new kings (bane)

we're the new kings

Dehors, le froid l'accueille comme une bouffée de soulagement. Elle en rit encore, Lucy. Il ne doit pas être loin de minuit, peu importe, il pourrait être bien quatre heures du matin qu'elle en rirait encore, la gamine. Elle les a bien eus, ces vieux cons. Tous autant qu'ils sont. Ils pensaient quoi ? Alors oui, elle en rit. Les a sûrement rudement frustrés, mais c'est son jeu préféré, à Lucy. Se jouer des autres. Profiter des autres. Toujours quelque chose à tirer, même si ça n'est qu'un plaisir cruel d'avoir gagné un quelconque jeu stupide. Le jeu du tu crois que tu vas m'avoir alors qu'elle s'est déjà enfuie. Sauvage, indomptable. Se l'est promis, à jamais, elle le restera. Et la démarche dansante, en sautille presque, l'alcool dansant qui lui tire des airs de plus en plus mutins. De plus en plus enfantins. La rue est à elle, la Terre entière, à cet instant. Tient encore fièrement sur ses jambes, pourtant, la petite, mais elle n'entend pas les pas derrière elle. La porte, qui s'est rouverte, puis refermée. Les démons qui l'ont suivie dans sa fuite qu'elle pense gagnée d'avance. Avec leur ego en main, qu'elle s'est barrée et arpente les pavés, le coeur léger comme une montgolfière prête à décoller. Enfant de la rue, en connait chaque recoin, chaque secret. S'dit qu'elle n'a pas envie d'appeler un taxi, pas de quoi le payer de toute façon, qu'elle préfère rentrer chez elle à pied, qu'elle ira même longer l'océan pourquoi pas, y tremper le bout de ses pieds. Même s'il fait froid. Lucy n'a pas froid, là. Elle bouillonne de cette énergie qu'on ne saurait la savoir positive ou négative. Alors sans doute qu'elle sursaute un peu, quand on la saisit brusquement par le bras pour lui faire volte-face.

Qu'elle a l'impression d'avoir raté une marche, la gamine, quand son regard clair de braque durement dans ceux des six bonhommes du bar. Non, ils sont sérieux ? Ils l'ont suivie ? Et Lucy, sous leurs mentons arrogants, elle se permet même de leur rire au nez. Provocatrice. « Vous êtes sérieux ? Vous courez souvent en groupe comme ça après une pauvre demoiselle ? » Le rire, plus fort, devient plus cassant. Plus dangereux - tout autant que la situation dans laquelle elle ne semble pas avoir conscience d'être. Elle dégage brusquement son bras, le cercle se resserre autour d'elle mais Lucy garde le menton bien haut. Baisse les yeux, que ça résonne dans son crâne et jamais, jamais elle ne l'a fait. Ni avec Erik, ni avec quiconque. « On dirait une meute de chiens boiteux, qu'est-ce qu'il se passe les gars, vous avez perdu la trace de votre chevreuil ? » Se marre, la petite, et se faufile furtivement entre deux corps. Bien vite ramenée au centre, un peu trop brusquement, elle en vacillerait presque. « J'espère que t'as fait ta prière. » Elle hoquète, mais pas de peur comme ils l'attendent sûrement. Elle s'approche de celui qui a parlé. « Ma prière ? À qui, à ta mère ? » Crache à ses pieds, le regard assuré, sans doute trop. Sûrement que c'est ça qui lui vaut la première gifle, qui manquerait de lui retourner la tête. La joue cuisante, elle relève un regard haineux sur eux. Ils ricanent, les chiens. Sans se démonter, cherche un appui solide sur le sol, prête à esquiver plus qu'à rendre les coups. Parce qu'il va y en avoir, n'est-ce pas ? Mais Lucy, ça ne lui fera pas baisser la tête. Parce qu'elle en a déjà pris.

Un signe au serveur pour qu'il lui remette la même chose : troisième verre de whisky. Encore un et il arrêtera là. Parce qu'il s'arrête quand il boit en dehors de chez lui pour la bonne et simple raison qu'il rentre en moto et qu'il a déjà failli... Non, il est déjà mort une fois et il ne tient pas à retenter l'expérience Bane. On peut dire que ça lui a suffi de passer de l'autre côté pendant quelques minutes, et ça a beau faire déjà presque quatre ans, il a l'impression que c'était hier. Pas agréable de mourir, il pourra vous le confirmer. En tout cas, pour lui, ça a pas été agréable. Du tout. Donc il fait gaffe Bane, à pas trop boire, à pas trop se mettre la tête à l'envers pour éviter d'avoir un accident. Cette chienne de vie, il y tient l'air de rien. Il s'accroche comme un con. Alors pas plus de quatre verres non. Limite qu'il s'est fixé comme un grand. Mais déjà, l'effet de l'alcool se fait sentir et il adore Bane. Cette sensation, en lui. Et puis il sait que du coup, quand il va rentrer, Malo sera moins présent parce qu'il aura de l'alcool dans le sang. Il se finira d'ailleurs chez lui, comme bien souvent. Comme trop souvent en réalité. Parce qu'en vérité, c'est bel et bien pour ça qu'il boit autant Bane : pour moins voir les esprits, pour moins voir celui de son fils qui le hante encore aujourd'hui. L'alcool lui permet de souffler alors quand il peut ne pas s'en priver... Y'a cette nana qui vient s'installer à côté de lui alors qu'il est prêt de terminer le troisième. Il lui adresse un regard en biais et elle a beau être charmante, elle a beau battre des cils et lui faire un sourire charmeur, Bane ne marche pas. C'est rare qu'il marche. Parce qu'il a quelqu'un d'autre dans la peau. Parce que ce grand con se fait du mal en se faisant du bien avec Nox. Alors un sourire poli et un refus qui l'est moins mais ça, c'est parce que Bane, il a du mal à s'exprimer autrement. Quand on le connaît on sait, mais quand on le connaît pas on peut se vexer et ça ne manque pas puisque la femme quitte son tabouret pour aller s'installer ailleurs. Un soupir avant qu'il ne termine son verre et finalement, il n'en prendra pas de quatrième. Il préfère rentrer.

Se saouler chez lui comme il a l'habitude de le faire.

Son cuir des Cyclops sur le dos, il quitte finalement le bar, décidé à rentrer chez lui. Et alors qu'il est prêt à grimper sur sa harley, il entend des bruits qui attirent son attention. Froncement de sourcils alors qu'il tend l'oreille. Y'a ces exclamations, de douleur s'il ne se trompe pas, et ces bruits sourds. Ces bruits de coups. Quelqu'un se fait passer à tabac pas loin. De ça, il est certain. Alors il oublie la bécane et il ne réfléchit pas, il glisse ses clés dans la poche arrière de son jean et s'avance en direction de la ruelle d'où viennent les bruits. Et il se fige un instant, Bane, quand il devine les silhouettes, quand il comprend ce qui est en train de se passer. Il la voit, la fille, au sol, qui tente de protéger son visage avec ses bras et qui encaisse les coups de six types. Six types sur une fille... Alors il voit rouge Bane. Bien sûr qu'il voit rouge. Il jette un regard circulaire, avise son environnement et c'est une barre de fer rouillée qu'il jette son dévolu. Il se penche pour la récupérer et s'approche de l'attroupement. Il siffle Bane. Pour attirer l'attention. Mais quand il le fait, il est déjà proche du premier. La barre de fer rencontre le crâne du type qui se retourne vers lui. C'est violent. Aussi violent que peut l'être Bane et il peut l'être. Il n'a pas que la carrure : il a la force. Et la rage au ventre en cet instant qui décuple la dite force. Le premier type tombe au sol et il lance un regard meurtrier aux cinq autres dont il a, à présent, toute l'attention. « Faut vraiment pas avoir d'couilles pour s'en prendre à une femme comme ça. » qu'il siffle entre ses dents. L'air de rien, il est hors de lui. « Vous allez vous en souv'nir. » De la raclée qu'il va leur donner. Parce que, le fait qu'ils soient plus nombreux, ne lui fait absolument pas peur. Au contraire. Y'en a deux qui fondent sur lui et s'il évite un coup, il en prend un autre dans la mâchoire mais peu importe que sa lèvre se fende sous le choc et qu'il ait le goût de sang dans la bouche. Il abaisse la barre de fer et cogne. Une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Plus encore. Jusqu'à ce que les deux soient au sol, en sang. Il sent soudain des bras se refermer autour de sa gorge et réalise qu'un type l'a pris par derrière. Le gars essaye de l'étrangler. Essaye seulement puisque la main de Bane se referme sur le col du type qu'il envoie valser quelques mètres plus loin. Une véritable bête impossible à arrêter Bane. En théorie. En pratique, y'a ce coup qu'on lui porte derrière le crâne qui l'envoie au sol et lui fait lâcher la barre de fer. Il est à moitié sonné. Faut dire que le dernier type debout vient de le cogner avec une vieille planche en bois.

we're the new kings

Dresse les poings, montre les dents. Ne baisse jamais les yeux. N'abandonne jamais. Ne leur donne jamais rien, jamais. Toujours, la fierté. Toujours, la hargne. Et si la première gifle lui a dévissé la tête, la tigresse se rue sur son attaquant dans un grondement bestial. Pourtant, elle ne l'atteint pas. Retirée, soulevée, comme happée par un courant d'air. Non, pas un courant d'air. Une main venue l'attraper. Un des six ? Non, un autre invité. Ben voyons, manque plus qu'ça ! Le sifflement calme l'agitation, pour un temps limité et Lucy le sait. Elle se dégage de sa poigne avec agacement, comme une enfant qui refuserait qu'on la relève après avoir trébuché. Exactement la sensation qu'elle a et l'indignation se peint assez facilement qui paraissent encore plus jeunes quand elle est en colère. Oh, parce qu'elle l'est, Lucy. Aurait encore préféré être passée à tabac plutôt qu'un pseudo chevalier vienne à son secours. Chevalier qui entame un petit discours, elle retient un ferme ta gueule du bout des lèvres, parce qu'elle n'en a pas le temps. Qu'y en a déjà deux qui se ruent sur son sauveur et que la gamine, elle reste un instant debout, à regarder. Sans bouger, à presque hésiter simplement profiter de la diversion pour se tirer. Peu importe si le Chevalier se fait massacrer, c'est pas son problème. Pas vrai ? Elle n'a pas appelé au secours, elle n'a rien demandé, elle, alors qu'il se démerde tout seul ! Mais y a un sursaut qui la pousse à rester. Curiosité malsaine, peut-être, ou est-ce que c'est cette fascination étrange de le voir les rétamer, les uns après les autres. Elle fixe les mouvements, comme si elle voulait les apprendre, les reproduire un jour. Mais la vexation revient bien assez vite hanter son système nerveux et elle ne sait plus contre qui elle a envie de se battre. De quel côté de la balance faire pencher le jeu. Parce qu'elle lui en veut, à cet intrus venu se mêler de ses affaires à elle. La fierté en guise de signature, peu importe si ça la conduit droit à l'abattoir - jusqu'ici, bien la seule chose qui l'a toujours sauvée.

Elle ne sait pas exactement combien tombent. Deux, trois, quatre ? Tout s'enchaîne très vite, et sûrement finalement que l'alcool qu'elle a dans le sang suffit à rendre la scène un peu trop floue. Un peu trop rapide à son goût. Ballottée dans le mouvement, il lui semble que la situation se retourne quand elle voit son putain de sauveur mordre la poussière. Ben merde, quoi. En plus, ils lui ont envoyé un chevalier en carton ? Dira sûrement pas ça, Lucy, à avoir contemplé sa maîtrise du combat, l'avoir même un peu jalousée. Et sans vraiment réfléchir, quand sûrement ils la pensent hors d'état de nuire de par son immobilisation jusqu'ici, elle attrape la barre de fer abandonnée au sol. Et se retourne comme une furie, touchant celui qui l'a assommé à l'épaule. Il braque sur elle un regard furieux. « Casse-toi ! Cassez-toi ou tu finiras comme tes p'tits copains ! » Elle lui offre un sourire féroce mais il se jette sur elle. Dans la précipitation et ses yeux clairs qui s'écarquillent, elle frappe avant de le recevoir sur elle, l'atteint pile entre les jambes. Il se plie en deux, tombe lourdement sur le sol, avant de prendre ses jambes à son cou. Rapidement imité par ceux qui arrivent encore à se lever. « C'est ça, barrez-vous, bande de cons ! » qu'elle gueule, fière - mais la fierté ne lui appartient pas et soudain, elle semble s'en souvenir. Alors, Lucy s'approche du preux chevalier et s'agenouille pour se mettre à sa hauteur. Sans délicatesse, elle plonge une main pourvue de griffes dans sa tignasse pour lui faire lever les yeux vers elle. « Pourquoi t'as fait ça ? » qu'elle l'incendie d'une voix glacée. Alors, elle le relâche et se relève, agacée. Doublement frustrée, pour le coup. Commence à faire les cents pas devant lui, avant de s'allumer une clope. Ignore l'ombre qui se glisse dans son dos, comme toujours, à l'appel du feu. Tire sur le tabac comme elle aimerait se défouler sur lui. Sévère et injuste, sûrement, dans son mode de fonctionnement. « J'avais pas besoin d'aide, j'suis grande alors la prochaine fois, tu te mêles de tes oignons ! » Pour quoi est-elle passée ? Une faible. Une assistée. Une petite princesse qui a besoin qu'on la défende. Et elle serre les dents, Lucy, énervée parce qu'elle sait. Elle sait qu'elle ne serait peut-être déjà plus entière s'il était pas intervenu. Ou bien qui sait ce qu'ils avaient prévu de lui faire. Entière mais brisée. Mais personne ne la brise, Lucy, personne. Et elle braque de nouveau sur lui un regard partagé. Entre une reconnaissance inavouable et une férocité palpable. Peut bien crever s'il attend un merci, ça lui écorcherait bien trop la bouche et la fierté.

Il entend des exclamations. Des bruits de coups. Mais il a du mal à récupérer aussi vite qu'il le voudrait Bane. Il entend une insulte et finit par battre des paupières, sa vision se réhabituant progressivement à la pénombre. C'est là qu'il sent une main lui attraper les cheveux et il est sur le point de répliquer quand il voit que c'est la jeune femme qu'il est venu défendre qui le tient par les cheveux. Froncement de sourcils. Il ne comprend pas Bane, où est le problème. Pourquoi s'en prend-t-elle à lui de cette façon ? Quand la voix de la jeune femme s'élève, c'est presque en lui crachant à la figure qu'elle lui demande pourquoi il a fait ça. Elle le relâche et lui se masse l'arrière de son crâne, là où la planche a cogné quelques instants plus tôt. Alors la demoiselle n'apprécie pas qu'on vienne l'aider visiblement. Donc il se bouge le cul pour aider, s'en prend une, et en plus il se fait envoyer chier. Fantastique. Il se redresse en faisant légèrement craquer sa nuque douloureuse et lance un regard noir à la jeune femme qui semble se venger sur sa cigarette tout en affirmant qu'elle n'avait pas besoin d'aide. Il hausse les sourcils Bane, et un sourire mauvais étire ses lèvres. « Ah oui, t'avais la situation bien en mains avant que j'm'en mêle, t'as raison. » qu'il réplique, l'ironie perçant dans le ton de sa voix. « Tu gérais comme une reine. Aucun problème. Z'étaient combien sur toi déjà ? » qu'il ajoute, mauvais. « Et de rien au fait hein. » précise-t-il, amer. Parce que non, elle ne maîtrisait rien du tout la jeune femme, au contraire. S'il n'était pas intervenu, elle serait en train de se faire passer à tabac, ou pire. Bien pire. La pensée arrache une grimace à Bane et il a un regard en arrière par là où sont partis les enfoirés. S'il n'y avait pas eu cette foutue planche, il les aurait tous explosés.

Un à un.
Pour leur faire passer l'envie de recommencer.

« Tiens tu me dépannes d'une cigarette ? » demande-t-il soudain en tendant sa large main à plat en direction de la jeune femme. Un sourcil arqué. Il attend. « Une clope c'est pas cher payé. J'ai peut-être une commotion avec ces conneries. » qu'il ajoute, parfaitement sérieux. Parce qu'il aurait très bien pu prendre plus cher. Les choses auraient clairement pu mal tourner et elle a beau affirmer qu'elle n'avait pas besoin d'aide, s'il n'était pas intervenu... Alors une clope, dans le fond, ce n'est pas grand chose et puis à défaut de le remercier, elle peut bien lui offrir une cigarette.