flowerhead - (marisol)

Sa précieuse possession sous le bras, air déterminé peint sur le visage, il serait difficile de la désarmer. En effet, son objectif est gravé dans son esprit, sa déterminé nourrie par une panique sous jacente. La peintre s’est improvisée botaniste ; pour le meilleur comme pour le pire. Certainement plus pour le second. Si la demoiselle a un bon fond, ses compétences lorsqu’il s’agit de se préoccuper des choses les plus précieuses et fragiles lui échappent plus qu’autre chose. On pourrait allégrement souligner son manque d’attention qui lui faut (souvent) quelques ratés au sein de la cuisine. Et son adresse culinaire équivaut sans doute celle concernant la préoccupation d’être aussi fragile que les plantes. Heureusement, les quelques succulentes du salon ont la survie qui leur colle à la peau. Mais c’est elle, plante de type inconnu, offert pour un anniversaire passé par une quelconque connaissance, qui requiert désormais une attention toute particulière. C’est ainsi, pot sous le bras, air toujours aussi déterminé, qu’elle se fraye son chemin jusqu’à l’échoppe de la fleuriste dont elle a glané l’adresse sur internet quelques heures auparavant. Piochée au hasard celle-ci et à partir de se moment s’est dessiné dans sa tête les innombrables questions qu’elle pourrait poser à la personne tenant la boutique.

Sans perdre un instant à la sortie du boulot, elle fila chez elle pour récupérer la malheureuse, la calant sur le siège passager de son modeste véhicule avant de s’empresser de se rendre là bas, se pressant pour éviter de frôler l’heure de fermeture voir, d’arriver trop tardivement et de devoir remettre son excursion au lendemain. Sortie de sa voiture, bancalement garée au parking le plus proche, elle s’arrache à son véhicule et attrape le pot avant de se diriger d’un pas léger (quoique marqué d’une petite anticipation) jusqu’à la porte de la boutique. La poussant du bout du pied, elle se faufile en tentant d’éviter de lâcher le bestiau sur les pavés (ce qui serait un brin ironique, si proche du but). Se dirigeant tant bien que mal jusqu’à la caisse, elle pose le pot sur le comptoir  et se recule de quelques pas. La boutique est vide, tranquille ; et ça tranche si vivement avec l’effervescences de l’institut qui résonne encore, faiblement, dans un coin de sa tête. Elle profite du calme pour s’étirer, lâchant au passage un petit bâillement tremblotant.

Ses yeux caressent les fleurs et les sachets de graines, les décorations si simples et pourtant si agréables à l’oeil. Elle se surprends à rêver de sa petite chaumière, délicatement parée de fleurs grimpantes, d’un potager aux fruits et aux légumes presque brillants, joyaux temporaires, prêts à être dévorer une fois mûrs à point. La jeune femme lâche un petit soupir, suivi d’un sourire en coin. La voici surprise par une énième envie, celle de créer, d’une nouvelle manière, de lâcher temporairement ses pinceaux pour attraper un autre hobbie. Mais elle se reprends, ou du moins c’est le manque de temps qui se rappelle à son esprit ainsi que la vue malheureuse d’une plante bruni par les maladresses ou les soins inappropriés. Elle se rappelle aussi du jardin déchu, correct au départ, mais dont elle n’a réellement su prendre soin au-delà de la tondeuse occasionnellement passée. Se redirigeant vers le comptoir, elle plisse les yeux, entendant quelques bruits venant du fond de la boutique. « Bonjour ? » lance-t-elle de façon hasardeuse, agitant une main amicale sans réellement savoir si le ou la propriétaire des lieux s’y trouve.

Dans sa tête, elle se repasse une fois encore son petit discours, se rappelle à la volonté simple qui l’amène ici, loin d’une vocation rêvée ou de grands projets qu’elle rabat au rang des impossibles, par prudence et par sagesse. « Excusez-moi reprends-t-elle. «  J'aurais besoin d’un coup de main… euh… pour une plante ?» termine-t-elle, incertaine dans le choix de ses mots. Elle jure sous cap, de ne pas avoir pensé à faire plus de recherche au sujet du « patient » qu’elle amène, histoire de ne pas venir avec les mains aussi vides que ça…

Le printemps a tout doucement commencé à s'installer, le soleil donne l'impression qu'il va être là pour les prochaines heures, le matin est un peu plus chaud qu'il y a quelques semaines. Marisol a pu petit déjeuner tranquillement sur son balcon avec une veste sans trop avoir froid. Une fois prête, elle a descendu jusqu'à sa boutique pour pouvoir l'ouvrir. Et le reste de la journée a passé assez vite, cela paraît qu'il commence à faire assez chaud, cela donne envie de s'occuper du jardin. De planter ou de replanter, d'acheter de la nouvelle terre, de continuer avec les mêmes formats ou essayer des nouveaux. Bref, elle n'a pas vu passer une bonne partie de la journée et elle a bien aimé cela. Donner des conseils de toutes sortes, aider à choisir, faire découvrir quelques trucs... bref, elle a été occupée, elle adore. Son employée est venue l'aider environ quatre heures, et elle est de nouveau seul à environ une heure de la fermeture. Lorsque c'est calme, elle va vers l'arrière afin de ramasser et de s'occuper des plantes qui sont toujours là. Elle met ses écouteurs sur ses oreilles, le son n'est pas trop fort, elle veut entendre la cloche si jamais il y a un nouveau client qui entre. Elle est un peu éloignée, mais la porte entre l'avant et l'arrière est ouverte et elle n'a aucun mal à entendre.

Habituellement. Là, la nouvelle chanson qui vient d'arriver à ses oreilles lui indique autre chose. Elle monte le son, elle danse sur cette musique d'enfance, oubliant qu'elle doit travailler encore pour presque une heure. Elle bouge dans tous les sens, chante aussi, elle oublie de continuer de replanter les fleurs. Elle est il y a environ quinze ans et non pas aujourd'hui. La chanson se termine pour aller sur une autre un peu plus calme lui faisant constater qu'elle a mis de la terre un peu partout avec sa pelle. Ce qui lui arrive de de temps à autre, elle se laisse emporter et elle oublie que la pelle n'est pas un micro. Elle rit d'elle et elle va vers l'avant pour aller chercher le balais. C'est là qu'elle voit une cliente au comptoir. « Oh ! Bonjour ! » Un sourire s'affiche et elle dépose son téléphone et ses écouteurs sur le comptoir de la caisse. « Désolée, j'étais en train de replanter avec de la musique, j'vous ai pas entendu. » Elle a mis sa musique un peu trop fort, n'a pas entendu sa cloche d'entrée. M'enfin, la jeune femme ne semble pas vraiment fâchée. À moins qu'elle cache assez bien son jeu. Elle lui fait un sourire pour s'excuser, se dit qu'elle va se montrer la plus complaisante possible. Ce n'était pas volontaire de sa part de la faire attendre comme cela, trop emportée par la musique, elle n'a rien entendu et elle ne l'a pas remarqué dans le miroir en coin. Habituellement, elle y jette un œil régulièrement. Là, elle a été un peu trop occupée et emportée pour cela. « Vous êtes ici pour... oh ! La pauvre petite ! » fait-elle, interrompant ce qu'elle commençait à dire, son regard ayant vu la plante qui n'a pas une très belle allure.  

@Iris Pezzanti