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 My daydreams may be fake... (Pia)

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BUT BABE YOU ARE TOO
Le lama sur mon pull a l’air défoncé. C’est un lama de Noël défoncé, qui porte un bonnet de père Noël et qui s’étend sur un fond rouge peuplé de petits rennes blancs. C’est une abomination, un blasphème au sens de la mode et du bon goût. J’en suis absolument fan. Quand je le vois dans le miroir, j’ai envie d’éclater de rire tellement c’est moche, et c’est ce qui fait tout son charme. Franchement, quoi de mieux qu’un pull moche pour mettre dans l’ambiance des fêtes de Noël ? J’aurais moi-même porté un bonnet de père Noël si je n’avais pas dû sortir. Parce que l’esprit de Noël, ça passe avant tout par sa propre personne.
Ma grand-mère l’aurait dit elle-même si elle avait été encore là. Elle m’aurait probablement maudit en voyant mon pull par contre, mais on ne peut pas gagner sur tous les plans. Pourquoi ruiner ton visage d’ange avec des pulls que ton grand-père pourrait mettre? voilà ce qu’elle aurait dit.
Yaya, où que tu sois, si tu me vois, ce pull moche est pour toi.

Ma cliente aujourd’hui est la fameuse madame Wilson. Comme ma voisine, sauf que ma voisine préférerait vivre sans électricité ni chauffage avant d’avoir à faire appel à moi. Il faut dire aussi que les diverses expériences, ainsi que mes hideux nains de jardin n’ont pas aidé à nous rapprocher.
Vos grands parents n’auraient jamais osé mettre une telle horreur sur leur pelouse ! Retirez-les! Mais madame Wilson, qui va veiller sur ma maison si ce n’est mes nains ? Je suis persuadé qu’un jour, ils se réveilleront en pleine nuit pour vivre leur vie, comme dans Toy Story, et alors ils iront déplacer la jarre aux cookies de madame Wilson. Juste pour le plaisir de faire chier le monde. Avec une tronche pareille, on est obligé d’avoir envie de faire chier le monde.
Mais revenons-en à madame Wilson. Ma cliente, pas la voisine. Une petite partie de moi espère que mes deux madames Wilson sont liées par les liens de la famille, d’une façon ou d’une autre, juste pour assister un jour à des retrouvailles larmoyantes à ma boîte aux lettres, mais honnêtement, ça m’étonnerait. Tout simplement parce que madame Wilson habite une maison que tout le monde sait hantée, et que ma voisine est très superstitieuse. Moi aussi d’ailleurs, alors avoir accepté de me déplacer là-bas n’est peut-être pas l’idée du siècle, mais j’allais quand même pas laisser cette pauvre madame Wilson avec son lave-vaisselle en rade ! C’est une bonne cliente après tout.
Et puis vraiment, si deux voitures n’ont pas réussi à me tuer, je ne pense pas qu’un fantôme en soit capable.


Alors j’enfile ma veste en simili-cuir, fourre mes outils dans la caisse de transport de ma moto, et j’enfourche cette dernière. Direction la maison hantée ! Y a pas idée d’être hanté en plein dans les festivités de Noël, personne ne lui a dit à ce petit fantôme, qu’Halloween c’est terminé ? À tous les coups, c’est un de ces types récalcitrants qui s’est assis dans un des fauteuils de la maison et qui refuse de lever son cul parce qu’il fait trop froid. Est-ce qu’un fantôme peut avoir froid d’ailleurs ?
Quand j’ai eu mes accidents, je me souviens avoir eu très froid, de plus en plus froid. Mais est-ce que ça continue, après ? … J’aurais peut-être dû prendre une écharpe ? Pour le fantôme, je veux dire. J’aurais pu l’oublier dans un coin et lui chuchoter que c’était pour lui. Si ça se trouve, c’est tout ce qu’il attend pour passer de l’autre côté.

Bientôt, la maison me fait face et je me gare non loin. Ça faisait un moment que j’étais pas venu dans le coin, j’avais oublié à quel point les maisons ici sont grandes et fabuleuses. Ça pue la classe. Ça ne ressemble pas à l’image que j’ai de madame Wilson, mais c’est vrai que d’elle je ne sais pas grand-chose. Sinon que son électroménager tombe souvent en panne. Ça et qu’elle n’est pas du coin, ou alors qu’elle ne croit pas aux trucs hantés.
Je sonne à la porte, ma caisse d’outils à la main et lance un petit regard autour de moi en attendant. Plus loin, un corbeau me fait face. Il paraît que les corbeaux sont des animaux hyper intelligents. Et des oiseaux de malheur pour certains. Comme l’attente devant la porte s’éternise un peu, je lance à mon nouvel ami corvidé.

« Pspspspsps, eh petit ! Qu’est-ce que tu fais là ? »

Pas de réponse.
Quel malpoli alors. Est-ce que ça s’apprivoise un corbeau ? Certainement, avec les bons ingrédients, mais sur moi, je n’ai qu’une barre de céréales au chocolat. J’hésite alors que l’oiseau et moi nous nous regardons dans le noir des yeux :

« T’es allergique au chocolat, dis ? »

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Encore. Constat amer le matin même, prête à lancer l'appareil qui leur permet de gagner un certain temps, à Josef et elle. N'auraient peut-être que ça à faire, ceci dit, de récurer la vaisselle eux-mêmes. Pas comme s'ils étaient follement occupés depuis qu'ils ont emménagés, depuis qu'ils sont arrivés tout court, d'ailleurs. Il y a bien eu le temps d'acclimatation des premières semaines pour tuer l'ennui, fin septembre, puis la recherche d'une maison à acheter, une fois certains de rester dans le coin. Mais depuis, c'est le calme plat. Se fait chier comme un rat mort, l'ancienne danseuse, à tourner en rond dans l'immensité de leur demeure, en ayant mémorisé chaque recoin à la perfection - c'est en tout cas ce qu'elle pense. Passe le plus clair de ses journées à traverser le jardin pour descendre jusqu'à la plage, et plonger ses pieds dans le sable, parfois dans l'eau qui commence à être franchement gelée. Y cherche peut-être un souvenir de Miami, de ses eaux tièdes, celles qu'elle invente en enchaînant ses pas frigorifiés dans l'espoir, presque, de s'y croire. Y'a bien que les embruns pour lui donner la satisfaction de respirer l'air marin, pour le reste, on repassera.

C'était plus ou moins le plan de la journée. Passionnant. Hésitait à aller faire un saut dans la boutique de Saul, pour s'occuper ne serait-ce qu'une demi-heure, mais au petit jeu de qui sortira le premier, Josef l'a encore devancée. Et elle n'aime pas vraiment laisser la demeure vide. Une impression étrange de la rendre accessible à tout l'monde, une fois les portes refermées sur le néant laissé dans leur sillage. C'est peut-être idiot, mais elle n'a toujours pas baissé sa garde entièrement à l'égard de ceux qui pourraient potentiellement les rechercher. Puis, faut dire aussi qu'elle n'aime pas cette manie qu'a son soi-disant mari de se tirer en n'lui disant rien de sa destination. S'demande ce qu'il cache, surtout quand l'accès à son crâne est aussi barricadé. Sûrement qu'il veut juste l'emmerder. N'en sait rien, Maritza, et à vrai dire, y'a d'autres soucis à régler avant de s'intéresser à ce qui se trame dans le crâne de Josef. Notamment ce lave-vaisselle tombé en rade peu après que la porte d'entrée ait claqué.

Un peu plus et elle le soupçonnerait d'être responsable de ces pannes intempestives. Toujours elle qui doit embarquer le tout et aller gratter à la porte de Castillo. Sauf qu'cette fois, il y a comme qui dirait un petit problème de logistique. Garde son calme, Maritza, à se triturer l'esprit en quête d'une solution. Personne n'est jamais venu ici, dans cette bâtisse qu'elle peine à appeler chez eux, et elle ne sait pas si l'idée est très judicieuse. Ne donne pas aisément sa confiance, même après une paire de fois à aller solliciter ses services. N'a pas l'air bien dangereux, comme ça, mais elle est assez futée pour savoir qu'il ne faut pas se fier aux apparences. La télépathe a suffisamment creusé les méninges d'autrui pour savoir qu'un doux minois peut camoufler des pensées franchement douteuses. Regretterait presque, d'ailleurs, de ne pas s'être adonnée à l'exercice avec lui quand elle en avait l'occasion. Jusqu'ici, son don n'a jamais fonctionné au téléphone, et elle n'a aucun moyen de connaître ses véritables intentions lorsqu'il accepte de venir la dépanner à domicile.

Un jean enfilé assorti d'un informe pull noir volé à Josef, il lui semble que c'est assez cohérent, une épouse qui volerait les fringues de son époux de temps à autre. L'alliance enfilée, un peu d'ordre dans ses cheveux noirs, Maritza a tout juste le temps de peaufiner l'allure fadasse de Pia que l'on sonne déjà à la porte.

C'est d'un pas tranquille qu'elle descend jusqu'à l'entrée, et ouvre sans vraiment se presser. Des gestes vifs, mais mesurés, l'habitude prise de se déplacer sans faire de bruit. Elle l'entend déjà de l'autre côté, à froncer les sourcils en s'demandant avec qui il peut bien discuter. Espère bien qu'il ne s'est pas attifé d'un apprenti, Mari, ou ça risquerait de franchement l'agacer. Une personne presque inconnue dans la maison, ça suffit. « Je crois qu'il fait attention à son cholestérol. » L'articule distinctement, après quelques secondes à observer le petit numéro de Leo auprès du corbeau. Pince-sans-rire, son regard noir analyse la silhouette du réparateur, plus en quête d'un éventuel renflement sous sa veste pouvant indiquer qu'il serait venu armé - réflexe pris de longue date - plutôt que pour s'assurer de son sens du style. Ne peut pourtant pas manquer le pull, un brin de surprise transperçant ses prunelles. Déjà Noël. C'est ce qui lui traverse l'esprit, encore une fois parfaitement détachée d'un éventuel commentaire désobligeant. Déjà Noël. N'y pensait même plus, dans la répétition inlassable de ses journées. D'ailleurs, pas question de décorations dans la maison. Elle se demande un instant si celle-ci aurait l'air plus vivante avec un sapin coloré dans un coin du salon. « On dirait mon époux au réveil. » Geste du menton indiquant le lama défoncé, prends ça, Josef, c'est ce qu'elle pense en s'écartant pour laisser Leo entrer. Petit sourire tout inventé au coin des lèvres, n'a aucune raison d'être aussi blasée quand c'est l'identité Wilson qui se revêt. Difficile d'y mettre du sien, parfois, mais elle se rappelle qu'elle doit bien s'y efforcer. « Je vais vous indiquer la cuisine. » Une fois la porte refermée et verrouillée par réflexe, ses petits pas rattrapent les enjambées de Castillo, à prendre les devants parce que de toute évidence, il serait aisé de s'y égarer. « Je ne sais pas vraiment ce qui lui est arrivé, ce matin. » Indique l'appareil coincé entre deux ilots de cuisine, en ne cessant de suivre les moindres faits et gestes de l'homme qui se tient là, avec elle. « Les deux premiers boutons se sont mis à clignoter et il s'est mis à trembler, avant de s'éteindre complètement. Je n'ai même pas réussi à l'ouvrir, depuis. » Toujours à être la plus précise possible, à occuper l'esprit d'autrui lorsque des fils invisibles commencent à se tisser entre leurs crânes. Besoin de savoir, Maritza, si elle court un risque quelconque désormais qu'elle l'a invitée ici. Alors, sans plus de cérémonie, alors qu'elle se hisse sur l'un des meubles pour s'y asseoir, elle commence à s'introduire dans sa tête.

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BUT BABE YOU ARE TOO
Je n’ai jamais eu d’animal de compagnie. Mes grands-parents étaient tout à fait contre, et depuis leur mort, je me suis contenté de nourrir les chats errants. Le corbeau pourrait être mon premier compagnon. Je l’appellerais « Chien ». On vivrait de folles aventures, et je finirais par le relâcher dans la nature pour qu’il puisse rencontrer un autre corbeau et vivre l’amour.
Je fixe le corbeau.
Est-ce qu’il a déjà quelqu’un dans sa vie ? Peut-être même qu’il a plein de bébés corbeaux qui n’attendent qu’une seule chose, c’est qu’il revienne auprès d’eux ? Ce serait vraiment cruel de l’apprivoiser alors. Je ne vais quand même pas retirer un corbeau à sa famille, mon égoïsme a ses limites.
Alors que ces pensées tournent et se détournent dans mon esprit, la porte s’ouvre finalement derrière moi. C’est madame Wilson.
Il fait attention à son cholestérol. Bon sang, pourquoi je n’y ai pas pensé. Le cholestérol, c’est bien un problème de père de famille ça, pas étonnant que mon gentil corbeau y fasse attention. Et moi qui lui propose du chocolat, vil tentateur, une honte vraiment.

Je me tourne finalement vers ma cliente pour lui faire face. Elle porte un large pull noir et malgré sa beauté, elle fait tâche parmi les vieux bourgeois qui peuplent le quartier. À se demander ce qu’elle fout là. Peut-être que son mari est un vieux bourgeois ? J’en sais rien, je l’ai jamais rencontré. J’ai toujours eu affaire avec madame Wilson et elle ne me donne pas l’impression d’être une gold digger. Sans avoir rencontré son mari, je ne peux qu’imaginer à quoi ressemble le couple qui vit dans la maison hantée près de la plage. C’est peut-être aussi bien comme ça, on dit que la réalité ne surpasse jamais l’imagination. Alors dans ma tête, monsieur Wilson peut tout à fait être un prince d’une contrée ou d’une île perdue dans le Pacifique, venu vivre la vie tranquille dans notre ville éteinte. Le genre à avoir enlevé madame Wilson avec son cheval blanc et ses rêves de normalité. Le genre a avoir l’air d’un lama défoncé au réveil apparemment.
Un sourire se dessine sur mes lèvres à la réflexion de ma cliente :

« Il faut dire que les matins sont souvent difficiles ! »

Celui qui a inventé le réveil devrait d’ailleurs être torturé à coup de musique de Baby Shark.
Sur invitation de madame Wilson, je rentre dans la maison. C’est grand. Plus grand que chez moi, mais ça je m’y attendais. Disons qu’un couple qui y vit seul doit avoir toute occasion de jouer à cache-cache dans une demeure pareille. Ou alors à chat, mais c’est un coup à se casser la gueule en courant dans les escaliers. Ça m’est arrivé plus d’une fois chez moi, j’ai toujours été branquignol. Ma mère avait l’habitude de me crier de ne pas courir, et moi j’avais l’habitude de faire semblant de ne rien entendre. Ça m’arrive encore parfois, mais beaucoup moins souvent. Il faut dire qu’il n’y a plus personne pour m’avertir que mes idées sont stupides et que je vais en ressortir avec des bleus.
Je suis tranquillement le pas jusqu’à la cuisine où le lave-vaisselle me fait face, immobile et d’un air de défi. Je lance un petit regard à madame Wilson qui m’explique la situation, puis pose ma caisse d’outils à terre et m’accroupis face à l’engin.
Madame Wilson s’installe sur un meuble non loin. Elle va rester là ? Elle va rester là. Peut-être qu’elle a toujours rêvé de savoir comment on répare un lave-vaisselle. Je devrais lui conseiller des chaînes youtube très utiles pour ça. Certains s’endorment en écoutant le bruit des vagues ou de la pluie, d’autres en regardant des petits mécanismes être changés. Chacun son délire hein, je ne juge personne. J’ai même connu quelqu’un qui s’endormait en écoutant « Chasse et pêche », alors bon.
Je me détourne de ma cliente pour reporter mon attention vers la machine en ouvrant ma caisse :

« Alors mémère, qu’est-ce qui t’arrives ? »

Je teste la porte qui, effectivement, reste bien fermée. Bon. Madame fait sa difficile à ce que je vois. J’attrape mon tournevis et entreprends de défaire le bandeau qui couvre le système de verrouillage. En un rien de temps, je déverrouille la porte. Haha ! Leo les doigts de fée. Les doigts de fée, sérieux, c’est vraiment une expression à la con. J’aurais dû mettre ça sur mes cartes de visite. Quoi que voir ma tête sur un corps de fée en aurait probablement traumatisé plus d’un. Juste pour ça, j’aurais dû le faire. J’aurais certainement fait fuir quelques clients, mais l’opportunité d’un truc si laid n’est pas à prendre à la légère.
J’ouvre tranquillement la porte du lave-vaisselle :

« Vous avez vraiment pas de chance avec l’électro-ménager. Je vais finir par vous faire une carte de fidélité ! »

J’essaie de maintenir la conversation, histoire que ça devienne pas gênant, moi à trifouiller dans la machine et madame Wilson qui m’observe. D’habitude mes clients sont plutôt pressés de se tirer et de me laisser faire. J’en ai même une qui m’a abandonné son gosse et son chien une fois, le temps d’aller faire des courses ultra-pressantes. Elle est revenue trois heures plus tard avec des ongles parfaitement manucurés et une nouvelle coupe. Tout ça pour une machine à laver qu’il suffisait d’éteindre et de rallumer. Je crois qu’elle le savait au fond, cette fourbe et que sa baby-sitter l’avait juste lâchée. Est-ce qu’il y a marqué nourrice sur ma tronche ? Non, y a marqué mexicain chelou, je me demande bien ce qui a pu lui passer par la tête pour qu’elle me laisse son gamin. J’aurais dû lui apprendre à chanter la macarena pour me venger. Ou alors cette chanson qui reste dans la tête, là. Comment elle faisait déjà ?
It’s a small world after all ! It’s a small small world!
Et voilà, je vais l’avoir dans la tête toute la journée.

« Vous savez si le lave-vaisselle est encore sous garantie ? Il est possible que certaines pièces doivent être remplacées. »

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Bruit de fond qu'elle ne cherche pas encore à décoder, les mots coulent jusqu'à ses méninges sans qu'elle n'ait encore eu à faire le moindre effort. C'est ce qui se produit, en général, lorsqu'elle se retrouve confrontée à un esprit en ébullition : ça déborde jusqu'au premier réceptacle tombant dans les parages. Son propre crâne. Et elle les perçoit avant même qu'ils n'aient rejoint la cuisine, les flux brûlant qui émanent du réparateur, à ne pas tout en comprendre, réellement. Il est toujours question du corbeau, qui l'a visiblement marqué, puis d'un vieux bourgeois, qu'elle assimilerait bien à Joe. Pourrait même sourire à cette seule idée, si elle creusait un peu, à s'imaginer que le télépathe puisse avoir eu le cran de l'enlever - quand l'inverse s'est avérée vraie. Ne l'a pas foutu dans le coffre, poings et pieds liés, mais à avoir tissé des liens entre leurs caboches durant quelques années, c'était presque du pareil au même. « Surtout quand le soleil n'a plus l'air de beaucoup s'annoncer, par ici. » Fait la conversation de son air éternellement blasé, à lâcher cette information météorologique que tous devraient avoir remarquée. S'en plaindrait à longueur de journée, si elle était de ce genre-là, du ciel gris qui brode des heures toutes plus insipides. Se demande même si ça ne serait pas mauvais pour la santé, de ne pas sentir la chaleur de l'astre glisser sur la peau de son visage, ne serait-ce au moins qu'un peu, quelques minutes. Ce qu'elle invoque parfois, assise sur les marches menant au jardin, à s'irriter les rétines contre la toile céleste éternellement blanchâtre.

Et puis, une fois installée sur son perchoir, les bras croisés et le regard inquisiteur, ça s'infiltre dans sa tête. Elle va rester là. Peut qu'être dubitative, brin de méfiance prémédité qui s'affirme davantage et la pousse à creuser. Ne peut qu'y voir un certain mal quand tout ici lui a l'air hostile. Ironique, et elle en est bien consciente, sachant d'où elle vient. Clairement pas le quartier le plus safe de Miami. Pourtant, depuis que la peur a abandonné son écorce à son arrivé en ville, elle ne se pose plus toujours les bonnes questions. Ne sait plus quand celles-ci s'avèrent logiques ou franchement déconnantes. Comme si l'un des verrous de sûreté avait sauté et que sa perception s'en retrouvait ébranlée. Prendre trop de risques, ou pas assez. Se méfier du technicien, ou lui raconter sa vie.

Un homme qui appelle son lave-vaisselle mémère peut très bien se retourner contre elle une minute plus tard, et l'égorger. Peine, Maritza, à savoir si le surnom doit l'amuser ou s'il doit la pousser à s'enfuir instantanément, voire à frapper la première. Et si l'absence de crainte s'est révélé essentiel au départ, pour que ni Joe, ni elle, ne décident de se flinguer, ça pourrait bien commencer à leur porter préjudice, désormais. Elle aimerait bien lui en parler. S'ils échangeaient encore plus d'un mot par journée. Ses bras se serrent davantage sur son pull informe à mesure qu'elle se concentre sur les pensées de Castillo, sans savoir encore dans quelle catégorie le ranger.

« Si vous l'appelez mémère, pas certaine qu'elle coopère. » Se voit forcée d'exprimer un commentaire, pour chasser l'image qui se forme malgré elle devant ses yeux. Ce n'est plus un pull de lama et un simple pantalon, mais une petite robe aux coloris verdoyants qui s'invite sur la carrure de l'homme penché sur le lave-vaisselle. « Joder. » Des lèvres, ça s'échappe sur un murmure bien perceptible, quand ses mains s'écrasent sur ses paupières. Parce que devant elle, Leo se retrouve désormais de deux ailes et c'est une baguette magique qu'il manipule, au lieu d'un tournevis. N'a jamais consommé de substances hallucinogènes, n'a d'ailleurs jamais avalé la moindre goutte d'alcool. On s'demande pas pour quelle raison, quand l'imagination d'autrui vient briser les glaces de sa lucidité et emmêle tout, fils entrelacés d'un ciboulot à un autre, et qu'c'est déjà une expérience en soi. « Je ne dis pas non pour la carte de fidélité, comment ça marche ? La dixième réparation est offerte ? » S'attacher à des mots et des concepts simples, et oser ouvrir un oeil sur lui à nouveau, s'assurer qu'aucune effusion pailletée n'accompagnera plus le moindre de ses mouvements. « Excusez-moi, c'est la poussière. » Parce que ça se remet à affluer avec véhémence et que ses doigts reviennent presser ses sourcils aux pulsations lancinantes. N'avait que rarement eu le loisir d'intégrer un esprit si riche, pensées fusant à mille à l'heure, l'entraînant avec force dans une danse qu'elle ne maîtrise guère. Aux antipodes du calme bien rangé de sa propre boîte crânienne, l'anarchie qui tangue en marées incessantes sous le front de Leo lui donne presque l'impression de s'y noyer. « Vous pensez en avoir pour longtemps ? » Et elle ne peut résister au besoin de se lever, incapable de rester immobile quand ça s'engouffre en vagues dans sa tête. Une main accrochée au rebord du plan de travail, la vue embrouillée, elle trébuche probablement à moitié sur Leo, à se rattraper à l'aveuglette en enfonçant sa paume sur son crâne, frémissant en sentant ses cheveux entre ses doigts. Toujours aussi peu friande des contacts, la voilà qui s'éloigne et percute un autre meuble, tâchant de s'immobiliser. Compliqué, quand l'histoire de la cliente défile et que comme toute intrigue digne de ce nom, elle attend d'entendre la chute. « Continuez, vous occupez pas d'moi, por favor. » En perd sa langue d'adoption quand elle déambule, happée par les pensées, tâchant de se canaliser, et qu'sans s'en apercevoir, c'est l'air qu'il a incrusté dans sa tête qu'elle se met à chantonner du bout des lèvres, en litanie visant à la ramener sur Terre.

« It's a small, mh, je n'sais pas, il faudrait que je regarde dans les papiers qu'nous ont laissé les... small world... propriétaires. » Parce qu'il n'y a rien de pire qu'une chanson lancée aussi fort dans une tête. Elle le sait. En abuse certainement avec Joe quand elle a quelque chose à lui cacher, en repoussoir plus efficace que toute autre chose. Celle-là, pourtant, on ne lui avait jamais faite. Et elle s'effondre à moitié, les bras croisés sur l'îlot central, le front enfoncé dans ses avant-bras. Réalise probablement qu'elle a l'air un peu étrange, à lever un doigt en l'air pour lui faire signe qu'elle est toujours bien là. « Un étourdissement, c'est rien. Vous pensez qu'ça peut se réparer quand même ? » L'air de rien, qu'elle reprend la discussion.

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BUT BABE YOU ARE TOO
Mémère ? Pas un bon surnom ? C’est bien la première fois que j’entends ça. Dans le genre petit père, petit pote, totoche, on trouve quand même bien pire ! J’aurais pu l’appeler Pallaso par exemple ! Là par contre, j’aurais compris qu’elle se vexe. … Non mais regardez-moi, à me demander si le lave-vaisselle va prendre la mouche, j’ai vraiment l’esprit qui tourne pas rond des fois. Ce serait comme s’il se fâchait contre son médecin, compréhensible, mais tout à fait contre-productif. Sauf si cette panne est en fait une grève commanditée et que je suis là pour faire foirer son plan, mais dans ce cas elle aura bien d’autres raisons de se fâcher qu’un innocent surnom.

« Je vous offre la dixième réparation et un porte-clé à l’effigie d’un grille-pain. »

Mais siii, vous savez, ce vieux dessin animé-là, avec un grille-pain qui part à l’aventure avec un aspirateur ! Hors de question que je choisisse pour emblème un de ces gros rats avec une salopette comme la plupart des entreprises de réparation. Même moi, j’ai quelques limites. On va quand même pas ressembler à un Chucky Cheese ! Manquerait plus que j’embauche quelqu’un pour faire la grosse mascotte devant chez moi en faisant tourner un panneau. Ma voisine en ferait une crise cardiaque, c’est certain, déjà qu’elle a du mal avec les nains de jardin, alors un rat à taille humaine n’en parlons pas.
It’s a small world after aaaaaall ~
Je lance un regard à Madame Wilson, qui semble en proie à une violente migraine, malgré ce qu’elle en dit, alors qu’elle presse ses doigts sur ses sourcils. J’interromps mes gestes en l’observant, pris d’une inquiétude soudaine. Oula. J’espère qu’elle va pas me claquer entre les doigts. D’accord je pensais bien à la mort d’une Madame Wilson, mais pas celle-là ! Celle qui a quatre-vingt ans et qui espionne les gens par la fenêtre avec une paire de jumelles, telle une exploratrice de la faune Exeterrienne. Alors karma, rentre chez toi !
La dite Madame Wilson me rappelle d’ailleurs à l’ordre et à la réalité alors que j’étais figé, le tournevis en l’air, entre deux réflexions, et je me retourne vers le lave-vaisselle, pour me concentrer sur mon travail.
It’s a small, small...

« Non, je ne pense pas, je vais juste faire le tour, histoire qu’elle vous claque pas entre les doigts à la fin de la semaine. »

Mais alors que je tente tant bien que mal de m’intéresser aux méninges de ma machine, voilà ma cliente qui se lève et trébuche, me tombe à moitié dessus et se relève et cette fois, mon inquiétude prend le dessus. Elle percute un meuble et je me redresse, prêt à lui porter secours avant qu’elle ne se fasse vraiment mal. C’est vraiment une sacrée poussière, dites ! Ne pas s’occuper d’elle, elle en a de bonnes. C’est comme ignorer un ivrogne qui titube et baragouine. Parce que la voilà qui baragouine !
Et malgré moi, je peux pas m’empêcher de reconnaître l’air qu’elle chantonne. Précisément parce que c’est celui qui me trotte dans la tête depuis un moment. Comment ?! Une coïncidence ? Ou bien, avons-nous été contaminé par une malédiction disneysque ? Allons-nous devenir des zombies qui chantent  « It’s a small world ! » en essayant de manger des cerveaux ? C’est quand même bizarre qu’elle aussi ait cette chanson en tête. Surtout que ça fait hyper longtemps que je suis plus allé à Disneyland ! Pour tout vous dire, je n’y ai été qu’une seule fois, et j’avais vingt-deux ans. Trop vieux pour traîner à Disneyland tout seul d’après certains, j’ai quand même fait la queue pour faire une photo avec le Capitaine Crochet. Photo qui est d’ailleurs accrochée à la meilleure place dans mon salon. Pas que je sois particulièrement fan de Peter Pan, je n’ai même pas vu le dessin animé, mais qui raterait une occasion d’être pris en photo avec un pirate ?! Personne, c’est moi qui vous le dis.
Elle me demande de continuer.

« Vous êtes sûre ? Vous devriez peut-être vous allonger… vous voulez que je vous serve un verre d’eau ? »

Je dis ça mais je saurais même pas où trouver les verres dans une baraque aussi grande. Dans les placards, oui, d’accord, mais lesquels ? Cette maison doit avoir plus d’une vingtaine de placards, facile ! Qu’est-ce qu’on fait avec tous ces placards franchement ? Qu’est-ce qu’on peut bien foutre dedans ? Moi c’est sûr, à leur place j’y aurais foutu des bocaux avec des yeux en verre et des dentiers dans de la gelée, juste pour faire peur au voleur qui tenterait de me cambrioler.
Je me raccroupis toutefois devant le lave-vaisselle, sagement, et bien déterminé à terminer ma tâche. Aussi parce que si Madame Wilson cache des dentiers et des yeux dans ses placards, je ne suis pas sûr d’avoir envie de le savoir. Je lance toutefois :

« Si vous vous sentez mal, hésitez pas à me le dire, je vous aiderais à aller vous asseoir. Allez pas vous évanouir, surtout. »

Je reprends la tournée des engrenages, gardant toutefois une oreille attentive derrière moi, au cas où un gros BOOM se fasse soudainement entendre. Je répète mentalement le numéro des pompiers et l’adresse à laquelle on se trouve, histoire d’être prêt en cas d’urgence. Si ça se trouve, Madame Wilson est hantée par le fantôme de la maison ! Est-ce qu’elle va se mettre à courir sur les murs dans une scène digne de l’Exorciste ? … Je devrais peut-être appeler un prêtre plutôt que les pompiers, non ?
J’entreprends alors de démonter les façades du lave-vaisselle pour accéder plus facilement aux mécanismes. Le problème me saute immédiatement aux yeux. On peut dire que c’est un coup de chance !

« Ah, je vois ! C’est le pressostat qui pose problème. Un petit nettoyage et ce sera comme neuf ! »

Même pas besoin de remplacement. Franchement, ça aurait pu être pire. Mais ce sera pire, si Madame Wilson se met soudainement à courir sur les murs. J’aurais vraiment dû penser à cette écharpe.

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Leo est en train de lui laver le cerveau. C'est ce qui vient la frapper, à mesure que les surnoms défilent dans son crâne, ribambelle de mots alignés sans qu'elle ne parvienne réellement à s'y attarder. Tout ce qu'elle sait, c'est que ça s'enchaîne tant et si bien qu'elle commence à perdre le fil des siennes, de pensées. Et ça, ce n'était pas le but désiré, du tout. « Bien, bien, quel sens du commerce vous avez là, j'ai hâte d'y être. » Commente pour la forme, à étouffer un grognement dans la tranche de son poing, les yeux qui papillonnent et le vertige qui revient. Voilà qu's'invite dans sa caboche l'image du réparateur coincée dans un costume de mascotte, fusionnant presque avec son corps. Exit la fée, et elle tente de se rattacher à la réalité, Mari, l'oeil braqué sur lui, à redéfinir ses contours quand tout s'emmêle dans sa tête. Perdue dans la réinterprétation - un tant soit peu rationnelle - des idées de Leo, rien ne fonctionne, rien ne fait sens. Et il est presque tentant d'y plonger avec plus de véhémence. Sait que ça peut être dangereux, l'ancienne danseuse, de fondre sous les tempes d'un inconnu. Surtout lorsqu'elle en vient à s'interroger sur ses intentions. L'hypothèse qu'il sache pertinemment ce qu'il est en train de causer comme désordre sous son front l'effleure, quand la musique repart de plus belle. Serait-il en train de fabuler pour lui donner mal au crâne ? Pour la rendre vulnérable ? Et frapper ? Toujours à envisager le pire, vieux réflexe qui persiste, il devient urgent de mettre un peu de distance entre eux, désormais. « Je vais très bien, je ne rendrai pas l'âme aujourd'hui. » Le rassure, à n'plus bien savoir si la crainte qu'elle ne lui claque entre les doigts s'est exprimé à haute voix, ou en silence. Toujours un peu délicat lorsque l'esprit est si riche, à lui en faire plisser les yeux au gré des informations mêlées : ne sait plus si l'homme a bougé les lèvres, ou s'est contenté de la regarder.

« Bien, faites le nécessaire pour éviter d'avoir à revenir. Je doute que mon époux apprécie de savoir un inconnu en ces lieux, seul avec moi. » Y va de son petit soupçon de médisance quand bien même en est-elle absolument certaine : Joe s'offusquerait de la savoir en charmante compagnie. Pour sûr que Castillo-Garcia est doté d'attraits physiques ayant su retenir l'attention de la télépathe lors de leur première rencontre. Et puis, il faut admettre que sa manière de se vêtir a tout de suite plu à Maritza, la rétine attentive aux fringues colorées, aux fringues lumineuses, à tout ce qui ne ressemblait pas à l'allure sombre et grise que traînaient les gens dans cette ville. L'esprit un brin réducteur, peut-être bien. N'empêche que le constat est là, Josef hurlerait au scandale s'il la savait ici avec Leo. Prétendrait sûrement blâmer son inconscience en conviant quelqu'un chez eux, et nierait toute potentielle jalousie - mais Maritza sait, puis l'entendre penser ne laisse que peu de place au mensonge, en réalité. Plus encline à reconnaître la beauté et s'en contenter, plutôt qu'à ressentir une quelconque envie à l'égard de ses pairs, Josef pourrait s'rassurer de le savoir - mais elle ne le lui dirait guère. Pour l'heure, elle n'en mène pas large, titubant comme une ivrogne, c'est l'image qu'elle doit renvoyer à Leo, à laquelle elle articule : « Et bien, vous saurez que je ne bois jamais une seule goutte d'alcool. » Ronchonne un peu, avant qu'ça reparte pour un tour. Sursaut de terreur à l'invasion de morts-vivants s'incrustant dans ses méninges, elle est reste ébahie, Mari. Jamais imagination si fertile n'avait fleuri dans son crâne. Toujours à rester bien cloisonnée dans la réalité, dans ses petits plans bien carrés, l'anarchie qui explose dans sa cervelle pourrait la conduire au malaise. Les sent trembler, ses gambettes, quand le souvenir du Capitaine Crochet s'installe, qu'elle se retrouve à lui tenir le bras, quand Leo lui tient l'autre, et qu'ils se sourient. « C'est trop. » Le souffle en écrasant son front contre son bras. « C'est trop. » Le répète encore, incapable pourtant d'échapper au fil décousu qui persiste à ligoter sa raison. « NON. Non. Pas les placards. » Reprend du poil de la bête, Mari, à relever le front, ouvrir ses yeux noirs sur la silhouette de Leo, implacable. « Y'a rien du tout, dans les placards, vous seriez déçu. » Un dentier claque contre son lobe temporal, au rythme de la chanson qui n'en finit pas. « Continuez, je, vais juste fermer les yeux. » Et elle le fait. Deux secondes. Avant de sursauter. « De qui parlez-vous ? » S'exclame, Maritza, à la mention du voleur venu dérober leurs biens. Se redresse, d'ailleurs, tignasse en bataille sur le crâne. « Avez-vous vu quelqu'un d'autre entrer ? » En perd toute logique, tout bon sens, désespérée à l'idée de se donner ainsi en spectacle, les mains tirant nerveusement sur les manches de son pull quand elle s'éloigne, rejoint le hall quelques instants, à darder un oeil méfiant sur les alentours. Il n'y a que le bruit des mécanismes sous les outils de Leo. Que ses pensées qui l'appellent, vers lesquelles elle ne peut s'empêcher de revenir.

Elle ne sait pas ce qu'elle fait. Peut-être, simplement, qu'c'est agréable d'avoir la tête emplie d'autre chose, même s'il s'agit actuellement du numéro des pompiers qu'elle se met à marmonner de manière audible, comme à chaque fois que quelque chose tente de se mémoriser. Et elle peine à dissocier les intentions de Leo des siennes, là, tout d'suite. Ce numéro doit être important, oui. Pour quelle raison, elle ne sait plus. « Les pompiers ? Vous pensez qu'vous risquez de mettre le feu ? » Se grignote les cuticules en venant se pencher derrière lui, curieuse. « Causer un court-circuit ? J'aimerais autant garder cette maison sur pied. Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée de poursuivre, si un incendie venait à se déclarer. » Les pompiers, les pompiers, les pompiers. Et puis, l'exorcisme, l'exorcisme. Fascinée, elle l'est, à se pencher un peu plus encore, sans s'en apercevoir. Si bien que lorsque Leo s'exclame avoir trouvé le problème, elle est tant et si bien inclinée que son buste forme un angle perpendiculaire avec ses jambes, mains en appui sur ses cuisses, les yeux fermés, la tempe inévitablement attirée vers la sienne. « Bien. » Le connaît, l'état de transe télépathique. L'a déjà effleuré. Sent bien qu'elle va le rejoindre, d'ici peu, sauf que le silence s'installe à ses oreilles, quand Leo a enfin tout démonté. Et elle ouvre les yeux, se retrouve à fixer le lave-vaisselle, bien consciente de sentir, presque, sa joue contre la sienne. Ok, ressaisis-toi, l'air de rien. S'éclaircit la voix, la télépathe, en s'évertuant à rester immobile. « C'est vraiment fascinant, tous ces mécanismes. » Essaye de le dire d'un ton convaincant, à s'demander ce qu'elle fout là. « Vous allez pouvoir le changer le, mh, pressostat ? » Bordel, faut se reconnecter, là. Lui coule un regard en biais, comme si y'avait absolument rien d'étrange à se tenir là. Fait deux pas sur le côté, en crabe, pour éviter d'instaurer une proximité qui la mettrait inévitablement mal à l'aise. « Vous pouvez continuer à pen-, à réparer, hein. » Se redresse, la brune, une main en appui sur le plan de travail, l'autre perdue dans ses cheveux, à tâcher de retrouver une contenance. Rassasiée par les méandres façonnant l'esprit de Leo, en redemanderait presque, tant ça a pu l'anesthésier. S'dit pas, une seule seconde, qu'elle est susceptible d'en avoir trop dit.

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Elle va très bien, qu’elle dit. Franchement, ça saute pas aux yeux. Ce qui saute aux yeux c’est qu’elle a l’air pâle comme la mort. À tous les coups, si on cherche cette expression sur internet, on a la tête de Madame Wilson a cet instant précis. Une tête à faire peur. Une tête qui dit « oui bonjour, excusez-moi ma pression artérielle frôle avec le sol, pourriez-vous me prêter un coussin avant que je ne m’évanouissasse, merci, cordialement, bisou. », mais absolument pas « je vais très bien. ». Mais bon, vu que c’est ma cliente, je me retiens de tout commentaire. On m’a toujours appris à ne pas faire de commentaire sur la tête des gens. La politesse, toussa toussa.

Aussi lorsque Madame Wilson évoque le fait que son mari n’apprécierait peut-être pas ma présence ici, je manque de m’étouffer. Ce serait bien la première fois qu’on me verrait comme une menace ! C’en serait presque un peu émouvant si je n’avais pas en tête ces maris jaloux des Feux de l’Amour qui sortent le fusil à gros sel dès les premières traces d’un autre homme près de leurs compagnes. Remarque que ça colle avec l’image de vieux bourgeois de Monsieur Wilson. Si ça se trouve, c’est un Bebert tout droit sorti d’une tele-novella, cet homme-là. Je le vois d’ici avec son petit verre de vin, et le mouchoir soigneusement plié dans la poche frontale de son costume, et sa moustache en guidon de vélo, poivre et sel. … Madame Wilson a vraiment des goûts particuliers.
Des goûts particuliers qui n’incluent pas l’alcool. Bien, bien. … Pourquoi elle me dit ça ? Qu’est-ce que l’alcool a avoir là-dedans ? … Est-ce qu’elle a la gueule de bois et c’est son excuse pour que je ne remarque rien ? Je m’éclaircis la gorge :

« Eh bien, c’est très bien. L’alcool c’est très mauvais pour la santé. »

Avec modération. Mangez cinq fruits et légumes par jour. Etc. Tous ces trucs qu’on nous bassine à la télévision. Je renifle subtilement mais ça ne sent pas l’alcool ici. J’écarte l’idée que Madame Wilson puisse être bourrée, mais pas celle qu’elle ait possiblement la gueule de bois. Idée qui se précise un peu quand le dialogue de ma cliente se fait de plus en plus incohérent. C’est trop ? C’est trop quoi ? Je lui lance malgré moi un regard inquiet alors qu’elle continue sur sa lancée. Pas les placards. Trop d’alcool dans les placards ? Elle dit qu’il y a rien dans les placards, mais c’est quand même vachement suspicieux, pourquoi elle aborde le sujet ? On lui a jamais dit que dire à quelqu’un de ne pas regarder quelque part, c’était appeler à ce que cette personne regarde ? Elle a de la chance que sa consommation d’alcool ne regarde qu’elle. Bien que ce soit ma cliente, si elle a la gueule de bois pendant ma venue, c’est moins embêtant que si c’était l’inverse. Vous avez déjà essayé de réparer un lave-vaisselle avec la gueule de bois ? Moi, oui. Et c’était très laborieux.
Enfin.
Elle ferme les yeux, et je me retourne vers le lave-vaisselle. Une seconde. Juste avant de sursauter sous sa soudaine question.

« Quoi ? Qui ça ? Non, j’ai vu personne, vous avez vu quelqu’un ? »

Je lance un regard autour de nous, de nouveau inquiet. Non, y a rien d’autre que nous. … C’est vraiment à moi qu’elle parle ? La voilà qui s’en va et je reste perplexe avant de poser les yeux sur le lave-vaisselle. Je ferais peut-être bien de mettre les voiles rapidement non ? Madame Wilson a vraiment pas l’air dans son assiette. Et la voilà qui revient à l’assaut en me parlant des pompiers. Qu’est-ce que… Je note silencieusement que ses mots semblent trouver écho dans mes propres pensées et je ne peux pas m’empêcher de m’en étonner. C’est quand même une sacrée coïncidence qu’elle me parle des placards, puis des pompiers, juste alors que j’y pensais. C’est une caméra cachée ou quoi ?
Est-ce qu’elle fait partie du FBI ou un truc comme ça ?
On a mis une puce dans mon cerveau ?
Son babillage incessant et sa présence soudaine à mes côtés m’empêchent de me concentrer et nerveusement je garde le regard figé sur les mécanismes de l’appareil en face de moi.

« Non, Madame Wilson, y a aucun risque de foutre le feu. Je suis un professionnel. »

Je réponds, mais dans ma tête, l’idée de l’exorcisme s’incruste. De toutes les fois où j’ai rencontré Madame Wilson dans mes propres locaux, elle ne m’a jamais parue aussi étrange que maintenant. Je la croyais normale. Mais qui est vraiment normal dans cette ville ? Pas Madame Wilson en tout cas, qui est carrément collée à moi maintenant, penchée autant que moi sur le lave-vaisselle. Je lui lance un regard en coin. Sa migraine a l’air d’être passée. Et elle ne sent pas l’alcool. Si près, je l’aurais forcément senti.
Elle est peut-être défoncée.

« Pas besoin de le changer, vous voyez ce petit tuyau là ? C’est ce qui permet au pressostat de fonctionner et là, il est tout encrassé. Il suffit de le nettoyer et ça devrait marcher comme sur des roulettes. »

Je sais pas pourquoi je lui raconte ça. Peut-être parce qu’elle est à deux centimètres de moi et qu’elle est vraiment bizarre. J’ai soudainement l’impression de comprendre ce que les gens ressentent quand ils me rencontrent. Je dois me retenir de rire. Parce que c’est vraiment super bizarre. Cette femme, c’est peut-être un agent du FBI, un extra-terrestre, elle est peut-être défoncée ou complètement folle, ou bien elle est habitée par un fantôme. Je l’aime bien. Elle a l’air de tripper complètement et ça me fait tripper complètement en retour alors que j’essaie de suivre son dialogue complètement décousu.
Tranquillement, je défais le petit tuyau fauteur de troubles. Une fois nettoyé, je m’assurerai que le lave-vaisselle fonctionne bien et je quitterai les lieux. Et Madame Wilson pourra reprendre tranquillement sa défonce, dans son canapé, sans personne pour la déranger. Elle a bien l’air d’avoir besoin de s’allonger. J’attrape un chiffon dans ma caisse à outils :

« Ça prendra pas longtemps, vous en faîtes pas. »

À force de voir et revoir nos clients, on en vient à se faire des idées sur eux, à s’imaginer leur vie et à quoi ça ressemble. On s’attache à l’image qu’on se fait d’eux. Madame Wilson est très loin de l’idée que j’avais d’elle. Ce n’est pas un mal. Même si entre elle et son mari et son fusil à gros sel, j’aurais probablement de quoi m’inquiéter si j’avais quelque chose à me reprocher. Mais je suis juste venu réparer le lave-vaisselle.
Dans les films d’horreur, le réparateur est jamais celui qui crève en premier.

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S'imagine facilement comme Josef pourrait tirer la gueule, à ce moment-là. Comme ses sourcils dévaleraient cette courbe familière, comme la commissure de ses lèvres se retrousserait dans cet angle précis. La connaît par coeur, sa gueule des mauvais jours, quand c'est celle qu'il lui ressort sans s'en lasser en ce moment. Aussi fréquente que d'voir sur la tronche de Maritza son masque d'impassibilité. Pourtant, ce qui traverse l'esprit de Leo à l'évocation de la jalousie n'a rien en commun avec ce qu'elle peut s'imaginer. Bientôt, voilà que son prétendu mari se retrouve attifé d'un costume trois pièces, une flûte de champagne en main, un flingue dans l'autre. Exit cette barbe qu'il a pris l'initiative de ne plus raser de près comme à l'époque de Miami, retrouvant une mine fraîche et sans doute moins négligée que celle qu'elle lui connaît actuellement. Et voilà qu'il avance, d'un pas décidé, dans ses pensées, menaçant à l'égard de Leo, intrus dans sa propriété et dans son mariage. Et tout ce qui traverse la tête de Maritza, à cet instant précis, c'est qu'il s'agit peut-être de la solution. Agiter le réparateur sous le nez de Josef, jusqu'à ce qu'il vrille, qu'il aille chercher ce revolver qu'elle lui réclame depuis des semaines, pour les menacer. Bien que comme ça qu'elle pourra remettre la main sur cette arme que, de toute évidence, le télépathe ne maîtrise pas. Ainsi, ils seront en sécurité. Se rend à peine compte qu'elle divague, et que le flux incessant entre sa caboche et celle de Leo la dote d'un brin d'imagination depuis longtemps réprimé. Une éternité qu'elle n'a pas rêvassé, persuadée de la perte de temps représentée, de l'inutilité à s'évader mentalement quand tout ce qui compte, c'est la réalité. En gardant les pieds sur Terre qu'elle sera en sécurité, et Josef aussi, par conséquent. Que fait-elle ? Perd-elle la tête, à s'adonner à ce genre d'activité ?

Pourrait presque se raisonner, Mari, si ça ne repartait pas de plus belle. « Pour la santé, un vrai danger, oui. Rien de tel que de garder les idées claires en toute circonstance. » Comme si l'exprimer de manière audible allait l'aider à s'en souvenir. Sauf qu'elle se laisse embarquer à nouveau, tanguant entre les recommandations de santé publique qui s'enregistrent en principes indubitables - car soufflés directement à l'intérieur de son crâne - et ses fameux placards. Le revolver de Josef serait-il rangé dans un placard ?? La pensée l'effleure, séduisante, quand elle ne peut résister à l'envie de poser sa main sur l'une des poignées, entrebâillant un casier comme si l'idée même ne pouvait être sienne. Comme si l'envie de lever l'interdit, projetée à Leo, lui revenait en boomerang. Et ça tangue. Et elle se retient. Sent que le cercle continue à se refermer, qu'bientôt, il lui sera compliqué de s'extirper des pensées du réparateur, et la distance est de mise, quand elle s'éloigne. « Je, je ne sais pas vraiment, » Quelques pas dans le hall, à tenir la conversation, à réprimer l'envie de communiquer directement avec lui, mentalement. Tu ne peux pas faire ça. C'est de la folie. S'efforce alors de causer, de plus belle, pour que les mots s'échappent et cessent de tournoyer dans son cerveau. « ce n'était peut-être qu'une ombre, je ne sais pas, je ne sais pas. » Secoue la tête, en revenant sur ses pas, le coeur battant. Coups d'oeil jetés à l'extérieur, l'attention happée aux fenêtres, comme cette nuit-là. Lorsqu'ils ont aperçu du mouvement à l'extérieur, avec Josef, près des haies, n'ont jamais su qui se tenait là. Sans avoir la moindre idée de l'intangibilité de l'entité. « Cette ville est si particulière, j'ai parfois l'impression de m'égarer. » De devenir complètement timbrée, ouais. « Vous êtes natif d'Exeter ? » Pose la question comme si ç'allait avoir une importance cruciale, parce que Leo commence à s'en poser, des questions, et il lui semble urgent d'éliminer toute idée s'approchant de près ou de loin du FBI, ou de la caméra cachée. Voire, en option, de la possession à exorciser. « Vous ne ressemblez pas tout à fait aux autres, d'ici. » Le dit en s'approchant, oscillant entre la conversation qu'elle tente d'amorcer, loin des préoccupations qu'elle a pu lui insuffler, et l'envie viscérale de retourner se noyer dans cette pagaille mentale. « En bien. » Le précise, en s'humectant les lèvres, visiblement aussi nerveuse que Leo, à tenter de donner le change quand elle réalise que sa posture n'a certainement rien d'approprié. Un petit compliment lâché, le dit parce qu'elle le pense, même si ça lui paraît étrange. Ne serait pas allée lui admettre qu'elle le trouvait sympathique, normalement. Qu'est-ce qu'elle fout ?

« Oui, d'accord, bien le nettoyer. » Acquiesce même s'il lui semble que ses méninges sont fissurées, qu'toutes les informations passent et filent d'emblée hors de sa mémoire. Si elle avait déjà fumé, ou avait déjà connu l'ivresse, peut-être pourrait-elle faire le rapprochement avec ce qu'elle ressent présentement. Légèreté inconnue car toujours trop aisément crispée, concentrée, ça se bouscule dans sa tête à mesure qu'elle s'éloigne pour le laisser bosser. C'est ce qu'a l'air de songer Leo à son sujet : qu'elle est défoncée. S'demande si c'est donc à ça que ça pourrait ressembler. « Est-ce-que ça pourrait se reproduire ? » Cette légèreté, cette danse interminable entre nos esprits. « Que ça s'encrasse, comme ça ? Je pourrais peut-être le nettoyer moi-même la prochaine fois, j'ai l'impression de vous solliciter à tout bout de champ pour cette maison. » Se penche un peu, en gardant une certaine distance, cette fois, pour détailler ses gestes et les retenir, s'imaginer les reproduire en cas de besoin. A toujours aimé s'en sortir par elle-même, mais n'a guère de connaissance en bricolage. Suffisamment débrouillarde pour espérer progresser dans le domaine, quand elle ne sait s'il serait dangereux ou intriguant de croiser le chemin de Leo à nouveau, après aujourd'hui. « J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de ce moment d'égarement. » Parce qu'à mesure qu'elle s'éloigne mentalement, son comportement improbable semble lui sauter aux yeux. Le dos calé contre l'ilôt central, les bras croisés, elle le détaille. « Je n'ai pas pour habitude de me comporter ainsi, j'espère que cela saura rester entre nous. » Le contemple de ses yeux noirs, suffisamment habituée des ragots à Miami pour savoir à quel points ceux-ci peuvent se colporter rapidement. « Les rumeurs vont vite, dans une ville comme Exeter ? » En profite pour y aller de ses petites questions, profitant certainement d'avoir saisi au vol que Leo semblait l'apprécier. « Je ne tiens pas à attirer l'attention. » C'est probablement réussi, dis donc.

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Je dois bien avouer que quand j’ai quitté le maison tout à l’heure, je n’imaginais pas que mon après-midi se déroulerait de cette façon. J’avais toujours connu Madame Wilson comme une femme très sérieuse et polie, toujours sur ses gardes, comme derrière une vitre où on aurait pu l’admirer sans jamais l’approcher. Malgré nos rencontres régulières à cause de son électro-ménager plus que défaillant, nos discussions étaient toujours lisses : les appareils, la météo, peut-être Exeter pour peu qu’on soit un peu aventureux, mais jamais plus loin. Être rentré dans la maison de Madame Wilson a changé la donne. Comme si j’étais passé de l’autre côté de la glace, comme Alice au pays des Merveilles.
Garder les idées claires, me dit Madame Wilson, et j’avoue que je trouve ça plutôt drôle considérant que mes idées à moi sont tout à fait claires en ce moment, et que je peux pas en dire autant de ses paroles. Je la regarde du coin de l’œil, alors qu’elle s’approche d’un placard. Elle-même qui disait qu’y avait rien dans ces placards… je peux pas m’empêcher de me tendre un peu, comme si j’allais avoir un aperçu de ce qu’il y a dedans, en vain. Reprends-toi Leo. La curiosité est un vilain défaut, comme disait Yaya. Enfin, elle disait aussi que le ridicule risquait de me tuer et ça n’a pour l’instant jamais été prouvé. Comme quoi, Yaya n’avait pas raison sur tout. Mais elle m’a aussi appris qu’en cas d’intrusion, il fallait s’armer (une pelle, un rouleau à pâtisserie, même un balai peut faire l’affaire) et prendre son courage à deux mains pour aller assommer l’envahisseur. Alors quand Madame Wilson se met à s’inquiéter d’une possible présence dans sa maison (autre que la mienne), je lance un petit coup d’oeil à ma caisse à outils. J’ai bien plusieurs clés, mais est-ce que je risque pas de tuer quelqu’un en lui assénant un coup de clé à molette sur le crâne ? Ce serait peut-être mieux que Madame Wilson me prête un rouleau à pâtisserie…

« Si vous revoyez cette ombre, faites moi signe, d’accord ? J’irais voir de quoi il s’agit. »

Bien que j’ai aucun doute quant aux capacités physiques de ma cliente, Yaya se retournerait dans sa tombe si elle apprenait que je n’ai pas porté assistance à quelqu’un. Et franchement, je ne pourrais plus me regarder dans un miroir s’il arrivait quelque chose à Madame Wilson pendant que j’étais chez elle. Puis j’ai fait de la boxe, longtemps, je dois avoir gardé de bons restes malgré les quelques années de non pratique ! Ça doit être comme le vélo, ça s’oublie pas.

« Je vous comprends parfaitement… Je suis né à Exeter mais j’ai fait le tour des Etats-Unis et je n’y ai trouvé aucune ville comparable. »

Deux ans à faire le tour, à rechercher en vain à combler les trous de mon âme, avant de comprendre qu’il n’y avait qu’à Exeter que je trouverai ma place, même si elle était dure à gagner. Aucune ville ne me comprenait aussi bien qu’Exeter. Aucune ville ne me comprenait aussi peu qu’Exeter. Aucune ville ne ressemblait de près ou de loin à Exeter. Et moi, j’avais besoin d’Exeter. Besoin de son étrangeté, de ses fantômes, de ses arbres tordus et de tout le reste. Au final, j’étais aussi bizarre qu’elle. Juste dune façon différente. Ici, c’est chez moi. Alors quand Madame Wilson me complimente, mon coeur rate un battement et je sens que mes joues rougissent, comme une écolière. Je dois certainement paraître ridicule, pourtant le compliment me fait plaisir. Probablement parce que c’est rare que ma différence soit vue comme un bien en ces lieux.
Je m’éclaircis la gorge, essaie de retrouver contenance :

« C’est sans doute grâce à mes grands-parents. Ils sont venus s’installer à Exeter quand j’étais enfant, et ils étaient très… différents des gens d’ici. »

Yaya a toujours dit qu’Exeter était une ville de malheur. Une ville maudite. Elle posait des alebrijes à tous les coins de la maison pour nous protéger des mauvais esprits. Tout était coloré chez nous, et malgré leur décès, les choses n’ont pas changé. Tout est presque plus coloré maintenant qu’ils sont partis et que je peux remplir la maison d’objets de mauvais goûts en tous genres : des petites statues de chats habillés de pulls, des tableaux représentants des animaux en costards, des boules à neige remplies de petits lutins… J’imagine qu’en entrant chez moi, on comprend tout de suite quel genre de personne je suis. On ne peut pas dire que ce soit le cas en entrant chez Monsieur et Madame Wilson. Ici, le secret semble prendre lieu et place. Tout le monde ne peut pas brandir ses couleurs haut et fort, certains aiment à rester réservés, et franchement, qui je serai pour les juger ?

« C’est que ça s’encrasse vite ces choses-là, ça m’étonnerait pas que la machine vous refasse le coup… Mais ce n’est pas trop compliqué de régler le problème, si vous voulez essayer de le régler seule la prochaine fois, pensez à bien débrancher la machine avant de la démonter ! »

Histoire d’éviter de s’électrocuter. Ça m’est arrivé une fois et j’ai cru que mon âme quittait mon corps. Sans parler des clients qui ont tenté la main sur leur appareil avant mon arrivée, juste pour finir aux urgences à cause d’un court-circuit…

« Et si jamais vous avez un doute, hésitez pas à m’appeler, vous devez pas vous en faire à l’idée de me déranger, c’est mon métier ! »

Une fois, une cliente m’a appelé à trois heures du matin pour un grille-pain qui ne fonctionnait plus… Et elle avait un besoin impératif de toast. J’ai traversé la ville cette nuit-là. Alors autant dire que Madame Wilson n’est absolument pas comparable ! Elle, au moins, est toujours polie et agréable, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, soyons honnête. C’est pour ça que quand elle me demande de pas discuter de cet après-midi avec le reste d’Exeter, je peux pas m’empêcher de lui jeter un regard en coin.
C’est vrai que les rumeurs vont vite dans le coin, je suis bien placé pour le savoir. Dans ma tête, quelques échos du passé et des mots qui circulaient à mon sujet, poussant toujours plus loin l’infréquentable et m’incitant à tracer des lignes rouges sur mes avant-bras. J’esquisse un sourire :

« Vous en faîtes pas Madame Wilson, je suis pas du genre à colporter des ragots. Et vous avez rien à vous reprocher. Croyez-moi j’ai vu des clients bien plus étranges que vous ! »

Et c’est peu de le dire. Un de mes clients collectionnait les poupées en porcelaine, il en avait partout dans sa maison, jusque dans les toilettes. Même à moi ça m’a foutu la chaire de poule. Le pire était la poupée grandeur nature dans le fauteuil du salon que le client appelait « Marceline » et à qui il avait donné une tasse de thé. Oh il était inoffensif pour sûr, et j’ai jamais refusé d’aller l’aider. Au bout d’un moment, on est devenu bons amis, Marceline et moi. J’imagine que certaines personnes occupent comme ils le peuvent leur solitude. Je continue mon nettoyage :

« C’est vrai que les rumeurs vont vite dans le coin… Les gens n’ont pas grand-chose à faire à part discuter des uns et des autres. »

On trompe l’ennui avec la médisance par ici. Je brandis le petit tuyau, proprement décrassé pour que ma cliente puisse le voir :

« Voyez ? C’est à ça que ça doit ressembler, si c’est en état de marche. Il ne reste plus qu’à le reconnecter et remonter la machine et ça devrait marcher comme sur des roulettes. »

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Bribes de pensées désordonnées, l'attention se relâche et, inévitablement, Maritza ne perçoit plus celles-ci avec autant de clarté. Deux entraves à ce don avec lequel elle est née, suffisamment habituée à le déployer pour en avoir déterminé les limites principales, avec les années. Premièrement, l'amplification de la distance entre elle et la personne visée amenuise sa perception, à devoir tendre sa concentration comme on pourrait tendre l'oreille, face à un discours murmuré. Deuxièmement, s'éparpiller en questionnements, ne plus se dévouer à cette seule tâche lui renvoie des fragments hachés qui, mis bout à bout, semblent n'avoir ni queue ni tête. Déjà que le brouhaha permanent qui habite les tempes de Leo est difficile à suivre, et à déchiffrer, cela n'arrange vraiment pas les choses. Saisit donc au vol un attrait pour le contenu de ses placards, l'idée de curiosité qui semble l'effleurer, et puis celle de s'armer. L'image fugace du réparateur cramponnant un rouleau à pâtisserie et menaçant de s'en servir l'encourage probablement à revenir dans la cuisine. Une nouvelle fois, la perspective qu'il ne soit en réalité qu'un espion potentiel l'étreint, sans que la moindre crainte ne parvienne à s'y associer. Mari se dit que c'est le genre d'hypothèse à ne pas négliger, sous prétexte que le réparateur l'intrigue, qu'il est bien la première personne de cette ville à en avoir le mérite. Le seul qui lui ferait reconsidérer son avis sur Exeter, en se disant que tout n'y est peut-être pas perdu. « Je devrais m'en sortir. » Le dit de sa détermination froide, celle qui n'exprime nulle animosité, élabore simplement un constat, trop occupée à s'imaginer le réparateur en train de boxer sur un ring pour parvenir à donner le change. Transparaît telle qu'elle l'est, et l'a toujours été, difficile à appréhender et pas la première à se livrer. Capital sympathie certainement en dessous de la moyenne, elle s'en est toujours accommodée. C'était bien plus prudent ainsi, à Miami, plutôt que de se laisser approcher par n'importe qui, de tisser des liens sincères quand tout n'était finalement que poudre aux yeux. Besoin de temps pour appréhender le réparateur avec davantage de précision.

Cela ne l'empêche donc pas de s'intéresser davantage à lui, d'observer les réactions qui pourraient le saisir aux dires énoncées. Elle a toujours aimé ça, sonder les âmes sans avoir nécessairement recours à la triche, puisque s'immiscer dans l'esprit d'autrui y ressemble fortement. Et elle doit dire que plus elle parcourt les méninges de Leo, plus il la perd. C'est bien la première fois qu'un tel phénomène se produit, la poussant à interroger de manière audible quand les réponses sont bien complexes à déterrer, là-dedans. « Vous avez choisi d'y revenir, après avoir tant voyagé ? » Cela la surprend, et pourtant, n'est-ce-pas une configuration similaire en ce qui les concerne, Joe et elle ? « Aucune ville ne vous a donné envie de la quitter ? Laquelle avez-vous préféré, durant cette période ? » Curieuse, Mari, après avoir voyagé sur les derniers mois, sillonné la route depuis Miami, jusqu'à ce point de chute. Espère presque que le réparateur aborde sa Floride natale, l'entendre résonner et vibrer contre d'autres cordes vocales, bien que l'espoir lui semble illusoire. Pour ce qui est d'Exeter, malgré tout, elle non plus, n'a pas été capable de la quitter. N'y est pourtant pas née, n'y a aucune attache. La méprise, probablement, pour bien des raisons, à refuser de s'y attacher, mais y a malgré tout acheté une maison. Tant de paradoxes qu'elle refuse de s'expliquer, quand la réponse est simple, partagée avec son soi-disant mari. Ici, elle n'a plus peur. Et pourtant, tout ici devrait les effrayer. De cette ambiance persistante aux phénomènes curieux agitant la carcasse de leur demeure.

Saisie d'une nostalgie qu'elle peine à s'expliquer, la télépathe semble se détendre pour de bon, pour la première fois de la journée, les bras qui se décroisent, les paumes venant se glisser dans les poches de son jean. « J'imagine que ce n'est pas évident, d'être différent dans une ville qui baigne autant dans son jus. » En tout cas, ça ne l'est pas pour elle, et pour Josef non plus. Peut-être que ça ne l'était pas pour les grands-parents de Leo, et que ça ne l'a pas été pour lui. Elle se le demande, nécessairement, si leur installation pourrait être pérenne. De quelle manière Leo gère tout ça, de son côté, quand il lui semble que le réparateur donne bien le change, ou qu'il a fini par s'y faire réellement. « Je n'hésiterai pas, alors. » Il semblerait bien que la naissance d'un sourire en coin se dessine lorsqu'elle prononce ces mots-là. Parce qu'elle n'a pas fini d'étudier les songes de Leo, quand s'y noyer lui permet de penser à autre chose. Ce n'est pas un luxe, quand rien n'est parvenu à lui changer les idées depuis le mois de septembre. Et elle se laisse aller à profiter encore quelques instants de ce qui s'apparente, en terme de sentiment, à la chaleur d'un bain de soleil venant abreuver son esprit perpétuellement contrarié. Agréable de se laisser aller, loin du souci permanent, et c'est un brin d'apaisement qui sillonne ses veines à chaque pensée venant gonfler ses tempes d'images ne lui appartenant guère. « Parce que je suis étrange ? » Pince-sans-rire, le tout assorti d'un petit haussement d'épaule, en se dirigeant vers la panière de fruits, se mettant en tête de presser quelques oranges pour offrir un verre au réparateur, après cet épisode délicat. « Qu'avez-vous vu de plus étrange, dites-moi ? » S'intrigue pour la question, surtout motivée par l'envie de profiter un peu encore de sa présence, avant de regagner sa solitude. La réponse s'effrite sous son front, à l'image d'une poupée s'incrustant dans sa tête, quand elle se décide à pousser le deuxième verre de jus sur le plan de travail, dans la direction de Leo, avant de se laver les mains dans l'évier. « En cela, les villes bruyantes sont plus confortables. » Sèche ses phalanges contre le tissu d'un torchon, avant de saisir son propre verre d'un geste délicat. « Quand tout va vite, et que personne n'a de temps à perdre à contempler son voisin. » S'approche un peu, pour contempler le tuyau brandi sous ses yeux, et acquiescer. Si elle aimerait s'en occuper elle-même, et éviter d'avoir recours à quiconque, il lui semble désormais évident qu'elle ne serait pas embêtée à l'idée de recroiser le chemin de cet être solaire. « Bien, peut-être qu'à la longue, je vous ferai concurrence dans le métier. » L'air mystérieux, comme si la reconversion pouvait s'envisager, le brin de sourire qui naît est rapidement noyé dans le verre de jus d'orange porté à ses lèvres.

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BUT BABE YOU ARE TOO
Il faut bien avouer que Madame Wilson et son mari sont un vrai mystère. J’en ai eu quelques uns, des clients dans ce genre, mais il est vrai que c’est plutôt rare à Exeter. Peut-être parce qu’ici, tout le monde finit par se connaître, par le voisin de voisin ou l’oncle d’ami d’un ami. Tous ceux qui quittent Exeter finissent toujours par y revenir, tant et si bien que les liens se tissent au fil des années et des connaissances. Et puis le renfermement des gens d’Exeter est très différent de ce qui se ressent de Madame Wilson. C’est presque comme si… elle se cachait derrière quelque chose. Comme si elle était là, sans vraiment l’être. Difficile de mettre des mots sur l’impression qui se dégage d’elle, il faudrait la rencontrer pour comprendre !
Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle est très différente des gens d’Exeter. J’ignore ce qui les a attirés ici, elle et son mari, mais j’espère qu’ils parviennent à y trouver leur compte. Exeter est pas une ville facile à apprivoiser, il faut bien le reconnaître, et ceux qui s’arrêtent à son image première n’y trouveront jamais leur bonheur, ne comprendront jamais les petits retords tordus qui façonnent les murs de cet endroit.
J’explique à ma cliente :

« Cette ville, c’est un peu une prison autant qu’un cocon. Une fois qu’on y est entré, on a du mal à en ressortir. »

Comme si un lien indestructible me retenait à Exeter, comme une chaîne dont les maillons ne s’érodent pas avec le temps. Je n’ai pas encore trouvé le moyen d’y échapper, et je suis même pas certain de le vouloir. Après avoir exploré tous les recoins des Etats-Unis, je n’ai jamais réussi à retrouver la sensation d’être chez moi. Moi qui ai passé toute mon adolescence à vouloir m’enfuir et quitter la ville, j’ai fini par découvrir que c’était le seul endroit où je pouvais être moi. Et pourtant, j’en ai vu du paysage.
Je réfléchis un instant, m’arrêtant dans ma tâche :

« Je crois que ce que j’ai préféré… ce sont les canyons du Colorado. Dormir dehors sous un océan d’étoiles, loin du reste du genre humain, du bruit et de toute ville, ça avait quelque chose d’incroyable ! »

Dans ma tête, se dessinent les longs décors du Colorado, ses accents rouges et oranges sous un torrent d’étoiles lumineuses dans un ciel d’un bleu profond. Non, il n’y avait vraiment rien de semblable et je crois que si je devais pointer l’exact moment où je me suis trouvé en paix pour la première fois, ce serait ce moment que je choisirais. Il n’y avait alors aucune loi ni normalité à laquelle obéir et même si je me sentais infiniment petit face à la nature, elle me rappelait la propre importance de mon existence que j’avais si souvent voulu finie.

« Mais si je devais choisir une ville, je dirais Key West, en Floride, et ses longues plages de sable blanc ! »

Mais Key West n’a jamais été un endroit où on pouvait vivre toute sa vie. C’était un décor de paysage, de vacances, de palmiers et de riches investisseurs. Pas un endroit pour quelqu’un comme moi. Mon étrangeté trouvait naissance et refuge dans les rues d’Exeter. C’était là que je devenais revenir. De toute façon mes grands-parents m’y attendaient et je pouvais pas les laisser toujours aux bons soins de Nero. Mon retour n’attendait que sa date.
Après tout, c’était ma faute s’ils étaient coincés là. Je suis sûr que Yayo aurait préféré finir ses jours à Mexico plutôt qu’à Exeter. Un regret qui me hantera toute ma vie, même s’il est trop tard pour pouvoir y faire quoi que ce soit. J’étais jeune et certaines leçons ne s’apprennent qu’en vieillissant. Et Exeter m’a appris de nombreuses leçons. À commencer par celle de ne jamais juger les gens en face de moi. C’est pour cette raison que je peux pas m’empêcher de rougir quand Madame Wilson reprend mes mots et je me surprends à me justifier :

« Je dirais pas que vous êtes étrange, mais on voit que vous êtes pas d’ici. C’est pas une mauvaise chose, hein ! C’est juste que vous êtes… différente des gens d’Exeter. »

J’ai l’impression de m’enfoncer. Est-ce que je m’enfonce ? Je m’éclaircis la gorge. Je ferai mieux de me taire avant de dire n’importe quoi et de la vexer. Soupire de soulagement quand sa question vient perturber le silence.
Ce que j’ai vu de plus étrange ? Je chasse Marceline de mon esprit et cherche un autre exemple :

« Une de mes clientes était une vieille femme qui ne s’habillait qu’avec des robes à petits pois ! Des jaunes, des rouges, des bleus, des vertes… peu importe la couleur tant qu’il y avait des pois dessus. Elle m’a dit qu’elle portait des pois le jour où elle a rencontré son mari, et qu’elle en portait à nouveau quand ils se sont mariés. Pour elle, les pois portaient chance et elle refusait de tenter le destin en n’en portant pas. C’est le genre d’étrangetés qu’on trouve à Exeter. Ici les gens sont superstitieux. »

Je l’aimais bien cette petite vieille. Ses enfants l’ont rapatriée à Miami, chez eux, quand son âge s’est fait trop avancé. J’imagine qu’elle porte encore ses petits pois là-bas. J’espère qu’ils lui portent chance.
J’avise le verre de jus d’orange sur le comptoir et un grand sourire vient se dessiner sur mes lèvres :

« C’est très gentil, merci ! »

Rares sont les clients qui se donnent ce genre de peine pour moi et je dois avouer que je suis touché. Je m’en saisis en soupesant les paroles de Madame Wilson. C’est vrai que dans les grandes villes, on a pas vraiment le temps de s’intéresser à ses voisins mais j’imagine que c’est aussi ce qui fait le charme d’une ville comme Exeter. On est témoins des petites choses du quotidien qui démontrent de l’humanité des gens. Les petits riens qui vous poussent à l’entraide et à aimer les autres. Comme les petits pois de Madame Strovasky. Je bois une gorgée de mon jus d’orange et l’apprécie tranquillement avant de me remettre à la tâche, sans pouvoir m’empêcher de rire au commentaire de ma cliente.

« Si un jour vous me faîtes concurrence, je pourrais me vanter d’avoir faire naître une vocation, j’avoue que je serais plutôt fier de moi ! »

Je n’ai jamais connu quelqu’un qui soit aussi intéressé que moi par la réparation d’objets en tous genres. La plupart des réparateurs de cette ville font ce métier par simple besoin de se nourrir, et qui pourrait les blâmer ? Je m’empare du petit tuyau et m’accroupis près de la machine, jetant un regard à Madame Wilson :

« Vous voyez comme je le remets ? Il faut faire attention à bien le reconnecter, c’est le seul élément un peu tricky de ce genre de réparation. »

Ce disant, je remets en place la pièce et me frotte les mains.

« Voilà, il ne reste plus qu’à la remonter ! »

J’entreprends de faire exactement ça, concentré sur ma tâche pour ne rien oublier. Sitôt dit, sitôt fait et bientôt la machine a l’air comme neuve. Je me relève et attrape mon verre de jus d’orange en expliquant :

« On a plus qu’à lancer une machine pour vérifier que ça fonctionne et on en aura fini pour aujourd’hui. »

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Mari n'a pas réellement eu l'opportunité de discuter de la ville avec les locaux, ni de discuter tout court, depuis quelques temps. S'est toujours estimée d'un naturel solitaire, mais aujourd'hui, il devient évident qu'elle se sent surtout seule. Il suffit que Josef passe le seuil de la maison pour que l'humeur revienne à la morosité. Peut-être s'est-elle trompée, persuadée de pouvoir se la jouer ermite en terre inconnue sans avoir à sociabiliser, d'en avoir besoin, même. Elle n'a pas été forgée pour le calme alentour, seulement pour celui qu'elle garde en elle. Bâtir des plans, laisser ses neurones s'animer en complotant contre plus fort, et mieux organisé qu'elle, le goût du challenge, ça lui manque. Voir les gens interagir, déambuler à sa guise dans des salles qui, sans être bondées, se peuplaient de dizaines d'âmes à la nuit tombée, voilà, voilà ce qui lui plaisait. Analyser les autres, laisser ses pensées vagabonder, et son crâne s'emplir de ces songes ne lui appartenant guère, à les décrypter comme autant d'énigmes, plus ou moins intrigantes. C'est un peu étrange de le reconnaître, quand la brune a souvent été discrète, avare en paroles, s'imaginant alors qu'elle n'avait que faire des discussions. Elle réalise soudain, au fil de ces minutes passées auprès de Leo, que si elle n'avait pas besoin de déblatérer sans cesse pour se sentir bien, c'est que bon nombre d'informations, de chaleur humaine, se mettait à infuser directement contre ses tempes. En l'entendant penser de manière si vive qu'elle a eu l'impression de rattraper des mois de néant, et maintenant que c'est fait, il devient bien plus aisé de délier sa langue, et de poursuivre la conversation. « C'est vrai que cette ville est particulière. Nous n'étions que de passage, initialement. Je ne dirais pas qu'on y a trouvé un cocon, ni même que je m'y sens particulièrement bien, mais j'imagine qu'à sa manière, elle nous retient. » Parce que c'est la première fois qu'ils ont réussi à respirer à nouveau, une fois la route abandonnée, installés dans ce petit motel. Mari ne saurait dire exactement quel phénomène a pu les envahir, tous les deux, pour leur donner envie d'y acheter une maison, d'y rester. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'ici, quand tout devrait l'alerter, elle n'a plus peur.

Songeuse, ainsi que le paysage décrit par Leo se faufile jusqu'à lui envahir l'encéphale, la laissant un instant interdite, à contempler un point indistinct à droite du réparateur, semblant émerveillée par quelque chose d'imperceptible. « Je connais ce paysage. » Cela s'échappe sans qu'elle n'ait le temps d'y réfléchir, forçant contre ses propres souvenirs pour essayer d'en assembler les images. Et le front se plisse, avant qu'elle ne se contente de secouer vaguement la tête. « Mais j'imagine qu'il faut le voir de ses yeux, et non simplement en photo ou à la télévision.» Brin de sourire en coin, à se remémorer où elle l'a déjà aperçu, celui-ci : pendu au mur d'une chambre dégotée en bord de route, après l'un de leurs premiers arrêts, après avoir filé loin de la Floride. Peut-être en cela qu'il représente parfaitement le sentiment de liberté qui se trace également dans les mots de Leo, étrange rappel mémoriel, lui insufflant un certain sentiment de paix. Et puis, les yeux noirs s'éclairent, le coeur manque un battement. D'instinct, son regard revient se poser sur Leo, à se demander un instant s'il pourrait s'agir d'un piège, sa méfiance jamais bien loin, finalement. Et que c'est éreintant, de se tenir sans relâche sur ses gardes, quand l'appel de sa Floride originelle tiraille sa corde sensible, les pensées de Leo n'ayant absolument rien de menaçantes - et elle commence à en être sûre, à force d'y traîner. « Un vrai paysage de carte postale, c'est clair, c'est plutôt paradisiaque. » Et elle s'illumine, sans réellement s'en apercevoir, à abandonner ses airs perpétuellement crispés, savourant son jus d'orange. Et Miami ? Vous êtes passés par Miami ? Le museau dans son verre, c'est avec un effort qu'elle chasse la question qui lui semble aussi déplacée que compromettante. « Même si c'est à Miami que se trouve la véritable âme floridienne, je suis sûre que vous l'apprécieriez. » Cette ville, ma ville. Haute en couleurs, sauvage, indomptée. Et c'est le coeur qui parle, et ses pulsations qui s'emballent, quand les prunelles s'embrasent à la seule évocation de sa cité d'origine.

Et puis, Leo s'égare en explications qui l'amusent, Mari, lui font lever le menton l'air de dire, mais encore ? « Leo, respirez. » Un moment, sûrement, qu'elle n'aura pas senti un éclat de rire menacer de lui vriller le larynx, à se contenter de le taquiner en gardant un soupçon de sérieux imperturbable. Lequel se retrouve mis à mal à l'évocation de cette vieille dame, information croisée avec la mention mentale de Miami, lui faisant hausser les sourcils un instant. « Et vous l'êtes également, superstitieux ? » Rattrape sa surprise comme elle le peut, en détournant l'attention de son cas, la renvoyant à nouveau sur Leo. Lui qui l'intéresse, plus que le reste, plus que l'idée de pouvoir se trahir, ou de devoir parler d'elle. Sait pourtant, Mari, qu'il est important de donner pour recevoir, quand bien n'est-ce presque rien, finalement. « J'ai remarqué que nos voisins, vous voyez, la maison, là-bas, » Le verre abandonné et les mains posées sur le rebord de l'évier, elle se penche pour regarder par la grande fenêtre, inclinant la nuque à droite, pointant l'index vers la grande bâtisse érigée à quelques minutes de la sienne, sur le front de mer également. « tous les mardis et vendredis, ils allument des bougies devant la première marche de leur perron, et retournent s'assurer qu'elles continuent de se consumer toute la soirée. » Claudia, ainsi qu'elle s'appelle, et lui, c'est Rino. Elle les a croisés l'autre jour, en se promenant sur la plage, et ils les ont même invités pour un repas, Josef et elle, la semaine suivante. « Sûrement de la superstition, aussi. » En réalité, elle les tient à l'oeil, quand il lui semble important d'avoir une idée précise des êtres allant et venant aussi près de leur maison. Si leur coutume pourrait être flippante, c'est avec un grand détachement que la télépathe l'évoque, pourtant.

Cesse de se pencher, Mari, à reposer ses talons au sol en suivant avec attention les dernières explications de Leo, hochant la tête aux consignes avant de s'exécuter, bidouillant deux trois boutons pour relancer l'appareil. « Je crois bien que c'est un succès. » Parce qu'à l'intérieur, ça se remet à ronronner, et si elle lui adresse un regard reconnaissant, Mari, elle ne peut s'empêcher d'envisager son départ avec une once de déception. « Il faut que je vous règle. » Qu'elle se reprend, après quelques secondes à l'observer, filant d'un bon pas vers l'entrée, traversant jusqu'au salon. « Combien est-ce-que je vous dois ? » Parce qu'ils les ont semés, dans une paranoïa certaine, leurs liasses de billets, emportés de Miami. Quand elle farfouille dans le tiroir d'un guéridon empli à craquer, que la réalité la rattrape, empoignant un petit tas de feuillets verts avant de reprendre le chemin de la cuisine, relevant ses yeux noirs vers Leo, dans l'attente du montant. Des mots lui brûlent les lèvres, certainement, des peut-être pourrions-nous nous recroiser, à l'occasion, ou des je pourrais peut-être passer vous filer un coup de main, un de ces jours, qui lui restent bloqués dans la gorge. Parce que Mari, si elle n'est finalement pas si solitaire que ce qu'elle voulait bien en penser, elle n'est toujours pas vraiment douée, non plus, pour aller vers les autres.

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Exeter, ville de tous les mystères. Prison dorée pour les étranges qui ont trop peur de la quitter, et pourtant trop peur de l’aimer. Je parle en connaissances de cause… Si je devais partir demain… Où est-ce que j’irais ? Moi qui ai vu tous les Etats Unis, j’ignore ce que je ferais si Exeter venait à me rejeter. Je crois que je quitterais le pays pour de bon, sans me retourner.
L’occasion pour moi d’envoyer à Finn des cartes postales du monde entier ?
Les grille-pains en Europe ne peuvent pas être si différents des américains, si ? En plus il paraît que les anglais sont des gentlemen, et que l’alcool vaut le détour en Allemagne. Il y aurait tant de choses à voir si je décidais de partir, et pourtant un rien me retient ici. Comme Madame Wilson, il semblerait. Une esquisse de sourire vient se dessiner sur mes lèvres à ses déclarations :

« Je comprends. C’est pas une ville évidente, Exeter, pourtant on dirait que les gens ont du mal à la quitter. J’espère que vous finirez quand même par vous y sentir comme chez vous, elle a beaucoup à offrir quand on lui donne sa chance. »

Beaucoup de mystères surtout. Mais aussi de belles amitiés. Je pense à Marcus, Finn, Nero, Devlin… toute cette bande d’étranges personnages que j’aurais pu rencontrer nulle part ailleurs qu’à Exeter.
Même s’il faut bien reconnaître que les paysages sont plus beaux en dehors des frontières de la ville. Aussi lorsque Madame Wilson me dit connaître le paysage que je lui décris, je peux pas m’empêcher de lui lancer un regard surpris. Pourtant c’est vrai qu’elle a dû voyager elle aussi, elle a dû en voir des choses. Peut-être même qu’on était au même endroit, à des heures et des jours différents. C’est un peu bizarre de se dire qu’on a peut-être partagé le même bout de terre, à des moments bien distincts. Je me demande si elle a ressenti la même chose que moi, devant ce paysage. Si elle a trouvé la paix avec elle-même pendant au moins quelques instants.
Et voilà qu’elle parle de Miami, et pendant quelques secondes, les images défilent dans mon esprit : les palmiers, les longues plages et les bâtiments colorés. Et je vois bien que ma cliente s’anime, que l’étoile s’allume dans ses yeux. C’est évident que la ville lui tient à cœur.

« C’est vrai ? J’avoue n’y avoir été que de passage mais elle m’a beaucoup marqué. J’ai trouvé que Miami était… »

Je réfléchis un instant, cherche le bon moment, puis finis par déclarer avec un sourire :

« Enchanteresse. »

Ça pour l’être, on peut dire que ça l’est. Un peu comme la maison en petit biscuit de ce conte populaire. On commence à en manger et avant de s’en rendre compte, on est pris au piège. Peut-être au fond que Miami est un peu comme Exeter, elle piège ses habitants. Mais je n’y suis pas resté assez longtemps pour en voir les mauvais côtés. Pour moi, la Floride restera toujours cette plage paradisiaque de carte postale.

« Mais vous avez l’air de bien connaître, vous y avez vécu ? »

Peut-être que ça expliquerait des choses, si Madame Wilson avait vécu à Miami, bien que quoi, j’en suis pas vraiment certain.
C’est quelqu’un de très difficile à cerner, Madame Wilson. Si bien que quand elle se moque gentiment de moi, je peux pas m’empêcher de rougir un peu. Je mentirais si je disais qu’elle n’est pas un peu impressionnante. Disons qu’il est assez clair qu’on joue pas vraiment dans la même cour, elle et moi.

« Je vais pas vous mentir, après avoir passé trente ans dans cette ville, on devient tous un peu superstitieux. On apprend à composer avec les choses étranges qui se passent dans les parages. »

Je hausse les épaules, parce qu’au fond, la superstition est inscrite en ces lieux, autant que les petites voix qui chuchotent parfois, ou les téléviseurs qui tombent tout le temps en panne. On a pas toujours d’explications pour ce qui se passe, et on est bien obligé de trouver des moyens de s’en protéger…
Ça m’empêche toutefois pas de lancer un regard à la maison que Madame Wilson m’indique en écoutant ses explications.

« C’est très probable, effectivement. Vous trouverez toutes sortes de croyances différentes à Exeter, chacun se raccroche à ce qu’il peut. Une manière de garder le contrôle sur ce qui nous échappe, j’imagine… »  

Et c’est sur ces mots que j’achève finalement la réparation du lave-vaisselle. Madame Wilson et moi, on le teste alors, avec succès. Ouf ! Pas de surprise cette fois ! Parfois, même en cherchant bien, la panne reste panneuse, et on est bons pour tout recommencer. Je frotte mes mains contre mon jean, un peu ravi de cette petite victoire sur l’obsolescence programmée.
Je range tranquillement le contenu de ma caisse à outils et déjà, voilà Madame Wilson qui revient du salon, billets verts entre les mains. Mentalement, je calcule le coût de l’opération et décide de baisser un peu les prix, parce que je l’aime bien. Yaya dirait que c’est pas comme ça que le business va marcher, qu’à force de faire des prix parce que j’aime bien les gens, je vais finir sur le carreau. Mais Yaya devait bien savoir que c’était pas en devenant réparateur que je deviendrais riche. Si j’avais voulu être riche, j’aurais probablement pas dû quitter le lycée après l’accident.

« Ça fait 50 dollars. »

Je récupère ma veste et ma trousse à outils et lance, l’air de rien :

« Hésitez pas à passer à l’atelier, si jamais vos appareils tombent encore en rade. Ou si vous voulez que je vous montre comment on répare un micro-ondes. »

Je sais pas exactement pourquoi j’ajoute la deuxième partie. Peut-être parce que c’était agréable de pouvoir juste discuter, d’Exeter, d’ailleurs, des gens. Peut-être aussi parce que j’ai pu voir une nouvelle facette de Madame Wilson aujourd’hui et que papoter avec elle m’a rendu un peu curieux. Les personnes qui prennent la peine d’engager la conversation avec le réparateur sont assez rares pour qu’on les apprécie.
J’ajoute aussi, reconnaissant :

« Et merci encore, pour le jus d’orange ! »

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Maritza ne sait pour quelle raison il lui aura fallu attendre tant de temps pour réellement se détendre, ici. Elle n'attendait rien des rencontres éventuelles, et n'avait jamais été particulièrement douée pour se faire des amis. Elle était habile pour s'adapter aux décors divers et variés, caméléon s'incrustant au point de s'en faire presque oublier - et c'était sacrément utile, lorsqu'il était question d'observer. Elle n'avait, en revanche, aucune appétence pour le souci d'autrui, ou leur ressenti, si ce n'était dans ce qu'elle pourrait en faire, par la suite. N'était oreille attentive que dans l'espoir de grappiller quelques informations utiles. Ne s'inventait avenante qu'avec une idée derrière la tête. Il lui semblait n'avoir jamais été très sincère, au cours de son existence. Dans ses sourires, dans ses regards modelés à outrance, ou dans ses paroles parfois réconfortantes, passées cinq heures du matin, décrochant les confidences des soiffards haut-gradés. Et ici, lorsqu'ils ont pris la décision de s'attarder plus que prévu, elle n'avait pas envisagé de se lier à qui que ce soit. Elle peinait déjà à cohabiter avec Josef en baissant sa garde, ce n'était certainement pas pour mobiliser ses efforts ailleurs. C'était bien ce que ça lui demandait, oui, de se perdre en discussions inutiles, un certain effort. Elle se détrompe, pourtant, réellement intéressée par Castillo-Garcia, se laissant aller à vivre l'instant sans calculer de prochains coups inutiles. Lui dérober sa caisse à outils ne présenterait pas le moindre intérêt. Aucune raison de le séduire, non plus, quand l'abondance de ses pensées inoffensives suffit à lui prouver qu'il ne représente aucun danger. Et à bien y réfléchir, Mari n'a toujours pas trouvé la moindre motivation sous-jacente à leur bavardage, condamnée à s'y résoudre : pour une fois, peut-être est-il simplement agréable de parler.

« C'est vrai qu'elle l'est terriblement. Certains la trouvent détestable, je crois que ça a été mon cas, aussi, pendant un moment. Mais elle sait distiller le manque, une fois qu'on l'a quittée. Peut-être est-elle jumelle d'Exeter, dans ce domaine. » Et elle sourit en coin, certaine d'en dire un peu trop, probablement, sur son expérience Floridienne. Sur le moment, elle s'en moque, pourtant. S'amuse à s'imaginer que Miami et Exeter puissent représenter deux facettes d'une seule et même pièce. Deux points de chute aux antipodes l'un de l'autre, s'agrippant pourtant à leurs habitants avec la même férocité. Et si la première est moins grise, plus bruyante, plus festive, le jeu n'en est pas moins dangereux, au final, et les ailes, rapidement brûlées. Songeuse, le coeur battant à la question tombant à point nommé, la télépathe marque une hésitation, quand l'éclat animant ses yeux noirs précède déjà sa réponse. « J'aimerais que ça reste entre nous, mais oui. Oui, j'y ai vécu. » Et sa gorge se serre, un peu. Ce n'est jamais vif, jamais violent, les émotions en berne depuis un moment - depuis toujours, certainement ? Maritza ne ressent jamais fortement, toujours en demi-teintes, et pourtant. On pourrait presque lire l'ombre d'un émoi cisaillant la courbure de ses lippes, frémissement fugace, la poussant à se ressaisir. « Cette confidence est sous le joug du secret professionnel, hm. » Mais Leo est-il soumis à ce genre de principe ? Tout ce qui se passe devant un lave-vaisselle, reste devant ce lave-vaisselle ? L'idée lui paraît idiote, et elle préfère se concentrer sur le voisinage.

« J'ai vu la publicité pour un tour hanté, pas très loin d'ici. Elle sait vivre de son ambiance, on ne peut pas le lui ôter. » C'est facile, de parler d'Exeter comme d'une entité, de se fondre dans le fil de la discussion. Elle se souvient avoir toujours évoqué Miami avec le même affect, et c'est probablement ce qui, pour un instant, lui donne l'envie de laisser sa chance à cette ville. Elle ne peut prédire pour combien de temps, quelques jours, ou quelques mois, mais Maritza le ressent. Josef et elle ne reprendront pas la route demain. Ils la reprendront, certainement, incapables de rester sédentaires trop longuement. Une vie étrange, que d'avoir la mort aux trousses.

Les billets se dégainent, une fois comptés, tendus à Leo, avant de le raccompagner. Et elle s'illumine un peu, sous sa tignasse noire qui lui tombe avec rudesse de part et d'autre du visage. Une main légère vient ranger le carré noir derrière les oreilles, l'épaule coincée dans l'embrasure de la porte, à suivre Leo du regard, sur l'allée. « Attention, ou je vais vous prendre au mot. Merci pour tout, et bonne fin de journée. » Ne précisera pas s'il ne s'agira là que d'une politesse, ou si elle pourrait bien, un jour ou l'autre, décider de lui rendre visite, de manière spontanée. Sous prétexte d'une cafetière capricieuse, d'un mixeur court-circuité, ou d'une simple envie, peut-être, de plonger à nouveau dans le bain joyeux de ses pensées.

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