’innocence de ce doux visage qui n’est pas qu’une façade, l’acceptance qui ne se fait plus attendre et qui dans cette ultime confiance te permet d’approcher d’elle un peu plus. Tu tapes dans les mains sans prévenir et plaque les mains de manière dramatique contre ta poitrine en soufflant comme pourrait le faire un camionneur avant de reprendre plusieurs heures de routes sans voir sa famille. « J’ai eu la peur de ma vie ! Ne faut plus jamais me faire un truc comme ça. » Tu balaies l’air d’un revers de main avant de baisser toutes les gardes, laissant la barrière de ta méfiance percuter le sol pour disparaitre dans le néant.
Tu pinces du nez et hausse un sourcil à sa question, pourrait presque chercher les caméras pour voir si ce n’est pas une blague de la radio amateure du coin. Il doit bien y’avoir ce genre de canular à Exeter, ce n’est plus un secret que cette ville est pleine de personnes assez étranges. « Je n’ai jamais eu l’occasion d’en voir, mais je demande que ça ! » N’a pas le temps de mentir. Tu n’aimes pas les anges ou même les démons dans les histoires depuis que tu as eu vent de la réalité au sujet de la secte, ne peut pas t’empêcher d’avoir un souvenir des premières semaines à Exeter dans la salle de bain à ne plus pouvoir garder tes repas. Cette information qui créer l’incendie dans tes entrailles, apprendre que tu n’es pas vraiment la fille de Lucifer est à la fois un soulagement et une douleur impossible à comprendre. Le simple fait de se dire qu’il n’était pas ton père, qu’il n’avait pas besoin de ressentir de l’amour pour son unique fille avant de la donner en sacrifice. Cette idée que tu ne puisses pas être humaine aurait donné une raison à tes vrais parents pour ne pas te donner d’amour, sauf qu’une excuse, ils n’en ont pas. « C’est la première fois, mais j’aime me retrouver dans ce genre d’endroit pour prendre mes photos. Je suis du genre à aimer la solitude. » N’a pas le choix. Ne te demande même pas pourquoi tu racontes ta vie, pourquoi tu ne sais jamais garder le silence et tracer ton chemin à croire que l’humanité pourrait s’intéresser aux problèmes d’une jeune femme qui arrive facilement à se perdre dans la foule. Une grande fourmilière dont il est beaucoup plus simple d’être seul. Tu as toujours rêvé de plus, tu avais l’habitude de te voir dans les hauteurs et c’était beau. Dans un coin de ton esprit, ce rêve ne pourra jamais mourir. « Pourquoi ? Vous arrivez à voir les fantômes ? » Arrive à tutoyer pour faire le contraire juste après, quand on sait quel genre de personne tu es, ce n’est plus un choc. Il faut juste arriver à s’y faire.
Tu pointes l’index dans sa direction sans perdre le légendaire sourire qui ne peut plus partir de ta bouille, comme une évidence. « J’ai pris des photos, je peux te montrer si tu veux ? » Ce n’est pas un secret, tu n’as même pas de nom dans le domaine alors que cette simple vie dans l’ombre à pouvoir cliquer encore et encore te donnera le bonheur suffisant. Jusqu’à ce que les chiens viennent te prendre pour t’emmener au Purgatoire. Tout le monde doit payer, même les innocents. Tu observes les alentours, n’a pas besoin de répondre à l’évidence alors que tu savais que le soleil allait se coucher avant même de mettre les pieds dans cette maison. Cette façon qu’elle a de le dire déclenche un frisson dans ton dos, comme si tu avais pénétré dans l’antre d’un monstre. Comme s’il n’arrivait qu’à sortir de sa cachette seulement pendant la nuit, cette impression que tu ne pourras jamais t’échapper malgré la distance, que le mal se trouve de partout et qu’il est absolument impossible de s’enfuir. Il sait comment te trouver, il pourra toujours le faire avec beaucoup de facilité. Tu plonges la main dans ton sac à la recherche de ton appareil, il ne sera bientôt plus possible de voir sans s’aider d’une lumière artificielle. Impossible avec l’œil nu, c’est faible un humain. |
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| Une innocence avérée se lisait sur les traits de Lily. Aussi inconsciente qu'irréfléchie, sans doute n'avait-elle réellement aucune idée de la dangerosité du lieu. Un péril dont l'occulte qui émanait des murs de cet hôtel aurait pu, aurait dû, faire reculer la profane. La plupart tremblaient à la vue des débris et de l'atmosphère ombrageuse du bâtiment. Mais pas la jeune femme. Lily, elle, claqua des mains et souffla pour soulager l'appréhension ressentie face à la véritable nature de Maluum à la densité humaine affirmée. Même qu'elle était curieuse, cette jeunesse dont l'innocuité la troublait. Peut-être l'oubliait-elle, qu'il y avait encore parmi eux, des individus à l'ignorance candide et bienheureuse. « Pardonne-moi, promis, plus de frayeur. », qu'elle tenta de la rassurer, serment dont elle n’avait en réalité aucun pouvoir. Maluum ne cherche pas à effrayer, la ville s'en occupe pour elle. Elle éloigne les curieux, écarte les fouineurs. Mais il y a des éléments qui persévèrent, comme Lily, qui n'ont que faire des avertissements. Provoque le destin, cherche à rencontrer les âmes des défunts, suite à quoi Maluum sourit, ironie folâtre de son commentaire car souhaiter rencontrer les esprits étaient réservés aux personnes les plus affûtées. « Prend garde à tes souhaits, ils se réaliseront peut-être. » Délibérément vague, les esprits sont capricieux, les rituels aident à attirer certaines âmes dans le monde des mortels. Mais uniquement les bavards, ceux qui aspiraient à communiquer. Maluum en avait fait les frais, d'un mari et d'un enfant sourd à ses prières.
Et elle se confie. Maluum aurait pu relever que la solitude était également une de ses plus proches compagnes. Or son esprit et ses réflexes de survie furent réveillés par un mot qu'elle étiquette parmi les expressions vulgaires. Mes photos. L'appareil massif qu'elle avait auparavant aperçu était digne d'une professionnelle. Elle ne s'y connaissait pas assez à dire vrai, mais son esprit classait indubitablement les objets à gros objectif comme étant la source d'un danger imminent. Alors elle détourna son attention. Inutile de s'attarder sur des objets futiles. Inutile également de faire naître un quelconque rictus à ses traits à la simple évocation de l'appareil. « La solitude inspire la créativité. Ce... genre d'endroit est propice au recueillement je te l'accorde. » Rapide coup d'œil aux murs dudit endroit, vétuste, en ruine, historique. Si elle avait été artiste, sûrement qu'elle aurait puisé son inspiration dans l'atmosphère ésotérique de l'hôtel abandonné. Dans les velours poussiéreux des couloirs vides aux tableaux ombrageux. Songe vite délaissé lorsque Lily s'accorde un nouveau vouvoiement qu'elle ne releva pas, se contentant de répondre l'air neutre saupoudré d'un ton narquois « Tout le monde peut les voir. » qu'elle précise simplement, un sourire taquin aux lippes. Vérité accrue, notamment en ville, cette ville, particulière, étrange, l'antre des esprits refusant l'au-delà, le mystère absolu à éclaircir pour Maluum. Pourquoi refuser le meilleur ? Quelle est la force qui ancre l'âme des défunts aux côtés des vivants ? Les réponses sont l'équivalent de son propre Graal, exclusif, jalousement étudié, férocement appliqué.
Une atmosphère peut changer selon bien des facteurs. Dans le cas présent, ce n'étaient ni les murs avachis, ni l'ambiance décrépie qui métamorphosa l'innocente conversation en bombe à retardement. Ce fut la proposition de Lily, indécente, de montrer ses photos. Une indécence chaste à laquelle Maluum refusait toute confrontation immédiate. « Non ! » s'exclama-t-elle, fermement lorsqu'elle l'aperçut enfoncer sa main dans son sac. Sûrement qu'elle touchait déjà l'objet maudit de ses doigts fins. « Inutile, comme je te l'ai dit, il fera bientôt nuit. On ne peut pas perdre plus de temps. Je te raccompagne en ville. Nous irons explorer ce lieu une autre fois. » Ton affirmatif dans le secret objectif de ne plus lui laisser le choix. Maluum s'approche de la jeune femme en enroulant son bras autour de ses épaules. « Suis-moi. » et elle l'entraîne vers les escaliers, l'incitant à descendre. Son repérage attendra. Elle tâchera d'y revenir, tôt le matin, lorsque les vivants dormaient encore.
Malgré sa main sur son épaule, elle l'effleure à peine, empêchée par un instinct incertain qui l'empêchait de poser entièrement une parcelle de son corps contre le sien, malgré la couche de vêtement sur la peau. Comme si les ondes de son appareil pouvaient l’atteindre par un simple contact avec sa propriétaire. Avec précaution, elles descendent les marches instables de l’escalier en colimaçon. « On ne pourra bientôt plus voir grand chose, même sur le chemin du retour. Ce quartier est faiblement éclairé, trop abandonné... Tu as une lampe sur toi ? » Maluum avait le nécessaire. Par habitude, ne partant jamais repérer un lieu sans un matériel adéquat. Elles avaient maintenant atteint la porte d’entrée. Une porte massive qui refusait brutalement de s’ouvrir. Subitement confuse, elle fait face, interdite, à la poignée qui s’obstine malgré son acharnement. « Très bien. » qu’elle conclut face à l’évidence de sa défaite. Elle se retourna vers sa comparse en abordant un sourire rassurant. « Ce n’est rien, ce type de bâtiment à plusieurs accès, cherchons une autre sortie. » Maluum indiqua le couloir qui se présentait derrière Lily d'un geste du menton. Une allée aux nombreuses portes entrouvertes. Elle y était encore il y a quelques minutes, ne s’étant pas préoccupée de chercher la sortie de secours qui devait sûrement se trouver à l’opposé de leur emplacement. Quelques pas de plus suffiraient à les faire s'engouffrer dans l'étrange mystère de ce lieu endormi. Maluum prit l'initiative d'entamer une nouvelle marche dans le corridor au papier peint décrépi en s'assurant que Lily suivait ses pas. Inconnue, dangereuse même, en raison de son attirail damné. Mais elle appréhendait de la laisser seule dans le dédale de ces pièces ténébreuses. Saurait-elle se défendre ? si les âmes des défunts venaient à apparaître soudainemen ? Dans ce lieu repéré par le boss comme étant chargé d'activité douteuse.
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