color my life with the chaos of trouble (sheldon)

color my life with the chaos of trouble

« Oh mon Dieu... est-ce que je devrais m'en débarrasser ? » faisait une voix commentant une poupée de clown auréolée de rose, puis de rouge, puis de jaune. Ce filtre, elle l'avait vu passer des millions de fois. Il s'activait sur les mouvements des personnes, mais aussi sur certains objets inanimés, alors que d'autres pouvaient se faire agiter devant la caméra sans que rien ne se déclenche. Beaucoup d'utilisateurs avaient conclu que ces objets étaient hantés, et Lydia finit par fermer Tiktok après avoir scrollé des dizaines de commentaires qui disaient ne pas clamer la mauvaise énergie de la vidéo. Ils pensaient vraiment qu'ils pouvaient transmettre quelque chose par leur écran de téléphone ? Lydia pouffa légèrement.

La jeune femme était dubitative... c'était un simple filtre, pas une expérience scientifique prouvable. Elle ne savait pas comment l'algorithme était construit. Au pire, il s'agissait peut-être d'objets tellement manipulés qu'ils emmagasinaient de l'énergie, humaine ou non... Lydia mettait beaucoup de choses sur le dos des énergies. Après tout, elles étaient la raison de tout ce théâtre terrestre, et même au-delà.
N'empêche qu'elle avait bien envie de tester cette expérience, avec un peu de recul. Au mieux, elle découvrait quelque chose grâce à ça, au pire, elle prouvait que ce filtre était du bullshit total.

L'hôtel était aléatoirement parsemé de tâches lumineuses sur son écran, sans qu'elle puisse comprendre la logique. Ça ne l'aiderait pas du tout. Il lui faudrait des objets... AH mais oui !! Elle était passée à côté d'un antiquaire, hier. C'était parfait ! Lydia s'empara de son imperméable et d'un parapluie pour contrer la morosité extérieure et suivit allègrement son meilleur ami, Google Maps.

Le trajet avait été plutôt agréable malgré la pluie. Mais le froid commençait à lui geler les os, et Lydia était bien contente de se retrouver devant la fameuse boutique. The Good Shop. Espérons qu'elle en tire quelque chose de bon, effectivement !
La jeune femme poussa la porte, égouttant son parapluie à l'extérieur avant de saluer le monsieur derrière le comptoir. « Bonjour ! » fit-elle gaiement en souriant, ce qui lui rappela qu'elle avait un gros pansement sur le nez, déboire qu'elle connut hier matin en se ramassant comme un étron sur les pavés. Heureusement, il n'était pas cassé, mais assez amoché pour avoir quelques traces devant cicatriser.

Lydia ne se fit pas prier et sortit son téléphone, filtre Tiktok activé, il était temps de filmer. La jeune fille passa dans les rayons et ne mit pas longtemps avant de voir un des objets briller de couleurs sur son écran. C'était un tableau. Un portait peint d'une jeune femme aux boucles blondes. Un très joli tableau, à vrai dire, bien que les couleurs soient un peu passées avec le temps et la poussière. « Qu'est-ce que tu as à me dire, toi ? » pensa-t-elle à voix haute en scrutant le tableau à travers l'écran de son téléphone. C'était bien beau, mais elle ne saurait jamais pourquoi ce tableau là réagissait au filtre. Elle pouvait toujours demander au monsieur. Ou l'acheter et le ramener dans sa chambre d'hôtel et attendre de voir si elle verrait la jeune femme en rêves ou un truc du genre. Mais c'était assez hasardeux comme méthode...

(c) AMIANTE

C’est dingue ce que la pluie peut rendre nostalgique, ce qu’elle peut ramener les souvenirs le temps d’un voyage dont tu voudrais ne jamais pouvoir revenir. Tout ça pour revenir à une époque qui pouvait faire de toi un homme heureux pouvant serrer la femme que tu aimes dans tes bras pendant de longues heures. Comme si elle n’avait jamais quitté ce monde, comme si elle était encore présente dans tout ce que tu fais pour venir te souffler à chaque seconde que tu ne seras jamais seul. C’est pourtant le cas, tu l’es. Ce qui peut t’aider à tenir le coup, les quelques visites de ton neveu de temps en temps pour vérifier que son vieil oncle est encore de ce monde et qu’il arrive à tenir les deux bouts. Tu n’es pas encore à enterrer même si parfois ce n’est pas l’envie qui manque à doucement se faufiler derrière tes paupières voulant conserver le secret. Tu soulèves doucement la loupe pour mieux observer le contenu du grimoire, c’est à croire que même ta vue commence à en prendre un sérieux coup. La porte qui s’ouvre et déclenche au même moment la sonnerie habituelle alors que tu plisses de plus en plus les yeux sans perdre la page des yeux. « Un instant. » L’objet retrouve la surface du comptoir alors qu’une main voisine vienne se poser à ses côtés pour te laisser observer la nouvelle venue. C’est rare les nouveaux clients. Ce qui est encore plus étrange, c’est quand tu vois une jeune femme de moins d’une trentaine d’années qui se rend dans ta boutique de son plein gré. Un mince sourire au coin des lèvres alors qu’en silence tu observes comme toujours, ne s’inquiète pas de déranger mais utilise seulement ton expertise pour trouver le bon moment de rentrer dans la conversation. Chacun est à la recherche de quelque chose, tout le temps et partout et ton boulot est d’essayer de deviner de quoi il s’agit. Tu es devenu vraiment fort dans ce domaine.

C’est alors qu’elle sort un objet de son sac pour commencer à le bouger dans tous les sens en direction des différentes œuvres, un sourcil se lève alors sur ton visage pour s’intéresser de plus en plus à la jeune femme. C’est quoi encore que ce truc, un téléphone sûrement même si tu n’as jamais eu l’occasion d’en avoir un qui ne fasse pas plus de 3 kilos. C’est grâce à Saul que tu connais l’existence des smartphones mais refuse catégoriquement d’en vendre et même d’en posséder un, si on veut te parler il va falloir se déplacer ou utiliser la poste. Ce n’est pas le plus simple, mais c’est de loin une décision qui ne risque pas changer. Il y’a bien un fixe dans l’arrière-boutique, mais ça fait plusieurs mois qu’il prend la poussière alors que presque personne n’en possède le numéro. Tu avances de quelques pas dans sa direction et lève une main amicale dans la direction de la peinture avec un sourire qui pourrait en hypnotiser plus d’un. C’est l’expert qui vient de prendre le relai pour les quelques minutes à venir, autant que le passionné. « Je vois que vous aimez cette toile, c’est une antiquité tout comme moi. » Tu rigoles et lui tourne presque autour sans la perdre des yeux, comme un vautour qui attend de pouvoir fondre sur sa proie. Ce que tu veux, c’est son argent. Et la chance de pouvoir échanger et lui transmette le savoir d’un homme qui aime les belles choses. Qu’elle puisse perpétuer l’espoir à l’avenir, si seulement c’est encore possible. « Excusez-moi, je peux vous demander ce que c’est ? » Tu pointes l’écran à quelques centimètres de toi, tu sais qu’il est possible de prendre une photo avec un téléphone mais pas de cette façon. C’est à croire que l’évolution ne sait pas s’arrêter, on peut même mettre des paillettes dans nos photos d’un simple clic, incroyable à quel point ça ne sert à rien. C’est un bon moyen d’échanger et de donner un sens à cette situation aussi étrange que surprenante.