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 seven days walking (devlin)

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seven days walking (devlin)
Jeu 5 Déc - 22:08


Le réveil sonne comme chaque matin, dans cette radio qui s’élève et donne les nouvelles matinales auxquelles Arthur ne prête pas attention. Les yeux ouverts sur le plafond, il respire calmement, éveillé un matin encore dans cette vie qui n’a de sens qu’aux yeux des autres, dans son lit d’Exeter, avec le ploc-ploc de la tuyauterie qui lui tient compagnie. Un simple soupir et l’homme se redresse, s’étire lentement avant d’éteindre la radio d’un geste délicat. Son index brûlé ne lui fait plus rien, pourtant, hier encore, la goutte d’acide qui avait perlé jusqu’à sa deuxième phalange lui rappelait une larme, la larme d’un adieu au passé.

Mais tout était passé, c’était scientifique, vous aurait-il dit il y a de ça des années. Tout s’apaise avec le temps. Le cerveau est fait ainsi, tout devient supportable, vivable et parfois même oubliable. Il n’y pas de cicatrice que l’on ne surmonte pas si on y met du sien. Arthur avait mis tout en oeuvre pour que ses cicatrices ne le grattent pas. Il avait réglé sa vie comme il étire le sucre, avec une précision et un détail sans pareil. Il avait fait de son nouveau masque, celui qui ne contenait que ses traits pour le cacher, sa meilleure arme. Un homme droit, précis, réglé et dont personne ne pouvait douter. C’est pour cela, que lorsqu’il se lève à cinq heures trente du matin, et ce, comme tous les matins, qu’il prend son petit déjeuner seul, accompagné des ploc-ploc, toujours présent et que l’odeur du café envahit tout l’appartement, rien ne laisse présager ce qui va finir par arriver.

L’éventualité de croiser quelqu’un de son passé, Arthur ne l’avait jamais totalement écartée. D’un point de vue purement scientifique, la probabilité était faible mais existante et il le savait. Pourtant, si on lui avait demandé de parier sur son passé, jamais il n’aurait parié sur celui-ci, sur cet homme précis. Pendant de longues années le chirurgien avait opéré nombreux corps, et si d’aucun vous disent qu’ils se souviennent de chacun d’entre-eux, ils vous mentent. Les corps finissent par tous se ressembler, les coeurs qui battent et les organes qui vibrent aussi. Comme les morts finissent par ne plus réellement les toucher. Même si son expérience de la rue avait marqué Arthur d’une manière différente de celle du bloc opératoire, il était bien incapable de se souvenir du visage de chaque femme avorté, chaque homme douteux sauvé. Seuls quelques uns sortaient du lot. Le diamant dans le charbon, finalement. Quelque chose qui pique les yeux, traverse l’âme et vous laisse une marque à vie, pour des milliers de raisons.

Le boucher avait opéré trop de patients pour les compter, pourtant, ceux dont il se souvenait, comptaient étrangement.

Lorsque la jeune femme qui avait pris la caisse pour la journée, laissant Arthur à son atelier et se faisant un peu de sou par la même opportunité - qu’il était bon, ce Monsieur Dent, à donner un coup de pouce aux jeunes du quartier, avait hurlé son prénom, Arthur s’était levé de son sucre tiré dans un air perplexe. Posant délicatement ses outils, il retire ses gants épais tandis que la jeunette s’égosille un peu plus et que sa voix cristalline traverse les murs. « J’arrive ! » Qu’il lui répond, de sa voix un peu rauque alors qu’il accélère le pas sans grande conviction. Monte les marches deux à deux pour pousser la lourde porte qui donne sur l’arrière de la boutique. « Que t’arrive-t’il ? » Qu’il lui dit de ce ton mielleux, presque paternaliste alors qu’il a les yeux dans les siens et qu’elle a les larmes qui perlent sur ses joues dorées.

Elle lui donne envie de les enfermer, ces larmes. Les étudier, avec ses globes oculaires, savoir si l’on peut reproduire à l’infini la terreur qui règne dans ses pupilles enfantines. Mais au lieu de ça, elle lui pointe du doigt un corps à terre, en plein milieu des confiseries. Soupir un peu lasse, le dos le tiraillant après sa longue journée, il écoute les élucubrations de la demoiselle qui lui explique que l’homme est rentré quelques instants auparavant, qu’il n’avait pas l’air en forme et qu’en attrapant un caramel au cœur coulant - détail très important, il s’était écroulé.

Arthur s’avance de quelques pas et remarque qu’avec sa chute, le jeune homme a fait tomber quelques friandises. Moue un peu désolée de voir son travail mené à la perte ainsi, il se ressaisit et dit à la jeune femme, toujours de ce ton calme, incroyablement chaleureux, encore plus tendre que ce miel qu’il glisse dans ces confiseries. « Je vais te chercher un verre d’eau et du sucre en haut, reste avec lui. Vu ce que tu dis, il était sans doute épuisé, regarde son teint. » Sans être précis, Dent arrive pourtant à convaincre la jeune femme qui s’abaisse au niveau de l’endormi tandis qu’il se précipite en haut, chez lui. Un verre d’eau rempli trop haut et un carré de sucre dans les doigts meurtris et le re-voilà aux côtés des deux âmes en peine.

« Alors ? » Qu’il lui dit presque doucement, comme s’il ne voulait pas réveiller celui dont il n’avait pas pris la peine de s’approcher. Elle répond qu’il respire, ses joues rougies laissent voir un sourire et Arthur, lui aussi lui sourit. Puis il s’avance, dépose le verre d’eau et le sucre aux côtés de l’assommé et enfin il le regarde. Enfin il le voit. Lui.

Arthur Dent n’avait pas souvenir de nombreux visages et pourtant, celui de cet homme était ancré en lui plus profondément que les brûlures qui ornaient ses doigts. Cet homme, qui lui avait conté sa chute au travers de ses délires. Cet homme, qui l’avait appelé, derrière son masque de noir et d’acier le boucher, celui qui lui avait semé un doute tellement grand dans son crâne si pragmatique qu’il l’avait amené à tout quitter, au premier titre accrocheur et racoleur, sans jamais se retourner. Celui qui lui avait enlevé femme, enfants et vie tranquille. Celui qui lui avait retiré le droit d’être dans la lumière pour lui offrir l’ombre éternelle.

Celui qui lui avait sauvé la vie, tout en la lui coûtant aussi.

Son sang ne fait qu’un tour et il se raidit. La belle à leurs côtés lui demande s’il se sent bien et il répond que ce n’est que son vieux dos qui lui joue des tours. Son regard se détourne de l’homme évanoui, et les secondes qui passent servent à éloigner la jeune femme, l’éloigner de ce risque trop grand pour lui. Alors il la remercie, lui dit de rentrer chez elle, qu’elle en a assez fait pour aujourd’hui, que la belle, dans toutes ses émotions, doit se reposer, mais qu’elle ne s’en fasse pas il prend le relai.

Et enfin ils sont seuls. La clochette sonne alors que l’employée passe la porte dans un sourire tendre avec ses yeux encore rougis. Volontairement, faussement prévenant, Arthur la suit du regard pour vérifier qu’elle aille bien, ou peut-être qu’elle s’éloigne bien. Et puis il se relève et ferme la porte à double tour avant de retrouver le chevet de l’abandonné. Ses mains brûlées se posent contre l’épaule de ce dernier, une écharpe avait été mise sous sa nuque et de sa voix plus tendre que jamais, Arthur lui conte, sa nouvelle histoire, comme si de rien n’était. « Hey… réveille-toi... hey… » des murmures alors que les pupilles de l’autre s’ouvrent enfin. Face à lui, le confiseur toujours en tablier taché de sucres et autres joyeusetés lui offre un sourire réconfortant. « Tout va bien, tu es en sécurité. » Qu’il lui dit tout en attrapant le verre et le sucre, s’asseyant un peu plus confortablement à ses côtés. « Tu devais être sacrément fatigué pour ne pas réussir à attraper un caramel. » Sourire qui se veut un peu joueur alors qu’il lui tend l’eau et l’invite à s’asseoir doucement, s’appuyant contre le mur de la boutique. Arthur dégage tout de la tendresse et de la bienveillance, on peut même voir sa main libre esquisser des tout petits gestes pour être sur que l’autre ne tombe pas à la renverse. Il semble maladroit, un peu mal à l’aise aussi. « Bois déjà ce verre d’eau, avec un sucre, ça te fera du bien. » Qu’il continue de ce regard emplit de douceur alors qu’il retrouve les yeux du brun.

Ce brun aux yeux noirs. Il se souvient même des cris, horribles. Il se souvient de la fièvre, et de l’état dans lequel il l’avait trouvé. Il se souvient de ces quelques mots qu’il lui avait lancé, lui, le grand chirurgien qu’il était. Des indications, des ça risque de faire un peu mal et rien de plus que nécessaire.

Et il se souvient de son regard, de sa voix tremblante, cassée. Il se souvient de ce regard noir qui l’avait transpercé. Il se souvient de ce jour, où sa vie avait déjà basculé.

Mais c’était avant, tout ça.

Jensen n’existe plus, peut-être que même le brun ne s’en souvient plus.

« Je m'appelle Arthur, enchanté. »
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Dernière édition par Arthur Dent le Ven 6 Déc - 19:56, édité 1 fois
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Devlin Tarrare
- madame irma vibes -
Devlin Tarrare
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damné(e) le : o28/10/2019
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pronom(s) : oshe / her
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La rage au bide. Engloutir les kilomètres, encore, toujours, toujours plus, juste pour se sentir enfin à l'abri. Juste pour rajouter toute cette distance nécessaire, vitale, même, entre lui et les cauchemars. Elle aurait pu être accueillante, cette petite ville du Texas. Elle l'avait été pendant quelques semaines, suffisamment pour assoupir la méfiance du routard. Une clientèle tâtonnante mais fidèle avait commencé à se faire, les appels pour des rendez-vous se faisaient bien plus fréquents. Il n'avait pas encore réussi à se faire une place à proprement parler mais ça s'amorçait bien. Loin de son ancienne vie, Tarrare s'était métamorphosé une nouvelle fois. Un divinateur qui se glissait dans les ombres de la ville, tout vêtu de sombre ou de gris, son regard perçant léchant silencieusement le visage des passants. On l'avait prévenu, que les Texans avaient du mal avec le concept d'étranger. On lui avait dit de se méfier du Sud, encore très conservateur, malgré l'évolution nécessaire de la société. Ils avaient encore du mal, alors il s'était adapté. S'éloigner du soleil pour pâlir sa peau mate. Se fondre dans les couleurs ternes de la société dans laquelle il évoluait. Pas d'accent d'outre-monde, sinon juste une once, juste suffisamment pour éveiller les curiosités. Il s'était même éclairci les cheveux, effort ultime qu'il ne faisait que très rarement.
Sa couverture était parfaite. Mais pas les Texans de cette petite ville perdue au milieu de nulle part.

Ca avait commencé avec des pneus crevés. Ca avait commencé avec des invectives avinées. A la sortie du bar où il passait le soir pour se réchauffer les os, le temps que la batterie de sa caravane se recharge. Un groupe d'ultra-blancs lui était tombé dessus, attendant sagement que la silhouette furtive se faufile hors du bar. Des insultes. Des menaces. Les grands yeux noirs de Tarrare qui s'étaient agrandis en jurant qu'il ne savait pas de quoi ils parlaient, qu'il était Franco-Canadien, et, surtout, absolument pas étranger. Ils s'étaient calmés, les autres. Puis ils étaient revenus, deux semaines plus tard, armés de battes de baseball et de barres à mine. Avaient enfoncé les flancs de sa caravane avec la puissance de douze hommes, car c'était leur nombre. Quand les flics finirent par se pointer pour chasser sans force les forcenés, Tarrare avait encore confiance. Même si son coeur massacrait l'intérieur de sa poitrine. Même si les cris des autres déchiraient le manteau noir de la nuit. Retourne dans ton pays, enfoiré. Terroriste. On va te foutre l'ICE au cul, tu vas voir. Des mots qu'il connaissait sans les craindre, entre les Etats-Unis, les afficionados de Trump et ses yeux charbonneux. Des mots qui lui glissaient d'ordinaire au-dessus du crâne, le long de sa peau mate, sans vraiment y laisser leur morsure.
Il n'avait pas peur des forcenés, il avait confiance en la police. Jusqu'à ce qu'un flic, un simple flic, lui demande de contrôler ses papiers. Carte d'Identité périmée, pas de carte de séjour. Fond de commerce non-référencé dans les registres Américains. Le regard porcin du flic, d'un bleu glacier, s'était durci. Coffré pour avoir été victime, en attendant une réponse de l'Ambassade Canadienne. Une nuit en cellule pour avoir voulu que les forces de l'ordre le protègent, et c'était lui qui devenait l'agresseur. L'étranger à réexpédier dans son pays.

Il avait été relâché de mauvaise grâce. Sommé de mettre ses documents à jour, et de les ramener sous faute de finir dans un avion et d'être renvoyé à Vancouver sans sommation. Et ça, c'était hors de question. Alors, la nuit suivante, il s'était activé. Le flash de son téléphone comme seule lumière alors qu'il déboulonnait les fausses plaques de sa caravane pour y remettre les originelles. La rage au bide alors qu'il se glissait dans sa berline, de maigres réserves sur le siège passager, et prenait aussitôt la clé des champs.
Comme toujours. Comme depuis longtemps. Comme au Missouri, au Montana, ou près des Gorges du Mississipi. La fuite, sa seule alliée, et l'instinct de préservation son seul atout.

La caravane cahotait depuis des jours, arrimée à sa vieille berline. L'automne était encore clément, en journée, mais ses nuits devenaient de plus en plus vicieuses. Encore plus alors qu'il engloutissait les kilomètres, plus pressé de quitter le périmètre de cette petite ville Texane que de se préoccuper de son propre confort. Traverser la moitié du pays était plus urgent que s'arrêter sur une aire pour recharger la batterie. Il n'y avait plus de propane dans sa bonbonne et même les réserves d'eau commençaient à tirer de la gueule. Quelques bonbons pour tenir et ce bourdonnement constant contre ses oreilles, et ces battements erratiques du sang contre sa tempe. Depuis quelques jours, les fourmillements au bout de ses doigts enroulés autour du volant étaient devenus omniprésents. Doigts qu'il fourra dans un paquet de chamallows éventré. Doigts qui se refermèrent mollement sur quelques grains de sucre. Le vide précipita la panique. La panique précipita le besoin immédiat de faire escale à la première ville qu'il trouverait.

Exeter, selon le panneau de signalisation. Il n'avait aucune idée d'où c'était, ni même de quel type de population pouvait bien vivre dans le coin. Une tempête battait sous ses mèches sales, ses oreilles sifflaient. Berline et caravane garées en sucette, et les jambes cotonneuses. Quelques pièces dans les poches de son jean troué, et le divinateur qui chancela jusqu'à une devanture colorée de laquelle s'échappait l'odeur de ce qui lui faisait cruellement défaut. Du sucre. A n'avoir jamais senti la faim, il ne s'était pas méfié. A avoir trop fui, il était en train de se perdre. Le sourire sucré de la jolie vendeuse, il ne le vit qu'au milieu d'un flou de formes et de couleurs. Sa voix lui parut perdue dans le chaos qui lui bouchait les oreilles. Titubements hasardeux jusqu'aux caramels. Ils ont l'air bien, ceux-là. Ils l'étaient, mais il ne parvint pas à les attraper.
La Mal des Tarrare avait été bien plus rapide que lui.

Brouillard, à son réveil. Brouillard en entendant une voix doucereuse à côté de lui. Le routard laissa la voix le guider vers l'éveil, se raccrocha à elle du fond de l'inconscience. Ouvrit difficilement des paupières de plomb sur un visage pâle, cerclé de bouclettes grises. Est-ce que c'était lui, le Saint Pierre de tous ces barjots de Catholiques ? Il en avait l'air. C'était con que Devlin n'ait jamais été baptisé. Le sourire avenant de l'homme le réconforta, suffisamment pour lui faire croire que tout irait bien. Suffisamment pour que ses doigts faibles s'enroulent autour du verre qu'on glissa contre eux. L'odeur du sucre était omniprésente, se glissant jusqu'à ce sourire presque enfantin que l'autre lui adressait. Le cœur encore acharné dans sa poitrine, le devin, lui, se laissa guider. L'eau sucrée provoqua une nausée dans son estomac affamé. Une gorgée seulement, avant de reposer le verre. Méfiance, lui dictait son instinct. De là d'où il venait, du lieu qu'il fuyait, ce genre de sympathie pouvait facilement mener à sa perte.

Mais l'homme en face de lui était d'une douceur infinie. Enrobé comme un bonbon par toutes les couleurs chatoyantes de la boutique, son sourire et sa voix étaient de miel pour l'effrayé. Il devait sentir la mort, le routard. Il devait avoir l'air d'un cadavre, ses joues naturellement rondes creusées par la faim et l'épuisement. Il devait avoir le regard plus noir, à n'avoir que trop peu dormi ces derniers temps. Ses cheveux gras lui collaient aux tempes avec la sueur, mais l'homme aux bouclettes ne recula pas pour autant. Doux. Attentif. Alors, comme un gage silencieux de confiance, Devlin reprit le verre et engloutit difficilement l'eau sucrée que lui avait donnée son étrange sauveur. Retint un haut le coeur et referma les yeux, une bouffée de chaleur lui montant au cerveau.

Arthur. Arthur, un prénom qui lui allait bien, à l'homme au visage angélique. Arthur comme le Roi, Arthur comme le héros des légendes que lui racontait Michel quand il était gamin. L'esprit confus, perdu entre la voix profonde de Michel et les légendes d'une Bretagne qu'il n'avait jamais connue, il répondit vaguement :

-[Comme... le Roi de... Bretagne.]

Le Français qui coulait naturellement sur sa langue pâteuse. Celui de Michel contant ses histoires à ses rejetons, mâtiné des Pyrénées de ses origines. Peut-être que le routard sombra une nouvelle fois contre le mur de la boutique, peut-être pas. Quand il rouvrit les yeux, il eut l'impression qu'une éternité venait de passer. Sa gorge lui parut abominablement sèche.

-[De l'eau]... S'il te plaît...

Tout cahotait, dans son corps. Son estomac qui criait famine sans savoir l'exprimer, ses yeux qui ne parvenaient à se concentrer sur rien de plus que le sourire d'enfant du type qui l'accompagnait. Un doigt faible sur le bord du verre vide, qui bascula à terre dans un tintement. Il attendit que l'autre s'exécute, attendit qu'il s'éloigne pour lutter contre le brouillard et reprendre contrôle sur son corps. Quand un autre verre lui fut tendu, il fut englouti avec la vigueur de l'assoiffé.
Il se sentait déjà un peu mieux, même si ce n'était pas encore tout à fait ça.

-Devlin... Je m'appelle Devlin.

Il ne sut pas précisément en quelle langue il offrit cette information. Le liquide déliait sa gorge sèche, s'enfonçait dans des entrailles qui ne voulaient pas la garder. Mais elle coupait net dans ce brouillard qui l'empêchait d'y voir. Une boutique chamarrée. Des couleurs et de bonnes odeurs tout autour d'eux. Une confiserie... ? Il ne se souvenait même pas d'y avoir mis les pieds. Pieds qu'il bougea difficilement, qui se heurtèrent à une multitude de petits objets qui crissèrent sous le contact. Des caramels dans un emballage doré. Il y en avait partout sur le sol.

-Désolé pour ça.

Une politesse qui n'avait pas sa place dans son état et qui pourtant sortit spontanément. Poussée par l'apport de sucre à son organisme malade, par le regain d'énergie qu'il commençait à distiller dans ses veines. Il tenta de se redresser, ne put rien en faire dans l'immédiat. Les vertus du sucre avaient beau être magiques, elles n'étaient pas sorcellerie. Sorcellerie. Arthur. Bretagne. Devlin leva un regard perdu sur son sauveur, vers sa couronne de cheveux bouclés.

-Où suis-je ? Quel jour on est ?

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quand Barbie vit mal son régime:
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Jensen avait marché dans le couloir de la mort. Malgré lui, le brun l’avait condamné dans cet hôtel miteux. Il l’avait emprisonné dans un doute et un questionnement qui avait changé sa façon de voir la vie jusqu’à lui offrir son dernier repas. Le repas du condamné. L’encre noire du journal fraîchement imprimé dans les narines et le titre, ces mots qu’il n’avait jamais oubliés. Le couloir de la mort, l’adieu à une vie, à tout ce qu’il était. On ne se retourne pas dans le couloir de la mort, parce que l’on sait pertinemment qu’il est trop tard pour revenir en arrière. On ne cherche pas à s’enfuir de la chaise électrique parce que l’on sait déjà que tout est décidé pour nous. Ce jour-là, le divinateur de pacotille avait décidé de l’avenir du brillant chirurgien. C’était lui, qui l’avait fait devenir Arthur Dent. Lui, qui lui avait retiré ses empreintes. Lorsqu’il avait laissé les gouttes d’acide brûler ses doigts, c’était son visage que l’homme avait vu. Ce visage qu’il n’oublierait jamais, malgré la chaise électrique et une nouvelle identité.

Dans sa tendresse habituelle, Arthur offre à son hôte de fortune tout ce qu’il peut pour le remettre sur pied. Dans son dos, des gouttes de sueur froide tracent leur chemin alors que son esprit divague vers le passé et que la nausée lui monte de plus en plus au nez. Dans tout son contrôle, l’ancien médecin reprend son souffle avec discrétion alors que celui qui est encore assommé lui répond dans une langue qui n’est pas l’anglais. Jensen, lui, comprenait vaguement deux-trois mots de français. Jensen, lui, avait eu le temps et le loisir de croiser des chirurgiens de tous les pays. Lui, il savait ce que voulait dire le roi de Bretagne. Arthur, de son côté, n’était qu’un amoureux du sucre tiré. Il n’avait pas eu l’occasion de faire le tour du monde même s’il aurait aimé. Parce qu’Arthur était quelqu’un qui aspirait à une vie simple, s’il aimait certains chefs, il les admirait de loin, il n’avait pas ce caractère, celui d’aller au front. Ce n’était pas son genre, Arthur n’était pas comme ça. Alors il prétend ne pas comprendre, arque un sourcil un peu perplexe tout en gardant ce sourire maladroit sur les lèvres. Dans ses bouclettes, on peut lire toute la dualité de cet instant, les tremblements qu’il freine comme il peut, tout ce qu’il rêve de sortir, Jensen, finalement, qui frappe si fort dans la petite cage dans laquelle il l’a enfermée.

Mais Jensen n’est plus, il n’y a qu’Arthur qui peut exister. Alors que l’autre continue à lui parler en français et que le confiseur se mord l’intérieur de la lèvre pour se forcer à ne pas agir, il le regarde de ces grands yeux un peu tristes. Dans un soupir faussement perdu, véritablement déchiré, il laisse son regard dévier vers le verre qui s’écrase au sol dans un tintement désagréable. Soulagé de pouvoir prétendre que les signes auront suffit à lui faire comprendre ce qu’il voulait, l’homme attrape le verre et s’éloigne non sans un geste tendre envers le blessé. « J’arrive. » Qu’il lui murmure dans un souffle tout en s’éloignant rapidement de ce dernier. Des secondes pour respirer, pour souffler. Arthur se glisse dans l’arrière boutique et arrive jusqu’au lavabo de la salle d’eau des employés. Alors que ses mains tremblent cette fois-ci sans qu’il ne puisse le contrôler, il lâche le verre dans la céramique et trouve son propre regard dans le miroir face à lui. Arthur. Jensen. Jamais il n’aurait pensé devoir faire face à son passé, encore moins ce> passé. L’homme l’avait déjà condamné une fois, qui lui disait qu’il n’allait pas le refaire. Il ne pouvait pas le laisser refaire ce qu’il avait déjà fait. Il ne pouvait pas rendre sa vie plus merdique qu’en venant ici. Quelle était la prochaine étape ? Se trancher les mains ? L’idée lui glace le sang. Chirurgien ou non, ses mains sont toute sa vie, tout son art. Se donnant une claque de courage pour se remettre les idées en place, il finit par remplir une fois de plus le verre d’eau et retrouve place auprès de l’homme qu’il avait tant détesté.

Sourire toujours déposé sur son visage, masque parfaitement collé, Arthur acquiesce alors que le brun lui offre son prénom. « C’est un joli prénom. » Qu’il lui répond, sans savoir pourquoi, ni même comment il arrive à maintenir le cap. Il est hors de son corps et de son esprit. Tout ça n’a aucun sens pour quelqu’un d’aussi pragmatique que lui et pourtant, il le sait, il le sent. C’est sans doute ce que l’on appelle l’instinct de survie. S’ensuit un long silence - ou peut-être court, en vérité, Arthur n’est pas capable de mesurer. Silence durant lequel l’autre semblait reprendre un peu consistance et Arthur, lui, se battait pour laisser son passé là où il était. Puis la voix de l’homme prend place dans la boutique aux senteurs sucrées et le sourire du confiseur s’étire un peu plus sur ses lèvres. « Ce n’est rien. On les surnomme les douceurs et il semblerait qu’ils aient bien fait leur travail puisque vous êtes toujours entier. » Un petit rire fin alors qu’il observe tous les caramels gaspillés. « Peut-être que cela n’étaient pas fait pour être mangés. » Alors qu’il garde toujours un œil sur le sol qu’il va devoir ranger, un moment donné ou un autre, il sent le regard de l’autre se poser sur lui.

De toute sa bienveillance et sa tendresse, l’homme et ses bouclettes tournent le regard et offrent un sourire à l’homme, comme si tout était normal, comme s’il n’était pas en train de mourir encore et encore à l’intérieur à chaque fois qu’il croisait son regard. La question le surprend et son sourire s’élargit un peu plus, chaque fois que celui qui présage la mort lui parle d’autre chose que de tout ce qui pourrait le lier à son passé c’est un peu de poids qui s’échappe de ses épaules. Alors de toute sa sincérité, de tout cette bonté qui peut parfois le composer, Arthur lui répond tendrement. « Vous êtes dans une confiserie, mais ça vous avez dû le remarquer. » Il laisse un regard s’échapper sur sa boutique et reprend. « Plus précisément, vous êtes à Exeter, si vous avez besoin, je vous montrerai sur une carte du pays où nous nous trouvons.» Petit sourire appuyé tandis qu’il reprend pour la deuxième question. « Pour ce qui est de la date, nous sommes le vingt-trois novembre 2017. » Petit sourire alors qu’il relâche sa montre du regard et retrouve celui de l’homme qui reprend des couleurs.

« Vous avez meilleure mine.» Qu’il lui dit tout d’abord, tout en se relevant et lui faisant signe de ne pas bouger, pas encore. « Peut-être qu’une sucrerie vous ferait du bien ? Vous pouvez choisir ce que vous voulez, je vous l’offre avec grand plaisir ! » Sourire un peu fier de toutes les sucreries colorées qu’il avait à proposer - toutes fabriquées de ses mains et seulement les siennes, Arthur oublierait presque ce qu’il en est réellement derrière tout ça. Mais chaque fois que son regard se pose sur l’homme encore avachi entre les caramels, la vision de cette nuit d’horreur lui revenait en pleine face. Le dos un peu plus droit, le menton un peu plus relevé, Dent ajoute, tendrement « Vous pouvez rester là autant que nécessaire ne vous en faîtes pas, vous ne gênez personne ici. »

Était-ce aussi l’instinct de survie qui lui faisait dire ça ? Le besoin étrange et tordu de le garder sous la main autant que possible, même si ça brûle dans ses doigts dès qu’il le voit ? La nécessité morbide et cruelle de savoir s’il se souvient du regard de l’homme sous le masque, s’il se souvient de celui à qui il a ruiné la vie ? Ou alors était-ce la simple preuve que Jensen était bien mort et qu’Arthur, vivait plus que jamais. Le confiseur tendre et aimé, celui qui était prêt à faire dormir un inconnu dans son lit et se contenter du canapé, juste parce qu’il avait choisi d’entrer manger ses caramels, plutôt que des industriels.

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Dernière édition par Arthur Dent le Jeu 6 Fév - 2:54, édité 1 fois
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Devlin Tarrare
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Vaseux, au milieu des caramels. Vaseux, avec toutes ces couleurs qui filaient devant ses yeux. L'estomac au naufrage et une tempête sous les mèches noires, l'incapacité de savoir précisément lui collant aussi bien la peau que sa propre sueur devenue froide, le routard se raccrocha à la seule chose qui ne chavirait pas : la couronne de bouclettes grises de son sauveur. Les voix des Texans tonnaient encore, puissantes, contre ses tympans. Le rythme de son propre cœur comme des percussions pour les accompagner, et l'impression que s'il ne partait pas aussi vite que possible, ils finiraient par le rattraper. La fuite avait beau avoir été toute sa vie, celle-ci en particulier lui parut infinie. Il avait beau avoir parcouru une quantité innombrable de miles, il avait beau avoir traversé bien plus de villes qu'il n'avait pu les compter, Devlin était persuadé qu'il n'était pas si loin de ses tortionnaires. Qu'il y en aurait toujours un, plus déterminé que les autres, qui l'aurait suivi jusqu'à cette confiserie. D'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, il y avait eu des moments où il avait eu peur pour sa propre survie. Mais il fallait qu'il se rende à l'évidence. Comme tous les lâches, le fuyard était un cafard. Il en fallait déjà beaucoup pour le chopper, et encore plus pour l'abattre.

Toujours était-il qu'il n'en menait pas large, malgré tout. A trop lutter pour son salut, il avait oublié une règle élémentaire de la survie : s'alimenter. Un oubli que le joli cadeau que lui avait laissé son père n'allait certainement pas pardonner. Il était prêt à parier que ce n'étaient pas seulement ses forces qui avaient foutu le camp. Que son monstre à lui, non content d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent, avait décidé de se rabattre sur tout ce qu'il lui restait. Devlin. Il les digérait de l'intérieur, le Mal des Tarrare. Les oublis n'étaient ni tolérés ni tolérables, et, assisté de la fatigue, il était temps qu'il prouve son mécontentement. S'il ne se mettait rien dans l'estomac, la situation serait pire. Pire que les Texans, pire que la fuite, bien pire que la perte totale de tous repères. Frein unique à la liberté et pourtant boulet de taille à sa cheville, l'étreinte s'enfonçant dans ses muscles avant de s'attaquer aux nerfs. Et le prisonnier qui n'avait aucun moyen de savoir quand précisément alimenter le monstre. Ca aurait été trop beau.

L'eau sucrée que son sauveur lui administra aida un peu à apaiser la bête. La vision encore trouble, la routard se concentra sur les sons que produisait le visage vaguement humain de l'homme penché au-dessus de lui. Une paire d'yeux gris, légèrement irisés de vert, à la couleur incertaine mais à la chaleur bien concrète auxquels s'ancrer. L'homme aurait pu lui dire n'importe quoi que le jeune homme aurait bu ses paroles comme du petit lait, trop concentré qu'il était à en comprendre le sens. Perdu entre ses langues et incapable de délier la sienne, il hocha vaguement à ce qu'on lui dit. Buta sur le sourire qui accompagna le mot douceur, et suivit les iris gris à travers la pièce. Une multitude de petits cubes enrobés de papier chatoyant jonchaient le sol, tout autour de lui. S'il ne comprit pas en quoi des cubes pouvaient avoir amorti sa chute, le routard répliqua aussitôt d'un balbutiement pâteux à l'intonation peinée de son sauveur.

-Je suis vraiment désolé.

En quelle langue répondit-il ? Impossible de le déterminer. L'autre semblait s'exprimer en Anglais, lui. Peut-être Devlin avait-il réussi à prendre le pli en épousant les expressions d'Arthur par mimétisme. Ou peut-être était-il d'inventer une nouvelle langue, mélangeant les idiomes par facilité. Son ton était sincère, malgré tout. Quoi que veuille dire le mot "douceur" dans ce contexte, il était profondément désolé qu'elles aient fini sur le sol. Qu'elles entachent les yeux si chaleureux de son hôte de tant de peine.

Piteusement, il le laissa répondre à ses questions. Engrangea attentivement chacune des informations, son esprit butant spontanément sur certaines d'entre unes. Une confiserie. Ca expliquait ces odeurs de sucre, toutes plus alléchantes les unes que les autres, qui le faisaient saliver si fort que la sensation en devenait douloureuse. Ca expliquait aussi les couleurs et cette espèce d'arrête solide qui s'enfonçait à l'arrière de sa tête. S'il en jaugeait par ce qu'il commençait à définir plus clairement, devant lui, il y avait des étalages tout autour de lui. L'un d'entre eux était plus bancal que les autres. Probablement celui sur lequel il s'était effondré. Son estomac se tordit sous le poids de la culpabilité. Ne se détendit qu'à peine à la seconde information à interpeller son esprit. Il fronça les sourcils. Exeter. Le nom du bled ne lui disait strictement rien. Mais il pourrait mettre sa main à couper qu'il ne l'avait vu inscrit nulle part sur sa carte, quand il avait étudié le Texas avant de trouver la petite ville où il s'était installé. Il hocha lentement la tête, l'air de comprendre, avant que ne tombe la troisième information.
Le vingt-trois. Quand il s'était échappé de la bouche des Enfers Rednecks, c'était le jour de l'anniversaire de son frère. Le dix-sept. Ca faisait donc six jours qu'il roulait. Passant une main lasse sur son visage, il palpa sa peau comme à la recherche d'une confirmation. Sentit une barbe fournie et drue sous sa paume, et dût se rendre à l'évidence : le Roi de Bretagne ne pouvait pas se foutre de lui.

-Ca fait combien en miles, six jours ?

Un marmonnement, plus pour lui-même que pour son sauveur. Sauveur dont la voix douce résonna de nouveau, tendre comme une berceuse. Un être aussi sucré que les confiseries qu'il proposait, le Roi Arthur. Aussi généreux que tout le sucre qu'il vendait dans sa boutique, avec sa proposition démesurée devant le chaos que le routard avait semé sur son passage. Pourtant les yeux noirs s'agrandirent comme ceux d'un enfant. Ce que l'autre lui présentait n'était pas raisonnable, mais la faim tirait si fort la base de sa langue que c'en était douloureux. Le seul témoin qu'il ait pour savoir que son corps était bel et bien affamé.

-Vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas abuser de votre...

Le mot "hospitalité", lointain, sur lequel la langue pâteuse du polyglotte buta sans parvenir à le faire sortir. Les instants de grande fatigue ne faisaient jamais qu'assourdir ses sens. Ils assoupissaient ses pensées, mais le regard empreint d'une profonde reconnaissance qu'il jeta à son sauveur, lui, valait tous les mots qu'il n'arrivait pas à retrouver. Il hocha lentement la tête, avant de tendre une main lasse vers le premier petit cube à sa portée. Presque timidement, presque avec pudeur. Il avait beau être dans le cirage, il était parfaitement conscient du chaos qu'il avait provoqué dans la journée du confiseur. S'il s'était effondré sur eux, c'était qu'ils avaient eu l'air appétissants, les caramels au coeur coulant. A moins qu'il ne s'agît que de la culpabilité qui croissait dans ses entrailles.
Le papier brillant crissa sous ses doigts. Le goût rond du caramel sur sa langue tendit sa gorge toute entière, douloureusement. Parce qu'entre la faim, la fatigue et le soulagement d'être loin de ses tortionnaires, ce caramel n'était pas seulement bon. Il avait le goût divinement doux de la liberté, celui qui vous faisait monter les larmes aux yeux, celui qui irradiait le coeur. Ses yeux noirs, rougis, balayèrent la confiserie tandis qu'il mâchonnait le bonbon. Outre le chaos qu'il avait semé sur son passage, le routard remarqua que son sauveur était seul. N'avait-il pas été accueilli par une femme ?

Sentant les forces lui revenir, Devlin attrapa un autre caramel, le premier bien trop vite englouti. Se resserra par réflexe contre l'étal où il avait été adossé, ramassé sur lui même en détachant rapidement le papier. Il avait du mal à y croire, à toutes ces nouvelles. Il avait du mal à croire qu'il puisse être en pleine sécurité, entre toutes ces bonnes odeurs et toutes ces belles couleurs. Comme un arrière-goût de bile derrière l'onctuosité du caramel, et sa tête qui tournait de moins en moins. Comme l'envie de s'abandonner au sucre et le laisser le dévorer, juste pour ne pas avoir à réfléchir.

-C'est... Ces caramels sont vraiment très bons. C'est vous qui les avez faits ?

Il sentait aussi bon que la boutique, le Roi de Bretagne. Mais le routard n'avait pas souvenir qu'Arthur fusse également tireur de bonbons, à ses heures perdues. Est-ce qu'ils avaient déjà du sucre, d'ailleurs, à cette époque ? Dans ce pays ? Non loin de la France, le berceau de ses maux. Se sentant plus vaillant, il attrapa une poignée des caramels tombés au sol. Allait les engloutir à leur tour, plus pressé d'apaiser l'ogre qu'était sa maladie que son propre bien, quitte à s'en rendre malade. Mais il s'arrêta en plein mouvement. Baissa piteusement le nez vers les bonbons et tordit la bouche, désolé.

-Je... J'ai rien pour vous payer. J'ai dû partir très vite du Texas et... J'ai même pas assez pour faire un plein d'essence.

Une main pleine de caramels, il tira sur le t-shirt noir qu'il avait sur le dos, au moins en aussi piteux état que lui. Glissa les petits cubes chatoyants dedans et, à genoux sur le sol, entreprit de ramasser leurs compères un à un. La salive s'accumulait au coin de sa langue, douloureusement. Mais il ne pouvait rien faire de cette information. Il ne pouvait surtout pas abuser de la générosité de son hôte, encore moins sans le moindre sou à lui offrir. Tous les caramels passés du sol au creux de son t-shirt, il mesura chacun de ses pas pour rejoindre le comptoir. Son équilibre était instable, mais les deux bonbons lui avaient donné suffisamment de forces pour se tenir sur ses deux jambes.

-Je suis désolé. Tenez, c'est la moindre des choses que je peux faire, je suis vraiment désolé.

Et il l'était. Pour le chaos, pour en avoir dévoré deux, pour être aussi incapable de payer les dégâts pour peu qu'il y en ait. Alors il posa un regard piteux sur le visage du Roi de Bretagne. S'accorda une dernière requête, en se jurant qu'il filerait aussitôt, et ne lui ferait pas perdre une minute de plus de son précieux temps. Tout aussi délicieuses qu'aient été ses confiseries.

-Exeter, c'est dans le Texas ? Et si c'est pas dans le Texas, est-ce que vous connaîtriez une aire où je pourrais garer ma caravane ? Dès que j'ai assez d'argent, je vous paierai tout ce que je vous dois. J'y tiens.

Et dès qu'il en aurait engrangé d'avantage, il se tirerait encore plus loin. Où, Devlin ne le savait pas encore. Mais l'instinct de survie lui dictait que c'était encore la meilleure chose à faire.





L O V E
by QQ & EXORDIUM.

quand Barbie vit mal son régime:
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C’était un soir comme tous les autres. Y a son portable qui sonne. Pas celui qui coûte une blinde et qu’il affiche au monde, celui, pourri, qui ne coûte que quelques dollars. Le prépayé qu’il change dès que bon lui semble. Le numéro s’affiche et Jensen le regarde avec une condescendance qui lui est propre. Il ne répond pas, glisse le portable dans sa poche alors qu’il referme la porte de sa berline familiale. Sa femme en sort, sublime, de toute son élégance elle le regarde. Ses yeux qui transpercent les siens alors qu’elle lui demande s’il rentre. Et lui, de ce ton parfaitement maîtrisé, il lui répond qu’il ne peut pas, que l’hôpital vient de le biper. La belle brune aux airs de femme fatale ne le retient que par un tendre baiser et lui demande d’être prudent. Elle ne remet jamais rien en cause, jamais elle ne doute de lui, ou elle a au moins la décence de ne pas le montrer.

C’est dans un soupir qu’il commence à parcourir les rues jusqu’à être assez loin de chez lui pour rappeler le numéro de sa voix étouffée sous une écharpe. Une femme, paniquée, en pleurs, elles le sont toutes qui lui explique que son ami est blessé, ils le sont tous. C’était un simple job, quelque chose qui ne devait prendre que quelques heures. Des heures et des liasses de billets. De quoi se payer ce qu’il fallait pour maintenir les expériences à flot. Rien de plus, rien de moins. C’était aussi simple que ça.

Pourtant, le brun aux yeux noirs, Devlin qu’il disait s’appeler, lui avait ruiné la vie. Il avait tué Jensen, créé Arthur. Il l’avait envoyé dans ce trou pourri, lui avait volé sa vie et tous ses rêves aussi. Arthur Dent se perd dans ses pensées, entre présent et passé, il vacille et se souvient de l’odeur du parfum de sa femme comme si elle venait tout juste de lui déposer un baiser sur les lèvres. Comme si c’était hier. Les excuses qui sortent de la bouche du maladroit sonnent comme un pardon qui a plus de sens que quelques caramels. Pourtant, Arthur, pire que ça, Jensen, sait pertinemment que ce n’est pas le cas. Il a du mal à faire face, à garder son visage d’ange et à maintenir ses pensées suffisamment alignées pour avoir un semblant de cohérence. Son cœur lui cogne jusque dans les tempes et tout son intérieur se décompose alors que l’extérieur ne laisse rien paraître. Des sourires, ses yeux qui reflètent les confiseries colorées et de la chaleur dans sa voix alors que son estomac est plus que retourné.

Il est tellement devenu quelqu’un d’autre que ça se dissocie quelque part en lui, y a Arthur qui gère ce pauvre homme qui semble plus paumé que personne ne l’a jamais été et y a Jensen, la rage et la douleur pures. Quelque chose de tellement violent, tellement brûlant que les mains brûlées tremblotent un peu. Il mettra ça sur le dos de l’âge si la question lui est posée. En attendant, il offre les informations qui lui semblent utiles, répond aux questions comme si de rien n’était, comme s’il n’était pas en train de se battre avec sa propre conscience sous les yeux de l’autre sans qu’il ne le réalise.

La question qui suit lui esquisse un sourire, c’était un peu enfantin de demander de convertir des jours en miles. Pour Arthur, c’est tout ce qu’il y avait. Pour Jensen, par contre, cette question lui rappelait quelque chose d’étrangement familier, quelque chose avec une saveur incroyablement et terriblement amer. La fuite sans se retourner. Se brûler les doigts à l’acide dans un hôtel miteux. Voir les plaies se coller sur les bandages remplis de sang qui épousent un peu trop le volant. Oublier le parfum de sa femme, oublier qu’il a jamais eu une femme. Mais c’est Arthur qui fait face à Devlin, Arthur et sa tendresse, son innocence naïve au milieu des bonbons et des couleurs à en faire pâlir un monde de licornes en sucre. « C’est une bien bonne question ! Je ne saurais vous dire, mais ça doit en faire un paquet en tous cas. » Le sourire toujours collé aux lèvres il observe son hôte et lui offre désormais le gîte, le couvert, un peu trop de choses. Sans savoir lequel d’Arthur ou de Jensen veut le plus garder l’homme sous le coude.

« Vous n’abusez de rien du tout, c’est promis. » Qu’il lâche de sa voix douce et toujours aussi chaleureuse. C’est avec une attention toute particulière qu’Arthur observe le brun dévorer son premier caramel. Dans ses yeux, une lueur se met à briller, la lueur qu’un jour Jensen avait connue, que Devlin lui avait volée. La lueur qu’il avait difficilement retrouvée après de longues années, est-ce qu’il allait lui voler sa nouvelle vie ?

La pensée s’échappe et Arthur resserre ses mains pour se ressaisir alors qu’il garde toute son attention sur l’inconnu pas si inconnu. C’est alors que l’homme avale un deuxième caramel et que toutes les préoccupations du confiseurs s’envolent. S’il les engloutit comme ça, c’est qu’il doit les aimer, et ça, c’est un des plus beaux compliments que l’on puisse lui faire. Le sourire jusqu’aux oreilles, incapable de cacher sa joie pure et enfantine il rougit un peu alors que Devlin reprend la parole pour lui parler de ses douceurs, les siennes. « Oh… ravi qu’ils vous plaisent. » Il est gêné, presque timide alors que ses pommettes le picotent et qu’il continue, détournant le regard. « Oui, c’est ma recette, je crée tous mes bonbons moi-même. » C’était une fierté, d’habitude il ne la disait pas avec autant de pudeur. Sa timidité nouvelle le surprenait lui-même. Arthur n’avait jamais été du genre à se vanter mais il avait toujours été profondément fier de ses confiseries, lui qui passait des heures et des jours entiers à les concevoir et les perfectionner. Pourtant, il affichait une certaine retenue un peu particulière face au bourreau de vie, il lui disait ça comme s’il n’osait pas, comme si c’était un secret - affreusement mal gardé. Peut-être qu’au fond, Arthur et Jensen n’étaient pas si différent, s’il avait réussi à lui voler sa vie une fois, ne pouvait-il pas le faire une deuxième fois ? Allait-il lui enlever le plaisir du sucre tiré, soufflé, des arômes fruités ? Tout comme il lui avait retiré le plaisir d’opérer, de voir un cœur battre entre ses doigts, de retirer des foies ?

Alors que le frisé se tord les entrailles dans ses propres batailles, c’est une fois de plus le brun qui le tire de son esprit pour lui donner un peu plus d’informations. Il n’a plus un rond, il a dû fuir. C’est l’occasion rêvée, tu le sais, on le sait. L’occasion qui ne se représentera jamais. Cette ville est pourrie jusqu’à l’os et c’est à cause de lui que t’y es condamné. Il t’a volé ta vie, prend-lui la sienne. Œil pour œil. Depuis combien de temps t’as pas ouvert un corps, dis-moi ? Depuis combien de temps t’as pas senti la douce chaleur de la chair découpée contre tes doigts ? C’est à cause de lui tout ça. Enlève-lui la vie, vole lui son cœur, vas-y. T’as jamais été qu’un confiseur, tu le sais pertinemment. Arrête de te voiler la face, cesse de faire semblant. Regarde les choses en face, tu vas craquer un jour ou l’autre. Mais t’es pas un meurtrier, tu l’as jamais été. Même si cette ville respire la merde et la drogue à mille kilomètres, tu peux pas tuer un simple inconnu qui n’a rien demandé. T’es pas comme ça, tu l’as jamais été, tu veux juste sauver des vies, toi, pas vrai ? Il t’a empêché de sauver tellement de vies… Mais rien n’est fini. Il peut être ton expérience, il ne manquera à personne, juste dans la cave. Qui viendrait vérifier ? Tout le monde se fout de tout, et toi, tu pourrais à nouveau avoir espoir de tous les sauver… Allez, vas-y, tu connais les gestes, tu les connais comme si c’était hier.

Un frisson lui parcourt tout le corps et le glace. Arthur secoue la tête et se racle la gorge afin de reprendre contenance. Face à lui, l’autre a bougé, il s’est mis à ramasser les caramels tombés et se relève vers le comptoir. C’est sans un mot qu’Arthur lui emboîte le pas, toujours dans cette sombre allée, entre passé et présent. Toujours entre lui, et ce fameux lui d’avant. La voix de l’homme le ramène définitivement à lui et il baisse les yeux - pourvu qu’il n’ait pas remarqué cette perte de contrôle, pourvu que rien ne se soit trop vu, pourvu que la voix qu’il avait entendue ne soit pas vraie. C’était seulement un mauvais rêve, la fatigue, le choc, n’importe quoi. Difficilement mais sincèrement, il retrouve son sourire et reprend. « Voyons, arrêtez de vous excuser… Et ne vous agitez pas autant, vous allez nous refaire un malaise. » Le menton enfin relevé, le confiseur essuie ses mains moites contre son jean et fait le tour du comptoir de caisse afin de lui amener une chaise. « Asseyez-vous et calmez-vous. » Toujours aussi bienveillant, il lui pointe la chaise du doigt alors qu’il écoute la nouvelle question de la bouche de son interlocuteur.

Et tout devient comme une évidence. Quelque chose de plus subtile, de plus profond et plus vicieux qu’un simple coup derrière la tête. Il le veut, Devlin, il le veut rien que pour lui. Il veut lui faire payer d’une manière ou d’une autre cette vie qu’il lui a pris. Mais avant ça, il doit le remettre sur pieds. Le mettre en confiance, le rendre plus heureux qu’il ne l’a jamais été. Il doit lui retirer sa vie, exactement comme le devin l’avait fait. Alors qu’il attrape un sachet en papier et qu’il commence à faire une petite sélection de ses meilleurs bonbons, le confiseur reprend, cette fois sans plus plonger ses yeux dans les siens, sans plus trembler des mains. « Je suis désolé de vous annoncer que vous êtes assez loin du Texas en vérité, vous avez vraiment dû beaucoup rouler… Personne ne l’attend plus depuis longtemps, mais pas de problème à cela, Arthur va lui rendre une vie qu’il ne voudrait quitter pour rien au monde, et puis tout détruire. Nous sommes dans le Massachusetts pour tout vous dire. » Il se retourne un instant et lui offre une moue un peu désolée avant de continuer à attraper diverses gourmandises, certaines avec un entrain tout particulier. « Je peux vous indiquer où garer votre caravane et je peux même vous y conduire si cela vous rassure. Mais avant ça, faites-moi le plaisir de vous remettre un peu. Ce ne sont pas deux petits caramels qui vont vous remettre d’aplomb. » Sourire sincère et yeux qui plongent une fois de plus dans la noirceur sans fin. Il lui tend la poche remplies de douceurs variées et lui dit, d’un ton jovial, presque enjoué. « Je pourrais bien avoir l’utilité d’un goûteur de qualité ! Ne refusez pas, ça me ferait beaucoup de peine. Je crée ces confiseries pour les partager et qu’elles éveillent les papilles… Il baisse le nez, hausse un peu les épaules. Votre réaction face aux caramels, votre regard, je ne vois pas souvent ça, les gens préfèrent souvent les bonbons de grande surface. Alors vous voulez bien en manger quelques uns et emporter le reste avec vous ? » Yeux d’un gamin qui supplie dans ceux de l’homme plus jeune. Sourire toujours scotché au visage et il ajoute. « Je vais nous chercher de nouveaux verres d’eau, en attendant, prenez le temps, vous êtes en sécurité ici, je vous le promets. »

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Devlin Tarrare
- madame irma vibes -
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Une couronne de boucles argentées autour d'un regard d'une bienveillance inouïe. C'était tout ce qu'inspirait le Roi de Bretagne sis devant lui, son regard perçant empreint d'une douceur si rare pour le routard. L'impression peut-être illusoire qu'il pourrait réellement arrêter de fuir, poser ses bagages une bonne fois pour toutes dans un endroit particulier, pour une période donnée. Si ce n'était pour la gentillesse de cet homme, Devlin n'aurait jamais caressé cette éventualité du bout du doigt, ni de loin ni de près. Mais le Roi Arthur était clément. Le Roi Arthur tolérait les écarts du bouffon malgré lui avec une douceur infinie, sans hausser un sourcil, ni même le ton. Jamais. A croire que la Dame du Lac avait eu raison en lui confiant Excalibur, le Royaume de Kaamelott et cette destinée en général. Il y avait une bonté rare dans le Roi de Bretagne. Et elle se manifestait dans cette gentillesse qui imprégnait chacun des mouvements du confiseur.

C'était sûrement pour cela qu'il avait du mal à s'en convaincre, que c'était possible, le routard. Passer si près du règlement de comptes en bonne et dûe forme au Texas pour atterrir dans cette confiserie si douce avait de doux relents de rêve. Une bulle de Paradis au milieu de l'Enfer. Ce ne serait certainement pas la première fois que ça lui arrivait. C'était précisément ce à quoi il avait cru, et exactement ce qu'il avait fui en roulant aussi longtemps pour laisser le plus de distance entre lui et les Texans. Alors se retrouver dans un contexte aussi sympathique ?
Cela ne pouvait qu'éveiller la méfiance, non ? Pourtant... Il aurait bien eu envie d'y croire, au fond, à cette bonhomie. Qu'il soit encore possible sur cette Terre d'accepter tout simplement le contact d'un autre, aussi miséreux et sale qu'il ait l'air. Et Dieu savait que Devlin était miséreux et sale. Pour autant, il n'y avait pas l'once d'un jugement dans le regard clair de son hôte. Pas même une pointe de gêne. A croire que le divinateur n'était rien de plus qu'un client ordinaire qui aurait franchi le seuil de son magasin de merveilles, et qui était digne d'être traité comme tel.

Il aurait pu en pleurer, s'il n'était pas aussi persuadé qu'il y aurait une contrepartie à tant de gentillesse. Les années passées sur la route lui avaient bien appris qu'on n'avait jamais rien sans rien. Qu'il y avait toujours un prix à payer, quel que soit le service qu'on lui demanderait. Et s'il sentit sa gorge se resserrer autour d'une énième bouchée caramélisée, en entendant la voix sereine d'Arthur le rappeler à l'ordre, il s'efforça de ne pas laisser épuisement, maladie et reconnaissance le réduire à néant. Il y avait quelque chose, dans le ton de l'homme. Une intonation toute particulière, presque paternelle, qui rappelait l'attention que porterait un père à son rejeton. Père qu'il avait quitté, Devlin, sitôt arrivée la majorité. Père qu'il avait peut-être potentiellement cherché sans l'atteindre, tout en le fuyant, depuis presque une décennie à battre la route. Il n'avait rien à voir avec Michel Tarrare, l'homme à la couronne d'argent. Mais il avait ce même ton capable de réduire toute la combativité de son rejeton à néant, ne laissant plus qu'un enfant sage et obéissant devant lui. Il hocha lentement la tête et s'exécuta en silence. Aurait tiré la chaise dans un coin moins visible, moins dérangeant de la boutique, avant de s'y asseoir lourdement, s'il n'était pas déjà occupé. Son estomac se courbait et se retournait toujours, sous sa peau, émettant des bruits que celui qui ne connaissait pas la faim interpréta sans mal. L'extrémité des doigts aussi fébrile que ses lèvres, et, pourtant, son regard noir fixé sur chacun des mouvements du confiseur. Fascination enfantine, à l'aube de ce "pourquoi faites-vous ça" qui lui brûlait la bouche sans qu'il ne verbalise la question. En verbalisa une autre, puis probablement une de plus pour noyer la plus importante, avant d'obéir enfin à l'injonction de son hôte.
Le monde tourbillonnait encore tout autour de lui quand il s'échoua sur le tissage en osier de la chaise. Il ne le réalisa qu'une fois assis, qu'en sentant la tension au creux de son estomac. Gêne ou faim ? Il n'était plus sûr de rien. Suivit encore chacun des gestes d'Arthur avec l'attention d'un enfant impérieux, tandis que l'autre lui donnait des bribes d'information.

Loin du Texas hein ? Une vague de soulagement s'abattit sur les épaules du fuyard.

-Le... Massachusetts ? C'est à côté de Boston, ça, non ?

Le souvenir lointain de panneaux indiquant ce nom lui revint en mémoire, flou et distant. La route n'avait été qu'un brouillard où se mêlaient couleur et sensation abstraites, l'esprit du routard trop focalisé sur sa survie. Il avait décidé d'aller tout droit, toujours plus droit, la ligne droite le chemin le plus direct pour creuser la distance avec ses assaillants. Mais le Massachusetts ? Même si ses connaissances en géographie Américaine étaient limitées, Devlin dût se rendre à l'évidence qu'il était allé bien plus loin à l'Est qu'il ne l'avait estimé. Peut-être que ce n'était pas un mal, au final. Il ne connaissait pas bien ce secteur des Etats-Unis, et il n'y avait que peu de chances qu'il trouve des âmes connues dans cette ville. Quelle superficie pouvait-elle faire ? Combien de pigeons pourrait-il attirer dans ses filets ?
Ses pensées s'interrompirent quand, soulevant une odeur alléchante de confiserie, Arthur poursuivit sur le même ton égal, d'une douceur infinie. Le coeur du fuyard se serra dans sa poitrine. Tant de gentillesse...

-Ne... Ne vous donnez pas cette peine, que vous m'indiquiez comment arriver jusque là-bas suffira amplement. Vous en faites déjà tellement, je ne sais déjà pas comment vous remercier...

Une pochette colorée échoua entre ses doigts fébriles, encore bien pâles. Une sélection de confiseries, soigneusement rassemblées par le maître confiseur rien que pour lui, et le coeur de Devlin de continuer de fondre comme neige au soleil. Cet homme était si généreux. Il ne réalisait pas à qui il offrait le fruit de son travail, ni même à quel point ce même homme ne méritait pas autant de sympathie. Qu'il y avait un renard dans son poulailler, un marchand de rêves et de mensonges, et qu'il lui offrait un cadeau bien plus inestimable que tous les bonbons dans le sachet : un altruisme illimité. Comment allait-il compenser toute cette gentillesse ? Il allait travailler d'arrache-pied. Ca prendrait peut-être du temps, mais Devlin se jura à cet instant précis qu'il ferait tout pour rembourser chaque seconde que le Roi de Bretagne déciderait d'investir dans son cas. Un juste retour d'ascenseur, et une promesse intérieure alors qu'il n'osait pas toucher aux sucreries. Cette dernière lui sembla bien moins difficile à tenir alors que le confiseur lui tendait une première perche sur la manière de le remercier. Humble, le devin hocha lentement la tête. S'exécuta timidement et fourra la main dans le sachet de bonbons pour en tirer un au hasard. Le papier chatoyant suffit à lui remettre l'eau à la bouche.

-Ce serait un grand honneur. Je... C'est incompréhensible que les gens préfèrent les bonbons industriels quand ils ont la possibilité de se régaler avec des merveilles comme vos caramels.

Et c'était sincère, comme remarque. Mal avisé venant d'un homme qui prenait toutes les réserves de sucre qu'il pouvait faire, quelle que soit leur origine, pour satisfaire le monstre affamé qu'était sa maladie orpheline. Mais il en pensa chaque mot en faisant crisser le papier d'emballage sous ses doigts, joignant le geste à la parole. La coque sucrée de la confiserie, percée d'un coup de dents, laissa couler un raz-de-marée de saveurs exquises dans sa bouche. L'air d'un gosse ravi de ce qu'il mangeait, et son regard qui n'en cessait plus de remercier silencieusement son généreux bienfaiteur. Il hocha de nouveau la tête en le laissant s'échapper en coulisses. Embrassa la boutique d'un regard circulaire alors qu'il attrapait un autre bonbon, puis un autre, puis encore un autre, enchaînant les sucreries avec la vigueur de l'affamé. Il s'en rendrait malade, si c'était ce qu'Arthur désirait. Bien plus malade qu'il ne l'était déjà.
Pour la simple et bonne raison qu'il se sentait, et ce pour la première fois depuis des mois, parfaitement en sécurité. Ce n'était pas seulement parce qu'Arthur l'avait dit. C'était parce qu'Arthur le lui avait prouvé.

Aussi, quand il revint, le Roi de Bretagne, Devlin se hasarda-t-il enfin à poser cette question qu'il n'avait pas su noyer sous le sucre. Cristallisée mais toujours vigoureuse, comme ces pétales de violette qu'il suçait encore alors qu'Arthur revenait en son royaume.

-Je peux vous demander quelque chose ? Pourquoi faites-vous tout ça pour moi ?

Innocence purement enfantine. Aussitôt rattrapée par la méfiance typiquement adulte, celle qui entachait la reconnaissance au profit du doute.

-Pas que je ne sois pas reconnaissant. Je le suis, infiniment. C'est juste que... Personne n'a jamais été aussi généreux avec moi. Et on n'a jamais rien sans rien, ni dans cette société, ni dans ce monde. Alors pourquoi faites-vous tout cela ?

Altruiste ou seulement naïf, l'homme couronné d'argent ? Si ses cheveux avaient été d'or, aurait-il été moins sympathique ?
Dans un monde de rois et de mendiants, aucune de ces deux classes ne se mélangeaient jamais. Alors pourquoi ?

-Je tiens vraiment à vous remercier pour vos efforts vis à vis de moi. Je vous en fais la promesse, je vous repaierai chacun de ces bonbons dès que je le pourrai. Je peux aussi vous payer différemment, si c'est ce que vous préférez. J'ai moins la tête qui tourne, on peut faire ça dans votre réserve.

Ce n'était pas comme si ce n'était jamais arrivé, ça aussi. Pour passer du bon temps avec quelqu'un, pour remercier quelqu'un d'autre. Pour avoir la garantie de récupérer ses papiers, des fois aussi. Les iris d'encre glissèrent vers la porte de laquelle Arthur revenait tout juste. Il ne fallait pas être Einstein pour savoir qu'il s'agissait de la réserve du magasin. Un haussement de sourcils interrogatifs. Ca ne le dérangeait pas, si c'était ce que désirait le confiseur aux doigts d'or.

Personne n'en saura jamais rien.





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