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 there was something in the water, now that something's in me (malones)

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” & Le père d'Emily est décédé ce matin. C'est ce qui a claqué entre ses deux joues, annoncé entre les bises délicatement déposées par sa mère adoptive, lors du dernier repas dominical qu'il s'est efforcé d'honorer. Il l'a sentie se rattraper, prête à lâcher un ton ancien beau-père piquant, et pincer ses lèvres en notant les cernes sous les yeux de son fils. Ambrose, ça ne lui a fait ni chaud ni froid d'apprendre la nouvelle, prêt, même, à lâcher une réplique acerbe à ce propos, ravalée également avec soin. Il est presque sûr que seule sa soeur a percuté avec quelle intensité il s'évertuait à déglutir en refoulant les vannes qui seraient jugées de mauvais goût. Tâchant d'arborer une mine de circonstance - n'a pas été foutu de pleurer à l'enterrement de Bobby, va pas se mettre à s'épancher d'un coup - ça s'est traduit par un vague froncement de sourcil faussement consterné et une petite moue gobée par les poils rouquins de sa barbe. « Ah me- mince. » Ce qui est sorti en premier, en accrochant sa veste dans le hall d'entrée, avant de noter le regard toujours fermement fixé sur lui, l'encourageant à causer davantage. « Puisse son âme reposer en paix. » Presque un point d'interrogation dans l'intonation, à demander implicitement si ça allait suffire, comme ça, ou s'il fallait peut-être qu'il se mette subitement à prier pour lui. « Pauvre homme. » Pauvre con. L'a jamais apprécié, en réalité. Le type n'a pas été foutu de ne pas écorcher son nom une seule fois en dix-sept ans. Ambroise, tout ce qui lui reste comme souvenir, ça, et sa manie de leur demander à chaque visite imposée par Emily, s'il y avait du neuf. Et par là, Christian Griffin voulait parler de ses petits-enfants hypothétiques. En somme, tout un exercice pour le gosse né de Truro de ne pas se mettre à dégobiller toutes les saloperies apprises à l'époque sur ce cul serré de Griffin, qui se croyait tout permis parce qu'après tout, il lui avait offert la main de sa fille. Main qu'il aurait bien aimé éviter, Ambrose, ouais, il aurait même gardé les siennes bien rangées dans ses poches en refusant de saisir l'occasion toute trouvée par les Rivers. Si on ne lui avait pas fait sentir qu'il n'avait pas le choix.

Comme il n'a pas d'autre choix, aujourd'hui, que de se rendre aux funérailles.

S'agit de réputation familiale, de ne pas mettre en péril les relations au sein de la communauté, surtout celles unissant les immaculés Rivers à leurs proches bien sélectionnés. Des lustres qu'il a compris de quelle manière ça fonctionnait. Chemise noire, costume noir, chaussures noires, la barbe taillée avec soin et les cheveux bien arrangés. Fait un effort, c'est ce qu'on lui a demandé à la fin du repas, lors de l'au revoir toujours teinté de conseil. Un coup d'oeil jeté à sa montre alors qu'il conduit, après avoir réceptionné sa soeur. Hors de question de subir l'épreuve en solitaire, semblerait qu'elle non plus n'ait pu se défaire de la requête parentale. Tendu, le Colt déguisé en Ambrose, les phalanges blanchies sur le volant et les chansons qui défilent à la radio. Soudainement, ça éclate dans les hauts parleurs quand il essaye de régler la station bloquée sur les dernières actualités. (Che confusione sara perche ti amo.) Un regard dubitatif à l'écran avant de couler un regard en biais à sa soeur, sourire narquois au coin des lèvres avant de reporter son attention sur la route qu'il connaît par coeur. « T'as sorti le grand jeu. Tu comptes trouver une âme éplorée à réconforter ? La veuve est abominable, un conseil, ne t'en approche pas. » Humour pour se détendre, le son qu'il monte un peu plus encore en voyant le clocher se dessiner au bout de leur trajectoire. Un moment qu'il n'a pas revu Emily, et sa famille. Depuis l'annonce du divorce, très exactement. Et ça monte dans sa cage thoracique, l'agacement, le chaos qu'il devra contenir durant la cérémonie pour éviter que les invités ne s'étripent sur fond de choeur funèbre. « T'as une clope ? Vite fait, avant qu'on arrive, dépêche. » Pas plus évolué que lorsqu'ils n'étaient encore qu'adolescents, à fumer en cachette et s'asperger d'eau de Cologne pour éviter les soupçons - ils puaient sérieusement, ceci dit.

Se surprend à dodeliner de la tête au rythme des voix italiennes qui hurlent dans l'habitacle. (E vola vola si sa, sempre più in alto si va, e vola vola con me, il mondo è matto perché). « L'enfer est vide, et tous les démons sont ici. » Qu'il lâche, dents serrées sur le mégot qu'il éjecte d'une pichenette en achevant de garer le véhicule. Pas envie de sortir. Surtout pas avec tous ces visages connus qui se mettent à entrer lentement dans l'église, parce qu'évidemment, les Malones n'arrivent jamais vraiment en avance lorsque la mauvaise volonté s'en mêle. « J'ai la chanson en tête.  » Qu'il grogne en finissant par sortir de la voiture en claquant la porte dans son dos, à attendre que Grace le rejoigne pour entamer le pas. Fera pas le moindre effort tant qu'elle ne se trouve pas à ses côtés. Tant qu'il ne peut pas puiser un peu de cette force que dégage l'aura de sa cadette depuis toujours. « Prie pour moi. » Il souffle l'air impassible avant d'être amené à saluer de premières connaissances. Blague récurrente qui pourtant s'étrangle un peu dans sa gorge. N'en mène pas large, et c'est assez rare.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS )
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La radio dégueule les paroles d'une chanson italienne. Rythme entraînant que Grace suit, sans vraiment s'en rendre compte, bougeant machinalement la tête de haut en bas. Regard qui se perd à travers la vitre de la voiture d'Ambrose, coude posé contre l'intérieur de la portière et paume soupesant son menton. Elle aurait voulu protester, et se défiler – mais elle note que ses petites acrobaties ne fonctionnent qu'un temps avec ses parents adoptifs. La trentenaire a l'esquisse d'un programme en tête, et elle compte s'y tenir. Secouer quelques paluches. Présenter ses condoléances. Finir au bar du coin avec un Colt torché au possible. C'est pas terrible, mais c'est toujours ça. Pensive, les arbres défilent les uns après les autres – et l'ennui marque son âme de son fer douloureux.

De sa paume libre, Grace étouffe un bâillement sonore, avant d'être rattrapée par la voix de l'aîné à qui elle glisse un regard en coin. « T'as sorti le grand jeu. Tu comptes trouver une âme éplorée à réconforter ? La veuve est abominable, un conseil, ne t'en approche pas. » Sourire narquois qui s'imprime salement au coin des lèvres du frère, tandis que l'intéressée roule exagérément des yeux. La main qui soupesait sa tête devient affable, et retombe. Du bout des doigts, elle lisse la robe noire étriquée dans laquelle elle a pris le parti de se glisser. Peut-être un poil osé pour l'occasion, conçoit-elle. « Je ne compte pas te lâcher d'une semelle. Cette robe, c'est pour l'after party. » Qu'elle explique, peut-être trop enthousiaste pour l'occasion. Elle se ratrappe de justesse, visage qui ne frémit qu'à peine face à sa bêtise. « ...le bar, pour le bar. Le bar, après l'enterrement. » ou le bar, pendant l'enterrement, pour ce qu'elle en sait. Rare sourire qui éclaire le visage soigneusement maquillé. Grace le contemple brièvement, Ambrose, et le trouve curieusement bien pomponné. « Et puis, tu peux parler. Si tu veux montrer à ton ex ce qu'elle manque, pas sûre que l'enterrement de son père soit l'occasion rêvée pour ce faire. » Qu'elle susurre, faussement venimeuse – mais, tandis que la chanson continue à envahir le véhicule, l'heure est aux taquineries.

Puis, c'est la question pressante qui lui coupe le sifflet, alors qu'elle chantonne. « T'as une clope ? Vite fait, avant qu'on arrive, dépêche. » « T'es sûr de toi ? » Grace proteste – mais qu'à moitié, farfouillant dans son petit sac noir avant d'en sortir un paquet de cigarettes, qu'elle ouvre d'un mouvement du pouce, en tendant une au frangin et en glissant une autre entre ses lèvres pincées. Briquet qu'elle sort également et qui allume les deux embouts, concentrée sur cette mission plutôt que sur la route qu'Ambrose observe de ses prunelles affûtées. Elle lui fait confiance – et il ne les foutra dans le fossé qu'en dernier recours.

Une fois arrivés à bon port, Grace glisse un coup d'oeil curieux aux gens qui se pressent devant l'église. « L'enfer est vide, et tous les démons sont ici. » Grace coule un regard en biais à son frère, front qui se plisse brièvement – presque tentée de lui suggérer de ne pas s'éterniser parmi les badauds qu'ils s'apprêtent à rejoindre. Grimace qui tord ses lippes alors qu'elle acquiesce silencieusement, puis quelques volutes de fumée qui s'échappent d'entre ses lèvres alors qu'elle siffle (vaguement dédaigneuse) : « T'es un brin dramatique, là, Ambroise. » C'est un coup bas. Mais à peine le prénom déformé prononcé qu'elle se marre, et ouvre la portière, jetant la clope à ses pieds pour mieux la piétiner. « J'ai la chanson en tête.  » Grognement qui étrangle les mots d'Ambrose – et c'est un grognement étouffé qui lui répond. Elle resterait bien quelques minutes supplémentaires dans la voiture, Grace. Mais c'est avec entrain qu'elle claque la portière, et qu'elle contourne l'habitacle. « Prie pour moi. » Derniers mots avant qu'ils ne s’élancent, l'un aux côtés de l'autre. Ambrose salue les connaissances dont ils croisent le chemin ; et Grace fait de même, arborant un visage de circonstance alors qu'elle agite les doigts, et secoue les mains. Elle plisse le nez, et se penche vers son frère. « Tu pues la clope. J'ai peur que tu intoxiques tout l'monde. » Sans la moindre médisance, alors qu'elle lui claque tendrement le dos de sa paume tendue.

Plus ils s'avancent vers l'église, puis l'humeur devient sombre. Ici et là, les pleurs se font entendre. Elle s'en veut un peu, Grace, surtout en voyant quelques gamins visiblement chagrinés par la perte qu'ils viennent de subir. A peine les portes boisées franchies que l'odeur de l'encens lui titille les narines. Elle se tortille dans son gilet, se tortille dans sa robe (qu'elle craint maintenant être indécente), et repère les Rivers, à trois rangées du cercueil. Elle enfonce son coude dans les côtes d'Ambrose, et désigne leurs parents d'un bref mouvement de menton. « Là-bas. » Bouge, allez, allez. Elle lui pose la main dans le bas du dos, le poussant presque à s'extirper de ces salutations qui n'en finissent plus (et dans lesquelles elle le voit clairement se noyer), esquissant un sourire désolé à ceux qui essaient d'entretenir la moindre conversation. Ambrose prend place auprès des Rivers, tandis que Grace ferme la marche.

Corps immobile alors que son regard bleuté se poursuit au sein du lieu béni, ses lèvres se tordent lorsqu'elle remarque la silhouette d'Emily. Pointe du coude qui s'enfonce de nouveau dans les côtes du frère pour attirer son attention. « N'oublie pas d'aller la saluer après la cérémonie. » Suffisamment fort également pour attirer le regard des parents vers l'ancienne belle-fille. Innocence même, alors que Grace bat des cils – puis visage qui se farde d'une moue railleuse. Et puis c'est l'appel au silence qui se fait. Les gens, bien accordés, prennent place. Tous les regards sont rivés vers le cercueil.

par non uccidere.

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” & Peut pas retenir le rictus qui pointe quand Grace évoque l'after party. Pas pour rien, sans doute, qu'ils sont frère et soeur. Nulle doute sur le sang qui coule dans leur veine, bien loin d'avoir hérité de la bienséance, jamais véritablement adoptée. Peuvent pas changer ce qu'ils sont, dans le fond, la crasse dans laquelle on leur a collé le nez à la naissance, l'odeur de vase des berges de Truro à jamais arrimée à leur peau. Ont eu beau se laisser récurer par les Rivers de toutes les manières possibles, baptiser à l'eau bénite et endoctriner, c'est que de la poudre aux yeux. En a bien conscience, Colt, s'laisse pas berner même s'il entube son monde à faire comme s'il avait changé. Comme s'ils l'avaient changé. Poudre aux yeux. Juste de quoi s'assurer leur soutien financer avant de gagner sa vie, qu'il se disait. N'empêche que le lien perdure, mine de rien. N'a plus besoin de leur compte en banque, et pourtant. A croire que malgré tout, y'a quelque chose de plaisant à être attaché au nom de Rivers et de laisser oublier celui de Malone. Celui qui résonne surtout quand Sawyer et lui se retrouvent en aparté. « Ton état de péché me sidère, à quand remonte ta dernière Messe ? » Fait mine de s'offusquer dans le ton monocorde, avant de frapper le volant du plat de la paume à sa remarque, pour grogner son mécontentement dans quelques jurons. Peut pas faire semblant, pas avec elle. Aucune crédibilité à sauver, aucune constance à arborer. Pas quand elle l'a déjà vu dans les pires états. Alors, il râle. De manière bien audible : « Arrête de l'appeler mon ex. » Et puis, mine de rien, ça se déride au rythme de la musique quand il précise, dans le sérieux le plus puant du monde : « Aie un peu de respect pour l'ancienne future mère de mes enfants s'il-te-plaît. » Là dessus non plus, nullement la peine de prétendre à la déception, de feindre avoir été contraint de se détacher d'Emily parce que ne pas réussir à donner la vie à deux menaçait de le détourner de Dieu. Plus grosse arnaque signée Malone, celle dont, dans le fond, il n'est pas peu fier. Plus d'alliance pesant trop lourd à l'annulaire, lui témoignant de ses prises de poids fluctuantes dans une objectivité assassine.

« C'est ça où une flasque de liqueur. » Menace plane et la clope s'allume, trop rapidement consumée dans l'agacement. Devrait pas, c'est ce que son médecin a lâché la dernière fois, étant donné son état de santé. Tout juste l'impression d'être déjà un vieillard au fait énoncé, à s'imaginer en proie à l'arthrose dès le lendemain et dans le cimetière le surlendemain.

« Ta gueule, Gracie. » Qu'il crache, toujours aussi bourru, en s'extirpant de la voiture. C'est mérité, sans doute, grossièreté avec laquelle il est né et qui s'exprime avant qu'il ne se décide à la ranger pour l'occasion funeste. « Quelle prévenance de ta part. » Qu'il ricane en se penchant vers elle en retour, avant de se ressaisir pour arborer sa plus belle tronche impassible, vaguement concernée par l'événement. Plus vraiment envie de rire quand l'atmosphère étouffante de l'église les englobe. Murmures ci et là, bruit de fond entrecoupé de sanglots étouffés et de reniflements. Analyse la scène dans une froideur qui transparaît certainement dans le pas mécanique, animé par l'obligation. Difficulté à s'émouvoir, les mâchoires sont crispées et l'irritation tend à se dévoiler. Trop d'heures, trop de journées, qui, mises bout à bout, doivent ressembler à près d'une année, passées là, le cul posé sur un banc. Temps perdu, ça lui saute aux yeux dans une clairvoyance que les années aiguisent. Salutations qui n'ont aucun sens, paroles de circonstances qu'il débite de plus en plus machinalement, sur le même ton monocorde, à enchaîner les poignées de main, à se crisper dans les bras de ceux qui, pour l'avoir connu jeune, s'osent à l'enlacer. Il étouffe, Ambrose, sent l'agitation qui menace en son sein et s'évertue à se canaliser. Guidé par sa soeur qui aligne leurs pas dans la bonne direction, le sauve et leurs alentours au passage. « Parfait, et pourquoi pas au premier rang. Ou sur le cercueil. » Commentaire maugréé à l'intention de sa soeur en apercevant leurs parents sagement assis au troisième rang. Comme si leur présence ne suffisait pas. Fallait être aux premières loges.

Docilement, il s'exécute, les salue, pose son cul à côté de leur mère, tendu comme jamais. Surtout lorsqu'il l'aperçoit. « Tu m'accompagneras, elle devrait être ravie de te revoir. » Non-dits dans les dires qui ne sonnent faux qu'à leurs oreilles à tous les deux. Regard assassin qui transite de la nuque d'Emily au regard innocent de Grace. Sawyer qu'il voit dans le fond de ses yeux, malice perforant les prunelles et le heurtant de plein fouet. Lèvres entrouvertes sur la prochaine chamaillerie, un silence de mort - c'est le cas de le dire - s'abat subitement sur eux et toute les rangées. Alors, il s'efforce de reporter son regard sur le pasteur qui entre en scène, se met à taper un speech qui ressemble trop à ceux déjà entendus, et réentendus. Peu original, peu inspiré, ou peut-être trop occupé pour préparer de quoi émouvoir la foule. Pas celui qu'ils connaissent. Certainement pas le Sinclair non plus. Probablement un pasteur trouvé au rabais. C'est un peu tout ce qui tourne dans la tête d'Ambrose, jusqu'aux premiers chants. Là que sa mère lui pose une main encourageante sur l'épaule en ne l'entendant pas se joindre au choeur. Faut dire qu'il s'est sacrément égosillé dans cette église, à l'époque, à hurler comme la rockstar de la paroisse dans une voix de ténor, pour essayer d'attirer l'attention de Sawyer, toujours muette sous le masque de Grace.

Alors, il soupire. Et il se met à chantonner sur le même ton tout du long, ce qui sonne certainement très faux, mais c'est au-delà de ses forces. Ose même pas regarder sa soeur. Se contente de fixer un coin du cercueil. S'imagine que celui-ci va s'ouvrir, d'une seconde à l'autre, sur un Christian hilare le pointant du doigt en s'esclaffant, un j'espère que tu t'es bien chié dessus, Ambroise accroché aux lèvres. Mais il s'passe rien. Il s'fait chier. Le temps est long. Au tour de Mrs Griffin de déclamer son amour meurtri. Peut pas se retenir de jeter un coup d'oeil à sa montre. De taper du pied partout, genou qui tremblote sous ses doigts agacés. En peut déjà plus. Des mouchoirs qui écrasent les narines trop pleines. Du choeur qui donne tout ce qu'il a. De Mrs Griffin qui cède, lentement mais sûrement, sa place à sa fille. Et il la voit de face, bien devant lui, derrière le pupitre sur lequel elle dépose une feuille sur laquelle il imagine sans peine son écriture parfaite. Et elle commence à ouvrir la bouche, Emily, pleine de volonté. Premier mot qui sort sans vaciller, puis le deuxième. Bizarre de la revoir, surtout quand ses grands yeux écarquillés se posent sur lui. Et elle arrête de causer, Emily. « Putain. » Qu'Ambrose souffle en se penchant vers sa soeur, à faire mine de lui dire quelque chose de crucial à l'oreille quand ça ne sert qu'à meubler ce long regard gênant qu'ils échangent. « Elle va pleurer d'ici environ dix secondes, j'connais cette tête par coeur, ça va être une crise de nerfs. Tout l'monde s'met déjà à nous regarder. » Il sent que ça se tord sous le poitrail et entame mentalement un décompte des secondes.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS
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Le pas de l'église à peine franchi qu'Ambrose s'insurge à la vue des Rivers, si proches du cercueil. « Parfait, et pourquoi pas au premier rang. Ou sur le cercueil. » Grace hausse les épaules, voix qui s'affaisse afin de ne pas être entendue par les badauds qui les entourent. « Me fais pas croire que t'es surpris. Tu les connais, toujours au plus près de l'action. » Remarque-t-elle, avant de rejoindre les parents adoptifs à qui elle n'accorde qu'un signe poli de salut, souligné d'un bref sourire qui se voudrait presque carnassier. Parce que l'attention est ailleurs ; sur la nuque d'Emily, vers laquelle elle attire les mirettes du frangin.

C'est fière de sa répartie que Grace se tasse sur le banc en bois. « Tu m'accompagneras, elle devrait être ravie de te revoir. » Silence qui s'abat sur les caboches, alors qu'elle s'apprête à alimenter les chamailleries de ses paroles railleuses. Le pasteur entre en scène, et c'est le respect qui l'emporte sur l'envie de lui rétorquer d'aller bien se faire foutre. Le monologue du pasteur s'étire toutefois inutilement – elle pense que le bonhomme est certainement là parce qu'il n'avait rien de mieux à faire. Vérité intemporelle qui la fait momentanément partir loin, très loin, alors que ses pensées prennent le pas sur l'attention minime qu'elle accorde à son entourage. Les chants miséricordieux la font sortir de sa transe et, c'est tout d'abord en étouffant un rire à l'écoute de la voix rauque d'Ambrose, qu'elle chantonne également. Puis viennent les pleurs de Mrs Griffin, à l'égard de qui elle ne parvient pas à ressentir la moindre trace d'empathie, suivie de sa fille. Yeux qui s'affaissent vers sa montre en argent, qu'elle porte au poignet droit. C'est un éloge funèbre ou une putain de comédie musicale ? Les reniflements sont répétitifs. Le décompte des mouchoirs se fait. Cœur qui se tord dans sa poitrine, alors qu'elle prend son mal en patience – sentant son frère se tortiller comme un beau diable à ses côtés.

« Putain. » Raclement de gorge proche qui la fait se tendre, alors que son frère se penche vers elle, souffle chaud qui lui caresse l'oreille. Sourcils qui se froncent, alors que ses yeux restent fixés sur Emily qui perd de sa contenance. « Elle va pleurer d'ici environ dix secondes, j'connais cette tête par coeur, ça va être une crise de nerfs. Tout l'monde s'met déjà à nous regarder. » Elle réprime un soupir, et détache à regret ses prunelles de la silhouette de l'éplorée, glissant à son tour ses lèvres à l'oreille d'Ambrose. « Rectification : tout le monde se met à te regarder. » Elle esquisse un mouvement de recul, sourcils arqués comme pour lui accorder sa (fausse) compassion, et reporte son attention vers son ancienne belle-soeur. C'est sans compter les Rivers qui commencent à se faire entendre. Allez-y, allez-y, allez l'aider. Un long frisson descend insidieusement le long de la colonne vertébrale.

Grace s'écarte pour laisser Ambrose passer. Mais il lui agrippe le poignet, et l'embarque dans son sillage. Trop abasourdie pour réagir, il lui enlève les protestations de sa bouche. Elle sent les yeux qui se pointent désagréablement dans son dos. L'odeur de l'encens lui donne mal au crâne. Affable, elle se laisse emmener jusqu'au cercueil, refusant d'ouvrir la marche. Ils remontent l'allée, côte à côte. Sans trop savoir pourquoi, Grace songe aux guêpes qui se noyaient dans la mixture de miel et de bière que Bobby flanquait dans une bouteille en plastique une fois l'été venu, et accrochait sur le perron de leur baraque. La fillette qu'elle a un jour été passait des heures à regarder les insectes se débattre dans le liquide sucré. Elle a l'impression de se noyer – mais le sucre n'a pas le moindre goût, et la pierre glacée fait aujourd'hui office de prison en plastique.

Les prédictions d'Ambrose se teintent de vérité lorsque les yeux d'Emily rougissent et se fardent de larmes. C'est machinalement que Grace se dégage de l'étreinte de son frère, et passe un bras autour des épaules de la suppliciée, avant de l'accompagner lentement jusqu'au banc en bois, rejoindre sa mère. Elle tourne les talons et retrouve son frère, devenu plus Ambrose que Colt, elle se permet d'écarquiller brièvement les yeux – visage rendu expressif par cette scène qu'ils s'apprêtent à jouer pour le bon plaisir des Rivers. Masques dont ils se parent l'un et l'autre alors qu'ils entament le spectacle pour lesquels ils ont été élevés. Plantés devant le cercueil et derrière le pupitre, air familier que l'un et l'autre partagent, Grace est la première à briser le silence embarrassé. Elle tire un peu sur sa robe, alors que sa langue se délie. « Christian était un homme bon. Il avait le cœur tendre, et l'amour qu'il portait à sa femme, à sa fille – et à nous tous – était évident. Il représentait tant de choses, pour tant de gens, qu'essayer de le décrire ne lui rendrait pas justice. » Elle glisse un bref regard en coin à son frère, puis reporte son attention sur l'assemblée. N'est-ce pas, Ambroise ? Dégueule ton amour, ils t'attendent tous au tournant. Elle n'en sait foutrement rien, Grace. Elle ne sait pas de quoi ce type était fait ; s'il avait le diable au corps, ou s'il n'était qu'un con. Mais le mensonge l'inspire, Grace, et elle continue sur sa lancée. Ils ne sont pas là pour se rappeler du véritable Christian ; ils sont ici pour enrichir les fausses prétentions de son existence dérisoire. Ce qu'elle dit, ce qu'ils disent, n'a pas grande importance. Qu'ils pleurent, qu'ils rient, qu'ils se rappellent des moments qu'ils inventent malencontreusement par manque d'inspiration – c'est le boulot prenant de cette mascarade. « Il s'agissait d'une personne hors du commun, qui a marqué de nombreuses vies. » mais pas la mienne. « Célébrons son existence, buvons à sa santé, et chantons ses louanges, parce que c'est ce qu'il aurait voulu. » j'imagine ?

Son regard clair s'affaisse vers la feuille qu'Emily a laissé derrière elle. Ecriture soignée, poème qu'elle décrypte rapidement et croit reconnaître. Front qui se plisse alors que ses prunelles passent tour à tour de la feuille à Emily qui, maintenant, n'est plus qu'une silhouette longiligne secouée de sanglots. « Emily souhaitait vous lire un poème. » Annonce-t-elle d'une voix égale, surprise par la justesse qui émane de ses lippes. Puis, c'est le fichu coude qui s'enfonce machinalement dans les côtes de l'aîné, l'incitant à prendre la parole et à lire ces quelques lignes à ceux qui les observent.

par non uccidere.

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” & Grogne comme une bête qui se contient, à croiser ses bras sur son torse d'un air franchement renfrogné, à se bouffer les lèvres, au regret de ne pas trouver un poil de barbe qui dépasse sur lequel tirer avec ses dents pour se passer les nerfs. « Merci pour ta solidarité inégalable. » Ronchonne désormais franchement, oublie parfois que sa voix porte toujours plus haut qu'escompté. Le tout s'étouffe au gré des encouragements des Rivers qu'il n'entend guère, tout occupé qu'il est à fixer droit devant lui, à se rendre sourd aux murmures. A appris à le faire depuis un bail, depuis que ça se lamentait sur leur sort d'orphelins, sur la tragédie de l'incendie. Bien longtemps qu'il excelle dans l'art d'être hermétique aux paroles d'inconnus dont il se tape éperdument. Faut que sa mère adoptive lui pose la main sur le bras et le presse sous ses ongles bien manucurés pour qu'il lui jette un regard en biais. Sourcils froncés se haussent et il décèle l'ordre plus que la demande dans son regard, sa manière de l'encourager à y aller. Il le sent, qu'il n'a pas vraiment le choix. Pas plus qu'à l'époque où il s'agissait d'épouser Emily pour expier ses fautes. Le divorce n'a jamais été digéré, par aucune des deux familles, échec cuisant sur lequel le flic a suffisamment craché pour sentir que l'effort demandé ne relève pas d'une éventualité.

Alors, il se lève, lourdement, percute de ses genoux le banc sur lequel se tient le rang de devant, attire malgré lui un peu plus l'attention dans sa direction. Sans même un regard vers sa soeur, ses doigts s'aimantent à son poignet et l'entraînent dans sa galère. Rechigne jamais à la foutre dans la merde, au moins autant que lui, affaire d'enfance à partager toutes leurs désillusions, de partage sans borne, qu'il se dit. Sans doute cela ne surprend-il personne, de voir l'aîné embarquer sa cadette à sa suite. Surtout par leurs parents qui ont rapidement cerné à quel point l'un n'allait pas sans l'autre.

La gorge est serrée par l'inconfort de la situation plus que par une quelconque compassion. Suffoque sous le noeud de cravate qu'il n'a de cesse de désajuster. La proximité d'Emily ne lui sied guère, après tout ce qui s'est passé. Il n'a jamais réussi à lui dire qu'il était désolé pour tout, Ambrose. C'est pourtant ce qu'on lui a recommandé de faire. Pour qu'elle parvienne un jour à le pardonner. A se pardonner à elle-même toutes les fautes qu'il lui a mis sur le dos pour justifier la rupture. Son incapacité à enfanter, en premier. Coup bas, dégueulasse même, mais il n'a jamais été altruiste, Colt, pas même sous le masque d'Ambrose. Pas du genre à s'excuser, certainement pas à se forcer, sans le penser. Il se le demande, en la regardant, si elle l'a perçu, à quel point il ne s'agissait là que d'une fausse excuse pour abandonner leur alliance. C'est la question inappropriée qui lui traverse le crâne quand ils arrivent à sa portée, que son parfum lui chatouille les narines avant même qu'il ne soit en mesure de le humer. Vieille réminiscence, pas de nostalgie associée. Veut juste qu'elle s'éloigne, vite. Aime pas ça, se mettre à réfléchir à son sujet, à cogiter à ses actions. Emily est amaigrie et il ne doute pas un instant d'être la source du chagrin ayant creusé ses joues et le mauve sous ses grands yeux, bien avant le décès de son père. Avec reconnaissance, Colt observe Sawyer éloigner la source de son inconfort - de leur inconfort mutuel même, il est prêt à le parier - sous couvert de l'empathie de Grace. Et il croise ses mains, arbore la posture de recueillement de circonstance en se contentant de fixer la porte du fond, sans s'attarder sur les visages qui sont désormais tous tournés dans leur direction. Rêve de s'enfuir. De ne jamais avoir pénétré dans cette église. Fantasme même un accident de voiture les ayant contraints, Sawyer et lui, à appeler une dépanneuse, à feindre de se sentir mal pour prendre la direction de l'hôpital et abandonner derrière eux l'atroce cérémonie.

Mais ils sont bel et bien là. Et quand elle prend l'initiative de parler en premier, il n'a d'autre choix que de se bouffer l'intérieur des joues pour conserver un air contrit, au mieux, impassible. Petit geste appréciatif du discours qu'il adresse au regard en biais de sa soeur, comme s'il ne se doutait pas de ce qui peut lui traverser l'esprit à ce moment précis. Il la connaît par coeur, la sait suffisamment habile avec les mots pour laisser songer à tout le monde qu'elle croit réellement en toutes ces conneries. En d'autres circonstances, sûrement n'aurait-il pas été en mesure de réprimer le ricanement qui gravite autour de ses cordes vocales à chaque nouvelle parole destinée à arnaquer l'assemblée. Mais, malencontreusement, ses yeux croisent ceux d'Emily, et il n'en faut pas plus pour le glacer à nouveau.

« Que je vais donc vous lire. » Commentaire arraché à ses côtes en réponse au coup de coude qui le contraint à s'avancer à son tour. « C'est mieux dans cet ordre. Merci chère soeur pour ces mots toujours justes. » Ose pas la regarder. Se contente de saisir la feuille entre ses doigts, à se sentir aussi à l'aise que lors de la représentation de théâtre donnée par le lycée quand il avait quatorze ans. Pourtant éloquent en salle d'audience, à débiter ses expertises sous le regard d'un tribunal entier, causer dans les églises ne lui a jamais plu, hormis pour bavarder avec ses voisins de rangée. Alors, il se lance, d'un ton mécanique qui découvre à mesure qu'il lit à quel point ce poème est une erreur. Une sérieuse erreur. Le genre de merde qu'on aurait pu le forcer à lire à l'enterrement de Bobby, s'il n'avait pas férocement pesté contre l'idée de prononcer le moindre mot devant la maigre assemblée de piliers de bar venus se présenter aux funérailles. « Lorsque je prononce ce mot : « Papa », mon cœur se remplit de tendresse. » Il relève les yeux, incertain, coule un regard dans la direction de Sawyer, narine légèrement plissée dans un dédain absolu, difficile à dissimuler. Et puis, c'est au reniflement bruyant provenant de la direction d'Emily et de sa mère qu'il se ressaisit, se reprend précipitamment. « Du plus loin que je me souvienne, tu as toujours été pour moi un homme fort que je respectais, que je craignais, que j’aimais. Hm. » Le malaise est palpable et le gagne, parce que les traits de Bobby s'invitent dans son crâne et il songe même deviner sa présence fantomatique au dernier rang. « Tout enfant, il t’arrivait de me hisser sur les épaules, mes jambes autour de ton cou, .... ouais, ok... euh, mes mains dans tes mains. » L'agitation le gagne, des doigts qui titillent le premier bouton de sa chemise à ceux qui froissent lentement mais sûrement la feuille sous ses doigts. « Merci de t’être fait... tout petit quand tu jouais avec moi, ... Merci d’être devenu si grand quand j’avais besoin de toi. » Et y'a les coups d'oeil incessants dans la direction de Sawyer, Colt qui dégueule des yeux clairs et ne demande qu'à gueuler. En sueurs, Ambrose, quand il reporte son regard sur le papier et poursuit son lent supplice sur le même ton très haché. « Tu es l’arbre dont nous sommes les rameaux, tu es le pilier de notre famille, tu es celui qui nous a donné un nom. Tu es mon père ! » Il ne sait pas vraiment pour quelle raison son poing se lève en guise de victoire à cette conclusion, dernière phrase jetée avec un enthousiasme non feint, qui détonne clairement dans le décor. Il ne le remarque qu'alors, à quel point l'effervescence qui le hante s'est mise à se transmettre autour de lui. Catalyseur chaotique qui peine encore, après quarante années, à contrôler son influence lorsque les émotions l'envahissent.

Il note, pourtant, une fois arraché à sa transe, que le ton monte entre les grands-parents, au troisième rang. Que deux types s'empoignent, et se traînent vers la sortie, porte qui vole dans leur dos. Et ça devient jubilatoire pour Colt, flamme au fond des yeux alors qu'il contemple l'ombre de Bobby au fond de la salle. « Tu es mon père qui n'a jamais eu de cesse de me rappeler qu'il n'aurait jamais de petits-enfants, quand bien même était-ce un déchirement pour moi que de l'entendre ! » Feuille à la main, ne lit plus le texte pourtant, Ambrose, à s'écarter du pupitre, emporté par la frénésie qui le gagne et qui envahit la salle. « Tu es mon père qui, désolé Margaret, était sans doute le père de bien d'autres gamins dispersés au gré de ses aventures ! Quelle grande famille ! Quel arbre, quel tronc, quels beaux rameaux ! » Et il y a une pointe de sadisme dans le ton, et il pourrait continuer des heures durant, emporté par la tare qui le ronge, et se met à ronger ses alentours.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS
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T'as pas d'coeur, quand même, à lui forcer la main comme ça. Mais il se débrouille bien, Ambrose, joue des mots qu'il dicte avec brio. Peut-être, tour à tour, trop hésitant ou trop intense. Il se prend probablement pour le dernier des tragédiens grecs, malgré le dédain qu'elle remarque ici et là, et ses quelques gestes nerveux. Elle le trouve drôle, le nez collé au papier noirci d'encre, et suffisamment attendri pour tenir le bon rôle jusqu'au bout. Sawyer admire Colt. Ici, maintenant. Elle ne le dira jamais, mais son cœur se gonfle et lui fait un peu mal. Il tient le bon bout, son frère, et il ne frémit pas malgré l'angoisse de cette situation grotesque. Quant à elle, son visage arbore l'expression d'une profonde compassion, éprouvée à l'égard du frère aîné plutôt que de cette famille dont elle n'a cure. Colt avant les autres ; malgré le venin qui fait frémir sa langue, malgré ce qu'elle peut parfois lui faire laisser penser.

Ce sont alors les sourcils qui se froncent pourtant imperceptiblement, lorsque Colt brandit son poing dans les airs afin de souligner la fin de son discours. Celui qui aurait dû sortir d'une bouche étrangère, mais qu'il a repris – pour quelles raisons, au juste ? Se faire bien voir ? S'attirer les doléances de ceux qui les méprisent ? Et si on partait, juste toi et moi, et si on se barrait de là ? Grace n'est plus vraiment Grace, alors que Sawyer tape dans sa poitrine. Elle veut enlacer les doigts de Colt de ses phalanges glacées, et l'entraîner dans sa fuite. Parce que c'est ici, devant le cercueil, qu'elle se rend compte de la futilité de ce chemin qu'ils ont emprunté tous les deux. Ils auraient dû partir, lorsque Bobby est mort. Ils auraient été deux gosses sur la route, mais ils n'auraient jamais eu à jouer un rôle. Pas le moindre. Parce qu'ils auraient été Colt et Sawyer ; et pas ces pauvres raclures d'Ambrose et de Grace. Le temps a passé, pourtant, et peut-être que l'univers n'est pas assez grand pour les Malone, mais tout juste suffisant pour les Rivers.

Perdue dans ses pensées, le fracas grandissant du troisième rang la réveille ; gorge serrée face à cette montée de violence, momentanée ou non, qu'elle observe les deux gars se traîner jusqu'à la sortie. Grace se meurt, alors que Sawyer coule un regard interrogatif à Ambrose – devenu Colt. « Tu es mon père qui n'a jamais eu de cesse de me rappeler qu'il n'aurait jamais de petits-enfants, quand bien même était-ce un déchirement pour moi que de l'entendre ! » Colt, devenu Bobby. Mais elle ne parvient pas à bouger, Sawyer, prisonnière de ces chairs qui ne sont plus les siennes. Estomac qui se crispe, alors que Colt s'érige – alors qu'elle remarque tous ces regards qui se braquent vers la silhouette longiligne de l'aîné. Ils comprennent tous qu'il travaille maintenant à l'improvisation, qu'il ne s'agit plus d'un poème signé par la fille du défunt. Interdite, Sawyer ne bouge pas. Elle ne voit plus Ambrose, ou Colt, même si c'est bien son frère qui s'écarte du pupitre. « Tu es mon père qui, désolé Margaret, était sans doute le père de bien d'autres gamins dispersés au gré de ses aventures ! Quelle grande famille ! Quel arbre, quel tronc, quels beaux rameaux ! » Ni Ambrose, ni Colt. Rien de plus que Bobby.

Et elle ne se souvient plus vraiment de Bobby – juste de certains moments où, terrifiée, Sawyer attendait le châtiment corporel ou l'insulte qui suffirait à la faire pleurer. Alors, peut-être que c'est ça, l'enfer. De voir le frère devenir le père.

Grace reprend contenance, parce que tout le monde (même les Rivers) semble décontenancé par l'aigreur, la violence de ses mots, et empoigne brusquement le bras de l'aîné, l'arrêtant dans sa tourmente. « T'es con, arrête ça. » L'ordre est donné entre les dents serrées. Elle le pousse en avant, alors que ses doigts se glissent dans son dos, veste serrée dans ses mains, pour qu'il ne lui échappe pas. Il pourrait la foutre à terre, mais il ne le fera pas. Elle le connait. Il ne la touchera pas. Du coin de l'oeil, elle remarque la moue pétrifiée d'Emily, et de la veuve éplorée, et a l'impression que certains seraient prêts à venir jouer de leurs poings s'ils s'amusent à rester dans les parages. Alors, Sawyer pousse – elle pousse jusqu'à la porte de l'église, dépasse le banc sur lequel leurs parents adoptifs sont installés, sans se retourner, et passe le pas du lieu sacré. Elle ferme le battant boisé derrière eux avant de rejoindre son frère sur le gravier et, mains aux doigts écartés, pousse Ambrose ; de nouveau, et sans ménagement. « Pourquoi tu merdes, comme ça, tout l'temps ? » Elle comprend la colère. Elle comprend l'amertume. Mais pourquoi ici ? Et pourquoi maintenant ? Quelle légitimité de cracher sur un mort, surtout, alors que des échos ahuris lui parviennent de l'intérieur de l'église ?  « C'est tout ce que tu sais faire, Colt, merder. Avec Bobby, avec Emily. Avec ce pauvre connard qui n'est même plus là pour te dire d'aller bien te faire foutre. » Avec moi, putain, avec moi. Elle le pousse encore – voudrait le claquer aussi, comme Bobby le claquait. Peut-être qu'il arrêterait un peu, d'faire sa vie un enfer. Peut-être que Bobby avait raison, qu'ils n'étaient que deux sales gosses – et ça s'est jamais vraiment effacé. « C'est tout ce que t'as toujours fait, Colt, c'est tout c'que tu sais faire. Tu peux pas te tenir, t'as aucun bon sens. Aucune retenue. » Les mots s'entrechoquent, elle halète, parce qu'elle ne veut pas dire ce qui lui brûle la langue – putain de meurtrier.

C'est sans compter la porte qui claque, et la silhouette des Rivers qui s'érige devant eux, tel le jugement dernier. Puis, ça revient – ce besoin de se murer dans le silence, parce que ça devient un peu trop, de s'occuper de cette histoire qui lui fout la gerbe et à laquelle elle ne veut pas penser. Lèvres pincées, Grace s'écarte d'Ambrose, pommettes rougies sous la fureur qui pulse dans ses veines, adrénaline qui la désoriente et qui pourrait lui faire dire n'importe quoi. N'importe quoi, mais pas ce qu'il faudrait.

par non uccidere.

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” & Ambrose, Rivers, le garde-fou de lettres d'argent qui fait pâle figure quand, sur une impulsion viscérale, Colt éviscère les faux-semblant, et, lentement, mais dans un désastre certain, remonte à la surface. Le masque ne se craquelle pas avec douceur, jamais. Explosion qui jaillit des tripes et se scande comme le véritable sermon à retenir, énergie infernale qui saccade sa respiration entre deux diatribes clamées dans un grand sourire. N'a jamais excellé qu'en s'adonnant aux pulsions qui le gouvernent depuis Truro. Quand, à trop côtoyer la violence des vagues enragées menaçant sans cesse d'engloutir le port, s'y être jeté une fois, de son plein gré, et avoir été recraché sur la rive, c'est leur remous anarchique qui s'est mis à tourbillonner dans ses poumons. Et il les traîne avec lui depuis lors, de ces soirées à hanter le sillage paternel dans son pub favori, à ces heures à s'égosiller, tambouriner contre les portes du placard cadenassé. A eu tout le loisir de se retenir à l'époque, et puis, durant toutes les années qui ont suivi, mômes égarés recueillies par leur nouvelle famille, se gardant bien d'avouer que sa soeur et lui avaient toujours été plus loups que brebis. Alors, sans doute que planté sur l'estrade, à deux pas du cercueil, à devoir donner le change parce que son ex-femme n'est pas foutue de le faire sans sangloter deux minutes, ça craque, pour de bon. Mentirait sûrement, en prétendant que ce n'est pas une véritable libération. Véritable fléau qu'il répand sans chercher à brider la catastrophe qui, petit à petit, gagne toute l'église, il pourrait continuer, encore et encore, si on ne l'arrêtait pas. Si sa soeur ne l'arrêtait pas. Bien la seule à être en droit d'intervenir, pour avoir été le premier témoin de ses dégâts, ne jamais s'être effacée du paysage malgré tout. Certitude de la trouver, encore et toujours, à ses côtés, peu importe ce qu'il fera, peu importe ce qu'il pourra faire, dire. Parce qu'elle sait, Sawyer, ce que Colt a fait à l'époque, et il se l'est dit depuis ce moment-là, doigts emmêlés dans les siens en étant escortés par les pompiers, qu'il ne serait jamais vraiment seul. Pas même maintenant, devant la foule, alors que tout s'effondre autour de lui. Se sent puissant, Colt, à l'apogée de ce qu'il était, de ce qu'il s'est retenu, depuis près de trente piges, de leur montrer.

Poigne le chopant au bras, mots le chopant au coeur, l'animal se concentre sur l'ordre qui claque, seul maître auquel il est encore susceptible de répondre. « Pourquoi ? » Qu'il rétorque, mauvais comme il peut l'être, avant de se laisser pousser vers la sortie, les mains en l'air, à exagérer comme s'il venait tout bonnement d'être arrêté par sa propre soeur. Et l'sourire narquois n'abandonne pas les lippes retroussées dans un sourire désagréable, jusqu'à ce que la lumière du jour le percute de plein fouet. Contraint à plisser l'oeil gauche avant que les rayons ne le grille jusqu'au cerveau, il fait quelques pas, encore, avant de se retourner vers sa soeur qui le pousse à nouveau. En rogne, Malone, qui se plante bien en face d'elle, carrure imposante qui n'impressionnera pas sa cadette, n'empêche qu'il revient baisser le front vers elle pour bien la dévisager.  « Parce que tout l'monde n'est pas aussi enclin à s'laisser endormir que toi. » Saloperie qu'il lui grogne, affront que de prétendre que tout, absolument tout, dans le costume de Grace n'est pas que pure comédie. Et il ricane plus, l'aîné, parce que ses remarques percent l'armure et se répandent en autant de traînées de poudre dans sa carcasse. « Bobby t'manque ? T'aurais aimé rester là-bas ? » Véritable question qui se lance à la dérobée, parce qu'il le sent, le reproche, que c'est sûrement ce qui fait le plus mal, en réalité, quand tout ce qu'il souhaitait, véritablement, maladroitement et très certainement avec un brin de psychopathie sur le moment, c'était de les libérer. Elle, et lui. Pouvait pas prévoir qu'ils ne feraient que de changer de geôle.  « T'étais plus heureuse toi, à surtout pas merder avec Kingsley ? » Et les mots s'alignent sur les pensées. Regrette jamais ce qu'il dit, Ambrose, pas quand ça se joue à couteaux tirés avec Sawyer depuis l'enfance. Le fait est constaté, l'intention de blesser à peine perceptible dans la vérité qu'il songe détenir. « Si t'as toujours pas compris que c'est dans mon sang, dans ma chair, Sawyer, depuis que j'suis né, si t'as de l'espoir, l'espoir de me sauver, en quoi t'es différente d'eux, dis-moi ? » Eux qu'il méprise, qui apparaissent bien trop rapidement dans son champ de vision, claquement de langue agacée et discussion qui se ravale.

Pris au piège. Ce qu'il ressent depuis toujours, et ça lui revient, aussi rapidement qu'il songe s'en être défait. « Ambrose. » Ferme, glaciale, le contraint à baisser les yeux dans sa direction, leur mère, le substitut de celle qui les a abandonné, celle qu'il regrette de ne pas avoir suffisamment connue. « Je ne te reconnais pas, mon garçon. » Un geste de la main réoriente Benedict dans la direction de Grace, tête à tête audible que Felicity Rivers improvise avec son aîné. « Tu t'es égaré, et je n'ai rien vu. » Se bouffe les lèvres, les joues, la langue, goût de ferraille qui monte quand tout ce que sa peau transpire contamine lentement mais sûrement la femme qui se tient en face de lui et puis, leur père, qui se concentre sur Grace. Et il n'entend rien, Ambrose, les poings serrés, les mâchoires qui claquent sur des mots qui s'échappent. « Dis-moi ce que je dois accomplir en guise de pénitence, combien de prières me laveront de ce péché de colère, dis-moi, parce que je ne me souviens plus vraiment, à quel moment le Malin s'est infiltré dans mon esprit. » La claque est rude, sèche sur sa joue à la barbe bien taillée. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Felicity ne lui en avait jamais assénée. Et elle semble le réaliser, aussi, aux yeux qui s'écarquillent, le corps submergé d'une rage qui ne lui appartient guère ou plutôt, qui se contient moins bien que d'ordinaire. Et il suffoque, Ambrose, enragé qui redresse la nuque et la dévisage d'en haut, ombre étendue sur la mère, menace qui se pressent certainement parce qu'il ne tarde pas à sentir la main de Benedict sur son bras, celui qu'il retire à son emprise d'un geste brutal pour mieux se replanter face à lui, front à front inédit et le coeur qui bat à tout rompre. « Vas-y, à ton tour, je sais que t'en meurs d'envie. Vas-y, frappe-moi, si tu le souhaites, crois-moi, j'ai déjà connu bien pire, on a déjà connu bien pire. » Et pourtant, confronté à la lutte interne de son père qui se répand en prières muettes, c'est Ambrose qui recule, le premier. « Il va falloir que vous arrêtiez ça, c'est plus possible, tout ça. Tous les trois, tous les trois, ... » Grogne autant qu'il s'éloigne, le regard qui vogue du père, à la mère, à la soeur, s'attarde sur la soeur, la soeur qu'il ne sait plus dans quel portrait de famille dessiner, la soeur qu'il n'a toujours inscrit que sur cette image où il n'y a finalement qu'elle et lui. « Arrêtez d'essayer de m'attraper pour m'coller dans une cage qui vous plaît bien, mais qui m'plaît pas, à moi. » Mots soufflés qui résonnent du pavé brûlant à ses propres tympans, profite du chaos immiscé ci et là pour libérer ce qui pèse sur le poitrail, ce qui s'oubliera sûrement trop rapidement, comme un mauvais rêve.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS
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Colt est injuste. Colt ne sait pas de quoi il parle. Pourtant, ses mots tournent, et se retournent, au fin fond de ses songes. Front qui se redresse, tandis que celui de l'aîné s'affaisse. Bataille de regards, et saloperies qui sortent des lippes sœurs. Grace veut tout, et rien à la fois. « Pourquoi ? » Pourquoi arrêter – pourquoi ne pas continuer jusqu'à ce qu'ils crèvent, tous les deux ? Bouche qui devient sèche, la femme redevient ombre et se tend, ongles qui s'enfoncent dans le creux de ses paumes. Prunelles qui se baissent vers la pointe de ses chaussures noires, s'enfonçant dans le gravier sur lequel la bataille fait rage. « Parce que tout l'monde n'est pas aussi enclin à s'laisser endormir que toi. » Iris qui se contractent, se relèvent aussitôt. Dévisagent le fou, dévisagent l'ordure. Tout le besoin du monde de la blesser, c'est ce qu'elle voit – ce qu'elle ressent.

« Bobby t'manque ? T'aurais aimé rester là-bas ? » Elle s'emmure dans un silence de plomb, Grace, réminiscences d'une époque de sa vie où ses mâchoires étaient contractées, où aucun mot n'était prononcé à l'attention de sa famille. Si elle ne lui fait pas l'honneur d'une réponse, c'est pour mieux cogiter – pour mieux contrôler les flammes qui piquent ses chairs, et bouffent sa carne. Le cœur qui bat lui fait mal, et les battements qui se glissent jusqu'au creux de ses oreilles sont assourdissants. Elle n'entend plus que ça ; et les paroles assassines du frère qui l'étourdissent par leur acidité. Peut-être que j'aurais voulu ne pas être là, avec eux. Peut-être qu'il ne s'agit là que d'une farce, d'un truc pas si important au fond, parce qu'ils sont tous les deux vivants – et gloire au ciel, gloire à Dieu, en sont-ils pas deux forces de la nature ? Ne sont-ils pas sains, de corps et d'esprit ? « T'étais plus heureuse toi, à surtout pas merder avec Kingsley ? » La réplique de l'aîné lui arrache un sourire, alors que son regard se porte au loin, gorge qui se serre pourtant sous ce nom qu'Ambrose prononce. Le visage se fissure alors que ses yeux clairs affrontent de nouveau ceux du monstre. « C'est tout ce que t'as en réserve ? Tu te fous de moi ? » Qu'elle crache, qu'elle détourne. Pas l'envie d'évoquer Kingsley, pas l'envie de s'embourber dans ce sujet qu'elle sait fragile – pas l'envie, ni le besoin, entendre ce prénom passer les lèvres de quelqu'un qui bafoue les vivants et les morts. « Si t'as toujours pas compris que c'est dans mon sang, dans ma chair, Sawyer, depuis que j'suis né, si t'as de l'espoir, l'espoir de me sauver, en quoi t'es différente d'eux, dis-moi ? » Sourcil qui s'arque, alors que ses poings se détendent. Les ongles laissent derrière eux des demi-lunes rougeâtres. « Te sauv- » Interrompue par l'arrivée des parents adoptifs, surgissant d'entre les portes boisées.

Felicity qui se dirige vers le fils, sans laisser à la fille le temps de protester. « Ambrose. » Instinct de préservation, qui date de l'enfance, qui pousse Grace à vouloir rester aux côtés de son frère. Mais la matriarche lève la main, et Benedict se plante à ses côtés et lui passe un bras autour des épaules. La conserve auprès de lui, la garde précieusement, la retient d'aller voir son frère – et leur mère. Ne sait pas ce qu'ils se disent, malgré les fréquents coups d'oeil qu'elle leur jette. Et ça la tue, toujours un peu plus. « Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé à l'intérieur ? » Elle se renfrogne, Grace. Arrache son regard de la carcasse d'Ambrose pour le braquer dans celui de Benedict. « Il est juste...c'est particulier d'être ici, pour lui, beaucoup trop de..d'émotions, et de.. » colère « de questions. Je ne sais pas s'il aurait dû venir. » « Visiblement, non. » Le ton est doux, étrangement. Dérangeant, surtout lorsque la peau d'Ambrose vrille sous la main de Felicity et que le bruit attire père et fille d'un même pas. Mais Grace ne s'approche pas tellement, n'ose pas vraiment, surtout lorsque l'ombre de Colt s'étire, et domine la mère de famille. Bras croisé en travers de son ventre, tandis que l'autre se plie, main qui s'accroche nerveusement à son pendentif.

C'est Benedict qui presse sa main contre le bras du fils. Accueil détonant que Colt lui réserve, posture défensive qui lui donne des sueurs froides. « Vas-y, à ton tour, je sais que t'en meurs d'envie. Vas-y, frappe-moi, si tu le souhaites, crois-moi, j'ai déjà connu bien pire, on a déjà connu bien pire. » Il s'éloigne, se répand en grognements, s'étire. N'a pas besoin d'eux pour se perdre. N'a besoin que de lui-même. « Il va falloir que vous arrêtiez ça, c'est plus possible, tout ça. Tous les trois, tous les trois, ... » Grace esquisse un pas en avant, puis un deuxième. Etreint le bras de Felicity, puis celui de Benedict. « Arrêtez d'essayer de m'attraper pour m'coller dans une cage qui vous plaît bien, mais qui m'plaît pas, à moi. » Grace hoche la tête silencieusement, et fait lentement volte-face vers son frère. Colt, imposant et en proie à une lutte interne dont elle reconnaît tous les prémices, tous les détails. C'est sans un mot que la cadette se rapproche de l'aîné. Glisse ses doigts dans la poche de son pantalon, et en ressort les clefs de la voiture qu'elle fait teinter sous le nez d'Ambrose. « Je te reconduis chez toi. » Qu'elle souffle, avant de se détourner de lui, pour se rapprocher la voiture dont elle ouvre la portière. S'installe derrière le volant, et attend l'arrivée du frère pour mettre le moteur en branle. Adresse un bref signe de la main à leurs parents, alors que le véhicule se met en marche sur la route.

Sans un mot qu'elle conduit, sans un mot qu'elle ressent la présence d'Ambrose. Phalanges bien agrippées au volant, c'est toujours sans un mot qu'elle se gare sur le bas-côté de la route après environ une minute de trajet, et coupe le moteur. Ses mains se rejoignent, et se posent sur ses cuisses. Regard qui fixe l'horizon, avant qu'elle ne brise enfin le silence. « C'est dans mon sang aussi, Colt, comme dans le tien. Ca l'a toujours été, y a pas à chier. » Corps qui se tourne légèrement sur le flanc, yeux qui observent le visage émacié de l'aîné. Prunelles qu'elle parvient à capturer des siennes. « J'ai jamais prétendu vouloir te sauver. J'dis pas que les Rivers n'y pensent pas – mais ça n'a jamais été ça, pour moi. » Elle y repense, au visage de Bobby, englouti par les années d'absence – fasciès qui relève plus de l'imagination que de la réalité. « J'ai pas non plus la prétention de savoir ce qui se passe dans ta tête, Colt, mais j'te connais bien, très bien... sans doute mieux que toi-même, et certainement mieux que les Rivers. » Regard qui s'affaisse, qui se perd un peu, pour mieux se relever. « T'as merdé quand t'as foutu le feu à la baraque. Et après, ça n'a été qu'une succession de trucs improbables. Des merdes que tu enchaînes sans vraiment y penser à deux fois. J'veux dire... tu ne te demandes jamais où on serait, si Bobby avait survécu ? On ne serait peut-être pas là, à vivre un énième putain de mensonge...peut-être qu'on serait ailleurs, et peut-être que ce serait mieux. » Ferme les yeux, laisse sa tête reposer contre le dossier du siège. Veut pas lui laisser l'opportunité de se prêter à cette rêverie, pourtant, parce que c'est ici qu'ils sont coincés – c'est ici qu'ils crèveront probablement. « Mais on est ici, et Bobby a claqué. Et..t'es tellement en colère, tout l'temps, pour tout et n'importe quoi. Tu me fais penser à lui. » Paupières qui se rouvrent, yeux clairs qui retrouvent le frère comme on retrouve la lumière. « J'me demande ce qu'il te manque pour que tu commences à lever la main sur ceux qui t'aiment le plus. » Le ton n'a jamais été plus doux qu'en cet instant, malgré les paroles qui l'étranglent, et les pensées tortueuses qui l'assaillent. Trop de choses à dire et, pourtant, en cet instant, c'est tout ce qu'elle trouve à suggérer. L'existence de quelque chose de plus sombre, peut-être, bien dissimulé sous sa peau, à lui.

par non uccidere.

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” & « Mais allez-y, retournez à l'intérieur, on a besoin de vous. Ne bougez pas, porté par la Grâce Divine je viens vous rejoindre. » L'étau se resserre sur ses tempes. Qu'une affaire de minutes avant que les ultimes remparts de raison ne s'effondrent. Un compte-à-rebours silencieux qui pulse en salves sanguines dans ses tympans, l'assourdissent. Gueule tellement qu'il entend à peine les mots de Grace, ne distingue pas les brisures venant déchirer le masque de Benedict ni l'effroi dans les grands yeux de Felicity.
Il n'y a rien.
Rien d'autre que les lancées fulgurantes qui butent dans sa boîte crânienne. Rien d'autre que la bête aux désastres annoncés qui rue et rugit et menace ses cordes vocales de tout révéler.

Longtemps, il s'est tenu.
Il y en a eu quelques-uns, des accrocs, en trente ans, sûrement.
Des moments où il a vu Felicity baisser les yeux et détourner le regard.
Ou Benedict serrer les mâchoires.
Peut pas croire, qu'ils n'aient rien vu, comme ils l'ont toujours prétendu.
Peut que fantasmer qu'ils n'aient jamais fait le lien. La mère Rivers, surtout. Avec ses incendies et la disparition tragique de Bobby. Il aimerait le lui demander, si elle a tremblé, parfois, bien au chaud dans son lit, dans leur grande maison, à s'demander si, d'un coup d'un seul, ce ne serait pas l'odeur du gaz qu'elle aurait perçu, insidieusement glissée sous leur porte. Il aimerait aussi les questionner sur les véritables motifs de leur adoption. Si le dossier était suffisamment dégueulasse pour qu'ils en fassent leur p'tite mission. S'ils sont satisfaits du résultat. S'ils se songent responsable parce qu'en effet, et il se l'dit souvent, Colt, que son âme était vendue au Malin bien avant qu'il ne pousse son premier hurlement.

Le moteur vrombit. Signal d'alarme. Les dents crissent, mélodie insupportable qui se répercute jusqu'au fond du crâne. Et il dégage. Lève les bras en l'air, comme pour se rendre, pas à reculons, à regagner le siège passager et claquer la portière sur la réalité. Bien que Sawyer qu'il suivrait, à ce moment précis, et pour l'éternité.

Silence de mort. Sûrement ce qui aurait dû emplir l'église, un peu plus tôt. Cause pas, à se bouffer l'intérieur des joues pour se canaliser un minimum. Il aimerait qu'elle conduise jusqu'à ce que la ville disparaisse, qu'ils ne reconnaissent pas le paysage. Mais à peine une minute et elle se range sur le côté. « Aux dernières nouvelles, c'pas chez moi. » Maugrée surtout pour lui-même, contraint de l'écouter en se retenant de rouler des yeux pour dédramatiser. Déjà, ses mots perforent la carcasse d'acier et ça le bute, de l'entendre dire que c'est dans son sang. Aurait aimé qu'ça le soit pas. Qu'elle soit encore suffisamment jeune à l'époque pour que les souvenirs l'épargnent. Bien forcé de réaliser qu'c'était pas le cas, dès les nuits agitées de l'orphelinat. Dès ses silences à la parole ne revenant pas. « Garde tes analyses à deux balles pour ceux qui sont assez cons pour s'payer tes services. » Mauvais jusqu'aux vibrations sombres qui portent sa voix, peut pas supporter sa manière de toujours le frapper là où ça fait l'plus mal, finalement. Talent certain, bien avant qu'elle ne se lance dans ces études qu'il n'a jamais approuvées. Pas quand ça lui donnait l'impression d'être encore plus sondé qu'avant par ses grands yeux.

« On serait ailleurs. » Il peut pas s'empêcher de ricaner, s'maudit même pas pour cet instant brisé par les notes graves qui se répercutent dans l'habitacle, coude coincé contre la vitre, à se bouffer les cuticules pour tenter d'retenir ce qu'il a à dire. Mais peut pas. Pas quand Sawyer resurgit, là, maintenant, loin des regards, et qu'il finit bien par incliner sa nuque vers elle. « Pourquoi refaire le passé ? T'es du genre nostalgique ? C'est quoi l'but, de s'demander si ouais ou merde ç'aurait été différent ? Forcément, qu'ç'aurait été différent. » Il le dit, implacable qui ne se tourne guère vers ses souvenirs. Ceux, savamment cloisonnés depuis plus de trente piges, qui ne méritent pas même un regard. « Et si on était restés, et s'il était resté, et si, à force de picoler, et d'nous cogner, il avait fini par nous tuer ? » Grondement dans l'atmosphère tendue, ton orageux qui monte, à l'heure où les non-dits se laissent laminer par leurs foudres respectives. « Tu t'rappelles quand il t'a éclaté contre le mur de l'entrée ? Qu't'as plus causé, après ça ? T'sais que j'ai cru que tu te relèverais jamais ? » Il le vocifère, genou tremblant et pied martelant le sol dans l'impatience qui le gagne. « J'voulais pas qu'il ait l'occasion de nous séparer. » Il le lâche, le gueule, p'tetre, portière ouverte en écho, à jurer en s'extrayant du véhicule avant de faire quelques pas, mains rassemblées sur le front, la tignasse qui s'ébouriffe et les doigts qui finissent par se caler dans la nuque, à toiser la grisaille, ce Ciel si décevant.

C'en est trop pour lui. Incapable d'entendre ce qu'elle a à dire, quand elle le compare à Bobby. Les doigts tirent sur la cravate, sur le col de la chemise, déboutonnent la veste mais rien n'y fait, quand ça monte ainsi sous ses côtes. Bouffée furieuse l'empêchant de respirer, au bord de la route qu'sans prévenir, Colt se met à s'époumoner. Hurlement sorti des entrailles, décharges infernales portant le cri jusqu'aux abysses, probablement, à faire trembler le sol sous leurs pieds - c'est ce qu'il ressent. Ongles arrimés à son torse, qui labourent la chair en dessous, cette particularité aux airs de malédiction qui complique son existence depuis son premier souffle. Et ça dure un moment, plainte d'un démon de pacotille qui, dans l'fond, n'a jamais songé marteler la carcasse la plus proche de lui.

Et il est défiguré par la hargne, par le désespoir d'une fatalité énoncée par sa soeur quand enfin il se retourne, poursuit sur sa lancée : « Mais t'as raison, j'avais pas ta patience. J'aurais peut-être dû rester là, devenir alcoolique à huit piges à force de l'l'aisser me claquer des verres tous les soirs, hériter de son business de merde, de ses dettes de merde, te voir dépérir en miroir, et puis, frapper mes gosses aussi, parce qu'bon, ça, ça c'était excusable, avec ça, t'arrivais encore à l'regarder quand moi, tu m'regardes comme ça, comme si j'étais pire que lui, Sawyer. Pas comme lui, pire, c'est c'que tu penses ? Alors, tire-toi. » Geste enragé qui balaye l'air avant qu'il ne se mette à marcher au bord de la route, oublie sa caisse, oublie tout, tout, tout, derrière, sans un regard.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS
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Il n'écoute rien, Colt. Et Sawyer n'est pas certaine qu'il ait déjà pris le parti de réfléchir avant de causer – alors que tout son être vibre de consternation. Peut-être qu'il lui ait, finalement, plus facile de se replier que pour lui. Peut-être qu'il ne lui en faudrait pas beaucoup, non plus, pour briser la façade de détachement que ses airs arborent au quotidien. Travail de dure labeur, n'est-ce pas, que de prétendre aux yeux du grand monde que l'on est Grace Rivers alors que chaque pensée détournée, chaque manquement à ses propres ordres, la ramène à Sawyer Malone.

Dualité des sentiments, dualité des possessions, qu'elle maîtrise avec brio, contrairement à l'aîné qui vient de casser le masque. Elle se demande si ça lui fait du bien de cracher sa véhémence, de laisser parler ce qui tirent les nerfs sous les chairs. « Mais allez-y, retournez à l'intérieur, on a besoin de vous. Ne bougez pas, porté par la Grâce Divine je viens vous rejoindre. » Qu'il déblatère, et ça aurait pu lui arracher un sourire, à Grace, si elle n'était pas mortifiée par ce qui se dresse devant elle. A vouloir étreindre brièvement ce qui lui fait office de parents, mais qui n'ont jamais été rien de plus que des mascarades sous couvert de seconde chance, avant d'embarquer Ambrose dans sa voiture. Doigts accrochés au volant, à vouloir rouler loin de cette putain de ville – à se dire que la vie peut être mieux ailleurs. Faut qu'on se tire, faut qu'on se tire. Elle se répète, inlassablement, alors que les arbres défilent sur sa gauche. Parce que rien n'a jamais été plus important que Colt, parce que rien ne surpassera jamais l'affection (bien que fissurée) qu'elle lui porte. Peut-être que ce n'est pas de l'amour, peut-être que c'est autre chose – c'est le sang, et peut-être finalement que c'est ça le plus important. Et y a pas à dire, y a pas à réfléchir ; c'est toujours lui vers qui ses pensées convergent. Y a pas le choix, même si la voix se brise sous l'acidité du venin. Y a que lui, et y a toujours eu que lui d'essentiel.

C'est dur pourtant, d'affronter l'aîné ; surtout lorsque cette part de lui, que Grace croyait bien cachée, a taquiné ce monde qui les entoure. Moteur qui s'arrête, roues qui s'immobilisent. « Aux dernières nouvelles, c'pas chez moi. » Et laïus désapprobateur qui commence, qui essaie de glisser le long de ses contours anguleux. Désapprobation, encore, qu'elle se mange en retour – à se bouffer l'intérieur de la joue pour contenir son propre feu. « Garde tes analyses à deux balles pour ceux qui sont assez cons pour s'payer tes services. » Et ce commentaire la pique salement, la pique au vif, phalanges qui s'enfoncent immédiatement dans ses genoux pour détourner son attention vers la douleur qui l'élance ici ; plutôt qu'ailleurs. Parce qu'elle pourrait lui en coller une, putain, parce qu'elle devrait lui en coller une. Mais c'est pas elle, ça. C'est une sale gosse, de ce que lui disait Bobby – mais elle est pas de ce genre-là, ça s'peut pas.  « Tu peux parler. » Lâche-t-elle, voix basse qui l'étranglerait presque. Pense très fort à ce qu'Ambrose a fait subir à Bobby – et l'expertise dont il se targue maintenant. Flammes qui lèchent le passé et le présent.

L'intonation qui fait vibrer les lippes de Colt la saisit au ventre. « On serait ailleurs. » A l'entendre, ça lui donnerait presque l'envie de chialer, mais le visage ne frémit qu'à peine, l'habitude primant sur le chagrin. « Pourquoi refaire le passé ? T'es du genre nostalgique ? C'est quoi l'but, de s'demander si ouais ou merde ç'aurait été différent ? Forcément, qu'ç'aurait été différent. » Besoin de se calmer – doigts qui se détournent vers le volant, autour duquel ils s'agrippent. « T'es heureux là, peut-être ? De jamais avoir bougé de cette ville de merde ? D'être à la botte des Rivers ? » Réponse à tout qui ne se fait pas attendre. « Et si on était restés, et s'il était resté, et si, à force de picoler, et d'nous cogner, il avait fini par nous tuer ? » Poing qui s'écrase maintenant au centre du volant – alors que le ton monte, et que le sien finit également par éclater. Habitacle qui leur renvoie les remontrances, et dont les faux-semblants s'échappent. Est-ce que c'est ça, la vérité ? Et est-ce que c'est supposé faire si mal ? « Et peut-être que j'aurais préféré crever plutôt que de passer ma vie à te voir bousiller la tienne, putain ! » Ca s'échappe, ça l'étoufferait presque. Regard qui capture celui de l'aîné, qui crisse presque contre le sien. « T'as tué Bobby, me demande pas d'faire comme si t'avais jamais rien fait. » Elle en tremble, de mettre clairement des mots sur ce passé auquel elle repense pourtant tout le temps. « Tu t'rappelles quand il t'a éclaté contre le mur de l'entrée ? Qu't'as plus causé, après ça ? T'sais que j'ai cru que tu te relèverais jamais ? » Lèvres sèches, Grace referme la bouche qu'elle avait ouvert en prévision de ce qu'elle aurait pu lui dire – mais elle ne trouve rien, finalement, que le silence en réponse. « J'voulais pas qu'il ait l'occasion de nous séparer. » Il le gueule, faisant écho à la portière qu'il vient d'ouvrir avec fracas.

Respiration fébrile, Grace pose brièvement son front contre le haut du volant. Ferme les yeux. Récupère la contenance qui s'éclipse d'entre ses doigts – et elle le sent, finalement, qu'ils sont à deux doigts de se dire des trucs qu'ils regretteront plus tard. Qu'elle devrait rester à l'intérieur, parce que leur relation est au bord de quelque chose qu'ils ne parviendront peut-être pas à rattraper. Sursaute quand elle entend Colt s'époumoner – prendrait peur, parce qu'il y a comme un goût d'inhumain dans ce qu'elle perçoit. Alerte, Grace pousse la portière et sort. Pose ses coudes sur le véhicule – et attend.

Lorsqu'il se retourne, le cœur cogne d'effroi en retour. Défiguré, il l'est – par la hargne, la colère. Comme des airs de tristesse qu'elle penserait reconnaître également, si elle n'était pas à deux doigts de gerber face à ce qui se dresse et beugle. « Mais t'as raison, j'avais pas ta patience. J'aurais peut-être dû rester là, devenir alcoolique à huit piges à force de l'l'aisser me claquer des verres tous les soirs, hériter de son business de merde, de ses dettes de merde, te voir dépérir en miroir, et puis, frapper mes gosses aussi, parce qu'bon, ça, ça c'était excusable, avec ça, t'arrivais encore à l'regarder quand moi, tu m'regardes comme ça, comme si j'étais pire que lui, Sawyer. Pas comme lui, pire, c'est c'que tu penses ? Alors, tire-toi. » Cils qui papillonnent. Doigt recourbé qui martèle le haut de la voiture en cadence, à deux doigts d'y enfoncer ses clefs alors qu'Ambrose se dédouane de tout, et se met à marcher au bord de la route. Loin de sa caisse, loin d'elle – loin de ce qu'elle pourrait lui dire.

Pas d'autre choix que de lui coller au train, à essayer de maintenir l'équilibre précaire que lui offrent ses talons sur le bas-côté. Aboie après la nuque de l'aîné, en désespoir de cause. « Et si j'pense que t'es pire que lui, quoi ? C'est pas vrai peut-être, que tu l'as buté, Colt ? » Ton qui monte peu à peu vers les aigus – calme qui recommence à se dégonfler, alors qu'elle aurait dû lutter. Mais elle n'a plus la force de se contenir, ou de modérer ses propos ; lui n'en a jamais pris la peine. « Et si j'me tire,..quoi ? » Accélère l'allure, manque de se casser la gueule, mais se reprend et lui agrippe la manche de chemise entre ses doigts fébriles. Le lâche pas. S'en fout s'il ne se retourne pas, s'en fout s'il n'est pas capable de lui accorder un regard – parce qu'il l'a forcée à s'ouvrir, et les paris sont faits depuis l'enfance, on dirait. « On fait quoi, si je me tire ? On oublie tout, on fait comme si de rien n'était ? » Le laisse s'échapper d'entre ses phalanges, mais continue à laisser les mots s'extraire de sa langue assassine. « C'est pas ce qu'on sait faire le mieux ? De prétendre d'être ce qu'on est pas ? D'aimer alors qu'on déteste ? » Le ton s'affaisse enfin, retrouve le timbre vibrant habituel, mais bas. « Si j'me tire..alors quoi ? »

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“I can't go back to the river but it's in my roots, it's in my veins, it's in my blood and I stain every heart that I use to heal the pain” &Y'a des choses qu'il meurt d'envie de cracher, cyclope déchaînant ses fureurs sur celle qu'il s'est juré, des années plus tôt, des décennies même, de protéger. Qu'il les a mis en sécurité tous les deux, ouais, c'est c'qu'il a fait, et qu'c'était la seule décision à prendre, la seule, la vraie. Pas né avec le caractère pour se taire, pour la fermer comme elle l'a fait toute môme, à le contraindre au silence, à pas lui montrer plus d'égard qu'à Bobby, sur cette période. En la voyant se murer derrière le mutisme qu'il a pété un câble, en ayant peur qu'la prochaine fois, y'ait plus de prochaine fois. N'a jamais réitéré, Colt, c'était un acte, un acte prémédité et unique, et sans doute aurait-il pu être jugé pour ça, envoyé en maison de correction ou collé en psychiatrie, il sait pas. A juste estimé avoir été suffisamment puni durant l'enfance, tant par le départ inexpliqué d'leur mère que par le comportement d'ce type. Par ces heures à veiller sur Sawyer en espérant qu'ses blessures cicatriseraient parce que c'était rare, très rare, qu'Bobby s'décide à appeler un médecin pour réparer ses méfaits. Fallait au moins une fracture pour ça. Sans doute qu'ça expliquait la gueule des balafres mal réparées. Cette toile de chair malmenée relatant leur histoire quand les mots à ce propos ne se sont jamais réellement énoncés. P'tetre que c'est elle qui veille sur lui, depuis que toute sa raison est partie en fumée à l'époque. Elle est fatiguée, qu'il s'dit, mais il lui a rien demandé. Pas plus qu'à quiconque. Mauvaise foi de celui qui ne poserait pas un pied droit devant l'autre sans la certitude de sentir sa soeur garder un oeil sur lui. Dévie volontairement parfois, juste pour être sûr qu'elle en a encore quelque chose à foutre, qu'elle va le rattraper avant qu'il ne tombe, malgré tout ce qu'elle tient scellé derrière les lacs clairs de ses prunelles.

Tu peux parler, qu'elle lui répond, et c'est de bonne guerre. Pas piqué pour autant, à ricaner de plus belle. « T'as sûrement raison. » Il lui accorde ce point, précisera pas à quel point Felicity a dicté la trajectoire de ses études et de sa carrière en songeant équilibrer la balance de ses délits, le canaliser en l'approchant au plus près des incendies ne lui appartenant guère. N'a pas envie de lâcher cette information depuis longtemps gardée secrète entre la mère d'adoption et le fils incontrôlable.

Poing de Sawyer qui s'enfonce dans le volant et il frémit, Colt. A envie qu'elle hurle, qu'elle cogne. Qu'elle déverse ses ressentis sans chercher à conserver l'ordre. Qu'elle se livre comme il aimerait qu'elle le fasse, sans calculer l'acidité des mots. La retrouver, la hargne qui fait écho à la sienne. Et enjamber le fossé qui sépare le calme de la tempête. « C'est quoi, être heureux, mh ? » La question est brutale, pourtant dépourvue de venin, cette fois. Parce qu'il n'en sait rien, vraiment, de c'que ça veut dire. Si le bonheur s'agite dans son ventre en écho aux flammes naissant dans son sillage ? Lorsqu'elle et lui parviennent à aller boire une bière sans s'écharper, à égarer leurs rires éphémères comme si, subitement, y'avait que l'instant présent à étreindre ? De résoudre une expertise complexe ? De passer du temps en la compagnie de Jillian, ou de Harlan, seuls êtres n'appartenant pas à sa famille mais tolérés ? Il n'sait pas, n'a jamais su. Se sent étrangement éloigné de ce qui peut se définir comme tel, quand les sourires des autres sont immédiatement relégués par ses soins au rang d'hypocrisie ou de connerie profonde. Et ça monte crescendo dans le torse, s'écrase en battements acérés à mesure que le ton de Sawyer s'élève et lui ôte tous ses mots. Besoin de hurler, déchaîner ses foudres à en faire trembler la Terre toute entière. Et c'est c'qu'il fait, avant de s'barrer. « Si ça te hante autant, t'as qu'à consulter ! »

Pas d'regret. Pas d'regret. Aucun. Si ce n'est ce qui s'est fissuré entre eux à la mort du géniteur. Assassinat assumé pour la première fois, s'met à vociférer pour ne pas cogner la tôle de la caisse, trop certain d'y laisser l'empreinte de ses phalanges déjà trop souvent ravagées. Distance forcée qu'il établit, n'a pourtant jamais été foutu de réellement s'tirer. Connaît sa soeur, sa ténacité, et ne s'en irait pas s'il n'était pas certain d'être déjà suivi. Grandes enjambées rattrapées par les siennes, n'peut plus l'écouter, Colt, à laisser sa nuque se débattre contre les rafales qui y éclatent, craquement de vertèbres et poings qui n'ont de cesse de se serrer et de s'ouvrir à nouveau. Suffocation sourde, l'oeil valide perdu à l'horizon quand il regrette soudain de ne pas avoir perdu l'ouïe, à l'époque, après c'mauvais coup, quand Sawyer s'met à le lacérer d'la sorte. Et elle est acharnée, au moins deux fois plus que lui, ne lâche rien et sûrement pas sa manche qu'elle retient quand il daigne s'immobiliser brutalement - n'sait pas où il va, de toute façon, pourrait sûrement continuer durant des heures et se retrouver perdu au milieu de nulle part, une fois sorti de sa transe. « Bien sûr, que j'l'ai buté. » La langue claque et la voix se répand dans l'aveu encore jamais prononcé de vive voix. Vérité qu'elle a sans doute devinée depuis très longtemps, pas sorcier réellement que de comprendre, pour qui vivait sous ce même toit. Pour elle qui le connaissait comme personne. Et il incline sa nuque, profil offert à la soeur et regard en biais posé sur elle. « Et j'recommencerais sans doute mille fois. » Froidement qu'il le confesse, avant de reporter son regard sur l'étendue de bitume déroulée devant leurs pas. « J'changerais rien à ce que j'ai fait, si ce n'est qu'j'aurais aimé le faire plus tôt, avant qu'il n'ait l'opportunité de nous changer. » Et c'est difficile de sortir ces mots, gorge asséchée sur la brûlure des réminiscences forcées. « Y'avait pas d'échappatoire. Tu crois que j'pensais pas à foutre nos affaires dans un sac, te réveiller en pleine nuit et s'tirer ? Tu crois qu'on serait allés loin ? » Et il finit par s'tourner, lui faire face et la dévisager pour de bon. L'effort lui coûte, et ça doit se voir, rides de contrariété plus creusées que jamais sur le visage défait. « C'était la seule solution. Une fois que je l'ai compris, c'était impossible pour moi de faire autrement. » Impossible, avec la haine dans les veines, celle avec laquelle il s'est réveillé un matin, un oeil en moins, et l'orage greffé à la carne.

S'approche d'un pas, Colt, main élevée jusqu'à la joue de sa soeur, celle qu'il épouse du creux de sa paume dans une délicatesse un peu gauche. Pas tactile, sauf quand la situation l'exige. « J'l'ai pas fait par plaisir. Mais c'était un soulagement de l'avoir fait. » Cruelle réalité qu'il ne songe pas lui camoufler, quand l'heure n'est plus à la gueulante, mais aux quatre vérités. « J'étais heureux, quand toi et moi, on s'est retrouvés à deux. Sans Bobby. Sans famille d'accueil. Vraiment heureux. » Et les doigts abandonnent sa peau, regagnent le froid et finissent par s'enfoncer dans la poche de son pantalon. « Tu me hais, Sawyer ? » Véritable question qu'il lui adresse, pas certain pourtant, d'être en mesure de survivre à sa réponse.
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( heavy dirty soul / @AMBROSE RIVERS
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Contrairement à Ambrose, Grace est lucide. C’est ce qu’elle croit du moins, ce qu’elle pense y voir, à force de cogiter sur ces conversations dans lesquelles la désillusion de l’aîné semble se farder d’une véracité alarmante. Il s’élève en grand défenseur de l’opprimé, et ce qu’il a fait – ce qu’il a osé faire – se dresse en relief sur les contours de son visage abimé, aux abords d’une vie maintenant bancale, pour l’un comme pour l’autre. Parce que Grace, malgré sa verve et ses mots qui tapent là où ça fait mal, là où ça ne plaît pas, ne lui a jamais lâché la main. Ses doigts ont étreint les siens, en tout temps, et la seule tempête qu’elle ressent est celle qui ne l’a jamais quittée, et dont elle a fini par s'habituer.

Elle ne se souvient pas, évidemment, des coups qu’elle se mangeait parfois. De sa lèvre inférieure fendue, battant des pieds et des mains, afin de s’extirper des phalanges vengeresses du paternel, le cœur toujours à la bonne place ; ayant pour seul ancrage, à l’instar d’un besoin viscéral sur le moment, d’aller se réfugier derrière les jambes dressées de Colt. L’esprit a occulté toutes ces fois où, les joues mouillées et la morve au nez, Colt était la seule entité réelle vers laquelle ses idées affolées convergeaient. Il va me protéger. La certitude éternelle atteignant son paroxysme, lorsque Bobby périt dans les flammes, et que Colt a rempli son contrat de frère aîné en la préservant, contre toute attente, en s’érigeant en monstre. Le courroux que Grace ressent aujourd’hui est faiblard, face à ce que Sawyer subissait à l’époque. N’en a plus les souvenirs, ne veut pas les alimenter non plus. L’ignorance la préserve, et la contente de quelque chose qui lui épouse l’épiderme depuis la mort de leur père biologique : Colt a eu tort. Peut pas s’en défaire, tant l’idée en elle-même semble être le fondement de sa vie, et c’est une affirmation qu’elle soutiendra probablement jusqu’à la mort.

Ambrose pose des mots tranchants, sans appel, sur ce qu’il a fait. Bien sûr, que j'l'ai buté. L’aveu la fait s’immobiliser. Enfin, enfin, enfin. Enfin, il le dit, mais Grace n’est pas certaine qu’elle est prête à l’entendre poser des mots sur ses actions passées. Déjà, l’air se bloque dans ses poumons, sa gorge s’enflamme, comme lacérée, et son estomac se tord. L’horreur devient physique – car tout n’a toujours été que suppositions, et croyances soutenues. Jamais une révélation dont elle pourra, à présent, se souvenir jusqu’à s’en faire gerber. Ses mâchoires se serrent, et elle voudrait s’arracher les oreilles – s’empêcher d’en entendre davantage, faire demi-tour sur ses talons et se tirer au pas de course, à manquer de basculer dans le fossé dans sa fuite. L’abandonnant là, au volant de sa propre voiture, à lui projeter un nuage de gravier dans la gueule. Sans surprise, toutefois, que Grace frémit, mais n’esquisse pas le moindre geste de recul. Elle a ouvert la boîte de Pandore, et le regrette aussitôt, jusque dans les battements manquant du myocarde anesthésié.

Consciente de tout ce qui les entoure, pourtant. Des mots abrupts qui s’échappent des lèvres d’Ambrose, et l’obsèdent dès qu’ils lui parviennent. Du vent qui se lève, s’engouffre dans leurs cheveux. Des frissons qui se réveillent, et courent le long de ses jambes dénudées. Grace relâche l’air qu’elle conservait dans ses poumons, et la libération est autant doucereuse que douloureuse. Pour la première fois, elle l’entend – et elle essaie si fort de le comprendre, aux abords d’une lente agonie de laquelle elle ne tire aucune satisfaction. Ses babines se retroussent. « Ce n’était pas la seule solution, arrête de dire ça. » S’il te plaît, arrête, arrête, arrête. « On aurait pu partir, on aurait pu...appeler les flics, on aurait pu essayer de retrouver notre mère, on aurait- » Le souffle lui manque, et les mots s’entrechoquent à la jonction de ses lippes. Les idées l’étranglent, mais rien ne pourra la faire se déloger de ce principe indémodable qu’est la compassion. Amère à première vue, il n’en est rien ; « -et, surtout, Bobby aurait pu changer, Colt, et tu l’as privé de ce droit. T’aurais pu faire autrement, t’aurais pu attendre…parce que ce n’est pas lui qui nous a changés, ce n’est pas lui qui a essayé de nous façonner à l’image d’une famille à laquelle nous n’avons jamais vraiment appartenu. » Rancœur qui grésille, et vérité qui chancèle à l’aube d’une confession irréfutable. « Toi, et moi, on est pas Ambrose et Grace, et j’sais que t’en es conscient. Nous ne sommes pas ce qu’ils veulent faire de nous…t’as qu’à voir la scène que t’as faite, à l’église. » Est-ce vraiment digne d’un Rivers, de se comporter de la sorte ? Comme un goujat, un sale gosse, un gamin de Truro.

De la paume, Ambrose épouse sa joue. Pourrait compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où l’aîné s’est montré physiquement affectueux avec elle – réponse machinale qui lui fait vriller les nerfs, Grace pose la sienne sur le dos de celle qui lui presse l’épiderme. Le geste ne dure qu’un instant, il lui semble. J’étais aussi heureuse de n’être qu’avec toi. Et c’est l’cœur du problème – elle l’aurait toujours été, heureuse, de n’être qu’avec lui. Sans Bobby, sans les Rivers. Personne n’avait à mourir. Ils n’avaient qu’à partir. « Tu me hais, Sawyer ? » La question l’émeut. Cœur qui se gonfle sous les côtes, à force d’observer les traits de ce visage, similaire au sien. I should, I really should. Ses lèvres s’entrouvrent, et le châtiment tombe comme un couperet. « Te haïr nous rendrait la vie plus facile. » Bat des cils, alors que cette simple phrase exprime une vérité longtemps mise à mal, puis se détourne de l’aîné. Sans un regard en arrière, l’âme lourde, qu’elle rebrousse chemin, et rejoint la voiture, du côté passager. S’y glisse, et boucle sa ceinture.

Attend,
Appréhende,
Accepte enfin,

Parce qu’il n’y a finalement que ça à faire.


par non uccidere.

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