seul avec la Nuit, maussade hôtesse. (saul)

Le rythme cardiaque qui s'accélère, pas un regard derrière elle. C'est que ça tambourine dans le creux de sa poitrine, tellement fort qu'elle a la sensation douloureuse que quelqu'un écrase l'organe saignant qui la maintient en vie. La ville est recouverte d'un manteau noir étoilé, ses talons claquent contre les pavés : unique bruit dans la ville silencieuse. Prédatrice est devenue agneau sage de quelqu'un d'autre, dégoût qui s'insinue dans sa carcasse de monstre. La gorgone refuse d'être faible, de se montrer lâche et pourtant elle n'est qu'une ombre dans la nuit noire, à la recherche d'un refuge. D'un refuge mais surtout de lui. Seule personne en capacité de l'aider, besoin de se barricader derrière les portes de son foyer. Monstre n'aime pas sa nouvelle position d'agneau, n'aime pas abandonner son précieux hôtel aux mains de son acolyte Aslan. Mais la monstrueuse n'a pas d'autre choix, coup de fusil qui résonne encore à ses oreilles. Balle a effleuré la peau de son bras pour y implanter une marque sanguinolente. Un cri rageur dérange pauvre corbeau en plein sommeil quelque part au dessus de sa tête. D'un geste rageur elle retire ses escarpins pour se faire louve aux pattes de velours. Et devant le domicile du sauveur elle hésite plusieurs secondes, elles se transforment en minutes. Mais la gorgone doit admettre qu'elle connaît à nouveau le sentiment de peur, angoisse disparue depuis qu'elle a versé le sang de ses parents, retrouvailles dévastatrices. Et finalement elle se décide à frapper quelques coups. Se mord la lèvre inférieure et langue se délie quand enfin la silhouette de l'ami se dessine. — Je sais qu'il est super tard, Saul. que les chats sont gris et qu'il est temps de valser avec morphée. Mais elle est là, de chair et d'os, devant la porte. — Mais j'ai l'impression que quelqu'un veut me tuer. les rôles qui s'inversent. — Ils sont là pour moi. sales chasseurs.

seul avec la nuit

--- Dans les caveaux d'insondable tristesse où le Destin m'a déjà relégué ; où jamais n'entre un rayon rose et gai ; où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse, je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur condamne à peindre, hélas !

La perspective de croiser âme qui vive ne l'enchantait pas. Si ces derniers temps, à cause des décisions extravagentes de sa mère, il se retrouvait contraint de faire acte de présence dans certaines soirées huppées, c'était avec le pas trainant qu'il s'y rendait. Le téléphone toujours greffé à la main pour avertir une des seules personnes capable de l'aider à passer une bonne soirée ; malgré les regards désaprobateurs de Constante. Cette journée n'avait pas dérogé à la règle, et le fils unique avait dû accompagner les rires bruyants de sa mère, et ses phrases toutes faites. Seul, cette fois-ci. Mais pour un homme tel que Saul, l'effervescence de ces déplacements n'avait rien d'enviable, et tout d'une simple obligation familiale. Il pouvait s'estimer déjà chanceux que la matriarche ne l'astreigne pas à se dévoiler en compagnie de sa nouvelle fiancée. Avait-il seulement retenu son prénom ? La question que lui avait posée sa génitrice était légitime, à la vue de cette réponse qu'il n'a su donner, à cause d'un prompt désintérêt. Je lui trouverai un surnom, avait été son seul retour. Et la grande dame, rouge de honte sous les inepties de son fils, s'était empressée de détourner son attention, en priant Dieu de protéger l'âme de son impudant rejeton. Les yeux levés au ciel pour une raison différente, Saul avait préféré se muer dans son habituel silence, et attendre que le joug maternel le libère de ses obligations.
Il avait repris la route de son loft, déçu de n'avoir pu partager cette expérience qu'avec des figurants, sans qu'aucune figure importante de sa vie ne soit présente. Les heures passées ayant été décevantes, le solitaire n'avait plus qu'à s'assurer d'une soirée bien meilleure ; accompagné d'un bon vin, et un de ses nombreux ouvrages qu'il décortiquait volontiers. Il était d'ailleurs affairé à cette tâche, le nez plongé dans un bouquin sur un sujet qu'il devait déjà matrîser, mais dont les détails lui échappaient parfois, lorsque les quelques coups furent donnés contre sa porte.

Debout, le pas lent de celui désireux de faire le mort, il baguenaude sans zèle vers l'entrée de son soft. Il n'était pas d'humeur à recevoir et semblait prêt à envoyer sur les roses, celui qui avait l'audace de le déranger à une heure pareille, sans l'en avoir averti. Mais lorsqu'il ouvre la porte, un sourcil arqué vers un port de tête qu'il ne connaissait que trop bien, ses nerfs se relâchent peu à peu. Il reste cependant surpris par sa brusque intrusion ; ce n'était pas dans leur habitutes. Je sais qu'il est super tard, Saul. Il lui aurait certainement signifié que oui, en effet, s'il n'avait pas vu la blessure perlant contre son bras. La moue au bout des lèvres, comme réfléchissant à comment réagirait une personne responsable, il se contente de s'écarter de la porte, afin de la laisser passer. « Entre, je t'en prie. » Il referme la porte derrière la jeune femme, et s'y adosse, en enfonçant les deux mains dans le fond de ses poches, avec la nonchalance qui lui est si naturellement associée. « Qu'as-tu fait ? » Aucun jugement dans cette question, seulement la recherche d'informations, dans le but de comprendre quel mal la poursuivait. Et s'ils souhaitaient s'inviter jusque chez lui pour en découdre, Saul saurait agir en conséquence.
Il décolle son dos de la porte d'entrée, et fait quelques pas en direction de la salle de bain, sans retirer les mains de son pantalon ceintré. « Fais comme chez toi, ouvre une bouteille, sers-toi. Je reviens avec la trousse de secours. » Il disparaît dans la seule pièce dotée d'une porte, et refait surface quelques minutes plus tard, le nécessaire sous le coude.