Nourriture intellectuelle et humour mal dosé (ft. Aimée)

« La théorie de Debye Hückel, tout comme le modèle des orbitales atomiques, cherchent à définir un concept simple, et pourtant complexe. L'écart à la réalité … »

Changement de diapo.

« Que l'on parle d'atmosphère ionique, ou de nuage électronique, il ne s'agit ni plus ni moins que de définir notre système. Aussi, dans les deux paradigmes, convient il de définir ce qui est réel et ce qui ne l'est pas ? »

Blanc dans la salle.

« La réponse est bien évidemment non. Il s'agit de définir ce qui est possible, et ce qui ne l'est pas. Ou d'un point de vue mathématique, ce qui est probable et ce qui ne l'est pas. »

Le silence plane et pèse.

« Si on considère l'équation de Schrödinger, que vous connaissez tous, l'état quantique de l'électron est associé à la fonction d'onde Phi. Pour rappel, une fonction d'onde est une densité de probabilité de présence … cela étant dit, afin de répondre au critère qui la définit, cette fonction d'onde doit satisfaire à l'Hamiltonien associé, menant à l'équation des états stationnaires non transitoire.

Aussi, la configuration schématique associée, est simple … par combinaison linéaire, via l'utilisation des déterminants de Slater, elle prend la forme que l'on connaît. »

Les regards se croisent, s'interrogent, pourquoi évoquer tout ça ? Pour en venir où ?

« Derrière toutes ces formules, tous ces schémas, se cache une notion intrinsèque à la nature même du réel. Qu'est ce qui est probable, et qu'est ce qui ne l'est pas. Que l'on parle de la position ou de la vitesse d'un électron, ou de la position d'un ion dans un solvant … on ne doute pas de la réalité des faits, mais bien de leur propension à arriver. »

Quelques hochements de tête.

« Avec la même exactitude que ce cours devait arriver à ce moment précis, et que vous vous y trouviez, vous avez satisfait à un critère réel, défini dans un système plus large. Votre existence, n'est pas conditionnée par le questionnement de ce qui va arriver ou pas, mais par ce qui peut arriver. On interprète souvent la loi de Murphy comme étant une approche fataliste … la fameuse 'loi de l'emmerdement maximum'. »

Certains rigolent.

« Mais ce n'est pas tout ce que dit la loi de Murphy. La loi de Murphy ne vous dit pas que tout ce qu'il y a de pire va vous arriver … elle vous dit que tout ce qui peut arriver, va arriver. Et pourquoi ? »

Ils se regardent entre eux alors qu'il leur laisse un semblant de réflexion. Des échanges brefs, des haussements d'épaules, des hochements de tête.
Ils avaient une semaine, à eux de trouver la réponse, et elle était évidente à ses yeux.




Parce qu'il était probable que cela arrive.

Concevoir la possibilité de quelque chose, c'était lui donner le pouvoir d'exister. Ce qui n'est pas concevable, n'arrive pas. Et parce que vous n'arrivez pas à concevoir quelque chose, ne veut pas dire que cela n'est pas possible. Des sujets de physique et chimie quantique, aux apparences complexes, mais relevant plus de la philosophie de bas étage.
Alors pourquoi leur parler de ça, mhm ? Vous savez vous derrière votre écran ? Allez, réfléchissez un peu … réponse deux paragraphes plus loin, vous avez le temps d'y songer.

Le restaurant était ouvert le midi. Une pause bienvenue. Après avoir donné cours toute la matinée, Trevor avait bien besoin d'un peu de calme loin de l'agitation du campus. Pour la simple et bonne raison qu'il n'aimait pas les gens et leur médiocrité. Et depuis son arrivée à Exeter, il ne s'était pas fait beaucoup d'amis, principalement parce qu'il n'avait pas souhaité en avoir et qu'il n'en avait pas besoin. Il préférait des réponses à des amis, sans pour autant concevoir que l'un puisse être lié à l'autre … pourquoi ? Même répone qu'au dessus

Parce que s'il n'est pas possible de concevoir quelque chose d'abstrait, la remise en question du savoir est impossible. Pour cela que la réponse était Probable, mais pas Certaine. Toute question n'a pas forcément de réponse … mais si vous concevez qu'on puisse répondre à la question, alors cette dernière devient probable.
Beaucoup de diurnambules prenaient pour acquis le certain et le probable. Little do they know about it in fact …
Trevor, dans toutes les limites de la science et de ses connaissances, ne faisait pas exception. Et vous non plus chers lecteurs.

Alors la question demeurre, pourquoi ce restaurant, à ce moment là, et tout seul ? Simple.
Ce restaurant était suffisamment éloigné du campus, pour ne pas croiser quelqu'un qui le reconnaitrait et viendrait perturber le cadre de la pause. En plus de ce climat propice à un repos social bien mérité, venait la carte. Il avait préparé le terrain, s'était renseigné, il savait ce qu'il prendrait, gain de temps et d'énergie, son temps était précieux et il ne souhaitait pas le gâcher à scruter un papier alors qu'il avait eu l'occasion de le faire en ligne au lieu de suivre un énième discours pompeux d'un random doyen. Speaking of which. La réservation était pour deux personnes. Pourquoi alors qu'il mangeait tout seul ? Simple. Il avait refusé la proposition du doyen en prétextant avoir un repas à ce restau avec quelqu'un ce midi là. Et si le doyen décidait de checker pour voir s'il s'agissait d'une habile manœuvre pour fuir une discussion chiante, on lui indiquerait que Trevor Fawley avait réservé une table pour deux personnes … et le doyen ne checkerait de toute façon pas après coup, la manœuvre était trop subtile. Bien évidemment, la personne aura annulé au dernier moment et il devra manger seul … too bad.
Et très bien noté cher lecteur, cette technique n'avait absolument JAMAIS été testée et n'est ABSOLUMENT pas du vécu.

Bref. Trevor pousse la porte du restau, son manteau sur les épaules, le regard neutre, visage fermé, comme toujours. Petite arrivée au comptoir, ne daignant même pas regarder la chose qui servirait à prendre la réception, ou l'humain assimilé, peu importe, son existence était insignifiante.
Scrutant l'établissement, une phrase balancée à l'interlocuteur sur un ton distant :

« Une réservation pour deux en terrasse. Nom … Fawley. »

Accoudé au comptoir avec son sac sur le dos, il attend. Le repas du midi serait calme et paisible, à n'en pas douter.