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 lady & butler (nerill)

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lady & butler (nerill)
Mer 16 Déc - 16:59

♜♜♜ Lady & Butler (acte I, scène I) Il a la bouche pleine de syllabes assommantes et le rire qui savoure ses propres exploits. Il tient l’oraison d’un couard mais ne cèle pas ses infirmités. Il a tout du lion morfal d’un pouvoir qu’il ne détient pas. Privilégié dans la chair, il étale son patrimoine comme on dialogue avec un banquier. L’abondant gobe avec excès les plats du fastueux festin - laisse parfois choir quelques miettes sur son embonpoint. Son invitée de prestige (installée en face de lui) crispe ses lèvres empourprées par le vin bourgogne ; dresse l’oreille et retient avec vigilance les ouvertures indomptables de sa mâchoire. Parfois, elle se soustrait à sa vision incommodante pour scruter derrière-lui l’horloge clouée sur le mur. L’insipide pour se consoler du fiasco de ce rendez-vous péremptoire - et obligeamment imposé par sa fourbe frangine - sollicite régulièrement le garçon de restaurant. Elle s’enquiert de détails insignifiants sur la carte, s’inquiète des bénéfices du restaurant, commande régulièrement quelques rafraîchissements. Le garçon boulonné auprès d’elle, la blackwell s’évite le dialogue ouvert avec l’autre. Mais le serveur impatient de reprendre sa besogne, le fouet de son employeur imminent sur ses épaules, l’abandonne pour remplir les besoins des autres clients.

Le dîner tire en longueur. Les minutes sont des heures et les mots sont maillets sur son crâne. Quand enfin se termine le plat principal, voilà que l’odieux personnage cancane sur les officiers de police d’Exeter - calomniant leur manque de discernement sur certaines affaires. A ces menteries, l’acariâtre s’impatiente, griffe le côté dextre de sa main droite sous la table. Visiblement, le pénible n’est pas au fait du trône étoilé sur lequel siège son frère. Qui dans cette ville ignore encore qu'un Blackwell est porteur de justice ? Shérif de la ville obligé de subir les curiosités moroses d’une ville remplie d'écorcheurs et de prédateurs indomptés. Et ce pauvre ignare prétend tout savoir, agite les cartes de ses déficiences. Son impatience grimpe de quelques tours, mais ses bonnes manières retiennent la déflagration. Le serveur bienséant s’approche et questionne sur le souhait d’un dessert. Faut-il encore le supporter jusque-là ? Non. répond-elle sèchement. Mais celui qui l’invite contre sa négation avec un sourire bien obligé pour la muse qu’il convoite. Le serveur s'éclipse et le galant reprend ses interminables prolixités. Vous m’excuserez, j’ai besoin d’un moment. Contrariée cependant habituée à camoufler sa lassitude, elle récupère sa pochette tendue au bout d’une chaînette grise flèche. Elle se lève avec soin et se meut étincelante dans sa robe sombre échancrée jusqu’aux portes verrouillées des cabinets féminins. Un écriteau signale un problème électrique - derrière-elle, on accourt pour s’excuser du désagrément et on signale que le cabinet masculin reste toutefois à la disposition de la gente féminine. Normalement, aurait-elle refusé de s’y engager par souci des convenances : pour contrer la présence de son rendez-vous galant, elle pénétre dans le lieu interdit sans exposer le moindre mécontentement.

Enfin seule et sans un nuisible pour la décontenancer, ses doigts furetent l’intérieur de sa pochette pour en sortir un fard à lèvres vermillon. Dans le miroir, ses iris se parlent à elle-même, se questionnent sur la nature de ce geste banal. A qui cherche-t-elle à plaire ? N’est-elle pas plus admirable sans artifices ? Toute la journée, Jill avait réprouvé ce rendez-vous. Jusqu’à quémander Soledad d’annuler cette soirée superflue.Cependant, l'effrontée prétend vouloir l’aider par le biais de cette rencontre organisée. Quel problème cherche-t-elle à soulever ? Son incapacité à fréquenter quelqu’un plus de quelques heures ? L’onde stagnante dans son âme ? Quel est le but derrière cette trame inédite ?

C’est l’ouverture de la porte qui suspend ses divergences avec l’entrée de ce rendez-vous qu’elle n’a plus la patience d’endurer. J’ai terminé, ce n’était pas la peine de vous déplacer jusqu’ici pour vous enquérir de mon état. Il s’approche de quelques pas, semblant soulagé de la voir se réjouir très faussement de ses inquiétudes. Jill, j’ai finalement payé l’addition. Pourrions-nous poursuivre cette délicieuse soirée quelque part ? Elle se mord encore l’intérieur de la joue, broie un peu ses doigts dans la force de sa paume. Il me demande ça… à l’intérieur des toilettes ? J’ai réfléchi, et je crois qu’un dessert ici  - elle insiste sur le mot -  me satisferait davantage. . Et le voilà qu’il s’approche un peu trop, ose même placer une main sur son épaule dénudée. Combien de temps encore dois-je le supporter ? Très bien, revenez quand vous êtes prête. Votre absence me pèse déjà. Lourd, pénible, elle le regarde qui s’éclipse du cabinet. Alors, elle reporte ses iris sur le miroir et souffle grand, quand la porte s’ouvre encore. Préparée à se montrer plus irritable qu’à sa précédente apparition, ses prunelles ne quittent pas son reflet qu’elle blâme dans le miroir. Elle croit deviner que le bougre est celui qui investi encore une fois la pièce. Elle expie alors d'une voix dure et austère. Vous êtes à ce point si impatient de poursuivre cette soirée avec moi que vous revenez déjà à la charge ? Devant l’impassibilité du bonhomme, Jill conçoit son aigreur et se retourne docilement, prête à s’excuser. Quand elle découvre finalement la figure grandiose qui lui fait face dans l’encadrement de la porte. De sa bouche, rien ne s'extrait. Dans le coeur et l'enveloppe, le sang et les veines tremblent de saisissement. Nero est là, présentement...

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Re: lady & butler (nerill)
Ven 18 Déc - 4:05


Les jours de Nero s’allongeaient et s’étiolaient; le précédant ressemblait au suivant, et ainsi de suite, sans s’arrêter, jamais, une ronde sulfureuse à n’en plus finir. Jamais un moment de répit, jamais un jour de congé, rien qui ne le détournait de ses desseins vis-à-vis de l’être abject ayant ruiné une famille autrefois allègre et prospère pour son propre gain ou penchant sadique. Nul ne le savait vraiment, même après quinze ans de tourment intérieur. Le défunt majordome au costume de juriste râpait encore sa vieille carcasse dans sa traque de celui qui répondait au triste sobriquet de l’Archange. Parce qu’il l’avait promis à son vieil ami trépassé, parce que les quatre gamins qui avançaient à tâtons dans l’obscurité méritaient de connaître les dessous de cette sombre et nébuleuse affaire. Alors il se dévouait à cette cause, fût-elle vaine et purement égoïste. Il n’était pas homme à baisser les bras à la première difficulté. Au contraire, les difficultés stimulaient son cerveau abîmé par les âges. Il peinait à retrouver le meurtrier des parents Blackwell, mais sa capture n’en serait que plus faste et glorieuse. Ainsi raisonnait-il lorsque le fruit de ses efforts s’avérait fétide et putrescent. Mais plus le temps passait, plus le désespoir et l’amertume entravaient son cœur et ses mouvements.
Après une énième journée à éplucher les articles de journaux dans le faible espoir d’avoir peut-être laissé passer un détail crucial, Nero se frotta les yeux de ses mains raidies par l’effort soutenu. Il avait passé l’après-midi entier dans son minuscule bureau du centre-ville, qu’il louait à un prix modique et dans lequel il accueillait ses clients, et ressentait le besoin de se dégourdir les jambes sous peine de prendre racine. Avec un long soupir, il se redressa de toute sa hauteur, ses longs cheveux tombant devant ses prunelles comme un rideau. L’horloge au mur indiquait qu’il approchait dix-neuf heures. Déjà? L’idée de rentrer chez lui, dans l’appartement tout aussi misérable que son bureau, sinon plus, assombrit soudain ses pensées, d’ordinaire guère lumineuses. Rien ni personne ne l’y attendait, hormis son matelas sur le point de rendre l’âme et les idioties diffusées à la télévision. La médiocrité ne l’effrayait pas; il avait baigné dans la crasse toute sa jeunesse durant. Mais il ne pouvait nier que sa vieille routine lui manquait, celle-là même qui avait autrefois rythmé ses gestes et ses paroles sous le toit des Blackwell. Exaucer les souhaits de ses maîtres, veiller à l’éducation de leur progéniture, s’assurer de la qualité des repas et de la salubrité des lieux… Il regrettait de n’avoir aucunement protesté lorsque l’aînée des enfants avait prononcé sa sentence, son renvoi immédiat de la maison, sous prétexte qu’elle désirait s’occuper elle-même de ses cadets, sans l’aide de personne. Il se demandait aujourd’hui si sa décision, mûrement réfléchie s’il se fiait à ses dires, ne masquait pas en réalité un orgueil meurtri par la censure de ses avances juvéniles. Et sans doute ne le saurait-il jamais.
Sans guère d’enthousiasme, il ramassa ses papiers, qu’il plaça avec soin dans sa serviette brune, rapiécée mais encore fonctionnelle. Un peu comme lui, Nero. Sur l’étage de l’immeuble, le silence régnait. Il semblait être le dernier à s’y attarder en cette fin de journée. Ses voisins de bureau devaient tous être partis s’embraser le gosier et s’anesthésier les idées noires dans l’un ou l’autre des bars de la ville. On l’avait invité tout à l’heure, mais comme à son habitude, il avait poliment refusé. Et n’en éprouvait pas tellement de remords. Après cette journée, il ressentait le besoin de se couler un bon bain chaud et peut-être d’avancer un peu le puzzle de mille pièces sur lequel il bloquait depuis quelques jours. C’en était un peu frustrant, tout aussi persévérant fût-il. Mais avant cela, il s’agissait de se remplir un peu l’estomac. Parfois, il en venait à espérer devenir un fantôme, ne serait-ce que pour cesser d’avoir à se nourrir pour survivre. Hélas pour lui, il était un être vivant, composé de chair, d’os et de sang; il avait besoin de nourriture. Alors qu’il marchait vers sa voiture, sa serviette au bras, son regard fut attiré par la devanture avenante d’un restaurant, de l’autre côté de la rue. À la perspective d’un peu de chaleur humaine en cette froide soirée de décembre, il se sentit fléchir. Le sourire de la personne prenant votre commande, le brouhaha des conversations environnantes, un bon repas chaud… Oui, pourquoi pas?
Aussitôt, sa silhouette fatiguée mit les voiles sur le restaurant. Encouragé par le visage bienveillant de la serveuse, il prit place dans un coin sombre de la salle, avec une chaise vide en face de lui comme seule compagne. En attendant son repas, un steak cuit à point accompagné d’une rivière de légumes — les mots exacts de la carte —, il déposa sa tête contre la paume de sa main et observa les environs. Il ne tarda pas à remarquer que tous les clients utilisaient la salle de bains des hommes. Quand Nero demanda pourquoi cette irrévérence des convenances, la serveuse lui présenta ses plus plates excuses, mais un problème électrique rendait inutilisable la salle de bains des femmes. Elle ajouta que le problème en question devrait être résolu dans les plus brefs délais, mais Nero ne l’écoutait déjà plus, toute son attention portée sur une femme à la chevelure ambrée, presque flavescente qui venait justement d’entrer dans les cabinets de ces messieurs. Bientôt, un homme aux iris concupiscents vint la troubler et l’ancien majordome sentit ses entrailles se contracter sous sa peau moite. « Je vous prie de m’excuser, » glissa-t-il à l’intention de la serveuse avant de se mouvoir comme une ombre vers le lieu de rendez-vous, inusité s’il en était. Au même moment, l’immonde personnage poussa la porte et se mérita un regard sinistre et mortifère, qu’il ne comprit certainement pas, mais qu’importe.
La charpente droite et auguste, mais le myocarde troublé et boiteux, Nero s’arrêta dans l’embrasure de la porte restée entrouverte, les mains jointes devant lui comme autrefois lorsqu’il s’adressait non sans déférence à l’un ou l’autre de ses jeunes maîtres. Il s’éclaircit la gorge, l’œil anxieux. « Pardonnez-moi cette intrusion, mademoiselle Blackwell… Jill. Votre… prétendant semble vous avoir contrariée et je n’ai pu m’empêcher de vérifier que vous alliez bien. » Son vocabulaire périmé lui arracherait presque des sanglots tant ils remuaient le besoin ô combien lancinant de la protéger des mains vulgaires et outrecuidantes, besoin qu’il avait refoulé depuis peut-être le premier jour par peur de ses implications aussi dangereuses que taboues. « Pardonnez-moi, répéta-t-il, l’incertitude s’insinuant dans son esprit. Je me mêle peut-être de choses qui ne me regardent pas. » Si elle le lui demandait, il se replierait séance tenante. Laquais dans l’âme.

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Re: lady & butler (nerill)
Mer 30 Déc - 18:29

Nero… Dans l’embrasure de la porte, l’apparition inopinée du regretté majordome. Perception suffisante pour brusquer l’alternance cardiaque de la tête blonde énamourée. Pétrifiée mais pas moins délicieusement surprise en présence du fantasme le moins épisodique de son existence. [ Nero, le feu crépitant sur son endocarde éploré ]  Il exprime ses intentions avec une éloquence inchangée, rappelant à Jill les réminiscences d’un contexte légèrement similaire mais en tout point différent. [ Protecteur et bienfaiteur pendant son adolescence, toujours au fait de ses difficultés comme de ses ennuis. Quand elle semblait contrariée ou importunée par le sexe opposé, Nero la délivrait sans mal des opportunistes. ]
Peut-être répète-t-il alors ici le même schéma de manière inconsciente. Négligeant de ce fait, un fait inéluctable : l’ex majordome n’est plus son précepteur et n’est donc plus obligé d’intervenir pour lui prêter main protectrice. Alors... pourquoi ? Pourquoi présentement chercher à la secourir de son entrevue avec le goujat ? S’agit-il pour lui d’agir en parfait gentleman ? Libéré du fardeau de son lien de subordination avec la famille Blackwell depuis des lustres, la blonde s'efforce à n’avoir qu’une seule perception de son intervention : l’ex paladin agit ainsi parce que considéré depuis longtemps comme un membre de la famille. Sans doute est-il simplement inquiet pour elle comme il l’aurait été pour Soledad. N’est-ce pas ? Ne vous excusez pas. Vos intentions sont louables et comme d’habitude, vous n’êtes jamais très loin pour me secourir. Sur ses lippes se forme l’expression de son ravissement. Ne s’en veut pas de vouloir faire résonance à des souvenirs anciens et peut-être oubliés. Elle s’approche doucement de lui, encore troublée et perturbée par son apparition. C’est à moi de m’excuser. Je pensais que le bougre revenait à la charge et je vous ai pris pour lui. Vous ne vous mêlez de rien en particulier.   Malgré l’évidence, sa manifestation dans les cabinets signifie à Jill des illusions saugrenues. Activant dans son imaginaire l’idée que les préoccupations de Nero cachent en vérité des émotions sous-jacentes. Émotion qu’elle ose à peine attribuer à la jalousie. Comment pourrait-il être jaloux sans éprouver pour elle de l’affection. Malgré la force des années, les fantasmes de la lady pour son majordome n’auront donc jamais fait défaut à ses espoirs sans fondements. Il l’avait repoussé. Si élégamment refoulée. Ne pouvait-elle pas simplement tourner la page ?  Ou était-elle à ce point toujours coincée dans sa naïveté ? Une idée de Soledad… ce rendez-vous. Une idée acceptée déjà à plusieurs reprises. Des rendez-vous accordés à ses prétendants parfois organisés sur un site de rencontre, via un profil de célibataire légalement constitué par sa frangine. Eprise pour l’interdit, quel était donc l’intérêt des rencontres ? Un espoir peut-être inconscient d'oublier que le seul homme avec qui elle aurait souhaité partager un dîner, se trouvait là, dans les cabinets, pour la tourmenter. [ Comment peut-il l’ignorer ? Cette froide incarnation de l’absence que sa seule présence peut lui faire ? Ce besoin irrépressible de le revoir. Ce tumulte quand elle le croise, parfois sans regard, sur les pavés d’Exeter. ]

Derrière Nero, apparaît au bout du couloir l’effronté bonhomme. L’impatience lisible sur son faciès. Incapable de le supporter nouvellement, Nero lui offre l’opportunité pour s’en débarrasser. Elle murmure alors soudainement, avant que le poltron ne s'infiltre sans gêne entre eux. Pardonnez moi pour ce que je m’apprête à faire. Le malotru arrive à la hauteur de Nero, crispe son visage de faussetés évidentes.  Et bien ma chère. Un problème avec ce monsieur ? Vous me faites attendre. Adressant un regard coupable à Nero, Jill s’imprime ensuite d’une expression quelque peu troublée. S’adresse alors à son rendez-vous infâme. Ce monsieur - comme vous l’exprimez - est un ami de notre dévoué shérif. Il est arrivé quelque chose, je dois donc partir. Il… est venu me chercher pour m’accompagner à l'hôtel de police. Voyant la consternation sur les belles joues du grand orateur, Jill honteuse d’embarquer Nero là-dedans s’adresse à nouveau à l'ancien factotum : Enfin, si vous n’y voyez pas d’inconvénient ? Et si... Les yeux de Jill implorent son aide et un sourire franchement désolé se glisse sur son visage empourpré. A quel point est-elle elle-même sans gêne à chercher ainsi à le faire entrer dans son jeu ? Peut-être est-il accompagné ? Ou alors, n’a-t-il tout simplement pas fini de dîner ? Il pourrait peut-être prétendre sortir du restaurant avec elle et puis... revenir quelques instants plus tard ? Et si... il refusait simplement de mentir à son rencard ?

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Dernière édition par Jill Blackwell le Mar 12 Jan - 18:27, édité 1 fois
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Re: lady & butler (nerill)
Jeu 31 Déc - 23:29


Le cœur tambourinait dans sa poitrine. Oublié, le repas commandé. Oubliée, sa journée éprouvante. Il ne songeait plus qu’à la jeune femme qui avait autrefois été sous sa tutelle et qui se retrouvait ce soir dans une position des plus délicates, à en juger par l’invective qu’elle lui balança en pleine figure, sitôt la porte des cabinets ouverte. Il ne voulait pas la déranger, seulement l’aider à sa façon. Sa priorité numéro une, pour l’heure. La raison l’effrayait, soulevait un tas de questions et de sous-questions qui l’effrayaient, elles, davantage. Peut-être parce qu’il avait veillé des années durant sur les quatre enfants Blackwell, aujourd’hui quatre adultes majeurs et vaccinés. Les habitudes mourraient difficilement, à ce qu’on disait, et son désir de s’assurer du bien-être de la blonde le prouvait bien. Il aurait certainement agi de la même façon si un odieux personnage osait s’en prendre à Soledad ou même à l’un ou l’autre des jeunes messieurs, Asta et Dante. Personne n’avait le droit d’importuner ses anciens protégés. Nero ne comptait guère d’amis proches dans le cercle de ses relations, il demeurait un vieux loup solitaire. Pourtant, une fois qu’on avait gagné sa confiance et sa loyauté, c’était pour la vie — pour le meilleur et pour le pire. Et Jill faisait assurément partie des rares personnes pour lesquelles il serait prêt à remuer les montagnes et renverser les océans, si elle le lui demandait.
Elle souriait. Elle lui souriait. Non, la colère ne défigurait pas son beau visage en cet instant. Le cœur de Nero s’assagit aussitôt, ses soubresauts sporadiques. Il ne voulait pas présumer de ses sentiments, mais il avait la nette impression qu’elle était plutôt soulagée de le voir débarquer dans les toilettes, alors que le goujat qui lui servait de prétendant l’attendait non sans impatience de l’autre côté de la cloison. La scène présentait un côté assez cocasse, inusité même. Il esquissa un sourire courtois, mais sincère, avant de plier l’échine devant le compliment. Quand il se releva, il remarqua sa soudaine présence à ses côtés. Il pouvait sentir son parfum discret, mais enivrant, fruité si ses sens ne le trompaient pas. Qu’elle avait choisi dans l’espoir de plaire à un type aussi dégoûtant. Nero se força à demeurer impassible face au raz-de-marée d’émotions contradictoires qui l’étrillait, l’engloutissait sans merci aucune. « Je suis toujours heureux de vous être utile, Jill. » Rime ridicule. Confession pathétique, maintes fois réchauffée. Il ne sut qu’ajouter d’autre. Il n’était pas censé être là, pas censé lui imposer sa présence, aussi bienvenue fût-elle. Il devait la laisser profiter de son rendez-vous, parce qu’elle menait sa vie comme une grande personne et qu’il n’avait aucun droit de lui faire la morale ou…
Une idée de Soledad?
L’aveu lui arracha un rire léger, de pur soulagement s’il se montrait honnête avec lui-même, ce qui n’arrivait guère souvent par pudeur et embarras. Nero savait que quelque chose clochait chez lui. Jeune, il n’était tombé amoureux d’aucune fille de son âge. Comme si leur charme falot et incolore demeurait hors de sa portée. Toutes l’ennuyaient. C’étaient toujours les tabous, les interdits, qui titillaient ses sens, ses envies. Il ne comprenait pas les élans de son cœur. Ne voulait pas non plus les connaître. Il était ainsi, condamné aux sentiments profanes et libertins. « Vous avez donc décidé de vous mettre à la recherche de votre prince charmant? J’en suis heureux pour vous. » Une partie de lui espérait qu’elle ne remarque pas la sincérité factice de ses paroles; l’autre priait pour le contraire, ne serait-ce que pour cesser de jouer cette comédie horriblement bien-pensante. « Sauf votre respect, cet… homme ne semble guère vous convenir. Mais ne vous découragez pas pour autant. Le prochain sera peut-être le bon, » souffla-t-il avec un sourire qui se voulait encourageant, mais qui trahissait peut-être, sans doute, le chagrin qui comprimait son être à cet instant précis.
Soudain, le soi-disant prince charmant apparut au bout du couloir et les interrompit avec tout l’irrespect dont on pouvait s’attendre de sa part. Nero serra les dents malgré lui, l’unique signe de sa colère grandissante, et assista, impuissant, à ce qui s’apparentait à l’épilogue de leur rencontre fortuite. Il n’avait aucune raison de s’attarder aux côtés de la jeune femme, qui retournerait par politesse vers cet affreux bonhomme qui puait la grossièreté et la barbarie. L’envie de lui écraser son poing en plein visage lui traversa l’esprit avant de se dissiper comme par magie aux étonnantes paroles de la blonde. Par chance, il avait appris à dissimuler ses émotions, du moins en société, et ne vendit pas la mèche de la petite supercherie. Car c’était bien de cela qu’il était ici question. En silence, il bénit les dieux de l’ingéniosité de ce petit bout de femme. L’idée ne lui avait même pas effleuré l’esprit tant il était concentré à ne pas massacrer la figure du fameux prétendant. Il croisa le regard implorant de Jill et pour toute réponse, hocha la tête d’un air grave. Comme s’il s’était réellement produit une tragédie quelconque. « Oui, votre sœur a encore fait des siennes, j’en ai bien peur. On vous expliquera tout cela mieux que moi au poste. Venez. » En plus, ce n’était pas un mensonge si invraisemblable que cela; Soledad n’était pas ce qu’on pouvait appeler une personne sage et sans reproches, n’en déplaise à la concernée. Sans réfléchir, il lui tendit son avant-bras pour qu’elle s’en saisisse. Ainsi plantèrent-ils le prétendant là où il était, un air un peu idiot et confus imprimé sur le visage. Nero en riait encore intérieurement, alors qu’ils venaient de quitter le restaurant et ses divers arômes ô combien alléchants. Il regrettait de ne pouvoir consommer son repas, bien qu’il prît bien évidemment la peine de le payer avant de sortir de la bâtisse. À l’extérieur, le vent nocturne soufflait sur Exeter. Il se tourna vers Jill, encore à ses côtés. « Ma voiture n’est pas très loin d’ici, à quelques minutes de marche tout au plus. Je peux vous ramener au manoir si vous le désirez? Ou dans un autre restaurant, si vous avez encore faim. Enfin, je ne veux pas non plus vous imposer ma présence. » Il ne lui posa pas plus de questions sur son rencart; il obéissait à ses (anciens) maîtres et maîtresses sans fourrer son nez dans leurs affaires. Un petit soldat prêt à l’emploi. Comme toujours.

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Toujours heureux de lui être utile. Des propos accueillis avec chaleur. Entendus comme un refrain qui correspond si bien à ce bienfaiteur. Toujours courtois. Toujours trop poli. Un peu comme Jill. [ Complètement eux. ]  Elle le regarde un peu naïvement, sans pudeur ni timidité. Sourire doucereux sur les lippes, elle s'essaie à lui répondre en toute franchise : Ne le soyez pas. Cette quête est pire que je ne l’imaginais. Je n’ai pas vraiment l’intention de trouver le prince charmant. Je ne le cherche pas. Je vous cherche Vous. Cela a toujours été Vous. Tête martelée par la soif de TOUT lui exprimer sans la crainte du jugement dernier. De passer au-dessus de sa pire hantise et de ses pis tourments : qu’il la repousse encore et qu’elle succombe à l’entendre dire. Ce trop-plein de sentiments enchaînés dans un esprit tourmenté qu’il ne soupçonne pas. Désir hurlant retenu par les éternels non-dits, les mensonges et les faussetés dévorantes. Pas découragée par ce rendez-vous. Pas en attente du prochain galant pour l’ennuyer. Mais dans l’espérance vivante et intense d’être remarquée par l’estimable De Funès. Je vous le concède. Il ne me convient pas. Elle ajoute un instant diminuée par les émotions qui l’assiègent. Le parfum exaltant de Nero parvient à ce moment précis jusqu’à elle. Pétrifiant davantage ce coeur torturé.
Le stratagème s’amorce sur une initiative incommodante. Enjoignant à Nero la contrainte d’accepter son plan (à peine décidé et édifié). Son initiatrice ne lui laisse guère le temps pour le contester. Colorée du pourpre de la honte et consternée par sa propre entourloupe, sa tête se heurte trop tardivement aux questions essentielles. Etats d’âme impliquant une pénible mais pourtant possible réalité : que la magnétite de son palpitant esseulé ne soit pas venu seul dans ce restaurant. Ce même restaurant fastueux qui accueille constamment les clients les plus opulents. Mais aussi les hommes d’affaires et les couples enracinés de leurs habitudes romantiques. Cette simple idée, cette simple image de Nero accompagné d’une femme lui soulève un haut-le-coeur. Emotion imperceptible et déjà enfouie quand il endosse sans protestation, aucune, le rôle de l’ami du shérif chargé de venir la récupérer.
L’air grave durcit habilement ses traits lorsqu’il s’adresse au rendez-vous de Jill. Soledad - utilisée comme prétexte - est très justement employée pour justifier son départ immédiat. Petite voleuse au talent vérifié et constaté à plus d’une reprise par son grand frère étoilé. Souvent placée derrière les barreaux, obligée d’écouter le discours moralisateur d’un frère de plus en plus inquiet. Et puis l'aînée informée à chaque fois de ses écarts de conduite, fatiguée et consternée de ses filouteries redoublées, Soledad est, de ce fait, une justification plus que plausible d’un rendez-vous obligé avec le shérif. Vient alors à l’esprit de Jill que Nero connaît les mauvaises habitudes de Soledad. Déjà rebelle pendant l’adolescence, elle ne serait pas moins surprise d’apprendre que ses arrestations régulières soient arrivées jusqu'à ses oreilles. La honte à ternir le nom de Blackwell. La jeune fortunée qui commet les imprudences. Même si aucun membre de la famille ne l’accuse de pareil outrage. Trop peinés, les jumeaux et l’ainée, de la voir s’adonner à cette activité de fripon.
Son avant-bras tendu, Jill l’attrape avec l’hésitation d’une timide jouvencelle et s'adresse alors une dernière fois au lourdeau. Veuillez m'excuser. Je...je vous recontacterai. plutôt mourir.  Dehors, elle retrouve finalement sa liberté. Plus tôt que prévu grâce à la miraculeuse intervention de Nero. Devant le restaurant, l’ancien factotum propose de la ramener au manoir quand elle est, elle, bien plus concentrée par ses maladresses. Vraisemblablement gênée par tout ça, Jill se tourne à son tour vers lui. Levant la tête pour mieux le considérer, son bras toujours enroulé autour du sien. Nero, attendez un instant. Ils s’arrêtent dans la même cadence et elle pivote ses pieds pour mieux lui faire face. Vous n’avez pas besoin de me racompagner. J’ai suffisamment abusé de votre galanterie... Ils reprennent naturellement la marche, sans réaliser que leurs pas les ramènent de toute façon sur le parking où se trouve le véhicule de Nero. Je suis profondément désolée. Pour tout ça. Vraiment. J’espère ne pas vous avoir mis dans l’embarras. Et que personne ne vous attend encore là-bas ?  Je peux faire venir un taxi si vous le souhaitez. Question intelligente pour mettre fin au calvaire. Etait-il seul dans ce restaurant ? Ou se confrontait-il lui même à un rendez-vous galant ? Quelle piètre image vous devez avoir de moi. Identique à elle-même, c'est ce que vous devez vous dire. Maladroite et puérile. ajoute-t-elle avec une moue emabarassée et un rire doucereux. En tout cas, vous m'avez sauvé comme toujours. Je préfèrerai m'attacher pendant des semaines à un arbre plutôt que de recroiser involontairement le chemin biscornu de cet ingrat. Un vent léger fait virevolter sa robe. Dépareillée de sa veste - oubliée dans le restaurant -, un frisson longe les courbes de son échine quand elle éprouve le froid mordant de la nuit étoilée. Finalement, ils arrivent au niveau de la voiture de Nero qu’elle reconnaît entre mille - souvent, quand il arpente les rues de la ville et qu'elle regagne le lycée. Si vous n'avez pas eu le temps de dîner par ma faute, je peux aussi vous proposer un arrêt au restaurant de votre choix. Je vous invite, c'est la moindre des choses.

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Dernière édition par Jill Blackwell le Mar 12 Jan - 18:28, édité 1 fois
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Il n’avait pas menti, Nero. Il souhaitait réellement se rendre utile à la maison Blackwell, en particulier à son aînée. Jill. Quatre lettres qui malgré lui l’obsédaient depuis des années, trop d’années, tellement qu’il avait cessé de les compter. Il savait que ce n’était pas normal, qu’à son âge il devrait fréquenter des femmes de son âge et même être marié à l’une d’elles. Il cadrait tellement bien à l’image du mari propre et exemplaire : courtois, cultivé, attentionné… S’il le voulait, il pourrait aisément jouer ce rôle et duper la société entière. Ce n’était pas les occasions qui manquaient. Malgré ses cinquante-trois années au compteur, il demeurait bel homme, du moins selon les critères ô combien arbitraires de la beauté du XXIe siècle. Mais il n’osait pas, il demeurait l’éternel et quasi inapprochable célibataire. Parce que cette comédie serait vaine au bout du compte. Et parce que son myocarde ne battait que pour une seule personne dans ce monde pourri et corrompu jusqu’à la moelle. Les sentiments, ça ne se contrôlait pas. Ça vous contrôlait. Nero le savait mieux que quiconque. À son grand dam.
Il écoutait Jill lui répondre, un sourire bénin sur le visage. Elle ne cherchait pas le prince charmant. Il hocha la tête, lentement. Presque tristement. Il comprenait ce que signifiaient ces mots : si elle ne le cherchait pas, c’était parce qu’il n’existait pas. Elle avait sans doute voulu faire plaisir à l’un des nombreux caprices de Soledad en acceptant de se présenter à ce restaurant ce soir. Rien de plus. Peut-être avait-elle même espéré passer un bon moment en compagnie de cet homme; sa tenue, son léger maquillage et son parfum en témoignaient. Il devait se faire une raison, cesser d’espérer. Après tout ce temps, cela devenait de l’entêtement. Pire, de l’idiotie. Il lui offrit un sourire pour ne pas qu’elle s’inquiète, pour ne pas qu’elle remarque son trouble derrière ses yeux spleenétiques. Bras dessus, bras dessous, ils sortirent du restaurant tel un couple de jeunes mariés. La sotte comparaison illumina sa sombre mélancolie, l’espace d’un instant. Perdu dans ses pensées, il arqua un sourcil en sa direction lorsqu’elle ralentit le pas. « Ne soyez pas ridicule. Si je n’étais pas à vos côtés, cet imbécile vous suivrait à l’extérieur pour continuer de vous harceler. » Il ne mâchait pas ses mots et une pointe d’irritation s’insinua dans sa voix habituellement si sereine, si pacifique. « C’est quelque chose que je ne tolérerai pas. » Il hâta le pas, comme s’il craignait que l’imbécile en question les pourchasse bel et bien.
« Non, ce serait inutile. J’étais seul. » Bien sûr qu’il l’était. Son être entier rimait avec la solitude. Il secoua la tête, presque horrifié qu’elle s’insulte de la sorte. Lui, il n’en pensait rien. Il lui avait toujours témoigné le plus profond des respects, comme à chacun des Blackwell. « Ne dites pas cela. Vous… » Il soupira tout en continuant à avancer dans les ténèbres que découpaient à peine çà et là les quelques réverbères. « Vous n’êtes ni maladroite, ni puérile, » marmonna-t-il. Il éclata d’un rire franc à ses paroles, heureux d’apprendre qu’elle ne ressentait rien pour cet individu, qui décidément ne la méritait pas. Il lui jeta un regard pour s’assurer qu’elle se portait bien malgré ce malheureux épisode, remarqua non sans consternation les frissons constellés sur la peau nue de ses bras. « Vous avez froid. » Pas une question. Un constat. Ni une ni deux, il se débarrassa de sa veste, qu’il déposa avec révérence sur ses frêles épaules après lui avoir demandé de se retourner d’un geste de la main. Il ne put s’empêcher de sourire à la vue de ce bout de femme portant un vêtement de toute évidence trop grand pour elle. Au moins, elle ne grelotterait plus. Les hivers châtiaient les plus hardis ou les plus démunis dans ce coin de pays où l’hypothermie ne relevait pas d’un mythe qu’on racontait pour effrayer les enfants. Il se recula enfin, rompant le bref contact de ses mains sur ses épaules. « Venez, ma voiture n’est plus très loin, à présent. »
En effet, arrivé à la hauteur du véhicule, dont il déverrouilla les portes sans un mot, il invita la jeune femme à prendre place sur le siège avant. Une vieille tradition apprise en tant que majordome et qui le suivait encore à ce jour. « Madame, votre voiture est avancée, » badina-t-il, l’air un peu  trop solennel. La présence de la jeune femme à ses côtés l’enivrait plus que de raison. Il se sentait revivre, rajeunir même. Après la perte tragique de son meilleur ami, dont il ne se relèverait sans doute jamais tout à fait, Jill lui montrait que la vie valait la peine d’être vécue. Si elle continuait à avancer, alors il continuerait lui aussi. Elle éclairait son chemin, comme le phare guidait le navire perdu en mer. « Merci mais non merci, l’impudence de votre prétendant m’a coupé tout appétit, » admit-il franchement. Toujours en silence, il s’installa derrière le volant et démarra le moteur. L’instant d’après, la voiture avalait les kilomètres et les lumières urbaines s’émoussaient derrière les vitres. Nero connaissait le chemin par cœur pour l’avoir emprunté une bonne centaine de fois. Il rentrait à la maison, ne fut-ce que pour y déposer sa passagère.
« Vous pouvez allumer la radio, si vous le voulez, » lâcha-t-il à brûle-pourpoint. Le silence prolongé devenait insoutenable et la silhouette de Jill, qu’il regardait du coin de l’œil à intervalles irréguliers, affolaient les battements de son cœur. Il donnait l’impression d’être un gamin en pleine puberté, c’était absurde. « Sinon, j’ai quelques CDs de jazz dans la boîte à gants. » Selon lui, les vinyles et les disques compacts battaient le streaming à plate couture. Il était comme ça, Nero. Vieux jeu. Le pied dans un passé gris et révolu. « Enfin, si vous aimez bien les vieilles chansons d’amour aux paroles quelque peu sirupeuses, » plaisanta-t-il, un peu embarrassé de dévoiler ses goûts musicaux des plus douteux. À présent, il regrettait d’avoir mentionné le sujet et espérait presque les soi-disant fantômes de la région se mettent en tête de bousiller la radio. « Mais après le dénouement de votre rendez-vous de ce soir, je comprendrais fort bien que vous n’ayez pas le cœur à écouter ce genre de musique. » Il palabrait et la voiture continuait de rouler. Ils venaient tout juste de quitter le centre-ville d’Exeter pour rejoindre les quartiers plus tranquilles, quasi déserts où siégeaient le manoir Blackwell. Les arbres s’amoncelaient à gauche et à droite de la route jusqu’à former plus loin une épaisse et majestueuse forêt. Il coula un énième regard vers sa passagère. Bientôt, ils devraient se dire au revoir. À moins que le destin ne s’en mêle?

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Re: lady & butler (nerill)
Mar 12 Jan - 18:56

Jill prenait en considération chaque mot prononcé par Nero à l’égard du balourd qu’il désignait harceleur. Il est vrai que son rendez-vous avait eu par deux fois l’indécence de revenir à la charge dans l'entrebâillement de la porte des cabinets. Lui signifiant même l’attente qu’elle lui imposait à force de le négliger si longuement au lieu de revenir s’attabler avec lui. Et c’est à travers son estime pour elle et son positionnement sur ce chien d’affection qu’elle réalisa la justesse de son interprétation. Combien de fois avait-elle été la proie de ce genre de manège ? D’un homme effronté et trop sûr de lui qui pour rien au monde aurait troqué sa présence pour un autre gibier ? Trop souvent confrontée à des forceurs importuns, prisée comme un diamant à mille carats ou comme un trophée estimé. Inexpérimentée des jeux de l’amour et du palpitant, mais bien au fait des traits irrévérencieux de ces prétendus gentleman. Pourtant, c’est son sauveur qui posa si justement les mots sur le ballet insupportable dans lequel le bougre s’était adonné. Marquant d’ailleurs son sentiment à son égard avec une certaine vivacité - et ne manquant pas d’indiquer qu’il ne tolérait pas qu'il la poursuive une fois de plus jusqu’à l’extérieur. «  Vous avez raison… je suppose que votre présence est suffisante pour l’en dissuader. Je ne suppose pas, j’en suis persuadée. Je vous remercie, Nero… » Sa prévenance et sa considération édifient en elle un émoi indocile. [ Les bienfaits ordinaires de sa présence auprès d’elle. Des égards accueillis avec faveur. Le désir sempiternel qu’il en fasse un peu plus. Qu’il lui exprime son désir de l'extirper de son rendez-vous, de la capturer pour lui seul jusqu’aux premières lueurs du jour. ] S’ensuit ensuite sa crainte inavouable : que quelqu’un - ou plutôt qu’une femme s’il faut la désigner - soit dans l’attente de son retour à l’intérieur du restaurant. [ Elle peut les sentir, ces chaînes brûlantes, vigoureusement enserrées sur son myocarde. Des éclats d’appréhension jusqu’à ce qu’il la délivre du mal qu'elle éprouve. ] J’étais seul qui résonne par deux fois, la soulage immédiatement d’un tout.  « Je suis rassurée, dans ce cas. » Boutade encore de mise qu’elle corrige sans se morfondre.  « Je ne suis pas rassurée que vous soyez venu seul dans ce restaurant… simplement, heureuse de ne pas avoir compromis votre soirée avec une… femme qu’elle contient de justesse. Comme-ci elle lui attribuait automatiquement l'hétérosexualité. Comme-ci elle redoutait uniquement les femmes autour de Nero.   « … personne. » La phrase ne voulait pour ainsi dire, plus rien dire. Mais incapable de trouver un synonyme suffisamment propre et bien ajusté pour se sortir de là, elle laissa un rire confus masquer son incartade. Ni maladroite. Ni puérile. Sous la lumière des lampadaires, le restaurant déjà à quelques rues derrière, le froid mord ses bras et sa peau fraîchement dénudée. Ses frémissements immédiatement remarqués par Nero, le gentleman l’enveloppe délicatement sous l’habit qu’il détache de lui-même. « Ce n’est pas nécess… »  Retournée et fixée devant lui, elle intercepte un sourire malicieux. Ses iris portés sur un vêtement bien trop grand pour elle. « Vous vous moquez de ma petite taille, Monsieur De Funès ? » Taquine et malicieuse, comprenant tout à fait son avis sur la question. Même ses mains semblaient disparaître sous la longueur des manches. Retirant les paumes portées sur ses épaules, ils reprirent la marche vers le véhicule.
Emmitouflée sous le manteau de Nero, elle en profita pour se délecter secrètement de la chaleur que sa présence avait laissé à l’intérieur. Humant de surcroît son parfum, diablement ensorceleur. Les portes déverrouillées, il usa d’un ton révérencieux pour l’inviter à grimper à ses côtés. Agissant ainsi comme un majordome et non comme un ami, elle éprouva une légère contrariété.  « C’est moi qui devrait vous ouvrir la porte, vous êtes trop aimable avec moi. Alors que j’ai impunément ruinée votre soirée... » dit-elle en prenant ses aises sur le siège passager, un rire doucereux agissant sur ses lippes. Une ellipse dans le temps que de se retrouver là avec lui. Comme au bon vieux temps, alors, sur le chemin de retour au manoir. « A charge de revanche, alors. » qu’elle indique lorsqu’il signale avoir perdu l’appétit pour le simple motif du goujat de tantôt. La voiture démarre ensuite et dévale les routes lugubres d’Exeter. La tranquillité et le calme emplissent l’espace sans pour autant le rendre austère - pour Jill au moins. Assise si proche de l’ancien majordome avec le même sentiment de sécurité qu’autrefois (si ce n’est plus). « Des vieilles chansons d’amour ? » qu’elle demande sans vouloir le froisser. Surprise de le savoir amateur de balades passionnées. Il plaisante mais semble embarrassé de lui faire savoir. Comme une petit secret dévoilé, qu’il ne pensait pas lui révéler un jour.  « J’ignorai vos goûts pour le jazz et pour… les chansons d’amour. » elle insiste sur les mots pour le tourmenter cette fois. La malice clairement affichée sur ses lèvres doucereuses.
Dehors, la route devenait toujours plus sombre. La forêt luxuriante dans laquelle s’enfonçait le manoir rendait cet itinéraire à peine fréquenté. « Ecoutons quelque chose de cette trempe alors. Peut-être que ces chansons pourront m’éclairer sur ce sentiment mystérieux. » Ayant reçu l’autorisation de l’ouvrir, son pouce se glissa sur l’ouverture de la boîte à gants. Fouinant à l’intérieur et cherchant un CD au hasard, un vacarme inouï survint à l’avant du véhicule. Le bruit n'altèra pas la conduite de Nero mais l’obligea à s’arrêter un peu plus loin sur un chemin de terre, évitant ainsi la dangerosité du bas côté dans l'obscurité. « Une crevaison, vous croyez ? » Le véhicule à l’arrêt, elle consulta Nero déjà préparé à sortir pour constater la nature du problème. Pendant qu’il évaluait la situation, Jill resta appuyée contre son siège, osant à peine regarder l'extérieur. Pas tant inquiétée par la panne mais bien plus tourmentée par la forêt sinistre qui les avalaient en son centre. Refuge et terre natale des volatiles, ils se retrouvaient-là dans son lieu le plus éxecré. Dans la voiture au moins se sentait-elle à minima protégée de leur omniprésence. Mais ne voulant pas paraître impolie en restant à l’intérieur, elle s’efforça de rejoindre Nero en consultation de l’état du moteur. Sa porte ouverte et le pied à peine posé au sol, elle s’enferma davantage dans le manteau de Nero. Frissonnante non plus sous la contrainte du froid mais pour ces milles yeux cachés sur les branches. Apparaissant derrière-lui, son dos courbé sous le capot, elle s’efforça d’adopter une attitude solide et ordinaire. « Avez-vous trouvé quelque chose ? Je peux appeler un dépanneur, si vous le souhaitez ? » Observant du coin de l’oeil les branches et le bois dans l’obscurité, elle renforça encore et encore son étreinte contre elle-même. Jusqu’à l’horreur finalement matérialisée : le hululement d’un volatile de l’ombre. Poussée par l’épouvante, ses bras s’enroulèrent instinctivement contre l’abdomen de Nero. Son visage terrorisé plaqué de profil contre son échine, elle referma ses prunelles et son étreinte contre lui sans se soucier des convenances ni de l’état de honte dans lequel elle se retrouverait bientôt.

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Re: lady & butler (nerill)
Mer 13 Jan - 18:24


Croyait-elle sincèrement qu'il avait abandonné son rôle de protecteur vis-à-vis des enfants Blackwell simplement parce qu'elle avait un jour décidé de le mettre à la porte? Oh, ses intentions étaient nobles. En tant qu'aînée de la famille, elle souhaitait prendre soin de ses cadets sans l'aide de personne, comme pour faire ses preuves. À moins qu'elle n'ait voulu endiguer son double deuil en se jetant tête baissée dans le travail. Un sentiment que Nero partageait, lui, le bourreau de travail. Mais vraiment, elle se fourrait le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate si elle pensait une seule seconde qu'en trôquant l'uniforme de majordome pour celui d'avocat, il l'avait oubliée, elle. Toujours elle. C'était absurde et peut-être même un peu idiot de consacrer ses pensées à une seule personne, d'autant plus si elle lui était interdite par les convenances, par la loi des hommes. Il supposait donc qu'il devait l'être un peu. Idiot. Jusqu'au bout des ongles. Et pourtant, un idiot heureux en cet instant, alors qu'elle revêtait la veste offerte en toute humilité. Elle semblait flotter dans ce vêtement cent fois, mille fois trop grand pour son corps fragile, presque sur le point de se démantibuler à la première bourrasque de vent. Mais ce n'était qu'illusion. Il connaissait cette jeune femme pour l'avoir vu grandir, mûrir, sous ses yeux de précepteur, d'ami de la famille, d'amant imaginaire, tout cela à la fois. Jill Blackwell résistait à toutes les intempéries que Dame Nature s'entêtait à lui envoyer depuis son plus jeune âge. Bourrasques. Averses. Orages. Rien ne l'ébranlait. Rien ne semblait l'ébranler, en tout cas. Elle demeurait debout. Malgré tout.
Il sourit alors, une once de fierté dans ses pupilles ambrées sous la lumière d'un réberbère fatigué. « Peut-être bien, » sussura-t-il d'une voix sybilline, à moitié entre l'amusement et l'austérité. Il l'invita ensuite à le suivre jusqu'à sa voiture d'un ton par trop déférent, peut-être. Il n'avait jamais agi autrement en sa présence, il ne connaissait que les regards admiratifs et les compliments ambigus pour témoigner de son affection envers elle, qui avait un jour germé en lui, puis crû au fil des saisons. Dépasser le seuil de l'amabilité relevait presque à ses yeux du non-sens, de l'interdit pur et absolu. Il censurait ses gestes et paroles par crainte des représailles, avait agi ainsi des années durant. Et les mauvaises habitudes, Nero ne le savait que trop, mouraient difficilement. C'était peut-être une bonne chose, peut-être pas.
Peut-être pas.
La voiture grogna quelque peu, mais ploya par habitude, bien qu'à contrecoeur. Le paysage défilait derrière les vitres de la voiture dans un silence de plus en plus inconfortable. Pesant, même. Non sans embarras, Nero proposa de faire jouer l'un des albums qui traînaient dans le coffre à gants. Les vieilles chansons d'amour des années 50 et 60, son petit plaisir coupable. « Vous ne m'avez jamais posé de questions sur mes goûts musicaux, » rétorqua-t-il d'un ton léger. Et pourquoi l'aurait-elle fait? Pourquoi s'intéresserait-elle à la vie de son ancien majordome, fût-il le meilleur ami de son père? Cette pensée assombrit son visage, mais il espérait qu'elle ne le remarque pas. Il ne voulait pas l'inquiéter ou pire encore lui causer du chagrin par ses pensées blasphématrices. L'instant d'après, la voix triste et languissante d'une femme s'éleva dans l'habitacle, entre le jazz et le blues. Nero s'éclaircit la voix, comme si celle de Billie Holiday lui insufflait du courage. « En passant, vous n'avez pas ruiné ma soirée, bien au contraire. Je m'apprêtais à passer une soirée morne et solitaire et voilà que je tombe sur vous par le plus grand des hasards. » Il haussa les épaules, d'un air qui se voulait désinvolte. « J'ai passé presque vingt ans sous le même toit que vous, Jill. À vous côtoyer, à rester dans votre ombre en attendant que vous m'appeliez. Il m'est difficile de l'oublier, de... tourner la page. Parfois, je pense à... » Mais ils ne surent jamais ce à quoi il pensait, car à ce moment retentit un fracas de fin du monde à l'avant du véhicule. Les dents serrées, Nero manoeuvra tant bien que mal pour qu'ils s'échouent sur un chemin de terre, à l'abri de tout danger. Il souffla un bon coup une fois la voiture immobilisée. « Peut-être. Je vais devoir enquêter. » Faible tentative d'humour pour ce retournement de situation des plus fâcheux. Il sortit à l'extérieur et aussitôt, la fraîcheur de la nuit d'hiver mordit sa peau sans pitié aucune. Il releva son écharpe et souleva le capot quelque peu fumant. Il n'était pas un expert en carrosserie, mais estima, après une brève inspection, que le moteur venait de rendre l'âme. Il se retint de donner un bon coup de pied au pneu devant lui. Ça ne servirait à rien, à moins peut-être de passer pour un gamin auprès de Jill.
Jill.
Il l'avait oubliée.
Encore penché, les mains posées sur le capot, il releva la tête et l'aperçut s'approchant de lui, portant toujours la veste qu'il lui avait prêtée. Il força un sourire pour la rassurer. « Oui, si vous arrivez à appeler qui que ce soit. Je crains que le réseau ne soit très faible par ici, à cause des arbres. » Quelle malchance! Il fallait que ça leur arrive au beau milieu de la forêt bordant Exeter. Un hibou hulula au loin, comme pour les narguer. Nero n'avait rien contre ces volatiles, mais aurait volontiers tordu le cou du premier venu, histoire de se défouler. C'est alors qu'il sentit le corps de la jeune femme se presser contre le sien, ses bras autour de lui, sa tête recroquevillée au niveau de son coeur. Le souffle court, il ne sut comment réagir. La panique se lisait dans ses pupilles dilatées. Il se remémora alors que sa compagne d'infortune redoutait les oiseaux plus que tout au monde, sans réelle raison. Il l'avait vue maintes fois courir en sa direction, alors qu'elle n'était qu'une enfant, à la simple vue d'un merle ou d'un corbeau flânant autour du manoir famiial. Il aurait dû s'en souvenir. Il leva la tête vers le ciel d'encre. Pas d'hibou en vue. Le contraire aurait été étonnant, cet animal n'était pas connu pour attaquer l'être humain. Il fallait maintenant en persuader Jill, encore tremblante contre lui. Vulnérable. Nero reprit son souffle, puis déposa une main sur la tête de la jeune femme, une autre sur sa taille. Il huma son parfum, le même qui avait titillé ses narines à la sortie du restaurant. Ils restèrent collés l'un contre l'autre pendant un moment — ou était-ce une éternité? — la chaleur de leurs corps les réchauffant peu à peu. L'envie de toucher sa peau de ses mains nues s'empara de lui, mais il se maîtrisa. Elle n'avait pas besoin de ça, pas après ce satané prétendant de malheur. Il savait néanmoins que de belles paroles ne suffiraient pas à la rassurer. Il fallait qu'il lui change les idées. « J'ai une peur bleue des poupées, le saviez-vous? » chuchota-t-il soudain. « Je hais leurs regards morts et leurs peau de plastique. Ne le dites à personne, vous êtes la seule à connaître mon terrible secret. » Un rire penaud secoua sa vieille carcasse. Il ne se résolvait pas à se détacher d'elle. La proximité de Jill enivrait tous ses sens, toutes ses pensées. Du calme. Lentement, très lentement, pour ne pas la brusquer, il se recula d'un pas. Consulta son téléphone portable, qui n'affichait aucun réseau. Quelle surprise. « J'ai bien peur qu'il nous faille marcher en direction du manoir. Il ne se trouve plus très loin, à présent. On pourra y appeler un dépanneur. » Il soupira. « Ce ne sera pas une promenade de tout repos, pas avec ce froid glacial. Je suis sincèrement désolé de devoir vous faire subir cela. » Il grimaça pour appuyer ses propos. Puis, sans réfléchir, tendit sa main gantée vers elle, pour qu'en s'en saississe si elle le souhaitait. « N'ayez crainte. Rien ni personne ne vous fera de mal tant que je serai là. » Un vrai chevalier servant. Pour les beaux yeux de Jill Blackwell, Nero enfilerait tous les costumes.

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Re: lady & butler (nerill)
Ven 15 Jan - 12:24

Vous ne m'avez jamais posé de questions sur mes goûts musicaux. La répartie laisse indiscutablement songeur. Attristant, c’est vrai, le degré d’ignorance de Jill envers ses appétences et ses occupations. Elle pourrait répondre par l’affirmative et souligner ainsi son inhabilité à certifier le contraire. Mais Nero se fourvoie s’il croit son ancienne protégée si mal informée. Maintes fois contemplé, maintes fois examiné. Parfois subrepticement - les yeux extraits par alternance des lignes d’un roman choisi au hasard dans la bibliothèque. Un majordome apprivoisé dans le secret sous toutes les perspectives : étudié, contemplé, comme un de Vinci. Chaque ondulation, chaque courbe de ses traits absorbés dans des souvenirs à chérir. Les attraits naturels et captivants de son physique, d’abord, et puis, toutes ces leçons enseignées de son plein gré. L’unicité de ses anecdotes sur les dramaturges populaires, les légères fariboles pour la faire sourire ; des romans proposés, des pièces de théâtre déchiffrées ensemble, des ouvrages décodés. Autant de mémoires et de livres appartenant au même tout : les préférences et les passions de Nero. Et enfin, chaque mot prononcé sélectionné avec une attention particulière, octroyant le désir de Jill à faire preuve de la même éloquence. Un bagou débiteur de l’aisance désuète de Nero, apprivoisé sur sa propre langue puis peaufiné et travaillé à la force des années.
Sa chambre de majordome rendue inaccessible pour les marmots de ses employeurs. En y entrant plus longuement que le jour fatidique de son repoussement, peut-être aurait-elle eu l’opportunité de découvrir sa collection de vinyles soigneusement rangée à petite distance de son tourne disque. Peut-être aurait-elle apprécié avec la même ferveur ces ballades amoureuses des années 50 et 60, jusqu’à devenir fanatique elle aussi de la douceur de ces chansons démodées. En conclusion, des préférences musicales vraisemblablement ignorées. Mais pour toutes les autres choses ? L’enfance et la puberté passée à ses côtés et rien n’a vraiment été oublié. Seules résident les méconnaissances de son quotidien depuis le premier jour de son renvoi jusqu’à maintenant, dans l’habitacle de son monstre à quatre roues. « C’est vrai. Et pourtant, ces questions m’ont souvent tourmenté l’esprit. » Dans la cuirasse de l’auto, s'élève une voix dont la sonorité harmonieuse fait jaillir une certaine quiétude. Lyrics mélancoliques d’une interprète inconnue des oreilles de Jill. Moment propice pour Nero pour faire constat de cette soirée qu’il ne juge pas anéantie mais salvatrice d’un soir morne et solitaire. Des propos reçus avec soulagement pour celle qui n’a pas l’habitude de déranger. Pourtant, user des autres pour son intérêt est incorporé dans son caractère. Espiègle et malicieuse aimant à manipuler l’esprit, sans jamais réellement dépasser les bornes pour obtenir bon gré mal gré la bienveillance des autres. La suite de ses propos sollicite vivement son intérêt. Un intérêt aussitôt suspendu par le vacarme angoissant d’un véhicule bientôt à l’arrêt.
Le réseau était certainement instable entre les arbres forestiers. Empêchant effectivement d'appeler qui que ce soit pour les sortir de là. Ce n’était pas sur les faiblesses des zones couvertes par les opérateurs que Jill pouvait pleinement se concentrer. Mais sur le réseau de volatiles organisé en masse sur les colonnes boisées. Des créatures ailées prêtes à exercer sur elle sa phobie la plus violente. Une phobie tangible manifestée dans l’enfance et mille fois décuplée - à la vision de l'œuvre infernale d’un Archange tout droit échappé du Pandémonium, les ailes tracées dans le vermillon de ses victimes. L’oiseau de malheur ayant exprimé sa détonation, c’est dans les bras de Nero que l’affolée chercha instinctivement une protection - une barrière contre cette détresse infatigable devenue virulente avec l’outrage des ans. Si à l’accoutumée un hululement aurait seulement dressé quelques frissons sur sa peau, le refuge préféré des volatiles contribuait grandement à alimenter ses angoisses. Enfouie peau contre peau dans les bras protecteurs de l’ancien factotum, elle s'éternisa involontairement contre lui. Un contact physique, premier du nom depuis l’enfance où elle s’endormait parfois épuisée contre son épaule, quand il lui contait des histoires d’amants maudits et de chevaliers en armure extraites des plus anciennes mythologies. Paralysée et inquiète par la possibilité d’un piaillement renouvelé, elle consolida quelque peu son étreinte contre lui. Majoritairement dépendante de l’appui offert contre sa phobie et à demi enivrée par le confort de cette enveloppe rêvée. Temps offert pour la rassurer où il déposa une main dans ses cheveux et une autre sur sa taille.
Alors qu’elle l’avait toujours pensé invulnérable à la moindre chose, fort et impénétrable sous bien des aspects, il lui offrit pour l’apaiser l’un de ses secrets. Une phobie, en somme, sur les poupées de plastique. Elle releva légèrement le menton pour l’observer, en même temps qu’il se reculait d’un pas pour se séparer de son étreinte. Le téléphone portable consulté, il annonça ce qu’elle redoutait désormais le plus : rentrer à pied jusqu’au manoir. « Je redoutais… de vous l’entendre dire. » exprima-t-elle avec un sourire légèrement forcé pour dissimuler l’angoisse que cette information venait de créer. « Votre phobie… je l’ignorais. Je suis heureuse de n’avoir jamais eu d’attrait pour ces choses-là. Je suis sûr que vous auriez supporté leur vision pour me faire plaisir. » glissa-t-elle dans un chuchotement. Sa main gantée tendue vers elle, Jill s'autorisa à la prendre sans aucune objection. Vulnérable et subordonnée à sa maudite phobie, elle ne désirait rien de plus que de se fondre dans la main de Nero. Véritable chevalier d’une galanterie rare et désintéressée. « Je suis désolée… » qu’elle exprima consternée d’être ainsi devenue un poids tout au long de cette soirée.
La voiture verrouillée et son sac à main replacé autour de son épaule, Jill attrapa une nouvelle fois la main de Nero dans la sienne pour que débute leur marche. Cherchant même à s’accrocher de temps en temps à son bras sans pour autant l’empêcher d’avancer. Un comble pour celle qui rêvait de rentrer le plus vite possible au manoir. Même si rester si longtemps avec Nero convenait aussi du rêve. « Cette peur… cette peur infâme des oiseaux ne m’a jamais quitté. Je songe souvent à ce qu’elle ne puisse guérir qu’une fois le mal à sa source endigué. »Un mal que trop connu de Nero comme de tous ceux ayant un jour déposé leurs yeux sur elle ou sur les enfants Blackwell. L’affaire ayant fait la une des journaux ne laissait pas de répit aux curiosités malsaines de la populace. Lui rappelant sans cesse que l'ignominieux meurtrier était peut-être toujours là, à s’aventurer dans les rues d’Exeter.
Ils marchèrent quelques minutes pendant lesquelles elle s'efforça de se focaliser sur autre chose que la menace des oiseaux hurlants. Repensa alors à ce début de conversation qu’il avait amorcé dans la voiture. Pour la première fois, Nero lui avait exprimé sa difficulté à tourner la page. Des mots qui ne la percutèrent qu’à ce moment précis.  « Je… tout à l’heure vous m’avez fait part de votre difficulté à tourner la page… » elle renforça l’étau de sa main dans la sienne, comme pour se donner du courage pour ce qu’elle se préparait à lui dire. « je n’ai jamais osé vous le demander. Je crois… que j’ai toujours eu peur de vous en parler. Synonyme de ma lâcheté, j’en ai bien peur. Mais… m’en voulez-vous, Nero ? De vous avoir congédié ? Vous vous êtes montré si prévenant et si conciliant ce jour-là après le meur… la mort de mes parents. » Sa voix vibra un instant mais se concentra à nouveau sur ce qu’elle cherchait à lui exprimer. « Je songe parfois à la rancœur que vous devez éprouver pour moi.  Si vous ressentez de l'amertume à mon égard, je la comprends sincèrement. »  Dénouée de sa main et de son bras, Jill jugea le moment opportun pour s’exprimer sur le sujet. Sans doute trouvait-elle enfin le courage de le faire après l'amorce qu’il lui avait faite dans l’habitacle.  « Vous congédier a été une décision bien plus pénible que vous ne pouvez l'imaginer… et sans doute la plus maladroite de mon existence.  Une décision égoïste, je le crois aussi. Après le... la mort de nos parents, je croyais pouvoir protéger la fratrie par ma seule volonté. Une bien piètre façon de voir les choses. Et en vous congédiant… je pensais... je pensais vous libérer des malheurs et des horreurs rencontrées par notre famille. En oubliant alors... de manière si impardonnable, que vous avez toujours été vous-même un membre de notre famille. Un ami et un confidant pour mon père. Un protecteur pour nous. L’obscurité rendait les expressions de son visage imperceptibles. En tout point accablée, elle attendait le retour de bâton comme une épée de Damoclès sur le point de tomber sur sa tête. Méritante de son jugement, elle croyait nécessaire de crever l’abcès sur tout ça. Au-delà des sentiments enfouis pour Nero depuis l’adolescence, son égard pour lui demeurait plus fort qu’une simple idylle impossible. Pilier de la famille Blackwell, il était pour elle comme pour le reste de la fratrie un membre indétrônable de cette famille déconstruite.  « Vous écarter à ce point, je le regrette… surtout maintenant que vous m’exprimez combien il a été difficile pour vous de tourner la page. J'aurai dû le deviner... »


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Peut-être la perspective de marcher à pied au cœur d’une sombre et inhospitalière forêt relevait-elle du cauchemar pour le commun des mortels, mais pour Nero, cela ne l’effrayait guère. Il possédait certes une vive imagination lui permettant d’imaginer mille et un monstres se cachant derrière les bosquets ou les troncs d’arbres et il savait d’ailleurs qu’Exeter recelait de curiosités pas toutes aussi inoffensives qu’on pourrait le penser de prime abord, mais étrangement, il n’en avait jamais réellement été affecté. Comme s’il les repoussait de manière inconsciente. Aucune explication rationnelle ne pouvait élucider le mystère. Soit il les repoussait bel et bien, soit ces singuliers événements n’existaient que dans l’imaginaire collectif, ce qui n’était pas impossible. Mais pour des personnes comme Jill, la proximité d’oiseaux dans le ciel nocturne semblait l’inquiéter davantage que celle d’esprits vengeurs. Main dans la main, les deux compagnons de fortune avançaient en silence sur le bas-côté, la voiture de Nero laissée derrière eux. Sans même y réfléchir, l’ancien majordome calqua ses pas à ceux de la jeune femme, de manière à ce qu’elle n’ait pas à faire de la marche rapide pour rester à son niveau. Il esquissa un sourire presque penaud à ses paroles. « Je me souviens que William voulait vous faire cadeau d'une poupée pour votre troisième ou quatrième anniversaire, il avait même trouvé le modèle parfait selon lui dans un catalogue. Votre mère a tout de suite détecté mon malaise, je ne sais toujours pas comment, et a réussi à convaincre votre père de plutôt vous offrir un ourson en peluche. Le pauvre n’y a vu que du feu. Je ne m’en plains pas, il m’aurait charrié avec cela jusqu’à ma mort. » Son ton prit un ton triste pendant qu’il observait avec nonchalance la buée qui montait de sa bouche, comme la fumée d’une cigarette. « Vos parents étaient des gens biens. »
Il eut l’impression, mais peut-être l’imagina-t-il sous le coup de l’émotion, qu’elle resserra davantage son emprise sur son bras. Il ne voulait pas la chagriner ou la bouleverser, bien au contraire, et en venait à regretter d’avoir mentionné cette insignifiante anecdote, qui creusait de vieilles blessures qui jamais ne cicatriseraient, du moins pas complètement. Les parents de Jill. Asta. Dante. Soledad. Songer à leurs vies, c’était aussi songer à leurs morts. Une association douloureuse, mais inévitable. Il tourna la tête vers la jeune femme, dont le visage demeurait indéchiffrable dans l’obscurité ambiante. Mais à ses paroles, il comprit qu’elle pensait également à la tragédie, qu’elle y pensait peut-être un peu chaque jour et chaque nuit. Nero secoua la tête, plus peiné que les mots auraient su le dire. Plus irrité, aussi. Contre le meurtrier. Contre lui-même. Surtout contre lui-même. « Je regrette que le mystère demeure entier, encore aujourd’hui. Asta fait de son mieux pour trouver de nouveaux indices. Moi aussi. Hélas, la piste se refroidit de jour en jour, d’année en année. Je souhaite… » Il soupira longuement. « Je souhaite bien des choses, à commencer par la capture de l’assassin. Hélas, les souhaits ne sont pas toujours exaucés et il faut quand même aller de l’avant. » Il serra sa main dans la sienne, peut-être pour lui donner du courage, peut-être aussi pour s’en donner à lui-même. Un peu de chaleur humaine contre le froid mordant. « Mais vous le savez, n’est-ce pas? Vous n’êtes plus la jeune fille que vous étiez alors. »
Une bourrasque s’abattit sur eux sans crier gare et des larmes perlèrent aux yeux de Nero sous la violence éolienne. Les arbres ne suffisaient pas à les protéger du vent amer et coriace. Comme en réponse à son avant-dernière phrase, la blonde choisit ce moment pour revenir sur les conséquences de son renvoi, suite à la mort de ses parents. Il n’avait pas menti, il luttait véritablement pour tourner la page, pour reprendre l’expression. C’était peut-être parce qu’ils se trouvaient seuls, loin de toute civilisation, qu’il se laissait aller à de telles confidences, il n’en était pas certain. Mais il réalisa qu’un poids venait de se libérer de ses épaules et qu’il respirait un peu plus librement, désormais. Il ne s’attendait toutefois pas à ce que Jill s’accuse de la sorte. Il en demeura interdit, bouche bée. Si longtemps qu’il ne put stopper ou même ralentir son flot de paroles continues, qui coulaient comme le lit d’une rivière après le dégel printanier.
Lorsqu’elle se tut, ce fut plus fort que lui, il cessa brusquement de marcher et détacha sa main de la sienne pour tourner le corps de Jill vers lui, de façon à qu’ils se fassent face-à-face. Il se pencha même un peu pour la regarder droit dans les yeux, le moment presque intime. Trop, peut-être. « Jill, vous allez m’écouter. » C’était la première fois de sa vie qu’il lui donnait un ordre, lui semblait-il. Enfant, elle lui demandait de lui lire un livre avant d’aller au lit. Adolescente, elle lui demandait de lui préparer une collation pendant qu’elle étudiait pour ses examens. À présent, c’était à son tour de tendre l’oreille. « Je ne vous en veux pas le moins du monde de m’avoir renvoyé de la maison Blackwell. Vous avez agi dans les intérêts de vos frères et votre sœur, dans des circonstances qui auraient mis à terre bien des femmes — et des hommes — que je connais. Alors, je vous en prie, cessez de vous flageller ainsi, surtout pour… » moi « … un simple majordome, fut-il l’ami de monsieur votre père. » Pour s’assurer qu’elle lise son regard malgré les ténèbres que perçait à peine le croissant lunaire, il glissa sa main sous son menton, qu’il releva doucement. « Vous n’êtes ni lâche, ni égoïste. Ni aucun des adjectifs péjoratifs qui tournent dans votre tête à cet instant, j’en suis sûr. Au contraire, vous êtes brillante, courageuse, empathique, généreuse, loyale, magnifique… » Le même hibou hulula de nouveau quelque part dans la forêt. Nero reprit conscience de la réalité et des mots qu’il venait impunément de prononcer. Des mots qui n’auraient jamais dû franchir la barrière de ses lèvres. Le cœur agité et la gorge sèche, il se dégagea de la jeune femme avec empressement. Il tituba vers l’arrière, comme un vieil ivrogne. Il n’osait pas croiser le regard de Jill, angoissé à l’idée d’y lire de la gêne. Pire, du dégoût. « Le manoir ne se trouve plus très loin, » balbutia-t-il, à peine inconscient qu’il ânonnait la même phrase que tout à l’heure. « Venez, nous ne devrions pas rester dehors à cette heure. » Du moins, pas seul à seul, déplora-t-il in petto. Les mains dans les poches, il n’attendit pas sa réponse et se remit en marche, cette fois d’un pas hâtif pour ne pas qu’elle puisse se saisir de sa main ou son bras.
Une éventualité par trop périlleuse.

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Re: lady & butler (nerill)
Mer 20 Jan - 14:53

Ils marchaient sur la même cadence ; sur un seul et même tempo. Nero semblant imiter le pas de Jill pour se calquer sur ses pieds mal assurés dans l’obscurité. C’est le souvenir d’un meilleur ami qu’il ranima avec mélancolie. Souvenance faisant lien avec la pédiophobie qu’elle venait à peine de découvrir chez lui. Le chagrin perceptible sur son intonation à l’évocation des défunts : c’est à l’inverse un sourire redevable qui se manifesta sur les lippes de sa compagne noctambule.  « Ma mère a toujours été si prévenante et bienveillante. Je la reconnais bien là. » La Blackwell avait une sorte de don pour détecter les émotions. Une habileté plaisante qui s’accompagnait toujours de sa prodigieuse empathie pour autrui. Un trait que Jill estimait chez sa mère adoptive plus que toute autre facette de sa personnalité.  « Je vous remercie d’avoir partagé ce souvenir avec moi. Chaque fois que vous évoquez mes parents, j’ai l’impression qu’ils vivent toujours à travers vous. Et qu’ils ne disparaîtront jamais grâce à vos mémoires.  » Concernant l’infâme ravisseur de ses parents, les mots de Nero noyèrent quelque peu Jill dans un mutisme morose. [ Incombe à Asta la lourde peine de s'enquérir du moindre indice qui concerne le meurtrier aux ailes trompeuses. Démon des enfers aux divagations contraires à l’un des neuf chœurs des anges. Shérif de la ville au fait des plus bas mots du monde, se risque au danger plus de fois qu’elle ne peut le supposer. Une position dans la police qui effraie l'aînée autant qu’elle honore la famille Blackwell, mais qui rappelle à Jill combien Le monstre de dégoût - toujours libre de ses actions - poursuit ses incidences sur cette famille. ] Une quête de justice lourdement partagée avec Nero et son travail dans l’ombre. Elle qui espérait le délier des malédictions de cette famille en le congédiant, le sait depuis longtemps attelé à cette investigation avec le même acharnement que son frère.
Sur ces mots intimement liés à ce qu’elle se préparait à lui dire, s’ensuit les confidences de Jill au regard de cette discussion amorcée dans le véhicule immobilisé. Un véhicule abandonné déjà bien éloigné de leur destination, le manoir bientôt à la portée des figures de pénombre. Lancée sans préparation dans un monologue empreint d’intégrité, elle laissa sa lucidité surpasser ses lèvres et ses mots baigner l’air d’une ambiance insoupçonnée. Certaine qu’il accuserait ses torts et qu’il profiterait du moment pour la sermonner, elle se prépara au pire. Sa gorge et son estomac se nouèrent d’un coup sec lorsqu’il l’obligea à se tourner vers lui, créant une intimité qu’ils n’avaient pas pour habitude de franchir. Pour la première fois, il lui intima l’ordre de l’écouter. Dans son corps, ses membres s’amollirent des épaules jusqu’aux genoux. Captive de la consigne commandée, elle releva le menton en signe de toute obéissance pour prêter une oreille attentive.
Elle avait si longtemps imaginé son amertume et sa rancœur, au point de n’avoir jamais souhaité ouvrir le sujet. Non pas par crainte qu’il confirme ses raisonnements à ce sujet, mais qu’il ne trouve dans cette discussion une opportunité pour se libérer d’un poids, donnant le la au point final de leur relation. Mais la réponse qu’il exprima dénatura complètement la position qu’elle lui croyait sur la question. Au point qu’elle resta bouche bée, incapable de rétorquer ou de formuler le moindre mot. Je ne vous en veux pas. A quel point s’était-elle blâmée pendant si longtemps, quand lui ne ressentait aucune amertume et trouvait sa décision courageuse ? La main de Nero glissée sous son menton, elle s'enfonça dans son regard malgré les ténèbres ambiant. Sentant grimper en elle un ébranlement suscité par ses erreurs de jugement. Et puis… le brassage de ses émotions la submergea complètement : les adjectifs et les éloges pour la première fois déchargée de la conscience de Nero.
Dépossédée de son pouvoir de parole, son esprit sembla se détacher de son enveloppe charnelle. Les encéphales véritablement cloués par ce qu’il venait d’avouer, elle baissa d'instinct les yeux quand il se détacha d’elle pour tituber quelque peu en arrière. Violemment troublée et interdite pas les mots prononcés, rien ne pouvait plus la perturber que la sincérité avec laquelle il les avait exprimés.  Pas même le hululement d’un oiseau de nuit. Pas même une nouvelle bourrasque qui faisait hurler les arbres.
Ni gênée, ni embarrassée - mais perturbée. Troublée. Presque bouleversée même… Bercée d’une incompréhension virulente et invraisemblable. Quand elle releva la tête, il marchait déjà d’un pas pressé. Quand elle arrivait à peine à remuer ses muscles. Elle fixa un instant son dos qu’elle pouvait à peine distinguer dans la nuit noire.  
La marche se termina jusqu’au manoir dans le calme absolu. Ni Nero ni Jill n'osaient prononcer un mot. A l’entrée du manoir, elle proposa qu’il dorme dans la chambre d’amis pour la nuit. Chose qu’il lui refusa entre un mélange de respect et de tiédeur Un taxi appelé de son fait pour venir le récupérer, elle lui promis de téléphoner à un dépanneur au petit matin pour récupérer son véhicule. Proposition nouvellement refusée...

[ Et ainsi s’acheva cette nuit périlleuse et troublante. L’amorce de semaines bien plus étranges encore… ]

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