C'est dans les petites choses ☼ Demian

Jour de congé pour Demian, en semaine. Il en profite pour se détendre et passer du temps loin du poste de police. Loin du Griffin, plus il voit sa tronche plus il a envie d’le cogner, d’lui faire avaler ses dents une a une. L’a bien compris, qu’il a une dent contre lui. Mais ça l’amuse, ça met un peu d’animation dans sa vie. Le vit  bien au final. Ou mieux qu’il l’aurait pensé, ça l’amuse. L’voir lui mettre des bâtons dans les roues comme un gosse. Sont juste deux gosses au final. Deux putains d’gosse incapable de parler s’en s’insulter. D’faire une phrase sans rabaisser l'autre. Au final, ça lui donne un but. L’emmerder un peu plus tous les jours. Cette pensée lui arracha un sourire quand il ouvrit son frigo pour regarder à l’intérieur. Voilà plusieurs jours qu’il se nourrissait comme un étudiant fauché, avec des yaourts et des pâtes.  Non pas qu’il n’eut pas assez d’argent pour le faire. Mais disons que sortit pour faire les courses, ça n’a jamais été sa grande passion. Mais là ça devenait urgent. Il soupira doucement, refermant la porte d’un coup de pied dedans, attrapant son téléphone pour regarder l’heure. C’était déjà le milieu de la journée, son ventre criait famine. Il avala la dernière compote, enfilant une tenue un peu plus présentable avant de finalement sortir. Réfléchissant où il  irait faire ses courses, le plus  proche, le plus rapide.

Le marché, c’était le plus proche. Pas forcément le moins onéreux qu’il pensa sur le coup. Mais tant pis, il n’avait pas la tête à autre chose. Son regard s’attardait sur les bâtiments. C’te putain ville n’avait pas changé. En 10 ans, tout est resté de même. Figé dans le temps, ou figé comme dans ses souvenirs. L’espace d’un instant il se demande si les gens aussi, sont restés les mêmes. Coincé dans l’bizarre de cette ville. L’étrange rôde ici comme la mort dans un hôpital. L’a entendu des légendes, Demian, des choses auxquelles il ne veut pas croire. Veut plus croire en rien. C’plus facile comme ça d’toute façon. On n’est pas déçu, ni par les gens, ni par soi-même. De loin, l’aperçoit l’sommet de l’église de la ville. Cette vue le révulse, baisse les yeux tandis qu’un filet de sueur lui coule le long du dos. L’est toujours là, elle aussi. L’aurait rêvée qu’elle brûle, qu’elle soit réduite en cendre. Le méritait de toute façon. L’avait jamais les couilles d’le faire lui même, mais c’est pas l’envie qu’lui manquait. Mais pouvait plus s’en approcher de toute façon. La voyait régulièrement en rêve, en cauchemar. Encore plus maintenant qu’il était revenu ici. S’pensait soigné d’tout ça, l’a bien vu qu’en revenant, c’était pas l’cas, c’était pire. Pire que tout.

Il secoua discrètement la tête, chassant ces pensées comme si ça suffirait à les faire disparaître. L’a bon espoir, un jour peut-être que ça marchera, qu'il aura une bonne raison de penser à autre chose. Pour l’instant, sa raison de penser à autre chose, c’est d’remplir son frigo, histoire de pas commencer à commander tous les jours au chinois en bas d’chez lui. Rapidement, il se fraie un chemin dans les allées pas si bondées du marché, errant à la recherche de quelque chose dont il aurait envie. Se penchant sur les étales. Demian s’approche même pour énoncer sa liste aux marchands, se décalant légèrement, alors qu’une brune se trouve devant. Il ne pose pas son regard sur elle, trop occupé à commander pour partir vite. Pourtant, cette même brune pivote, lui tournant littéralement dessus. C’qu’elle a failli lui faire lâcher son portable celle-là ! L’allait commencer à lui gueuler dessus. Quand finalement, l’a reconnaît assez rapidement, elle encore plus. Si bien qu’elle se jette dans ses bras, laissant le cerveau de Demian en erreur. Avant de l’enlacer doucement, en riant.

“Marisol ! Ca fait plaisir de tomber sur toi !” qu’il lâche en riant. Ravi de voir un visage familier et amical. Maladroitement, l’visage adoucit, il la serre contre lui, avant de s’écarter pour regarder son amie. La seule avec qui il a gardé un véritable lien. Un message par ci, un message par là; Assez pour dire je suis vivant, ne t’inquiète pas. Il n’avait pas pensé à lui dire qu’il revenait. N’avait pas pensé à grand chose d’ailleurs en revenant.

“J’vais bien, c’est pas un cadeau d’revenir ici tu sais.” qu’il soupira doucement. “Ma mère est décédé, j’me suis retrouvé à faire sa paperasse. J’pensais pas rester, mais j’suis toujours là. Et toi alors ? ” Lâche ça comme on lirait une nouvelle petite annonce pour une voiture, avec tout l’indifférence possible. S’en fichait bien qu’elle soit morte. ça l’avait même pas rendu triste . C’était comme ça. On vit, on meurt. Tant pis."