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 far from home (nox)

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Re: far from home (nox)
Lun 15 Mar - 15:16

far from home

Au rythme des soupirs, cheval à bascule entre raison et folie, entre hâte et plaisir, entre enfer et paradis. Ce contrôle qu'il arbore comme un véritable drapeau de fierté, à tuer un peu plus son corps fatigué au creux du sien, galvanisé par les flammes qui lèchent chaque parcelle de sa peau où elle dépose ses mains, ses griffes, ses lèvres. À ne plus savoir quel jour on est, quelle heure il est, avec qui il est. Et encore moins pourquoi il est là. La pousse à l'abandon, l'écran noir total, entre ses bras, entre ses coups de reins, entre sa bouche collée à la sienne qui échange baisers ardents et gémissements dorés. Lui semble bien qu'elle s'offre comme jamais, ou peut-être est-ce seulement son ego qui voudrait le croire. À se laisser mourir un peu plus au fil des secondes qui s'égrènent, dans ce sablier mortel qu'il ne daigne pas voir ni entendre. Les corps mêlés qui ne veulent plus, ne peuvent plus, se détacher l'un de l'autre, à ressentir un plaisir semblable à celui qu'on attend depuis des mois, des années - quand toutes ces impressions sont pourtant faussées, détraquées. Alors pourquoi est-ce que c'est si fort ? Si cruellement regénérant ? L'impression cuisante de revivre et de mourir un peu en même temps. D'enfin avoir accès à cet oxygène toxique. De nouveau, qu'elle se retrouve sur lui, qu'il lui laisse l'ascendant pour s'offrir sans aucune arme face à elle. Accompagne ses mouvements avec toujours plus de réconfort, toujours plus d'habitude, comme si c'était simplement instinctif, comme s'ils avaient fait ça toute leur vie. Bien à ça que ça ressemble, pour lui, et ça en serait troublant s'il parvenait seulement à réfléchir une seconde. Mais elle ne lui en laisse pas le temps, et Nox s'accroche.

S'accroche pour ne pas défaillir, ne pas mourir trop tôt sûrement, surmené par la fatigue, par le combat juste avant, par l'envie dévorante qui s'est révélée aussi traître que salvatrice. Une envie qui le délivre autant qu'elle le condamne un peu plus, à chaque mouvement qu'il accompagne, à chaque aller-retour qui lui arrache un peu plus ce il-ne-sait-quoi. S'accroche aux plaintes agonisantes comme à de véritables cordes qui le sortiront du fossé dans lequel il est tombé, sans voir qu'elles ne le mènent qu'à une autre abîme, qu'à un autre gouffre. S'en fiche, Nox. Entièrement dévoué à l'ascension latente mais fulgurante qui prend possession de chacun de ses membres, de chacune de ses veines, de chacun des battements effrénés de son organe cardiaque. Lui semble bien qu'il va exploser, qu'il va faire un arrêt, à battre si vite en coordinations dégénérées. Attrape tout ce qui passe à sa portée, sa nuque, ses hanches, se faufile contre ses côtes, retourne se perdre dans ses cheveux qu'il finit par serrer plus fermement, comme pour lui dire me laisse pas tomber. Tomber, au sens propre du terme. S'échouer, sur cette plage obscure et effrayante où sont rejetés les échoués des océans. Ceux que personne ne s'escrime à rechercher, une fois que les vagues les ont engloutis. Ceux dont on oubliera finalement le nom, disparus des limbes, avalés par la bouche édentée d'un monde sans fin, sans entrée, sans sortie. Ne restera d'eux qu'un souvenir précaire, rougeoiement au bout d'un tunnel sans lumière, lucioles dont on oubliera jusqu'à l'éclat quand les nuit seront plus claires et que l'été prendra la place de l'hiver. Et en écho à sa voix qui résonne dans la pièce, Nox entrouvre ses lèvres courtement délivrées des siennes, dans un « Jay, bordel, » happé par le hululement du plaisir qui rugit en lui, gueule toute ouverte au fond de ses entrailles, quand les dents ne cherchent même plus à attraper ses organes, déjà éparpillés. Sent bien le courant électrique qui pousse les décharges, ses muscles qui se crispent autour d'elle, en elle, à l'assommer d'un plaisir brut, non taillé, non formaté. Sans doute dévastateur.
Et c'est sous son corps que Nox meurt.
Qu'il meurt, vraiment.

En même temps qu'il lui semble atteindre le paradis, le voilà qui s'esquinte en enfer. Chute brutale, la conscience qui lui échappe, et le noir total qui se fait. Aspiré dans un gouffre sans fin, sans fond, il tombe et n'en finit plus de tomber. Lui semble avoir les bras qui battent le vide, mollement, mais sans doute que ça n'est que dans sa tête car son corps, réel, s'est immobilisé. Essoufflé, happé. Alors que son enveloppe retombe mollement sur le matelas après l'ultime gémissement, après l'ultime assaut de l'orgasme, c'est sa conscience qui s'échappe et se débat. Il les sent, Nox. Les flammes qui brûlent pour le dévorer tout entier. Essaie bien de s'accrocher à ce qu'il peut. Ne sait pas où il est arrivé, où il se trouve, mais sans doute est-ce un pays qui ne connait que l'obscurité angoissante. Le silence assourdissant qui lui comprime les tympans, ses membres qui ne répondent plus à l'étage, là où son corps est resté alors que lui sombre. Lentement, péniblement, ou à toute allure - il ne sait plus vraiment. Ne sait plus rien. L'impression dévastatrice d'être englouti tout entier, sans contrefaçon, sans qu'on lui demande son avis. Quelque chose qui lui échappe, certainement, encore plus s'il essaie d'y trouver une raison, un avertissement quelconque, une explication rationnelle. Se sent simplement volé et c'est au fond de ce couloir aussi étroit qu'immense qu'il l'aperçoit. Créature de ses cauchemars depuis toujours, qu'elle agite ses pieuvres diaboliques pour l'attraper. Tente d'aller à contre-courant, maintenant, pourtant là-haut, dans la réalité, son corps ne bouge toujours pas. Alors que lui se débat dans tous les sens pour éviter les attaques, les emprises des ventouses qui voudraient le noyer pour de bon, comme elles ont attrapé son père, trente-trois ans plus tôt. Son regard se crucifie à celui de la bête, et c'est là qu'elle murmure « pas toi, pas toi, pas toi. »
Et ça lui donne juste ce qu'il lui manque pour s'extirper des ténèbres.
Parce qu'il a raison, pour une fois, le kraken.
Pas lui, certainement pas lui.

Ses yeux s'ouvrent en grands, comme victime d'un électrochoc puissant, le corps parcouru d'encore quelques spasmes - sans doute les derniers soubresauts de la jouissance ressentie peu avant. Pourtant, il lui semble qu'il est resté des heures entières piégées sous cette vase obscure, à se débattre contre un animal invisible, contre un ennemi fait d'ombre. Les yeux qui fouillent le plafond, la pièce, reconnait la chambre, l'hôtel. Se souvient de la route, du repas, du visage de Percy sur leurs photos, de l'étreinte fulgurante, des cheveux flamboyants, du goût de sa peau. Et son regard revient enfin se river dans celui, penché sur lui, de Jaimini. Le souffle court comme s'il était resté en apnée, sans doute seulement à cause de l'effort des corps, pourtant. Parce qu'il tente toujours de trouver une raison, une solution, quelque chose d'explicite. Est-ce qu'il a fait une attaque cardiaque ? Un quelconque arrêt cérébral ? N'est pas médecin, lui, mais ça y ressemble, non ? Se souvient vaguement du tunnel, de l'eau qui lui entrait par la bouche, le nez, même les yeux, de la silhouette difforme et immense de la créature marine. Est-ce que c'est une expérience de mort imminente ? Est-ce que son coeur s'est arrêté ? Ne fait pas le lien, Nox, avec les mots, les tentatives de prévention, les avertissements qu'elle a pu lui donner. Presque honteux, quand il se reconnecte à la réalité, et qu'il bredouille un « Désolé, j-je... » Perdu, le regard qui hésite encore entre se focaliser pleinement sur ses yeux et rester hagard. Frisson qui l'agite au creux des reins, à comprendre qu'il est resté figé en elle pendant tout ce temps - si peu, en réalité. Notion distordue dans son esprit qui peine à reprendre réellement pied, quand les secondes ou les heures semblent signifier la même chose. Il se redresse lentement, la tête vacillante, l'impression que tout tourne autour de lui. « Je sais pas... ce qu'il s'est... passé. » L'avoue comme ça, sans cacher son désarroi, sa frayeur aussi - celle de ne jamais revenir du tunnel, de l'eau qui voulait l'aspirer - et sans plus s'inquiéter de ne pas avoir l'air rassurant. S'accroche à elle, soudainement, sans chercher à se dégager de son corps pourtant. « Mais ça va, ça va, ça va, » qu'il répète encore et encore, comme pour l'en convaincre, comme pour s'en convaincre.

Ignore ce qu'il s'est passé, parce que ça ne lui est jamais arrivé, Nox. En a eu, des aventures, dans sa vie. Des ébats violents, d'autres grisants. N'a jamais vécu ça pourtant, à bien se conforter à l'idée qu'y a un truc qui a sauté en lui. Son coeur, une artère, son cerveau, n'en sait franchement rien, le flic. Et s'il était malade sans le savoir ? La gorge qui déglutit péniblement, qu'il vient enfouir son minois dans sa nuque en comprimant son dos de ses mains puissantes, peut-être trop, sans s'en rendre compte. « Je suis là. » Sans savoir s'il cherche à la rassurer ou à se rassurer lui. D'être là. D'être encore là. Se laisse lentement retomber sur le lit pourtant, éreinté, l'esprit qui peine à lutter. Lui semble n'avoir aucune force qui puisse durer plus de quelques instants seulement, et sans doute que de gueuler toute sa vie qu'il n'a pas peur de la mort est remis en question, quand il a l'impression d'pas être passé loin cette fois. Passe une main nerveuse dans ses cheveux, à peiner retrouver sa respiration normale quand celle-ci s'est faite sifflante. S'aperçoit que sa main tremble, la range contre le matelas en crispant ses doigts autour des draps. Revient hanter son regard, lentement, comme toujours dans cet entre-deux périlleux. « C'est la première fois qu'ça m'arrive. » L'air presque coupable, comme si c'était de sa faute, comme s'il n'avait pas été à la hauteur. « Mais c'était... » N'trouve pas les mots, sous le sourire qui se dessine contre ses lèvres, surpris d'avoir encore envie de l'embrasser et sûrement qu'il ne s'en gêne pas, attrapant sa nuque pour l'attirer à lui sans avoir la force de se redresser de nouveau, pour chercher un nouvel air contre sa bouche, dans une danse plus molle, plus lente, plus paisible. Ne prête pas attention à l'infime part de lui qui a compris. Qui tenterait bien, entre les gencives, de lui reprendre tout ce qu'elle lui a dérobé.

Evidemment, que c'est la première fois.
Parce que c'est la première fois que son corps s'étreint à celui d'un autre monstre.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Lun 15 Mar - 16:28

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Se souvint, d’un coup, comme des flash-back cruels, quand ses bras ont glissé contre elle. Quand ils ont perdu de leur force dans leur étreinte, quand elle a commencé à le perdre, à le laisser glisser sur la pente. Plaisir coupable qu’elle avait ressentie, ascension brûlante qui l’avait éloignée de la réalité sans lui laisser le temps de penser. De se rendre compte qu’elle allait trop loin. Qu’elle le sacrifiait, lui, pour son plaisir à elle. Qu’elle avait été égoïste, que tout c’qu’elle entreprenait finissait de cette façon, qu’elle fixait les prix de ses actions sans consulter qui que ce soit. Prix fort. Les mains toujours posées contre ses tempes, à ne pas le voir réagir, à sentir qu’elle se glaçait elle-même, micro seconde par micro-seconde, fulgurante. Parce que dans son absolution, elle ne pouvait qu’être seule. La sentit, la détresse monter en elle, le désespoir certain, à crisper ses phalanges contre son visage. Non, non, non. qu’elle répétait inlassablement en son fort intérieur, couvrant toute autre pensées, désastreux capharnaüm. Jusqu’à avoir la vision brouillée, qu’elle rembarra d’un violent revers de la main. « J’croyais que t’étais plus fort que ça ! » qu’elle laissa s’échapper, sifflement d’entre les dents serrées. Comme si ça suffirait à piquer son égo de là d’où il était, peu importait où. Qu’le Nox qu’elle connaissait reviendrait forcément pour lui répondre, parce qu’il aurait toujours le dernier mot. À juste avoir envie de cogner contre sa cage thoracique jusqu’à ce qu’un miracle se produise peut-être. À sentir son propre myocarde buter cruellement contre sa cage thoracique, comme s’il cherchait à en repousser les cotes, lui rappelant que le sien battant encore. Trop vite et trop vite. Pour deux, peut-être. Parce que c’était sa vie qu’elle lui avait arrachée.

Des verrous enfouis plus profondément en elle se mirent à trembler. Avait l’impression d’être dans un long rêve, prisonnière de songes qui effleuraient d’une main douce la carapace la plus vulnérable de son être. Pensées qui sortaient de ses derniers retranchements, à lui faire miroiter que si c’était le genre de choses auxquelles elle devrait s’acclimater, qu’elle ne souhaitait juste plus les vivre. Qu’en étant seule ou accompagnée, c’était toujours la même rengaine. Être encore plus seule. Toujours arpenter des chemins qui mènent à la mort. Et elle ne se supportait plus, Jay. C’était la goutte de trop, celle qui faisait déborder le vase. Se maudissait, se haïssait tellement qu’il lui semblait que chacun de ses organes en elle implosait.
Quand soudain, le souffle revint, que les yeux s’ouvrirent et la figèrent sur place. Qu’il revenait à la vie, véritable miracle qu’on accordait pourtant pas aux créatures des enfers comme elle. Qu’elle avait encore le feu de son énergie vitale au creux de ses reins, qu’elle le sentait battre lentement comme un ventre trop plein. Qu’ça la dégoûtait, la révulsait. Profondément. « Nox… » qu’elle souffla en se laissant aller contre lui, délivrance soudaine, soulagement indescriptible. Se rendre compte pleinement qu’elle l’avait perdu, même pour quelques secondes, n’avait fait que renforcer ce besoin débile de le voir et de l’entendre. L’agrippa de toute la force qu’elle pouvait témoigner, comme pour ne plus le laisser partir. Et si ça n’était qu’une gigantesque farce de son imaginaire pour la noyer davantage, peut-être qu’elle ne luttera juste plus. Il était vivant.

Frisson d’effroi qui remonta le long de sa colonne vertébrale quand elle rencontra le regard hagard. Lueur fade qu’elle croisait dans les yeux de ceux qu’elle vampirisait. S’attendait pourtant à ce qu’il la regarde autrement, mais il ne semblait pas comprendre. Plutôt revenir d’un étrange rêve, et elle fronça les sourcils. « Tu es… désolé... ? » Qu’elle répéta plus lentement, comme si cette conversation n’avait aucun sens. Elle n’en avait aucun, à n’en pas douter. Et cette fois, c’est la colère qui remonte jusqu’à sa gorge, l’étreignant comme un millier d’aiguilles centralisées sur le même point. Il vint jusqu’à l’embrasser, jusqu’à confirmer qu’il ne se doutait de rien, et l’ensemble de ses avertissements revinrent comme une vague vengeresse dans son esprit. Que les larmes n’ayant pas encore séché sur ses joues ne lui paraissaient que plus glacées quand elle sentit son souffle près de son visage. « Comment tu pourrais être désolé. » Rompit la proximité de leurs visages. De quelques centimètres pourtant, mais c’était déjà énorme à ses yeux. Qu’elle aurait presque envie de le gifler pour qu’il se réveille complètement de cette torpeur. Qu’il cesse une fois pour toute de lui lancer ces regards langoureux qu’elle ne méritait pas. Elle qui n’avait pas été à la hauteur, n’avait pas su se reffréner. « C’est moi, Nox. » Qu’elle continua avant de sentir les mots mourir dans sa bouche. Sans savoir comment l’expliquer. Pourtant il le fallait, qu’il comprenne une bonne fois pour toute. Et s’en veut de n’pas pouvoir lui dire qu’elle avait au moins autant aimé que lui, parce que ce ne serait qu’une nouvelle invitation. La promesse en demi-teinte qu’il y aurait une prochaine fois. Promesse qu’elle ne pouvait, qu’elle ne voulait pas tenir. « C’est moi qui t’ai fait ça. Est-ce que tu comprends ? » Je t'en supplie, comprends. Rendit sa voix aussi ferme qu’elle le pouvait, alors qu’elle aurait préféré s’accorder le droit de trembler à l’instar de toutes ces angoisses qu’elle ressentait encore. Qu’elle y était bien contrainte, de leur donner plus de consistance, à ces démons qui l’habitaient, qui la rongeaient. Sinon il ne le devinera pas de lui-même. « Tu étais.. » Mort. « … parti… » dis-le, putain. « Tu étais mort, Nox. » Cruel silence de quelques secondes. « À cause de moi. » Alors que mon but premier, c’était de t’aider. À la place.. à la place…

Se redressa, passa une main contre son propre visage. Parce qu’elles menaçaient, les larmes, de couler pour de bon. Qu’elle ne savait pas combien de temps elle saurait les retenir. « Tu te demandais ce que j’étais. Eh bien, voilà… » Je suis l’engeance des monstres, je suis peut-être même née comme ça. Haussa les épaules, comme pour répondre à ces interrogations internes. Et j’avais dis que je ne voulais pas te faire de mal. Encore une promesse qu’elle n’avait pas tenue. Celle-là, elle l’aurait souhaité, pourtant.

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Re: far from home (nox)
Lun 15 Mar - 21:08

far from home

Son prénom pour rappel à la réalité. Ancrage imparfait mais vaillant, qui tente de le maintenir à flot maintenant qu'il est revenu à la surface. A bien cru y passer, Griffin, et sans doute qu'ça fait bien plus flipper que ce qu'il aurait cru. Elle se laisse tomber contre lui, s'y accroche même et comme par instinct, comme au début la nuit, il referme ses bras sur son dos. Le souffle encore rauque, comme un aspirateur en fin de vie, les poumons qui lui semblent comprimés, abîmés, il garde son nez dans ses cheveux pour s'en rappeler le parfum. Elle semble s'étonner, surprise qu'il soit désolée et il ne sait pas comment y réagir, si bien qu'il reste là, à la fixer simplement, la bouche entrouverte, poisson qui cherche encore à retourner dans l'eau. Alors, sans doute que pour masquer son trouble et tout le flot d'émotions contradictoires qui l'envahit, il revient happer ses lèvres. Au moins, ça ne demande pas d'efforts ni de mots. Ne remarque pas ses joues humides, ne remarque rien, Nox, sinon l'incroyable fait qu'il soit là, en vie et finalement, ça lui suffit. Comme s'il avait survécu à une catastrophe naturelle, comme s'il s'en sortait plus fort, qu'il était né une troisième fois. Parce que le jour où il est devenu un monstre, il est certain d'être un peu mort. Mais elle se décale et il hoquète de surprise. Un drôle de noeud se forme dans sa gorge. Position qui, finalement, devient inconfortable, il gigote son bassin pour se libérer de son emprise, la garde sur lui tout en se libérant de sa chair.

Ne s'occupe pas de leur tenue - ou absence de tenue - le regard crucifié au sien, avec une appréhension qui monte jusqu'au bord de ses lèvres. « C'est moi, Nox. » Le sourire qui se fane, les yeux qui se plissent légèrement, billes bleutées mais obscurcies. Il secoue lentement la tête. Non, il ne comprend pas. Non, il ne veut pas comprendre. Remarque étrangement sa voix plus ferme, plus distante ? Cherche bien ce qu'il aurait à se reprocher, ce qu'elle pourrait lui reprocher, toujours embarqué dans ce même schéma ; que ça soit lui en faute. Parce que c'est toujours le cas, n'est-ce pas ? Bien ce qu'on lui a toujours répété et à force, faut croire qu'ça soit rentré un peu trop profondément dans son crâne. « Tu étais mort, Nox. » Et ça résonne longtemps. L'impression de revivre une scène pour la centième fois. Les mots, presque les mêmes, dans d'autres lèvres, d'une autre voix, mais devant une image de lui toute aussi vulnérable qu'à cet instant. Mais on est déjà morts, Nox. Et à ce moment-là, il l'avait crue. À croire que chacun des mots de Nora était entré en lui pour ne plus jamais en ressortir. Se souvient de chacun d'entre eux avec une précision exacerbée, cruelle, douloureuse. Lui semble que quelque chose se met à tourner. Ne sait pas si c'est sa tête qui dodeline ou les murs qui s'agitent autour d'eux. Et tout ce qu'il lui offre, en premier temps, c'est un sourire glacial. Il se met même à frissonner, soudain, et ancre ses mains contre ses côtes comme pour s'assurer de sa réalité, lui prendre un peu de sa chaleur. « Tu... » Tu quoi, hein ? Elle quoi ? Nox peine à comprendre. Les pièces se mettent pourtant lentement en place, sournoises à ne pas s'être dévoilées tout de suite et si l'on pourrait le prévoir angoissé et révulsé, Nox en demeure d'un calme inquiétant.

Si calme que même lui ne trouve pas ça normal. Cette facilité déconcertante qu'il a d'accepter. En a vu de toutes les couleurs, à ce niveau, dernièrement. À qualifier le don de Nora d'un art, à susurrer à Rosheen que sa bête ne l'effrayait pas, à murmurer aux lèvres d'Olympia qu'il n'avait pas peur du feu en elle. Mais alors, qu'est-ce qui l'effraie tant ? Qu'est-ce qui peut l'effrayer si l'effroyable le laisse de marbre ? Se présente intouchable aux anormalités de ce monde qui se révèle de plus en plus étranges à ses yeux qui semblent le découvrir maintenant, à quarante piges passées ; et si facilement atteignable par toutes ces choses qu'il trouve si futile. Par l'absence, par la jalousie, par la colère. Parce qu'il aurait beau essayer de se forcer, Nox, à cet instant, il n'a pas peur. Que la seule chose qui sera, finalement, toujours capable de l'effrayer au plus haut point, c'est bel et bien lui-même. Ferme les yeux un instant, comme s'il ne voulait pas voir son visage face aux mots qui s'extirpent de sa bouche. « Tu te nourris comme ça ? » Les rouvre une seconde plus tard, avant de se redresser, les forces qu'il retrouve lentement, à se sentir toujours pourtant si épuisé, comme réveillé d'un coma qui s'est éternisé. Se retrouve assis devant elle, quasiment contre elle. Par respect, il ne la touche pas - et aisément que cela peut laisser croire à du dégoût. « J'avais pas... compris. » Triste réalité, pourtant, à venir se frotter la barbe en soupirant. Les paupières lourdes, la fatigue qui le consume, cette fois avec plus de hargne que plus tôt dans la soirée, mais il lutte, Nox.

Sans prévenir, il lève la main et effleure sa joue. Délicatement, comme s'il allait la briser. Alors que c'est elle qui a failli le faire. « Pourtant, je regrette pas. » Cherche son regard, et comme pour s'assurer qu'elle ne se défile pas, il vient glisser sa main sous son menton pour le lui tenir en face du sien. Regard lessivé, eau boueuse qui tente encore de se filtrer, mais la sincérité en son sein est presque poignante. « Même si je l'avais su ou compris, j'aurais quand même... » eu envie de toi, qu'il manque d'achever mais ça ne sort pas. Il soupire de nouveau, mais cette fois, ça se suspend à un sourire presque intimidé. « En fait, t'avais pas vraiment envie de moi, t'avais juste faim. » Le dit comme si c'était normal, comme s'il parlait d'un bon steak sur lequel elle s'était jetée. Attend peut-être qu'elle le contredise, a choisi d'utiliser la plaisanterie pour rendre l'ambiance plus légère, pour n'pas montrer qu'au fond, cette révélation griffe un peu son ego. Tout comme lui ne prend aucun plaisir réel à se jeter sur ses victimes, sans doute a-t-elle été conduite, comme lui, par son instinct. Bestial, certes. Un besoin plus qu'une envie. Et sûrement qu'il en est déçu, même s'il tente de le maquiller avec un humour un peu bancal. « Tire pas cette tête, j'vais bien et j'ai quand même pris mon pied, si ça peut te rassurer. » Il essaie d'en rire, de la faire rire, sait très bien qu'ça ne marchera pas aussi facilement pourtant. Peut-être pour ça que le sérieux regagne ses traits, un peu à contre-coeur. Il dépose ses mains sur chacune de ses épaules, comme pour la retenir contre lui. N'semble ni choqué ni déboussolé, Nox. Ou peut-être encore en état de choc. Peut-être qu'après le sommeil, le réveil viendra lui rappeler ce qu'il s'est passé. « Et ça a.. un nom ? » qu'il demande, plus hésitant, à n'vraiment rien y connaître. Ce que tu es. Caresse de nouveau sa joue, de son pouce cette fois. « J't'en veux pas, Jaimini, ok ? » Veut qu'elle le sache, avant que l'armure ne se réenfile, qu'il se sente obligé de rejouer les soldats féroces. Et j'ai pas peur. Passe son doigt contre ses lèvres, comme pour s'empêcher de les embrasser de nouveau. Parce qu'il en a envie. Et que c'est à son tour, d'en être un peu effrayé. J'ai pas peur de toi. Et c'est péniblement ça, qui devrait le terroriser.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Lun 15 Mar - 22:47

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Déjà redressée, corps quittés, Jay s’installa assise sur ses genoux. Retrouva son pull perdu sous les couvertures pour l’enfiler à nouveau. Sensation bien moins agréable que d’être lovée contre lui, elle devait se l’avouer. Cruellement. Acquiesça lentement à sa question, avant de préciser. « C’est pas vital pour moi. Mais ça arrive toujours quand.. » Quand j’abandonne, qu’elle manqua de terminer. Il comprendra la suite. Plus il parlait, plus elle lui répondait, plus elle avait l’impression de reconnaître entièrement l’existence de cette chose qui la maudissait. Se priva bien d’évoquer ceux qui avaient subi ce que lui avait enduré. Qu’avant lui, il y avait eu Andy, qu’elle avait bien manqué d’achever, aussi. Qu’elle avait bien tenté, au fil de leurs rencontres, de leurs ébats, de résister à ces choses qui lessivaient tout. Qu’elle n’y était pas parvenue. Qu’elle avait préféré se briser le coeur toute seule plutôt que de le briser entièrement lui. Qu’elle perdait rarement autant le contrôle, qu’on ne l’y avait jamais vraiment invitée à chaque fois que c’était arrivé. À chercher ce que Moore et Griffin avaient de commun. Alors que tous les opposaient pourtant, si ce n’était l’appétit bestial qu’ils suscitaient dans ses entrailles. Se demanda un instant, si comme avec Andy, elle devra rompre tout contact. Pour le préserver, au moins ça. Par preuve d’affection. Affection ? Fronça imperceptiblement les sourcils à ce constat étrange. Avant de comprendre, constat peut-être trop effrayant pour être réellement adopté, qu’elle s’était attaché à Nox comme elle avait pu s’attacher à Andy. Qu’elle avait peur de reproduire les mêmes schémas. Qu’à contre-coeur, elle devra assurément s’y résoudre : à tout faire foirer. Pour ne pas que tout vire à la catastrophe. Et contrairement à Andy, Nox lui semblait avoir un goût trop prononcé pour se voiler la face, pour se laisser griser par le danger malgré les alertes.

Sa main contre sa joue la ramena à la réalité. Et même si toute sa tête lui hurlait de s’en défaire, de le briser dans la déception plutôt que dans l’attrait, elle ne parvint pas à s’y résoudre. Comme si le compteur n’était pas encore complètement vide. Que la nuit n’était pas terminée, qu’elle pouvait encore se le permettre. Égoïstement. Alors qu’elle n’en avait aucun droit. Se sentait abjecte à le laisser épouser sa joue comme si ça n’avait été qu’une nuit banale entre deux amants. Même si elle avait peur qu’il n’y ait jamais de lendemain, Jay savait que c’était mieux comme ça. Et c’était bien ça le pire, qu’elle redoute qu’il n’y en ait pas. Parce qu’avant Nox, il n’y avait eu qu’Andy qu’elle avait revu. Et ça s’était terminé dans une catastrophe magistrale. Les comédies grecque n’avait qu’à bien se tenir. « En fait, t’avais pas vraiment envie de moi, t’avais juste faim. » Resta pantoise un moment, à ciller légèrement dans le vide. Qu’il la faisait halluciner à reconstituer ses armes plus rapidement. Avait une envie folle de lui hurler son indignation à la gueule, mais encore une fois, n’en avait aucun droit. Au moins, il avait compris. Et même s’il ne cessait de dire n’importe quoi, elle ne répliqua pas, soutenant simplement son regard qui se mettait à son tour à la lacérer lentement. Finissant ce que les mots avaient entamés, rehaussés par ce sourire. « Oui, c’est ça. J’avais juste faim. » Préféra le conforter dans son idée, à se dire que les choses étaient assez compliquées comme ça. À se dire qu’elle ne récoltait que ce qu’elle méritait, préférant se briser dans le mensonge que dans l’impossibilité de l’étreindre sans tout lui voler. Elle l’avait assez abîmé pour aujourd’hui. Sûrement qu’elle regrettera ses paroles. Les regrettait déjà, en fait.

Mais c’était mieux comme ça.

En quelques mois, elle avait déjà manqué de le tuer deux fois. Les larmes, la mort, la mort puis les larmes. Boucles répétitives. Était passée d’un canon pointé sur son front à une résignation kamikaze. Envoyait son cœur vagabonder ailleurs, préférant qu’il conserve le souvenir d’une créature avide plutôt que d’une pauvre fille qui subissait son destin. Préférait qu’il se dise qu’elle n’était motivée que par son appétit plutôt que par une désir si ardent que ses démons avaient festoyé sur son dos. Pour lui. Pas pour ce qu’il avait à se faire dérober. Se força à rire, pour le rassurer, pour le conforter davantage. « Les flammes de l’enfer, sûrement. » Qu’elle plaisanta sans vraiment le faire. Parce que ça en avait tout l’air pourtant. « Dans les bestiaires, ils appellent ça les succubes. » D’une voix plate, blanche. N’savait pas vraiment si c’était ça. N’savait pas si toutes ces conneries existaient véritablement. Peut-être qu’elle était simplement malade, mais son esprit n’était que fort peu cartésien. Elevée depuis toujours dans des croyances mystiques, du genre à croire en les choses les plus maléfiques. Et en venant à Exeter, elle avait pu constater que certains monstres n’étaient pas issus que des livres et légendes. Nox en était la preuve vivante. Réalité qui la rattrapait, constat qui la saisissait. Le monstre en elle existait bel et bien, et il n’y avait pas qu’elle qui l’avait rencontré. « Tu pourrais. » Tu devrais, lui en vouloir. La détester même. Pitié, ce serait tellement plus facile. Se serait sentie prête à endurer des insultes, à essuyer des coups même, par vengeance. Pour qu’elle lui rende ce qu’elle lui avait ôté. Qu’il lui en veuille à jamais d’avoir manqué de le tuer, de le laisser froid sur ce lit.

Juste parce qu’elle avait faim, n’est-ce pas.

« Tu devrais dormir. » Parce qu’elle ne voulait plus être responsable de la moindre miette de fatigue qu’il pouvait ressentir. Entre son don et sa malédiction, Nox portait deux sceaux bien distincts l’un de l’autre en même temps. Se pencha légèrement en avant, déposa ses lèvres contre les siennes. Dans un dernier plaisir égoïste qui avait un goût amer dans sa gorge. Que la discussion avait assez duré, qu’elle savait que ses murailles étaient plus fébriles que jamais. Caressa sa joue en retour, avant de l’inviter sous les draps, l’enveloppant dans ses bras à elle. À lui proposer la plus douce et la plus traîtresse des étreintes. Caressa ses cheveux lentement, consciencieusement, à le respirer. Attentive à son visage à lui, qui peu à peu semblait se détendre, à cette respiration qui lui sembla de plus en plus profonde. Il dormait. Il était vivant. Elle elle se demanda si ce n’était pas un blasphème venant de sa part que de remercier le ciel pour ça.

**

Ne ferma pas l'œil de la nuit. Impossible de s’endormir, n’ayant pas bougé de sa position initiale. Avait juste cessé de caresser les mèches souples, pour ne pas le réveiller. Remuait inlassablement les souvenirs de cette soirée, de cette nuit, de ces derniers mois depuis qu’elle l’avait rencontré. L’avait détesté, pourtant, exécré même. Souvenir de ces sourires narquois et de l’éclat à la fois malicieux et cruel au fond des prunelles. Des moments où elle s’en était finalement amusée, comme deux animaux qui s’apprivoisaient, lentement mais sûrement. De la colère qui l’avait saisie, du coup de feu qui avait résonné à quelques dizaines de centimètres de son visage, ligne de mire brouillée par les larmes qui étaient versées. De sa course folle dans la forêt, de la première fois qu’elle l’avait senti, qu’elle l’avait humé comme elle pouvait encore le faire maintenant, avec la cruelle impression que tout ceci était compté. Seconde qui coulaient au goutte à goutte dans la nuit. Se souvint finalement de leurs faiblesses de cette nuit, de tout ce qui l’avait traversée. De la peur soudaine, de la terreur qu’elle avait sentie de l’avoir tué, laissé pour mort sur le lit qui aurait vu naître et finir leur passion dévorante. Était passée de l’envie de le descendre à celle de le voir vivre, à puissance égale. Renversement de situation qu’elle n’aurait pourtant jamais soupçonné, quand elle avait découvert le personnage pour la première fois.

Perdue dans les méandres de son esprit, dans l’effusion de ses souvenirs, Jay crut entendre du bruit venant de l’extérieur. Un moteur qui commençait à tourner, des oiseaux qui s’éveillaient lentement, piaillant la vie au-dehors. Jeta un coup d’œil à son téléphone, tendant lentement le bras pour éviter les heurts de Nox contre elle. Presque sept heures du matin. Depuis combien de temps se tenait-elle comme ça ? À ignorer jusqu’à l’engourdissement dans ses doigts. Retira pourtant son bras de sous son visage, remontant légèrement la couverture sur lui tandis qu’elle s’extirpait lentement du lit. Enfila quelques vêtements, se saisit de la carte de la chambre posée près de l’entrée, avant d’en sortir discrètement. Déambula dans les couloirs jusqu’à retrouver le restaurant où ils avaient dîné la veille, transformé en espace de petit déjeuner. Bien réveillé, quoiqu’un peu groggy à force d’être dans ses pensées, la rouquine s’avança près du buffet, sans ressentir la moindre faim. Le gardera encore un moment en elle, à le digérer lentement. Et l’odeur des œufs brouillés lui arracha presque un haut le cœur. Se rangea dans la file de quelques personnes qui attendait pour se servir, plateau à la main. « Nuit difficile ? » Entendit-elle se dire tout près d’elle, à presque sursauter. À oublier que d’autres personnes existaient et gravitaient dans le même monde qu’elle. Releva un regard vers l’homme qu’elle mit une poignée de secondes à reconnaître ; celui qui lui avait sourit la veille au restaurant. Paré d’un costume qui ferait penser à un homme d’affaire. Comme elle ne répondait pas, l’homme reprit sans se démonter. « J’étais votre voisin de chambre. » Yeux qui s’écarquillent en une fraction de seconde, les joues qui s’empourprent à en faire ressortir les tâches de rousseur sur ses joues. « Je.. euh.. » Et son rire qui résonna ne l’aida pas à se sentir plus à l’aise, bien au contraire. Continua son chemin le long du buffet, à remplir une assiette avec quelques saucisses, des œufs brouillés. De mets consistants. Parce qu’elle savait qu’il en aura besoin à son réveil. Que c’était bien une des seules choses qu’elle pouvait faire. À défaut de lui rendre ce qu’elle avait pris, elle pouvait l’aider à se revigorer un peu. « Vous avez l’air d’être une femme spéciale. » Cilla à nouveau sans comprendre. Qu’est-ce qu’il lui voulait, à la fin ? Lui jeta un regard plus froid. Parce qu’en elle, ça faisait résonner trop de choses. « Ah, vous croyez ? Ou c'est ce que vous dites à toutes les femmes ? » Qu’elle renvoya, finalement agacée, à fleur d’une peau saupoudrée du sel de la culpabilité. Inspira profondément cependant, pendant qu’elle extirpait un peu de jus d’orange de la tireuse, posant le verre sur le plateau. « Vous ne prenez qu’une seule assiette ? Je croyais que vous étiez accompagnée par votre mari. » Se stoppa un instant. « Comment vous pourriez le savoir ? » Qu’elle répondit, probablement trop vite, d’un ton plus acéré, cette fois. « Eh bien. Vous étiez deux hier soir au restaurant, non ? » Se dit qu’elle devait finalement être un peu parano. Qu’elle était trop à fleur de peau quand il lui semblait qu’avant de sortir de la chambre, elle s’était calmée. « C’est exact. Je n’ai pas… » Faim. « … beaucoup d’appétit le matin. Lui par contre… » Qu’elle tenta vainement de plaisanter en levant les yeux au ciel, feignant la parfaite petite épouse, plutôt que de l’envoyer chier. Savait encore se montrer civilisée. Mais Jay se sentait quand même quelque peu agressée par cette intrusion soudaine, par cette discussion avec cet inconnu qui lui paraissait étrange, sortie de nul part. Il lui rendit un sourire franc, et Jay était toujours aussi peu satisfaite d’une telle intrusion dans sa vie privée. D’où il sortait, celui-là ? Est-ce que c’était le genre de gars qui après une œillade pendant un repas se croyait tout permis ? S’offusquait d’un rien ce matin, la trentenaire. Le temps que le café coule lui paru interminable. Dernière étape de son trajet avant de pouvoir enfin fuir cette situation gênante. « Excusez-moi de vous avoir dérangée, je suis un peu trop bavard, même avec les inconnues. Déformation professionnelle. Pour me faire pardonner, voici ma carte. » Il glissa une petite carte de visite sur son plateau. Jay jeta un coup d'œil à l’intitulé. Jarod Hillmore, Exeter. Coordonnées et logo d’une enseigne d’un bar qu’elle connaissait bien pour s’y être régulièrement explosé la tête. Échangea quelques banalités avec lui avant de s’éclipser, après avoir discuté de ce bar et qu’il lui ait proposé un verre gratuit un de ces jours. Et boire, elle allait en avoir besoin, qu’elle se dit en retournant serpenter dans les couloirs.

Repoussa lentement la porte de la chambre, prêtant attention à ne rien faire tomber. Coeur pincé cela dit quand elle posa le plateau sur la table de chevet. Le jour était levé, et avait emporté avec lui les souvenirs de cette nuit à la fois pleine de merveilles et d’horreur. Et elle ne s’était toujours pas réveillée de ce demi-cauchemar, alors ça devait bel et bien être sa réalité à présent. Prit place sur le rebord du lit, s’asseyant doucement. Passa sa main contre le bras de Nox, qui, s’il ne dormait pas, feignant bien de le faire encore. Avait entre temps glissé la carte de visite dans la poche de son jean. Parcourut la peau lentement, en de douces caresses au goût amer. « Le petit déjeuner est servi. » souffla-t-elle du bout des lèvres, à se demander si dans la nuit, son regard aura encore changé. Si au réveil, après ces quelques heures de sommeil, il ne regrettera toujours pas d’avoir succombé.

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Re: far from home (nox)
Mar 16 Mar - 11:25

far from home

Il fronce les sourcils, forcé de comparer avec sa situation à lui. « Tu veux dire que... tu deviens pas tarée si tu l'fais pas ? » Tu deviens pas folle, comme moi si je me nourris pas ? En soupirerait presque, déçu qu'elle ne partage pas cet aspect de sa malédiction à lui. Aurait presque envie de lui dire qu'elle n'a qu'à plus coucher avec personne - triste vie, sûrement. Mais au moins, elle ne risquerait de tuer personne ? Et puis, elle, elle peut les garder en vie malgré-tout. Sans le contrôler probablement. Mais il est toujours là, lui. Pour Nox, difficile de dévorer quelqu'un et de le garder en vie par la suite. Finalement, s'il avait cru rencontrer un visage aussi monstrueux que le sien, pour se consoler avec égoïsme, n'en découle que la cruelle résignation. Il n'existe pas pire monstre que son espèce. Quoique les zombies aussi, ont leur lot de morts. Difficile de faire survivre quelqu'un sans cerveau, hein. Ne peut se résoudre à briser totalement le contact, Nox, à revenir hanter sa peau de ses doigts, le long de son visage, avec l'envie terrible de l'attirer à lui encore un peu. Mais il se contente de ça, voyant bien qu'elle semble bien plus secouée que lui. Peut-être qu'il est encore sous le choc. Se permet de plaisanter pour essayer de lui arracher un sourire furtif. J'avais juste faim. Douche froide pour l'ego masculin du flic, comme si elle lui avait dit de but en blanc non, j'avais pas envie de toi. Sûrement qu'ça doit un peu se voir à son regard qui se glace lentement, et qu'il ne répond pas, Nox. Soudainement, plus l'humeur à plaisanter sur ce sujet. A essayé, s'y est brûlé les pattes, l'animal. Mais comme un chat n'apprend jamais que les plaques de cuisson sont chaudes et peuvent le brûler, qu'il y grimpera sûrement à nouveau, lui aussi. En attente de la brûlure, du danger.

« Succube... » qu'il répète, pensif. Il croit avoir déjà entendu ce terme, peut-être dans des fictions érotiques, tiens. Des créatures assoiffées de sexe. Aspect de fantasme, presque, pour un mâle, certainement. Mais la réalité est toute autre. Ou peut-être pas. Peut-être que ça l'excite plus encore maintenant qu'il le sait, maintenant qu'il y a goûté une fois. Comme un poison appellerait à ce qu'on le boive à nouveau. Doit se changer les idées, Nox, et vite. Mais de toute façon, c'est la fatigue cruelle qui menace de l'embarquer d'un moment à l'autre. « Oui, je pourrais, » qu'il répète d'une voix plus basse, plus engourdie. Mais la vérité, c'est qu'il ne la déteste pas. Ne lui en veut pas. N'a jamais vraiment compris pourquoi il en veut à ceux qui n'lui font rien et se met toujours à désirer ceux qui le tuent un peu. A toujours fonctionné comme ça, Nox. À n'aimer que ceux capables de l'atteindre, de le tuer. Il frotte ses paupières lourdes, comme un enfant ensommeillé. Hoche lentement la tête, retrouvant avec une surprise certaine ses lèvres qui sont venues dérober les siennes. Lui rend son baiser mollement. Pas l'envie qui manque, pourtant, à n'pas savoir comment se comporter après ça certes, mais c'est l'épuisement terrible qui lui ôte toute énergie à le lui rendre vraiment. Se laisse entraîner, carcasse vide, poupée de chiffon. Se retrouve rapidement à la verticale et immédiatement, son corps lui-même en soupire de soulagement d'être allongé. S'endort relativement vite, Nox, emporté par le bien-être coupable de se retrouver entre ses bras. Comme si c'était à lui d'être consolé, d'être rassuré, d'être cajolé. N'a pas de souvenir récent de s'endormir de la sorte, Nox. Ou peut-être qu'il ne souhaite pas s'en souvenir, simplement. La vérité, c'est qu'il dort rarement accompagné. Brûle quelques nuits en draps froissés, les finit toujours cruellement seul. Bien pour ça qu'il a toujours dégagé Nora après leurs ébats. Toujours ?
Pas toujours, non. Pas la dernière fois.
Et c'est sur ce souvenir qui le déchire un peu plus que le sommeil l'emporte définitivement.

On ne peut pas dire que le repos soit complet. Des mois, des années ? qu'il ne l'est plus de toute façon. Sans doute qu'il a parlé durant son sommeil agité, à se tordre parfois dans tous les sens, à murmurer des noms, des mots. Personne n'a jamais été là pour les lui répéter au matin, n'en a donc aucunement conscience, Nox. Plutôt que de tomber dans un monde fait de rêves et de couleurs, Nox coule à pic dans des abysses tourmentées et nourries par les ténèbres de sa conscience. Les visages y sont, toujours, déformés. Armés de crocs sanguinolents, de bouches béantes prêtes à le dévorer. Le kraken n'est jamais loin, lui non plus, à toujours agiter quelques tentacules pour essayer de l'attraper. Les nuits ne sont toujours qu'une fuite acharnée, où le réveil, bien que pénible, apparait souvent comme la sortie du tunnel. La libération. Peu importe s'il n'en sort que plus fatigué qu'avant. Le Diable ne connait pas de repos.

Le matin est gris, derrière les paupières de Griffin. Les images se sont succédées à n'en plus finir, si bien que lorsque sa conscience émerge, sans qu'il n'ouvre encore les yeux, il lui semble avoir tout rêvé. Tout imaginé. Si bien qu'il se croit dans son lit, dans son appartement à Exeter, à même se demander quel jour on est, à se demander s'il bosse aujourd'hui ou s'il est en congé. Se retourne lentement en grognant, étrangement courbaturé. Ses yeux s'ouvrent alors sur une chambre trop vierge pour être la sienne, dans des draps trop froids pour être les siens. Froids car vides. Habituel, pourtant, quelque chose cloche. Il plisse les yeux. Non, ça n'était pas un rêve. Il se revoit tenir Jaimini contre lui. Caresser ses cheveux, tenter de l'embrasser. Grimace. Putain, t'es vachement con. Les souvenirs lui reviennent comme s'il ne les avait pas vécus lui-même. Au compte-goutte. Il sent ses lèvres s'écraser enfin sur les siennes, s'en sent presque soulagé, comme s'il le revivait instantanément. Il sent sa peau brûler sous ses mains, il sent ses reins reprendre cet incendie coriace quand ils ont enfin fusionné. Merde. Non, c'était définitivement pas un rêve, les souvenirs sont trop précis, les sensations encore trop réelles. Il frissonne, ramène la couverture à lui, se découvre entièrement nu dessus. Merde, merde, merde. Et lui revient enfin l'orgasme aussi puissant que dévastateur. Puis le noir. Terrifiant. Comme un enfant perdu, Nox vibre sous l'édredon, en proie à un malaise qui ne cesse de croître au fur et à mesure que les images s'enchaînent. Les révélations, la culpabilité qu'elle semblait ressentir, son envie de plaisanter. Et le soulagement de s'assoupir contre sa poitrine, comme un enfant qui aurait rejoint sa mère dans le lit parental pour s'apaiser d'un lourd cauchemar. Longtemps qu'on ne l'a pas bordé ainsi, qu'on ne l'a pas étreint de cette façon. Sûrement que ça remonte à l'enfance, d'ailleurs, sûrement avec sa mère, d'ailleurs. Lui viendraient presque quelques perles sauvages au coin des yeux. Puis la fatigue l'assomme, de nouveau, et il sombre à nouveau dans ce gouffre sans fond.

Il n'entend pas Jaimini revenir dans la chambre. N'entend rien, Nox, plongé à nouveau dans les ténèbres. Presque à en gémir, car sous ses paupières se joue un nouveau film, une nouvelle scène. D'abord, celui de Nora. Tue-le, Nox, tu as promis. Une ombre à ses côtés, sur qui il pointe son arme. Puis soudainement, le vent se lève, si puissant qu'il balaie tout. Nora, l'homme à ses côtés. Tempête qui le pousse à fermer les yeux. Quand il les rouvre, Jaimini se tient à la place d'Everdell. Un autre homme se tient assis à ses côtés. Et elle répète, comme un automate : Tue-le, Nox. Il fixe la silhouette, le visage lui semble aussi familier qu'inconnu et au bout de son bras, la détonation lui crève les tympans.
Il ouvre les yeux au même moment, le souffle douloureux qui s'amène jusqu'à ses poumons comme s'il avait retenu son souffle en dormant. Respiration sifflante, regard hagard. Les yeux qui tombent sur son visage comme on tombe d'une chaise ; brusquement et sans s'y attendre. Il la dévisage comme s'il ne la reconnaissait pas, son esprit encore projeté dans cette pièce sombre, le coup de feu qui résonne encore. Et Nox sait. Curieusement, bien que ça ne lui soit plus arrivé depuis plus de deux ans, il sait. Que son rêve diffère des autres, flous et embrouillés par la faim. Que celui-ci s'annonce révélateur de l'avenir. Et soudainement, il aurait presque envie de vomir. Pourquoi lui a-t-il promis ça ? Pourquoi son inconscient mélange tout, à venir mêler Jaimini à une promesse qu'il ne refera plus jamais ? Jamais, vraiment ? La bouche plein de dégoût pour lui-même, c'est sa voix qui l'arrache à ce semi-coma léthargique. Il se redresse lentement, assimile le sens de ses mots, contemple l'éclat de ses yeux sans pouvoir en déchiffrer quoi que ce soit pourtant. « J'ai dormi longtemps ? » Bien la seule chose qui lui vient à l'esprit de demander. Comme si c'était important. Mais ça l'est. Ignore si le soleil est levé depuis des heures ou si c'est encore l'aube. L'impression cruelle d'avoir sombré depuis des jours entiers.

Son regard se porte sur le plateau posé sur la table de nuit. Un sentiment cruel l'étreint jusqu'au fond de ses entrailles. Quand est-ce que c'est, la dernière fois qu'on a pris soin de lui ? Sentiment d'indignation qui monte pourtant en lui, repoussant l'enfant terré qui serait touché de cette attention. Il hausse un sourcil en se redressant, se retrouvant assis devant elle, à maintenir la couverture sur son corps, comme s'il était gêné d'être nu maintenant qu'elle est habillée. « J'ai des jambes, j'pouvais aller me le chercher tout seul, » qu'il grommelle, d'une voix encore épuisée mais déjà sèche. Puis, il soupire, comme exécré par son propre comportement, ses propres réactions de défense. « J'accepte seulement si on partage. » Enfonce son regard dans le sien, sans sourire, et ça vaut comme un merci, pour lui. Et plus il la fixe, plus il la sent monter en lui. L'envie. La faim, pas celle qu'il a l'habitude de repousser pourtant. Parce que malgré que les souvenirs se soient remis dans l'ordre, il a encore envie d'elle. Et ça le tue, de s'en rendre compte. Pire, ça l'agace, ça l'irrite et c'est sur elle qu'il choisit de se venger. Plus facile comme ça, comme toujours. « T'aurais dû me réveiller. » Le lui reproche sincèrement, à s'retrouver comme un con qui aurait fait la grasse mat' alors qu'y a un examen à préparer. Comme pour dire qu'ils n'avaient pas le droit de s'autoriser une pause, alors que c'est lui qui l'a réclamée. Contradictoire, toujours. Y a des choses qui ne changeront jamais. « Faut qu'on reprenne les recherches. » Comme si c'était urgent - et ça l'est. Comme si rien ne s'était passé. Comme s'il valait mieux ne pas en parler. Il fuit un peu son regard et attrape le plateau. L'envie de la toucher au passage, qu'il réfrène, avec une frustration qu'il s'impose tout seul. Et sûrement que ça n'arrange pas son humeur. Se sent comme un chien muselé qui n'aurait pas le droit d'ouvrir la gueule ni de se lécher les babines. Attrape une saucisse à même sa main, croque dedans en grimaçant, l'estomac qui rechigne un peu à se remplir. La lui tend, la présentant directement à l'orée de ses lèvres avec fermeté. « Fais pas ta difficile, t'étais moins exigeante cette nuit. » Et ça sonne comme un reproche, comme une attaque, sous le sourire cruel qu'il lui lance comme un missile. Parce que Nox ne sait faire que comme ça. Pour lui dire qu'il n'a pas oublié, qu'il s'en souvient très bien. Pour lui dire que c'est de sa faute, de sa faute à elle, parce que la faiblesse passée, il est incapable de se reprocher quoi que ce soit. Comme si c'était elle qui l'avait allumé, dans le seul but de lui dévorer une partie de lui. Pourtant, sa main libre vient se poser sur celle de Jaimini, sur la couverture et il en tire un courant électrique qui vient le secouer jusqu'aux épaules. Presque timidement, geste sensiblement tendre, en grand contraste avec son ton, ses mots tranchants. Comme s'il voulait lui faire comprendre qu'il est obligé d'agir comme ça. Pour ne pas perdre la face. « T'as pas dormi ou quoi ? T'as vraiment une sale gueule. » Comme pour l'enfoncer un peu, vexé que lui soit tombé comme un gosse trop fatigué. Fixe un instant ses lèvres, dans une seconde de faiblesse, frustré d'avoir envie de les approcher encore, qu'il attrape le verre de jus d'orange pour s'occuper la gorge et la langue.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Mar 16 Mar - 12:21

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

L’observait revenir des limbes du sommeil, dans une sorte de grognement. S’en voulut un peu, de le réveiller de cette façon, même si c’était de la façon la moins désagréable qu’elle avait pu trouver sur l’instant. Peut-être que c’était aussi l’odeur de la nourriture qui le tirait progressivement de sa nuit. Laissa faire, Jay, parce qu’elle l’avait déjà assez brusqué comme ça. Comme si elle ne cherchait plus qu’à être un électron qui gravitait autour de lui sans jamais plus le toucher vraiment. Et ce matin, elle y était résolue, à ne plus risquer sa vie à lui, lassée de ce qu’elle était. Etat d’esprit étrange qui balayait tout son panache habituel, juste suspendue la corde au cou par sa propre culpabilité. Parce que les images de la veille ne quitteront jamais son esprit et qu’elle devra pourtant s’y faire, d’une façon ou d’une autre. Elle aurait aimé qu’il en soit autrement, c’était certain. Mais trop de choses venaient la conforter dans son idée. Qu’elle avait déjà assez donné à côtoyer de trop près un collègue, qu’elle en avait fait son fiancé, et que tout s’était brisé à l’aube d’une nouvelle ère. Qu’elle devait juste passer au second rôle du grand film de sa vie. Qu’elle n’avait pas envie de reproduire les mêmes souffrances, cette fois amplifiées, à qui que ce soit d’autre. Qu’un moment partagé avec elle, c’était comme offrir trop de son existence. Et elle avait eu toute la nuit pour y penser. Du moins, ce qu’il en restait. « Au moins deux mois entiers. » Qu’elle ironisa avec un fin sourire en le laissant se redresser, reposant sa main sur le matelas plutôt que sur son bras qu’elle effleurait auparavant. À tenter de réinstaurer cette petite routine idiote qu’ils avaient de se lancer des piques sans vraiment s’attaquer. À essayer de gommer cette nuit, qu’il pensera peut-être que ça n’avait été qu’un rêve. Bien loin de se douter qu’il se souvenait de tout en détail. Toutes les prières ne pouvaient être exaucées, visiblement. Elle avait sûrement déjà cramé sa carte chance en le voyant revenir de là où elle n’aurait pu aller le chercher seule.

« Mais de rien, c’est toujours un plaisir. » Qu’elle répliqua quand il reprit la parole. Elle le savait, qu’il pouvait y aller seul. Ce qu’elle voulait, elle, d’un sens, c’était se racheter d’une façon ou d’une autre. Dette trop grande qu’elle ne saurait plus rembourser. Autant rêver d’une rédemption, à s’dire que sa vie aurait plus de sens éloigné de toute civilisation, dans une cabane dans la forêt, qui sait. Soupira faiblement, des paroles et de ses propres pensées abruties. « J’ai pas faim. » Qu’elle laissa s’échapper sans filtres. Avait bien remarqué que lorsqu’elle se nourrissait de cette façon, la faim et la soif d’une simple mortelle s’en retrouvaient affectées. Qu’elle n’avait plus les mêmes besoins, sans jamais savoir pour combien de temps cela dit. « Je sais. » Pas plus de quelques mots qui s’échappaient d’entre ses lèvres pour lui répondre. Pas qu’elle était franchement crispée, encaissait simplement sa mauvaise humeur qu’elle ne savait pas mettre sur le compte du matin ou juste sur le fait que le retour à la réalité était bel et bien en train d’avoir lieu. Fronça légèrement le nez à le voir approcher ce morceau de saucisse de sa bouche. Que le venin de ses paroles l’atteignirent en plein cœur, et Jay ne se souvenait pas d’y être aussi sensible. Le retrouvait sous les traits qu’elle lui connaissait d’ordinaire, sans qu’il ne soit mué en amant. C’est mieux comme ça. Qu’elle se répétait sans pouvoir faire taire ou réduire la pointe qui lui enserrait le myocarde. Se disait qu’à force de se sentir poignardée de la sorte, qu’elle finira peut-être par en crever un jour. Ancra un regard glacé dans le sien, douche froide qui courait le long de sa colonne vertébrale. Sentit sa main se glisser contre la sienne, et n’savait pas si elle avait envie de s’y conforter ou de serrer ses doigts jusqu’à ce qu’elle ne craquent lentement, un à un. « Tu dors pas bien quand t’as bien mangé, toi ? » Le voile était de toute façon levé. Il ne pouvait pas savoir qu’elle l’avait en réalité veillé toute la nuit, dans l’inquiétude de ne plus l’entendre respirer. N’avait plus à complètement camoufler ses paroles ou esquiver soigneusement le sujet, maintenant qu’il savait tout. N’pouvait pas se permettre de se confondre entre tendresse et venin, parce qu’elle ne saurait plus discerner l’une de l’autre. Et cette fois ce fut Jay qui flaira le danger. Qu’elle avait assez médité cette nuit pour avoir assez de détermination en l’instant pour repousser la main qui lui tendait son morceau de saucisse. Peu importait qu’il aille voltiger dans un coin de la pièce ou qu’il finisse par le bouffer. Se leva avec la sensation d’être lourde, feignant l’assurance alors que ses jambes avaient envie de se dérober sous elle. « Mange et prépare-toi, on s’casse bientôt. » Qu’elle aboya presque, la mâchoire crispée quand elle lui tourna le dos pour rassembler quelques affaires et repartir dans la salle de bain, qu’elle prit soin de fermer au verrou. Cliquetis qui résonna tandis qu’elle fit couler l’eau de la douche, laissant tomber ses vêtements de la veille au sol et s’y glissant. Qu’avec le bruit de l’eau et les pensées qui tournoyaient dans son esprit inlassablement, se laissa peu à peu laisser. Laissa les larmes qui remontaient jusqu’à ses yeux, se confondant avec l’eau de la douche. Qu’elle espéra en finir rapidement avec ce séjour, qu’ils trouveront ce qu’ils étaient venus chercher pour retourner au quotidien d’il y avait seulement quelques jours. Avec quelques blessures en plus au palmarès. Et si ça lui f'sait mal à lui, c'était sûrement mieux comme ça. Qu'il ait assez mal pour ne pas avoir l'idée de continuer à la côtoyer. Lui faire assez mal pour qu'il s'éloigne. À quel prix, seulement ?

Coupa l’eau chaude pour ne laisser qu’un voile glacé la transir. Comme pour raffermir ses traits, pour rendre son expression plus froide. Parce qu’il fallait s’apprêter à devoir lutter, qu’il allait falloir être vigilante sur plusieurs fronts. Sur leurs recherches, sur Nox, sur elle-même.

Sortie de la salle de bain une fois habillée et apprêtée. Rangea ses affaires dans le sac en évitant soigneusement de le regarder. « Tu peux y aller. Je vais mettre la voiture en route. » Et fumer une putain de clope. Soigner un vice par un autre. C’était comme ça que les humains normaux agissaient, sans doute. Et autant dire que tout ce qui était normal allait l’aider à tenir. Conservait toujours cet éclat de glace dans la voix. Se devait de repousser ces espèces d’assauts qu’il relançait systématiquement, comme pour rester dans cet entre-deux qui allait manquer de lui coûter la vie. Si elle s’écoutait. Et il fallait qu’elle fasse taire cette petite voix dans sa tête. L’évita soigneusement du regard, concentrée sur chacune de ses actions quitte à ce que ça lui coûte une quantité absurde d’énergie. « Et tu as dormis quelques heures, tout au plus. » Porte qui claque légèrement derrière elle, ne prenant pas la peine de la refermer à la main, chargée de son propre sac.

Retrouva l’extérieur, l’air frais. Et ça lui fit du bien sur le moment, de se décharger de toute cette négativité cumulée à l’intérieur. Ouvrit le coffre et y jeta le sac sans vergogne, ce dernier butant contre le dossier de la banquette arrière. Immaturité qui la poussait à se venger sur des objets. Il fallait qu’elle se calme. Qu’elle respire. Inspira profondément, tira une clope de son paquet avant de la porter à ses lèvres. Tentée pendant un moment de l’abandonner là, dans l’hôtel, et de se tirer. Pouvait pas faire ça cependant, parce que ça ne lui ressemblerait pas. La question c’était plutôt de savoir ce qui lui ressemblait encore aujourd’hui.

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Re: far from home (nox)
Mar 16 Mar - 17:22

far from home

Plisse les yeux à sa petite blague, parce que pour le coup, ça ne l'amuse pas du tout. Serre les dents, Nox, pour s'empêcher de l'envoyer chier avec une pique bien pointue. Venge son humeur massacrante sur elle, seule cible accessible, et Nox ne sait bien faire que ça. Trouver un innocent et le déclarer coupable. Bien que pour le coup, elle n'est pas si innocente que ça, la petite, et il garde bien ça en tête pour garder la hargne à portée de main. Lui lance un regard lassé quand elle lui dit de pas avoir faim, à hausser les épaules puis à franchement se retrouver vexé quand le bout de saucisse traverse la pièce. Rétracte les babines, le regard meurtrier, à s'accrocher au sien, tout aussi glacial. Bien. Au moins, ils sont sur la même longueur d'ondes. Qu'est-ce qu'il s'imaginait ? Qu'ils se comporteraient comme un petit couple maintenant qu'ils avaient couché ensemble ? Maintenant qu'il avait voulu la dévorer et qu'elle l'avait dévoré un peu, elle ? Sûrement ça qu'il ne supporte pas, Nox, finalement. La fierté froissée d'avoir été une proie. Pas même un amant, une putain de proie. Hausse un sourcil à sa question, la bouche pleine quand son estomac manque déjà de tout rendre pourtant. Se force, parce qu'il sait que dans deux heures, il crèvera de faim sinon. « Si j'dors bien quand... ? Non, pas tellement. Mais au moins, j'deviens pas taré. » N'dort plus bien depuis... Peut même pas se souvenir depuis quand, d'ailleurs. Le ton autoritaire, qu'il essuie comme un gosse malmené, à rentrer les épaules pour s'empêcher de l'attraper directement à la gorge et de lui éclater le visage contre le montant du lit. Bien loin de la séduction de la veille, de sa décontraction, de sa légèreté. Se sent plus lourd et plus tendu que jamais, Nox. Putain, n'a-t-elle pas dit que ça durait douze heures ? Encore une belle exception pour lui, faut croire. Ou peut-être que ça fonctionnait comme ça sur les humains. Grimace, repousse le plateau. N'a plus du tout faim, pour le coup. Pour toute réponse, il lui adresse un regard assassin et un silence polaire. Se retrouve seul dans la pièce, seul avec ses démons, ses incertitudes, mais il repousse la peur et les questions. Repousse même cette envie sournoise de l'attirer à lui, et c'est bien pour ça qu'il cherche à la repousser le plus possible, à l'irriter.

Elle revient bien vite hanter son champ de vision et Nox n'a pas bougé, toujours sous la couverture couvrant son corps nu, le regard criminel. Les dents serrées qui ne laissent filtrer aucun mot, aucun son si ce n'est un léger grognement quand la porte se claque. Quelques heures, qu'elle a dit. Se sent engourdi comme s'il se réveillait d'une hibernation et en même temps, épuisé comme s'il n'avait pas dormi depuis des jours entiers. L'eau de la douche ne lui offre aucun soulagement, aucun réconfort. Allure robotique, le regard qui a perdu de son éclat féroce puisqu'il n'a plus besoin de maintenir le masque. Devant le miroir, il croise son regard dans le reflet et grimace lentement, écourtant cet affrontement désagréable, à croire qu'il avait muté avec un ours des cavernes avec sa barbe mal rasée, ses cheveux mouillés et ébouriffés, les cernes bleutées sous ses yeux trop pâles, et une trace de morsure à la base de sa nuque qui lui rappelait ô combien la nuit a été agitée. Sans un mot, il la rejoint dans la voiture une quinzaine de minutes plus tard. Masque recomposé, armure réenfilée. Sans un seul regard pour elle, comme elle avait si bien évité le sien avant de quitter la chambre, il fixe le pare-brise. « La prochaine ville est à huit kilomètres. C'est tout droit. » Plus un grognement qu'une indication calme, mais il tente d'être parfaitement neutre et indifférent. De ne pas se rappeler le parfum du gel douche, qu'il a connu à même sa peau hier soir, qu'elle a de nouveau sur elle. Comme si elle avait dû se laver de lui. Nox aussi, aimerait bien. Pouvoir se débarrasser de lui-même aussi simplement qu'en se foutant sous l'eau chaude.


deux jours plus tard

« J'suis sûr que ce sont des conneries. » La tête dans les épaules, cette foutue pluie qui est venue les rattraper au court de leur périple. S'est un peu détendu au fil des jours, comme si finalement, c'était pas si dur de faire semblant. La dernière porte à laquelle ils avaient frappé, une femme au visage tiré et aux cheveux visiblement décolorés chaque semaine depuis son plus jeune âge, leur avait assuré que Percy était passé par là. Qu'elle disait chercher une auberge de jeunesse. Se permet de bâiller en se frottant la barbe, Nox, à secouer ses cheveux gorgés d'eau comme le ferait un chien, maintenant qu'ils sont revenus à l'abri de la voiture. Plus personne n'a proposé de passer la nuit dans un hôtel et pourtant, de nouveau, Nox en a des courbatures partout. Trop vieux pour ces conneries. Dormir dans une bagnole, être sur la route tous les jours. Décidément plus pour lui, tout ça. T'en serais pas là si tu l'avais pas abandonnée. « Mais bon, comme on n'a pas d'autres infos... » Soupire. Sûr que la mégère leur a raconté ça pour se trouver intéressante à leurs yeux délavés. Observe la carte sur son téléphone, essayant de chercher sur l'écran cette auberge de jeunesse dont la folle dingue parlait. « C'est à 32 km, putain, elle se fout de notre gueule ! » Il hésite à envoyer son portable par la fenêtre, se retient de justesse, le geste déjà entamé. Calme-toi. Mais il n'y arrive plus. À se contenir, à garder un contrôle plus longtemps que quelques minutes, obligé presque de faire une pause nécessaire entre chaque porte frappée pour ne pas perdre les pédales devant la population normale et inutile. S'installe plus confortablement dans son siège. « Avant ça, y a une forêt, faut qu'on s'arrête. » Parce que Nox sait, que c'est à cause d'elle qu'il est dans cet état. Comme un drogué serait en manque, en proie à des crises de plus en plus fréquentes, de plus en plus violentes. La faim. Apparue au réveil un beau matin, la veille ou l'avant-veille, et à ne plus l'avoir quitté depuis. Sournoise et viscérale, à se montrer par à-coups déstabilisants. Pourtant, il s'était nourri pas même une semaine avant de partir. Donc ça ne faisait pas deux semaines.

À croire que l'étau s'espaçait. Persuadé que le fait de congeler sa bouffe lui faisait perdre de son utilité ; le faire tenir plus longtemps, qu'il entend par là. Et de la simple gêne au creux de l'estomac, c'est devenu une véritable obsession. A bien forcé la main à Jaimini pour la trainer acheter chaque jour un bon morceau de viande, quitte à le coincer cru entre deux tranches de pain, ça ne faisait pas le même effet. Mais Nox est frustré, profondément blessé de devoir agir ainsi. Contrairement à Asta, lui chasse, l'a toujours fait. Mais il a toujours enquêté avant, s'est toujours préparé, sauf quelques rares fois où ses calculs avaient été mauvais, où il avait été pris de court. Pour trouver un être qui avait un minimum à se reprocher. Pour chercher à se consoler, dire que ça faisait un con de moins sur terre. Sauf que là, il ne pouvait pas faire ça. N'pouvait pas enquêter dans le vide, loin de son bureau, loin d'avoir le temps de passer une journée ou deux à traquer sa cible, à s'assurer de son choix. À moins que... L'idée nait dans son esprit puis se consume presque aussi vite. Pourquoi l'aiderait-elle, encore plus que ce qu'elle ne fait déjà ? « C'est en train de me vriller le crâne, il faut... » Il tourne un regard bordé d'une légère appréhension vers elle, l'éclat assuré pourtant brillant bien en son creux. Elle comprendra de quoi il parle, n'est-ce pas ? Ne se sent presque pas gêné, comme elle sait tout. Presque. Reste une partie de lui assez pudique avec ça, malgré tout. « J'dois trouver quelqu'un. » Quelqu'un d'assez mauvais pour le bouffer. Grimace légèrement, maladroit, à venir abattre sa main sur son épaule tout en repoussant le courant électrique que ça fait naître immédiatement le long de ses muscles. « Faut que je prenne le temps pour ça. Sinon, j'vais pas pouvoir continuer. » Se rend compte qu'il lui en demande sans doute beaucoup, qu'il rétracte son mouvement et récupère sa main pour fixer de nouveau droit devant lui. « Au pire, tu peux me déposer et venir me récupérer demain. » Même si la durée était sans doute trop courte, c'est déjà mieux que rien. « Mais j'dois vraiment m'en occuper. » En parle comme d'un rendez-vous médical, comme d'une banalité. N'a pas clairement exprimé ce qu'il doit faire pourtant, à compter sur l'intelligence de sa partenaire pour le comprendre toute seule. Pourtant, il sait qu'il pourrait la repousser encore un peu. Plusieurs jours, peut-être même une semaine entière. L'a souvent fait, Nox, à parfaitement connaître ses limites, celles-là même qui se désarticulent au fil des mois pourtant. Il peut tenir, encore.
Mais pas en compagnie de quelqu'un sur qui il s'est déjà jeté.
Pas à côté d'une proie qu'il lui a refusé.
Et que la bête n'oubliera jamais.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Mar 16 Mar - 18:09

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Patientait, les bras croisés, qu’il termine de péter son câble. Ca revenait à avoir beaucoup de patience, et même si Jay avait reconstitué quelques ressources, elle n’était jamais loin de lâcher prise elle aussi. Se retenait encore de l’envoyer chier, qu’il ne faisait rien avancer à se plaindre comme un gamin mécontent. Moteur qui ronronnait calmement, à l’instar de sa voix qui grondait dans la voiture. Que la rouquine fixait le paysage au-dehors, humide, n’ayant jamais vraiment séché depuis cette nuit-là. À se mordiller l’intérieur de la joue. Lui répondait pourtant, mais seulement dans sa tête. S’ils avaient maintenu une distance soignée entre eux, elle l’avait assez à l'œil pour capter que ça allait moins bien, que ça allait de pire en pire avec ses nerfs. « Tu n’auras qu’à roupiller. On y va pas à pied de toute façon. » Seule phrase qui lui répondit concrètement, avant qu’elle ne configure le GPS de son téléphone pour l’adresse indiquée. Réglée comme un robot, s’étant elle-même conditionnée à ne faire aucune geste de travers. Aucun geste qu’elle pourrait regretter par la suite, ou qui pourrait la mettre dans l’inconfort d’une nouvelle situation inattendue. Remit la voiture sur la route, lui jeta un bref regard quand il parla de s’arrêter entre deux. Qu’elle aurait pu croire qu’il parlait d’autre chose, et qu’ça lui refila des frissons dérangeants dans la nuque. Mais non, et elle aurait presque pu s’en sentir soulagée si elle n’avait pas deviné ce à quoi il pensait. Qu’une partie d’elle est effarée quand l’autre, plus infime, comprenait. D’une certaine façon. Parce qu’elle n’en avait pas besoin pour vivre. Que lui, si, autrement deviendrait taré, comme il l’avait déjà évoqué. N’pensait pas que ça reviendrait si vite, cela dit. N’y connaissait rien aux mécanismes de son affection à lui. Considéra le fait qu’il l’avertisse quand même, alors qu’il pourrait juste avoir eu l’idée de la bouffer elle, la nuit pendant qu’elle dormait. Et que ça ne serait qu’une revanche légitime.

Son premier réflexe fut de penser au refus, sec et net. N’voulait pas avoir à enterrer un nouveau cadavre en parfaite petite complice, alors que bordel, ils étaient censés être ceux qui luttaient contre ça. Elle était belle, la police d’Exeter. À comporter deux monstruosité, l’une qui pouvait tuer à son propre insu, et l’autre qui y était contraint sans quoi il deviendrait dingue. Et encore, elle ne savait pas tout. Heureusement, peut-être. « Et comment tu comptes t’y prendre ? Trouver des randonneurs ? Des campeurs ? » Se coupa soudainement dans ses paroles, hallucinant de se mettre à parler comme ça. Comme si elle marchait déjà, comme si c’était normal. À presque oublié qu’ils avaient des plaques de flics, que c’était pas le bon ordre des choses. Qu’elle parlait comme une criminelle à son tour. T’as quel genre d’influence sur moi ? pensa-t-elle en serrant les dents. Sûrement que ça l’aurait amusé, de connaître le fond de sa pensée. Trouver un coupable alors que ça ne venait que de sa bouche à elle. Passa une nouvelle vitesse un peu abruptement, inspirant profondément. « Je sais pas quoi te dire, Nox. T’en as besoin alors… » Haussa les épaules, sans savoir comment lui répondre. À être encore plus paumée dans ces notions de bien et de mal, à s’dire que de toute façon, le monde n’avait jamais été blanc ou noir. Juste un milliers de gris qui se confondaient, fonçaient par endroit, blanchissaient à d’autres. Sans savoir se situer dans tout ça. La seule chose qu’elle savait, c’est qu’avec grande ironie, plus elle s’éloignait d’Exeter, puis elle se perdait. À croire que ce qu’elle était avant s’était finalement évaporé quelque part dans l’air. « J’vais rester dans la voiture. Mais j’t’attendrai, ça te va ? » Soupira imperceptiblement, à n’toujours pas croire ce quand quoi elle s’engageait, même si ça n’était qu’à moitié. Qu’elle pourrait presque les entendre se moquer encore une fois, au fond d’elle, à s’montrer si débile.

**

Repéra un chemin de terre le long de la nationale, qui s’enfonçait directement dans la forêt. Y engouffra la voiture, parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de juste rester le long de la route. Qu’il n’y avait aucun phare en vue à la nuit tombée. Inspira profondément. Si seulement ça pouvait lui donner plus d’assurance. Prit son propre téléphone et quelques instants plus tard, lui montra une cartographie des lieux, pointant du doigt les différents chemins. « Ok, tu vois ce chemin là ? Il traverse toute la forêt. Y’a peu de chances, mais peut-être qu’en mars des gens commencent à bivouaquer. » Dans une sorte d’état second, n’savait même plus ce qu’elle racontait, ne se rendait même plus compte de ce qu’elle faisait. De ce qu’elle l’aidait plus ou moins à faire, surtout. « Je t’envoie les coordonnées de la voiture sur ton portable. À l’aube, t’as intérêt d’être revenu. » Regretta d’avoir laissé une once d’inquiétude dans ses mots. Sans savoir comment rattraper ça. Bref, peu importait. Il avait sans doute d’autres desseins en tête à l’heure actuelle. « J’reste joignable, en cas de problème. » Mais ferme-la putain. Le but n’était pas d’lui montrer que tout ça ne lui plaisait pas. De toute façon, ils n’avaient pas le choix. Du moins, la nature de Nox ne leur laissait pas le choix.

And the truth is, I'd rather be blind

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Re: far from home (nox)
Mer 17 Mar - 10:31

far from home

Grommelle quelque chose d'inaudible dans sa barbe, le flic. Comme s'il allait pouvoir dormir, sincèrement. Aimerait bien, Nox. Trouver enfin ce repos tant désiré, à ne plus savoir si c'est pas lui-même qui le repousse, pour ne pas sombrer de nouveau dans ces limbes effrayantes, remplies de faciès et de sons inquiétants. Lui arrive souvent d'être confronté aux visages. De ceux qu'il a tué. De ceux qu'il tuera bientôt. Repense au dernier rêve, celui qui ressemblait le plus à ceux qu'il faisait, avant. Avant la bête. Car elle lui a aussi prit ça, cette capacité, son don. Mais là, ç'avait l'air si clair. Le visage de Nora qui le pousse à respecter sa promesse. Puis celui de Jaimini... Sur la route, en silence, il lui coule quelques regards en biais. Est-ce qu'elle va lui demander de tuer, elle aussi ? Est-ce qu'elles font toutes ça, est-ce qu'on ne voit que ça, en lui ? Un être capable de tuer sur demande. Aurait dû être tueur à gages, à c'point, quand bien même il n'a encore tué personne, il sait déjà qu'il accepterait pourtant. Pourquoi ? Pour quelle raison, exactement ? Parce qu'elle sait le monstre qu'il est et qu'elle semble l'accepter ? Est-ce que c'est pour ça qu'il a accepté, avec Nora, aussi ? Serre un peu les dents, ses pensées toujours plus coriaces l'accompagnant comme un fidèle partenaire, le long de la route qui défile sous ses yeux qui ne la voient pas vraiment. Pourquoi ? S'est souvent demandé. Est-ce que c'est l'attachement ? Son désir de protection percuté à l'extrême, quand il est le premier à dire qu'il n'est là pour protéger personne ? Sait très bien pourtant le sursaut qu'il a ressenti à l'intérieur quand elle s'est pointée dans cet état chez lui. Et si demain, il arrivait la même chose à Jay, est-ce que ça le ferait vriller de la même sorte aussi ? Sûrement. Bien ce qui l'emmerde, d'ailleurs. N'veut être là pour personne.

C'est la voix de sa coéquipière qui le tire de ses songes éveillés et il tourne lentement la tête vers elle, le crâne appuyé contre l'appuie-tête. Il prend son temps pour lui répondre. Pourquoi les mots semblent si acceptables entre ses lèvres ? « Normalement, j'enquête. Je trouve quelqu'un qui... n'est pas tout blanc. » Mais là, il se sent pressé par l'urgence, comme s'il allait mourir le lendemain. Souvent ce qu'elle lui fait ressentir, la faim. La crainte de devenir cinglé, comme ça a failli lui arriver, une fois, quand il s'était fermement opposé à elle. Il sent sa mâchoire se contracter de nouveau. « Ouais, j'en ai besoin. Sinon... » Soupire, ne finit pas sa phrase. Elle ne sait que le plus important ; qu'il deviendrait taré. Animal, vraiment. Ignore pour les cornes qui pousseraient au sommet de son crâne. Ignore qu'il ne ressemblerait même pas à un loup, mais à un monstre, un vrai. Celui que décrivent les livres, à coup sûr. Qu'il n'aurait plus rien d'humain, pas même un gramme d'humanité dans ses veines. Et ce risque, il ne peut pas le prendre. Tout comme il a prié Maluum de ne pas l'éliminer avant que lui ait pu mener à bien sa mission. Sauver Nora. Après, peut-être, qu'il se rendra. S'abandonnera. Repense à son rêve tordu. Empreint d'un sens qu'il ne veut pas saisir. Et si elle n'était pas la seule qu'il devait sauver ? Et si ça rachèterait le fait qu'il n'ait pas pu sauver sa fille ? Il hoche simplement la tête, appréciant son comportement sans le lui dire. N'aurait certainement pas eu la force ni la patience d'affronter un comportement récalcitrant, de subir un affront. Maintenant qu'il l'a amenée sur cette piste, il ne pense plus qu'à ça et ça en devient douloureux, sous l'armure. La faim qui se tord comme un boa constrictor, prête à lui enserrer chaque organe un à un jusqu'à l'étouffer complètement. Essaie de repousser la sensation de la chair sous ses incisives, du craquement sinistre qu'ont les os lorsqu'ils se brisent.

La voiture finit par s'arrêter. Empreint d'une pudeur qu'il n'a pas l'habitude de ressentir, Nox sent la culpabilité l'envahir. Comme s'il l'entraînait dans son sillage. Comme s'il la rendait coupable car témoin. Il soupire, nerveux, agrippant son arme de service à la hanche. Dans la boîte à gant, il récupère son silencieux, pour le fixer dessus. Pour être plus discret. Pourtant, il sait que ça ne lui servira pas. Ne bute pas les proies à l'arme à feu, Nox. Quand la bête est là, plus besoin de ces armes superficielles inventées par l'homme. Mais peut-être que cette image passera mieux dans la tête de Jaimini, si elle se l'imagine ainsi. Il évite de la regarder, mal à l'aise. Et pour contrebalancer, toujours, qu'il ose un sourire malicieux. « J'rêve ou tu t'inquiètes pour moi ? » qu'il relève, en osant enfin intercepter ses yeux des siens. C'est pas pour moi que tu dois t'inquiéter. Il hésite un instant, enfouit son portable dans la poche de son jeans. « J'reste joignable aussi, tu m'appelles si y a quoi que ce soit, ok ? » Frustré de se rendre compte que l'abandonner au beau milieu d'une forêt isolée à la nuit tombée ne l'enchante pas. S'imagine déjà la retrouver éventrée. Et si d'autres créatures que lui hantaient ces bois ? N'a pas pu maîtriser lui non plus l'inquiétude perçante dans sa voix. Peu importe. L'a dit presque que pour la forme, en plus. Pas sûr, selon l'état dans lequel il se trouve, qu'il pourra répondre et encore moins intervenir en cas de problème. Sa gorge qui enfle lentement, quand il se débarrasse de sa veste et l'abandonne sur son siège. Attrape une paire de gants, l'enfouit dans sa poche. Quand il ouvre la portière, l'air nocturne du printemps pas encore arrivé le fait frémir. Mais bientôt, il ne le sentira plus, il le sait. Son t-shirt s'agite légèrement sous le vent glacé qui secoue les arbres comme pour leur donner vie. Il lui adresse un dernier regard, comme hésitant. Il a envie de l'embrasser. Se contente de murmurer un « Merci, Jay, » à peine audible avant de claquer la portière et de disparaître au milieu des bois.

* * *

Il vérifie l'heure. Presque quatre heures du matin. Il attend, assis sur un rocher, la voiture en visio, tapi au couvert des arbres. Il attend que ses iris retrouvent leur forme initiale, à vérifier toutes les cinq minutes sur l'écran verrouillé de son portable. Attend que l'animal se calme, repu. C'était une femme, cette fois. Et c'est si rare que ça tient presque de l'exception. Repousse le haut-le-coeur devant son regard imprimé à jamais dans son crâne. Elle était si délicieuse. Lui a subtilisé son téléphone pendant qu'elle dormait d'un sommeil profond. Doigts agiles malgré la bête réveillée, le regard trouble qui avait réussi à imaginer sa vie en quelques bribes soutirées de son appareil. Un fils qui lui avait tourné le dos pour la rayer de sa vie, qui semblait lui reprocher beaucoup d'actes de quand il était môme, selon les messages. Pas de mari - ou plus, Nox n'a pas su déterminer si elle avait été divorcée ou veuve. Pas une criminelle à proprement parlé, juste une âme esseulée et qui, se conforte-t-il, ne manquerait certainement à personne. Peut-être que son fils, déjà adulte et avec ses propres gamins qu'il refusait de céder à leur grand-mère, s'en voudrait d'avoir coupé les ponts. Peut-être qu'il serait soulagé de sa disparition, n'aurait plus à ignorer ses appels incessants. Préfère se dire ça, Nox. C'est à presque quatre heures qu'il revient vers la voiture. Du dehors, il ne parvient pas à voir à l'intérieur si elle dort ou non. Devant la portière passager, il retire son t-shirt, grelottant de froid. Pour qu'elle n'ait pas à affronter le sang qui le tache. Le roule en boule, essayant presque de le faire disparaître. Il ouvre la portière un peu nerveusement, transi de froid, sans lui jeter un seul regard d'abord. Récupère sa veste, qu'il enfile sur son torse nu, la remontant jusqu'en haut de sa fermeture éclair. Fixe le pare-brise, Nox, le souffle haché par ses dents qui claquent et qu'il tente pourtant de calmer. Se sent bien plus apaisé, pourtant. N'a quasiment rien pu laisser. D'où lui vient cette faim dévorante, immense, si imposante ? Ces derniers mois, il avait réussi à faire d'une victime trois repas - et donc, tenir trois mois avec une seule. S'dit qu'il ne pouvait de toute façon pas vraiment laisser des traces, pas vraiment prendre à emporter ce qu'il n'aurait pas voulu dévorer. L'a donc consommée toute entière, la mégère. A même envoyé un message au fils, de son téléphone. Lui expliquer que la vie n'avait plus de sens, que la rivière l'accueillerait dans son dernier voyage. Là qu'il avait balancé les ossements. Comme celle d'Exeter, qui traversait la forêt immense en multiples bras. Si un jour elle était fouillée par des plongeurs, y trouveraient bon nombre d'indices, de corps à recomposer. Il attrape une bouteille d'eau, se rince la bouche, crache au dehors par la portière encore entrouverte qu'il referme un peu moins doucement qu'il l'aurait voulu.

La main tremblante comme un pantin désarticulé, il trouve son paquet de clope, abandonné au sol à ses pieds et s'en allume une. Il n'ouvre pas la fenêtre, préférant se réchauffer d'abord. Fume lentement, les yeux clos, la tête appuyée conter le siège. Ce soir, peut-être pourra-t-il dormir un peu. Dormir, vraiment. A soudainement envie de boire, beaucoup, pour oublier le regard qu'elle avait eu lorsqu'il avait enfoncé ses dents sous sa gorge, pour la tuer le plus vite possible. Il a laissé ses affaires de camping telles qu'elles, pour continuer à faire croire au suicide. Avait même trouvé quelques boîtes de somnifères, en avait vidé une plaquette, placé la preuve sur le sac de couchage. Mais il avait gardé les pilules dans la poche arrière de son jeans. Et c'est quand il discerne un peu de mouvement sur le siège conducteur qu'il tourne lentement la tête vers elle, à ne pas savoir si ses yeux sont clos et qu'elle dort ou si elle l'observe, parfaitement éveillée. « J'ai de quoi nous faire dormir un peu, » qu'il chuchote doucement, cherchant son regard dans la nuit tenace, loin des réverbères, loin de la lune camouflée par les arbres trop nombreux.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Mer 17 Mar - 15:08

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Comprit, quand il détailla le genre de victimes qu’il avait l’habitude de sélectionner, qu’ils n’avaient rien à voir avec celles dont il allait se nourrir cette nuit - s’il en trouvait. Comprit aussi qu’il les sélectionnait, et si ça pouvait presque s’apparenter à un mec lambda qui réfléchissait à ce qu’il y avait de mieux sur la carte d’un restaurant, il ne les choisissait pas n’importe comment. Pas d’habitude. Que la situation le poussait à enfreindre ce qu’elle devinait être comme un principe. Il se mura peu à peu dans le silence, réduisant la conversation à l’essentiel. « J'rêve ou tu t'inquiètes pour moi ? » Fronça le nez une seconde. « Te fait pas d’idées. » Qu’elle asséna, seul moyen pour elle de se rattraper en l’instant. Mais ouais, elle était morte d’inquiétude, au fond d’elle. Et c’était bien là le pire. Elle s’inquiétait davantage pour Nox que pour celui ou celle qu’il allait dévorer, cette nuit. C’était dire à quel point son esprit à elle devait dérailler. Qu’elle inspirait un peu trop son parfum, malgré elle, pendant leurs périples en voiture. Que ça finissait par faire dérailler quelque chose en elle, à l’échelle de sa raison. Mais rien n’était normal depuis des jours, alors Jay n’avait aucun point de repère auquel s’accrocher. À part lui. Sans savoir que ça signera sûrement sa propre perte, un jour ou l’autre.

Elle demeura en suspend quand il la remercia, avec l’envie féroce de l’envoyer chier avant qu’il ne disparaisse. Mais trop tard, il avait déjà claqué la porte. Injures mentales qui ne passeront pas la barrière de ses lèvres. Parce qu’il croyait qu’elle l’amenait ici de gaieté de cœur ? Qu’elle était absolument sereine à l’idée de savoir qu’à quelques centaines de mètres, quelques kilomètres peut-être - quelle distance pouvait-il parcourir quand il avait la faim aux tripes - allait se jouer un meurtre sanglant ? Qu’on parlait de cannibalisme - quoique, de quoi on parlait vraiment dans ces cas-là ? N’savait pas, Jay, sauf quand les corps se frôlaient vraiment, ce que ça signifiait que d’avoir faim comme ça. Elle le vit disparaître lentement mais sûrement dans la forêt, comme englouti par les branches basses et les buissons. Déglutit difficilement, la rouquine, songeant qu’elle voyait en direct le prédateur se fondre dans la masse, dans son territoire. Son terrain de chasse. Demeura dans la voiture, pour sa part, à l’abri du froid, pas à l’abri de ses tourments qui revenaient l’assaillir. Que les minutes se mirent à défiler, les heures peut-être, sans qu’elle ne sache vraiment quantifier le temps. Se prit à penser qu’ils étaient de deux mondes différents et probablement trop éloignés pour entrer en collision, à laisser ses yeux se perdre sur cette forêt comme si il allait en surgir d’un seul coup. En réalité, ce qui lui faisait le plus peur était qu’il n’en surgisse plus jamais.

Et les pensées décousues continuèrent de s’infuser dans l’esprit. Seule, Jay partait souvent trop loin, réfléchissait trop vite et souvent pas très bien. Forêt qui hantait son regard vitreux, même sous les paupières. Quand son terrain de chasse, à elle - et la pensée la fit frissonner - s’apparentait davantage à un bar à vieux néons, à la musique qui assourdissait et rendait abruti. Que là où elle, repérait ses proies, c’était souvent au bar, quelques fois en boîte de nuit - bien qu’elle détestait les fréquenter. Là où elle se parait des atours séducteur pour entrer, et que la créature fondait dans l’humaine, se distillait dans ses veines. Là où les chiottes avaient toujours trop de crasse à récurer, elle se retrouvait coincée entre un robinet et une cuvette, à vampiriser celui ou celle qui aura eu le malheur de boire le verre de trop. Revoyait, spectatrice, les iris sombres dévorer à l’instar des frictions corporelles qui s’intensifiaient. Qu'à chaque aller-retour s'approchait le point de non retour. Qu’elle les sentait devenir peu à peu des poupées de chiffons entre ses doigts. Se souvenait de la sensation grisante que ça lui procurait à chaque fois. Égoïste qui se vengeait de ses peines de cœur en laissant presque morts le corps des autres. Et ça n’avait jamais vraiment le même goût à vrai dire, si on pouvait parler de goût, quand elle aspirait des inconnus ou des personnages plus familiers. Ceux, plus polis, qui faisaient la conversation, espoir vains qu’ils avaient de peut-être rencontrer une fille à la fois sympathique et bien gaulée avant de la consommer comme une boisson commandée. Fille facile, comme ça qu’ils devaient la voir, pour les plus habitués à la rencontrer du regard dans ce genre d’endroits. Les discothèques sous terres, un peu plus proches de l’enfer. Qu’il ne devait rester dans leur esprit qu’un souvenir vague, que ça devait sûrement être l’alcool dans les veines qui les avait soudainement rendus impuissants, doutes qu’elle retrouvait toujours dans leur regard perdu avant de quitter son repère. L’alcool avait bon dos, quand elle ne laissait dans son sillage que les cendres du malin.

**

Se réveilla soudainement, sans savoir depuis combien de temps elle s’était assoupie. Balaya le paysage depuis l’intérieur de la voiture, la forêt plus noire que jamais. Sonda son téléphone, qui lui indiquait un peu moins de trois heures du matin. Aucune trace de Nox, qui fut sa première préoccupation. La nuit avait encore de belles heures devant elle avant qu’il ne doive réapparaître, petit contrat tacite qu’elle avait imposé, qu’il n’avait pas ratifié pour autant. Aucune notification sur son téléphone non plus. Décida de s’allumer une clope pour calmer l’adrénaline qui fusait dans ses veines. Avait retrouvé ses besoins d’humaines, n’était plus que Jay et plus l’infâme bête. N’était plus celle qui troquait ses baskets d’humaines pour les talons aiguilles de la succube. Mouvement qui attira ses yeux vers les fourrées. « Nox ? » Ne put-elle s’empêcher de dire. Pourtant aucune fenêtre n’était ouverte, et elle parlait dans le vide. Ouvrit la portière en se disant que de toute façon, il devait faire aussi froid dans la voiture que dehors. Supplément vent glacial, une fois la silhouette extirpée du véhicule. « Nox, c’est toi ? C’est pas drôle, au cas où t’aurais pas remarqué. » Parlait toujours dans le vide, suspendue dans l’attente d’une réponse, d’un nouveau bruit. Se retourna histoire d’anticiper un éventuel effet de surprise de mauvais goût. Et ça bruisse encore, quelque part au-devant. N’osa s’avancer que de quelques pas, sans pénétrer dans la forêt. T’es vraiment qu’une flippette, Jay. qu’elle pensa avant de retourner vers la voiture. La forêt se tut finalement, seul le murmure de la brise dans les feuilles troublait le silence. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Ca ne devait être qu’un animal qui passait par là, et elle l’avait effrayé en s’approchant. Voilà tout. Claque la portière, trouvant un second pull dans son sac ramené sur la banquette arrière. S'emmitoufla comme elle le put, quêtant un peu de chaleur. Repensa avec amertume à cette nuit d’hôtel, où elle n’avait pas froid quand il la serrait lui contre et que… Ta gueule.

Elle ne parvint pas à vraiment retrouver le sommeil, se contentant de somnoler vaguement, prisonnière des pensées tortueuses. Avachie dans le siège qu’elle avait penché vers l’arrière, comme ils le faisaient à chaque fois qu’ils dormaient dans la voiture. Ignorait toujours les courbature qu’elle avait dans les jambes et les épaules. C’était toujours mieux que de se retrouver encore en mauvaise posture. L’aube vint finalement, et sans que Jay ne consulte son téléphone, le vit s’approcher de la voiture, avec des yeux brouillés, l’esprit encore ailleurs. Il revint dans la voiture, dépêtré du haut qu’il portait la veille. L’observait silencieusement, à sentir dans l’air comme une forme de tension latente, sans l’identifier vraiment. Elle devait encore se faire des films. Puis il lui montra plusieurs cachets dans la paume de sa main. Ouvrit un peu plus grand les yeux, à contempler les petites pilules. « Somnifères et anti-dépresseurs. » Qu’elle sortit d’un seul coup. Les reconnaissait entre mille, ce genre de médocs qu’on lui mettait au fond du gosiers les soirs où ça allait le plus mal, en cure. Tous ces soirs où elle se cognait la tête trop fort contre les murs à cause du manque. Et que ces imbéciles, ne faisaient que lui donner une autre drogue qui l’envoyait planer encore ailleurs. Elle était belle, la gosse de 17 piges avec ses points de suture sur le front tous les quatre matins. Les fixaient, tentée, se dit qu’elle en aurait bien besoin. D’un petit trip comme au bon vieux temps. L’en était détachée, pourtant, elle avait été plus forte que ça. Tu parles, lâcher la drogue pour l’alcool, la clope et le sexe. Autant écouter un morceau de rock sans batteur. Et elle était un peu trop clean depuis un peu trop longtemps, d’ailleurs. Peut-être pour ça qu’elle se sentait autant à fleur de peau depuis des jours. Que la bière, c’était qu’un amuse-bouche de petite frappe à côté. « Faut qu’on bouge, avant. » Déclara-t-elle avant de se redresser péniblement, les membres ankylosés par le manque de confort des sièges. Redressa ce dernier, fit démarrer la voiture avant de les faire sortir de cette maudite forêt. Reprit la nationale, fusant au travers des arbres. Avait le cœur fatigué, Jay, comme si c’était elle qui était partie arpenter la forêt cette nuit. « Si t’en veux, prends-en. » Comme si elle-même, n’en crevait pas d’envie. Avait envie d’exploser, Jay, à serrer le volant entre ses phalanges. Qu’il y avait trop de démons qui lui couraient constamment après. Et elle était loin du compte. Que ça lui brûlait les veines que d’en prendre quelques uns, enjouée à l’idée que ça lui fera rapidement effet comme elle n’en avait pas pris depuis un peu trop longtemps. Rattrapée si facilement par les fantômes d’un passé qu’elle pensait enterré. S’alluma une nouvelle clope. Contrer le mal par le mal. Ne posa pas de questions sur cette nuit, sûrement n’avait-il pas envie d’en parler non plus de toute façon. Nox, c’était un peu le condensé de toutes ces peurs et de tous ces désirs en même temps, les meilleurs comme les pires. Qu’il lui donnait l’impression de lui tendre ses pires vices devant le nez. Abandonne qu’il semblait toujours lui susurrer à l’oreille. Elle l’avait pourtant bien digéré, cette partie de lui. Sûrement qu’elle en gardera toujours une infime partie. Celle qui avait trop d’égo pour se laisser crever dans ses entrailles.

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Re: far from home (nox)
Mer 17 Mar - 22:15

far from home

Sourire qui illumine presque la nuit sombre. Elle ne dort pas. Nox n'sait pas vraiment s'il s'en retrouve soulagé ou s'il devrait se sentir coupable. Est-ce qu'elle a veillé toute la nuit ? Bien son genre, à la Crowley, mais il ne lui posera pas la question. Affronter la réponse ne le tente pas tellement. Alors, il lui présente son petit butin du soir, comme si ça pouvait compenser l'arrêt forcé, sans pouvoir réprimer un rire bref. « Eh bien. Madame est une experte, on dirait. » Sa voix ne comporte pourtant aucun jugement. Même si c'est l'cas, mal placé pour juger, Griffin. En utilise depuis quelques mois, pour compenser. Pour essayer de trouver un repos, aussi maigre soit-il, aussi agité soit-il. Il fronce les sourcils pourtant à la voir redémarrer la voiture. « Pourquoi ? On peut dormir là, on est tranqu- » Phrase coupée par la voiture déjà engagée. Profond soupir, à replier ses doigts sur son maigre trésor, le regard déjà rembruni. L'impression qu'elle cherche à fuir - mais quoi, il ne le sait pas. N'ont pas de train à prendre, ni d'avion, ni pas franchement d'urgence, en fait. Une mission, certes, mais de là à devoir rouler même de nuit, il la trouve franchement excessive. Retient pourtant le venin entre ses dents, à s'dire qu'il lui en a assez demandé pour aujourd'hui. N'répond pas tout de suite, le silence qui s'étire lentement après ses mots. Les traits du visages plus détendus que dans la soirée, pas franchement pour autant qu'on le trouverait de bonne humeur. Ou plutôt qu'il a essayé, qu'il s'est retrouvé bien rembarré, comme un gosse à qui on fait la morale. Et Nox, il déteste ça. Pas la première qui le fait pourtant, la spécialité de Nora, aussi. Qu'est-ce qu'elles ont toutes, ces gamines, à venir lui apprendre la vie ? À croire qu'elles ont toujours tout vu, tout vécu ? Extrapole un peu trop, un peu beaucoup même sûrement, et se contente donc de soupirer. « J'les prendrai quand on s'arrêtera. » Parce qu'il va bien la forcer à l'arrêt. Qu'ils ne sont pas surhumains, et qu'ça sert à rien de rouler toute la nuit pour se retrouver complètement explosés le lendemain matin.

L'estomac rempli, Nox laisse ses pensées l'envahir lentement au gré de la route retrouvée sous les roues. Lève mollement le bras vers un panneau. « On n'a qu'à s'arrêter sur l'aire de repos, là. » Sent bien la tension dans l'habitacle et pour une fois, Nox est sûr que ça ne vient pas de lui. Se sent bien, là, détendu. Repu. Essaie de ne pas repenser au visage de la femme. À son regard, quand elle a compris. Toujours le même, chez tout le monde. Quand la conscience percute que la mort les attend. Qu'il est trop tard, qu'ils ne peuvent rien faire, qu'ils vont mourir, là, maintenant. Souvent même pas le temps de comprendre comment ni pourquoi. Nox s'est toujours juré de tuer ses proies directement. Il sait, que certains les savourent. Prennent un plaisir cruel à les dépecer. Le sait, Nox, parce que des cadavres dans cet état, il en a souvent ramassé. Dont le dernier, avec Jaimini. Des animaux plus que des hommes. À presque vouloir se rassurer. Se dire qu'il restait peut-être une partie d'humanité en lui, dans son mode opératoire. Alors, il repousse les images d'y a même pas une heure en arrière, les sensations, cette chaleur douce quand la faim se retrouve apaisée. Les repousse sans pour autant pouvoir les supprimer totalement, parce qu'il sait bien, que sommeil ou pas, que somnifères ou pas, elles viendront de toute façon le hanter. Jusqu'à finalement se flouter au gré des jours, se mélanger avec les autres visages dans un purin infâme où il reconnaissait parfois un oeil, une bouche, un mot. Et ils se composent pour former qu'un géant immense, l'assommant de son ombre difforme, composé de chaque partie de ses proies passées, parfois futures, pour lever vers le ciel sa masse monstrueuse, lui jeter au visage toutes les injures que son silence pouvait cruellement sous-entendre. Et, parfois, au détour de nuits sans lune ni étoiles, ce géant, Nox peut l'entendre pleurer.

Il comate un peu, bercé par les mouvements réguliers de la voiture. Il lui semble que celle-ci a ralenti, pourtant, sans savoir si elle a pris la sortie indiquée ou une plus loin. Les cernes sous ses yeux qui semblent éteints, le visage surprenant d'une accalmie au milieu des tempêtes, Nox allume une clope, comme s'il voulait lutter contre le sommeil. Au moins tant qu'il ne s'assurait pas qu'elle allait se reposer, elle aussi. Tire dessus, s'aperçoit toujours avoir le poing fermé sur les pilules. Et quand la voiture s'arrête définitivement, il étire ses jambes du mieux qu'il le peut et abaisse le dossier de son siège. Ramène un pull choppé à l'arrière pour se couvrir avec, sa peau nue sous sa veste tressaillant encore de la morsure passée du froid. « T'es sûre que t'en veux pas ? » qu'il demande, presque las, à finalement abandonner le projet de n'en prendre que si elle le fait aussi. S'en fout, qu'elle le surprenne à comater, finalement. A trop besoin de dormir, de dormir vraiment, à ne même plus vraiment savoir ce que ça signifie. « J'vais pas te juger, hein. » Et me juge pas non plus. Bien à des kilomètres de s'inquiéter de ça, Nox, réellement. Peut bien le traiter de ce qu'elle veut, de toute façon. Tend la main vers elle, le regard perçant dans la pénombre, l'habitacle encore seulement éclairé par la faible lumière au milieu, qui clignote un peu. Ou peut-être est-il réellement assommé de fatigue. Pourtant, il sait qu'il ne pourra pas dormir juste comme ça. « Dis-moi juste lesquels sont les somnifères. Les autres, pas besoin. » qu'il dit, qu'il avance, comme s'il s'y connaissait comme un expert. Lui lance un regard sans équivoque. Comme pour l'intimer fermement au repos, elle aussi. N'continue pas en la sentant dans cet état, comme proche du point de rupture, sans savoir si c'est de fatigue ou d'autre chose. Et ça s'incruste un instant, dans son esprit. Et si c'était la faim ? Essuie un frisson. Presque indicible. Presque invisible. Presque. Secoue sa paume devant elle, son minois trouvant même la force d'esquisser un demi-sourire, comme pour se réconcilier d'une guerre qu'il ne se souvient plus de quand ils l'ont commencé.

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Re: far from home (nox)
Jeu 18 Mar - 13:39

far from home
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Nouvelle envie de l’envoyer chier quand il lui rappelle que c’est une experte en la matière. Tristement connaisseuse, oui. Il ferma finalement son clapet quand elle remit la voiture en route, et Jay crut qu’elle pourrait enfin avoir la paix. Il était sûr d’être flic ? Ou c’était elle qui était trop parano peut-être ? À se dire que les flics du coin ne tarderaient pas à arriver, à retrouver ce qu’il restait du corps. Sans savoir à quel point il avait maquillé la scène. Peut-être que les flics étaient plus à même de penser à ce genre de détails. Habitués à décortiquer les scènes de crimes, savaient comment brouiller les pistes. Ne releva pas ses propres pensées cela dit, au risque que ça ne déclenche une nouvelle dispute. Et elle ne savait pas si elle aurait les nerfs pour la tenir, celle-ci. Alors elle s’abstint. Dans la retenue, une nouvelle fois. Ne serait-ce que pendant un petit quart d’heure, elle voulait la paix, histoire qu’elle parvienne à reprendre un minimum le contrôle sur ses pensées, sur le tourbillon de rage qui lui assaillait les tripes. Ne s’était pas sentie aussi tendue depuis un moment, sans savoir si c’était le contre-coup de cette nuit d’inquiétude ou si c’était seulement la présence de ces pilules au creux de sa paume qui la faisait vriller. Elle eut la paix, oui, mais pas pendant très longtemps. Un peu moins de dix minutes après avoir repris la route, le voilà qui insistait pour qu’ils s’arrêtent. Avait cette impression qu’ils ne faisaient que ça, s’arrêter. Et que chaque pause était synonyme de nouvelles cicatrices pour elle. Que la dernière fois qu’ils avaient pris une vraie pause, ça avait complètement déraillé, que ça avait failli être la dernière. Leur petit arrêt nocturne dans les bois ne comptait pas, à ses yeux. Parce que ça n’avait rien eu de reposant. À bien y réfléchir, rien n’était reposant dans ce voyage. Même dormir devenait aussi éreintant que de maintenir les paupières ouvertes. Juste pour le contredire, juste pour ne pas l’écouter, elle ne s’arrêta pas là où il l’indiqua. Ne se sentait pas assez calme pour ça. Alors qu’elle ferait mieux de s’arrêter, justement. Il ne disait rien, peut-être même qu’il s’était assoupi, enfin. Prit alors une voie de sortie, celle quelques kilomètres après celle de base.

Aire de repos fort pourrie. Juste un ou deux camions qui s’étaient établis pour se reposer pendant la nuit, qui ne tarderont sans doute pas à repartir pour une nouvelle journée de travail sur l'asphalte. Il dut se réveiller au même moment, parce qu’il se remit à parler. Remettant les pilules sur le tapis. Comme si elle les avait oubliées. Comme si lui-même pouvait savoir. Alors qu’il ne savait rien, absolument rien, faisant cogner cette pensée assez fort contre sa propre boîte crânienne histoire que ça rentre une bonne fois pour toute. Qu’ils ne sont rien l’un pour l’autre. Mais elle cède, quand il lui dit de juste lui indiquer les somnifères. Elle tendit ses doigts vers la main ouverte, et prélève les pilules servant d’anti-dépresseurs. Subtilise aussi une pilule de somnifères. Déjà, parce qu’il ne pouvait pas tout prendre en une fois sans risques, et parce que l’idée de faire son petit mélange lui trottait gaiement en tête. Ne savait pas de quoi elle avait l’air, les cheveux décoiffés par l’appui-tête pendant la nuit, peut-être que des cernes creusaient le dessous de ses yeux. N’avait pas envie de vérifier dans le miroir du pare-soleil, de toute façon. N’avait pas envie de croiser son propre regard depuis des jours, incapable de se regarder en face. De peur d’y croiser ce qu’elle avait de pire, sûrement. « Pour dormir, ça devrait suffire. » Qu’elle dit enfin après avoir fait son petit prélèvement, en parlant de ce qu’il lui restait à lui. Acquiesça brièvement, comme pour lui dire qu’il pouvait y aller. Après l’avoir brièvement prévenu, elle sortir de la voiture, se dirigeant vers le petit bâtiment qui devait servir de sanitaires pour les routiers et voyageurs de passage. Le genre de chiottes peu entretenues. Mais Jay n’était pas là pour ça. Elle trouva un distributeur et acheta une bouteille d’eau avec les quelques pièces qui traînaient dans le fond de sa poche. Sentit la carte de visite sur son passage, à se dire qu’elle aurait bien besoin d’un vrai remontant en ce moment. Et c’était pas ce genre de distributeurs qui allaient servir de la bière. Même en canette, ça aurait fait l’affaire. Ouvrit la bouteille du bout des doigts, avant d’engouffrer les pilules au fond de sa gorge, sans plus de cérémonies. Avala une gorgée d’eau pour faire passer le tout. Comme au bon vieux temps. À se cacher à moitié pour prendre ses petits bijoux artificiels. Revint quelques minutes plus tard, attendait déjà les effets comme une gamine attend d’aller ouvrir ses cadeaux sous le sapin. Ne savait pas si Nox avait déjà prit les siennes, mais lui tendit la bouteille d’eau. « Bonne nuit. »  qu’elle souffla finalement, en haussant les épaules. Savait qu’il y avait de quoi faire pioncer quiconque pendant plusieurs heures. Lui qui s’plaignait qu’ils n’avançaient pas, le voilà qui priait presque pour qu’ils se laissent dormir au beau milieu d’une aire de repos de merde. Chercha pas plus loin, il n’y avait plus aucune logique.

Jay elle, recolla son dos contre le dossier de son siège. Qu’elle haïssait à force de s’y esquinter les omoplates. Foutue bagnole qui l’insupportait à mesure qu’elle y montait et en descendait. N’savait pas en combien de temps ça ferait effet, et peut-être que ça faisait déjà plusieurs poignées de minutes qu’ils attendaient là. Quoiqu’il en soit, elle ne se rendrait qu’à peine compte qu’elle glissait, presque assommée au sens propre par les médocs. Se sentait misérable, tout d’un coup, mais n’eut pas vraiment le temps d’y penser que déjà, elle sombrait. Qu’elle ne rouvrira les yeux que quelques minutes, quelques heures plus tard.

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Re: far from home (nox)
Jeu 18 Mar - 20:25

far from home

Enfin, elle tend le bras vers lui. Nox ne sait pas s'il doit s'en rassurer ou se contracter. Alors, il ne bouge pas. La laisse faire le tri, remarquant bien qu'elle en prélève au passage, ne lui laissant visiblement que ce qui suffit pour dormir. Plisse un peu ses yeux tout aussi cernés que les siens, avec un sourire en coin, prêt à lui demander ce que les autres suffiront à faire, mais elle s'est déjà enfuie. Il s'enfonce un peu plus dans son siège. S'installe presque pour la nuit, qu'on dirait, le crâne qui s'appuie contre le siège comme si celui-ci, à force, en avait pris la forme. Il a l'impression qu'ils sont sur la route depuis une vie entière. À la recherche d'un fantôme, à presque douter de l'existence de sa fille, par moment. Qu'est-ce qu'ils trouveront, dans cette auberge de jeunesse ? Rien, qu'ça lui crache violemment dans son crâne. Il ferme les yeux lentement, se laisse bercer par le silence seulement entrecoupé par les quelques voitures qui filent sur l'autoroute, en bordure de là où ils se sont arrêtés. Comme une berceuse, régulière, constante. Qui l'entraîne par la main vers des chemins moins angoissants. Presque doux.

Il croit entendre un éclat de rire, les yeux déjà clos. Papa ? Un rire fort, un rire qu'il n'a plus entendu depuis des années. Son coeur enfle, lentement, se laisse cajoler par ces drôles de souvenirs diffus, que sa mémoire d'enfant a matraqué pour les rendre plus tendres. Plus cruels, aussi. N'en garde que le meilleur et le pire, Nox, de cette époque dont il ne se souvient plus vraiment. Garde l'image de son corps, tout fin et tout penaud, qui hurle sa rage sur la plage. De sa voix, qui a crié jusqu'à s'éteindre. Que c'est la police qui est venue le récupérer cette nuit-là, qu'il s'est débattu, jusqu'à ne plus avoir de forces. Qu'ils ne comprenaient pas, eux. Ne comprenaient pas pourquoi le gamin ruait comme un cheval sauvage, pourquoi il répétait inlassablement c'est pas moi qu'ai donné l'idée ! en boucle. Pourquoi il semblait porter toute la culpabilité du monde sur ses épaules encore frêles, alors que son père avait été retrouvé en mer. La faute à pas d'chance, voilà tout. Alors pourquoi du haut de ses huit ans, ce gosse semblait tout prendre sur lui ? Ont pensé que c'était le choc, les flics, alertés par la mère qui avait donné l'alerte du gamin échappé, à la nuit tombée. Que les premières lueurs de l'aube marquaient déjà le ciel nocturne de grands coups de couteau dorés. L'avaient enfermé à l'arrière de la voiture, que l'gamin lâchait pas l'océan du regard de ses yeux déjà d'un bleu féroce, dans lesquels on pouvait y lire toutes les promesses du monde. Des promesses de mort. Qu'il le susurrait encore, quand ils se sont arrêtés en bas de chez lui. C'est pas moi qu'ai donné l'idée. C'est pas moi, c'est pas moi. Le shérif de l'époque, qui l'a pris par les épaules, dans la rue. Sans rien dire, comme pour murmurer qu'ça va aller. Mais non, ça n'va pas aller, m'sieur l'agent. Nox ne sourit plus, les paupières closes. Son corps semble s'être tendu, corde d'un arc prêt à relâcher la flèche. N'pouvait pas savoir, le flic. Que le gamin n'avait pas usé ses cordes vocales dans une crise de démence. Qu'il savait. Qu'il avait su, avant. Mais ce soir-là, en fixant le regard féroce de l'enfant, il apprit quelque chose, que le gamin ne savait pas non plus. Révélations retenues qu'aucun des deux êtres n'échangera avec l'autre. Nox n'expliqua jamais à la police qu'il avait rêvé de la mort de son père une semaine avant. Le shérif ne révéla jamais qu'il avait su en le fixant, ce soir-là, qu'il avait en face de lui un tueur.

La portière se rouvre, Nox émerge avec une facilité déconcertante. Ses paupières, deux rideaux voilés, se soulèvent et il tourne la tête lentement vers elle. Sans doute ne s'est écoulée qu'une poignée de temps, Nox a eu le temps de voyager. Dans le passé, là où il va rarement. Du moins pas aussi loin. Il lui semble encore entendre la voix douce de sa mère, à son chevet, quand il reçoit la bouteille d'eau. L'attrape délicatement, comme si c'était un trésor qui se briserait s'il le laissait tomber. Fébrile de cet aparté mental, il ne répond pas tout de suite. Fixe la bouteille sans boire, sans même l'ouvrir. Se cale sur le côté, de façon à pouvoir la regarder. Laisse quelques secondes dégringoler entre eux, rendu étrangement ému par les images qui se sont amenées à lui. Qui ont calmé la colère, la hargne, la culpabilité cruelle. Il la fixe un instant dans le noir, deux néons bleutés qui viennent percuter sa silhouette comme pour la réveiller. Ne sait pas si elle a pris les autres pilules, se doute que oui, comme il ne les voit plus. Pourtant, les siennes sont toujours enfouies dans ses poches. Il ne les a pas prises, pas encore ? Comme si finalement, quelque chose lui intimait de repousser un peu le sommeil, la fatigue. Il rompt le silence d'un raclement de gorge léger, comme pour signifier qu'il ne dort pas - ou qu'il s'apprête à parler. Soupire doucement, avec l'envie démesurée de tendre la main pour caresser ses cheveux. Comme un enfant - comme ce gosse qu'il était - Nox ne bouge pourtant pas, recroquevillé, coinçant ses mains sous sa joue pour les garder à leur place, peut-être. « C'est comme ça depuis longtemps ? » qu'il demande d'une voix presque chuchotée, comme si le silence l'effrayait trop pour lui donner la force de le briser complètement. La voix douce, presque trop quand on le connait, il la fixe comme s'il ne la voyait pas vraiment. Pas curieux pour un sou, Nox, pourtant il aurait mille questions à lui poser. Depuis le premier jour, depuis l'autre nuit, aussi. Et pour une fois, il est conscient qu'il ne recevra rien sans donner lui aussi. Si peu enclin à être dérobé, à se dévoiler, pourtant, il le fait de lui-même. Comme pour dire je t'en donne un peu si tu m'en donnes un peu. Il baisse lentement le regard, la gorge comme un peu nouée, le ton un peu étranglé. Bien ça qu'on appelle la sincérité, et c'est vrai qu'on ne l'entend pas souvent jouer le long de ses cordes vocales. « Moi, ça fait bientôt trois ans. » Repousse les images, pourtant. Se sent léger, ne veut pas sombrer dans ces réminiscences-là, qu'il sait toujours à vif. « Bientôt trois ans, que j'ai été mordu. »

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Re: far from home (nox)
Jeu 18 Mar - 22:07

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Where can I go
When the shadows are calling
Shadows are calling me?

Mais là, elle entendit sa voix. Alors qu’elle pensait que déjà, les cachets feraient effets. Mais non, pas comme ça que ça marchait. C’était pas comme quand elle s’injectait les substances, comme quand elle était une ado paumée et démunie. Voix qui ne brise pas le silence, semblait plutôt le caresser. La fit rouvrir doucement les yeux. Avait presque l’impression d’être revenue du voyage, songea avec amertume que c’était juste parce qu’elle avait quelques pilules dans l’estomac qu’elle se sentait plus calme, qu’elle ne sentait plus ses dents se serrer. Faible. Elle le sera toujours. C’était ce qui la mettait toujours en rogne contre elle-même. À avoir cédé aussi facilement que si elle n’avait jamais arrêté avec ces conneries. Et ce n’étaient que des médicaments. C’était ridicule. Pitoyable même. Molle comme une poupée de chiffon, se laissait totalement aller contre le dossier, sans chercher à se maintenir de quelque façon que ce soit. Se demanda à quoi il faisait référence exactement. Est-ce qu’il parlait de son affection ? De ses vieux démons ? Des pilules ? De ses sentiments ? Aucune chance qu’elle s’infligea en prenant une respiration plus profonde.  N’eut pas le temps de répondre, qu’il enchaîna avec autre chose. À voix basse, comme si seulement le son de sa voix pouvait sortir de cette voiture. Il ne parvenait déjà pas à sortir de sa tête.

Révélation dont elle ne comprenait pas les motivations. Accueillit tout de même les paroles, son regard vissé dans le sien. Avait envie de lui demander. Comment c’était, la première fois. Avant de se retenir, en écho à sa propre expérience. Horrible à n’en pas douter. « Tu sais que je ne peux pas te juger. » Voix plus ténue aussi, demeurant dans cette même veine que les confidences sur l’oreiller. Sans murs, sans draps, sans chaleur. Se laissait envahir par tout l’empathie qu’elle avait pour lui, même si elle ne pouvait pas vraiment comprendre. Parce qu’ils pouvaient être des monstres, ils n’en demeuraient pas moins de deux espèces différentes. « Et je ne le voudrais pas, de toute façon. » Même si elle avait pu le faire, au tout début. Quand elle était encore dans un déni total de ce qu’elle était. Part d’ignorance bien vite comblé par les recherches fiévreuses sur Internet. Par le déni, encore et encore. Comme si elle avait juste cherché les symptômes d’un rhume sur Doctissimo. Sauf que là, elle tombait sur des articles à en faire froid dans le dos. Si elle ne s’était pas reconnue dans chacunes des descriptions, elle aurait pensé que ça avait été écrit par des fous. Que ça ne pouvait pas lui arriver, pas à elle.

What can I do
When it's pulling me under
Pulling me underneath?

Observait les contours de son visage, ayant l’impression de ne pas l’avoir regardé depuis des jours. Peut-être qu’elle n’était pas si loin de la vérité. N’avait jamais soutenu son regard plus d’une fraction de seconde, tant et si bien qu’elle s’en sentirait presque inconfortable en l’instant. Mais les effets médicamenteux commençaient peut-être à s’infuser dans ses veines lentement, et ça la faisait se sentir un peu plus légère, un peu moins accablée. Son regard tomba sur ses mains, avec comme une envie soudaine d’en prendre une, de le toucher même du bout des doigts. S’en empêcha de justesse, n’avait pas encore l’esprit assez égaré pour céder aux pulsions qui émanaient d’elle ne savait où en elle. N’était pas prête de sombrer. Pas encore. Nox comme phare au loin, lumière rassurante au loin, aveuglante de près.

« Je ne sais pas exactement… C’est assez difficile de situer, en fait. » Parce qu’il n’y avait qu’avec la chaire qu’elle avait pu le constater. Andy n’était peut-être pas le premier. « J’ai commencé à m’en rendre compte quand je suis revenue à Exeter. Mais c’était peut-être déjà là d’avant… comme… en sommeil. » Pas besoin de lui faire un dessin sur la façon dont elle s’en était aperçue, et ça lui coûtait de s’attarder là-dessus. Elle ne reprit pas immédiatement la parole, happée par ses pensées en ayant de moins en moins d’accroche, comme si les médicaments lissaient les paroies de son cerveau sans lui laisser la moindre chance. « Depuis, ça ne m’a jamais quittée. C’est… » Un enfer. Mais tu sais ce à quoi l’enfer ressemble, Nox, n’est-ce pas ?  La gorge se serra à son tour, s’ajoutant à la pression qu’elle ressentait dans la poitrine. Adopta un sourire de circonstance, parce qu’il n’y avait pas grand chose d’autre à faire. Se subir soi-même, c’était déjà bien assez pour le faire subir aux autres. Comme pour lui intimer, de très loin au travers des lignes, qu’elle était désolée. D’avoir manqué de l’envoyer là où personne ne viendrait le trouver. Oserait encore moins s’approcher de lui en cet instant, se sentant trop coupable. De trop de choses. Jusqu’à se sentir coupable du pincement qu’elle ressentait à l’idée de se dire que ça ne pourra sans doute jamais être plus que ce qui s’était déjà passé, entre eux. Avec qui que ce soit d’autre. Privée de maternité, la voilà privée d’amour.  

« Tu dis que tu as été mordu... ça porte un nom ? C'est comme ça qu'on.. le devient ? » Ne pouvait retenir la question. Parce qu’initialement, elle pensait qu’il avait toujours été comme ça. Avec le monstre en lui. Pour son cas à elle, elle n’en savait rien. Quêter des réponses chez les autres pour étouffer ses questionnements à elle. Se demanda comment était le Nox Griffin dépourvu de la faim au fond des tripes. Est-ce que ses yeux brillaient de la même façon, à l’époque ? Est-ce que tout ce qui le composait aujourd’hui n’était que le prolongement d’hier ?

I'm slipping into the deep end
I'm in over my head

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Re: far from home (nox)
Ven 19 Mar - 10:18

far from home

Nox, évidemment, ignore bien qu'elle aurait envie de lui demander comment c'était. La première fois. Sans doute que c'est bien la seule réponse qu'il lui refuserait, même dans ce moment qui semble tourné vers les confidences. Parce que la réponse, personne ne la connait. Bien un de ses pires secrets, de ceux qu'il n'a jamais révélé à personne, pas même à Enoch ou Ambrose, pas même à Asta. Personne. Et c'est sûrement mieux comme ça. Monstre ou pas, qui comprendrait ? Qu'y aurait-il réellement à comprendre ? Parce que sa première victime, Nox aimerait bien prétendre qu'il ne la connaissait pas. Qu'il n'avait pas reçu sa main sur lui dans des caresses tendres, toute sa vie. Sa vie, à laquelle il avait mis fin. Sa vie, qu'il avait achevé prématurément. Parfois, il se dit qu'ainsi, elle restera toujours en lui. Mais même avec ça, il ne pourra jamais l'accepter entièrement. Parce qu'il n'a grandi qu'avec sa mère, jusqu'à ses trente-huit ans. Parce qu'il s'est rendu lui-même orphelin. « Mais tu pourrais. » Le réplique d'une voix calme, avec du sourire amusé dans la voix, pour reprendre les mots qu'elle lui avait dit, ce soir-là. Cette nuit-là. Quand elle avait failli le tuer. Qu'il ne lui en voulait pas - mais qu'il pourrait. Et elle aussi, elle pourrait. Le juger. Nox ne lui en tiendrait pas rigueur pour ça. Déjà son propre juge. Lui aussi a le sentiment qu'il ne l'a pas regardée dans les yeux de cette façon depuis des jours. Les regards s'étaient faits fuyants, les mots écourtés au strict nécessaire. Comme s'ils avaient honte. Honte d'eux mêmes, honte de leurs natures, honte d'avoir cédé. Honte de s'être rencontrés, de s'être connus vraiment, de la façon la plus intime qu'il soit - par leurs démons.

Alors, il l'écoute avec une attention toute particulière, ses yeux clairs brillant faiblement dans l'obscurité. « Tu as déjà pensé que c'était à cause de ça ? À cause de cette ville... » qu'il murmure d'un ton plus bas, comme s'il se le disait à lui-même. Bien ce qu'on raconte, ce qu'il n'avait jamais voulu voir ni entendre. Qu'Exeter était maudite, pourrie jusqu'à l'os, et qu'elle contaminait de cette aura malfaisante chacun de ses habitants. D'un regard, il la remercie de ses confessions. Et elle n'a pas besoin de finir sa phrase pour qu'il entende le mot qu'elle ne prononce pas. Parce qu'il le connait également, cet enfer. Il ferme les yeux un instant, un court instant, avant de les rouvrir quand elle reprend la parole. S'accroche à sa voix comme à une douce litanie. Et quand il repose les yeux sur elle, il a doublement plus envie de la toucher. Juste de la toucher. De sentir sa peau sous ses doigts. Alors, sans doute qu'il se laisse un peu aller, quand bien même lui n'a pas les cachets sur qui rejeter la faute. N'a pas envie de s'endormir, finalement, à se dire qu'il lui faut profiter. De cette accalmie, de cette éclaircie dans une tempête sans foi ni loi. Sans fin. Alors, il dégage sa main de sous son oreille, sans avoir encore répondu et la tend légèrement dans sa directement. Presque timidement, il fait courir ses doigts sur son épaule, puis sur son avant-bras, avant de l'échouer sur sa main. N'ose pas l'étreindre, déjà parcouru d'un milliers de petites brûlures qui viennent crépiter sous son derme. Et pour le moment, cela lui suffit. Un homme s'en contenterait peut-être - et encore - mais pas un prédateur. À vouloir toujours plus. Pourtant, il ne tente rien d'autre pour le moment. Il hoche lentement la tête, soutenant son regard. Sans honte, qu'on dirait, alors qu'elle lui brûle l'échine.

« Oui, » qu'il murmure, comme absent, un peu distrait, par le contact de sa peau peut-être. L'envie soudaine de l'attirer à lui, de recevoir sa tempe contre son torse, comme la dernière fois. Doit se faire violence pour ne pas tirer sur sa main et l'amener à lui. Se concentre sur les questions, légitimes et qui, finalement, ne le dérangent pas vraiment. « C'est comme ça que ça se transmet. » Comme une maladie, pire que la peste, maladie incurable qu'on ne peut que propager, qu'rien n'achève sinon la mort. L'éradication. « Il parait que certains le sont de naissance. Wendigo, » qu'il chuchote presque, comme si le mot lui brûlait les lèvres au moment de les franchir. Parce qu'il ne le prononce jamais, ce mot, Nox. Car ceux qui le savent connaissaient déjà le terme. Et qu'avec ceux de son espèce, ils peuvent se reconnaître, se sentir. N'ont pas besoin de se poser cette question, de mentionner l'appelation réelle. Il la fixe toujours, avec cette insistance particulière. « Et pour ceux qui ne portent pas ça dans leur sang, il suffit de... » Les mots gargouillent dans sa gorge qui se serre légèrement. Parce qu'il s'était promis, juré, de ne jamais faire partie de ceux de son espèce qui propagent la damnation. Et pourtant. « ... d'être attaqué et de s'en sortir. » Il soupire doucement. Pourquoi j'suis pas mort, lors de l'accident. « J'ai eu un accident de voiture, un soir. Avant que les secours n'arrivent, l'un d'eux m'a trouvé avant. Mais il n'a pas eu le temps de... » finir le travail. Le dévorer. L'a juste mordu, cet enfoiré. Les doigts qui se crispent un peu autour de son poignet, qu'il aimerait l'avoir contre lui, comme pour se consoler lui-même. N'ose pas, pourtant, Nox, comme si son récit allait changer sa façon de le voir. Pourtant, il ne dit pas tout, Nox. Ne dit pas qu'ils étaient deux, dans cette voiture. Ne dit pas que les secours ont été étonnés. De retrouver le deuxième corps dans cet état. Qu'il n'en restait presque rien. « Le pire c'est qu'avant tout ça, j'croyais pas à tout ça. J'pensais que c'était des conneries, tu vois. Les créatures, tout ce bordel. Pourtant, j'ai été élevé avec quelqu'un qui y croyait dur comme fer, mais j'pensais toujours que c'était du délire. » La gorge un peu nouée, en repensant à Enoch. Enoch, le seul homme à l'avoir fait céder, à s'être immiscé dans son crâne - et dans sa peau. Le seul à qui il aurait cédé pour tout. Le seul qui aurait pu le tuer, certainement, aussi.

Sa main se fait plus douce, il déglutit lentement, remontant ses doigts le long de son bras, toujours contre sa veste, à s'éloigner de la peau effleurée à son poignet. « Est-ce que ça a déjà... enfin, t'as déjà... » tué. Mais il n'arrive pas à le dire, Nox. N'arrive pas à prononcer ce mot alors qu'il vient lui-même d'ôter une vie. Pathétique. Se mue un peu plus sous cette carapace fragilisée, comme si la simple présence de Jaimini suffisait à déchirer les failles pour les agrandir, les rendre visibles. « T'es pas obligée de répondre, si tu l'veux pas. » Il s'apprête à récupérer sa main, soudain gêné de lui avoir demandé ça. Comme s'il voulait tâter le terrain. Et de façon horriblement égoïste, il espère qu'elle va lui dire que oui. Qu'elle a déjà pris la vie de quelqu'un. Comme s'il voulait partager cet horrible fardeau avec elle. Comme s'il voulait avoir une raison plus tangible encore de retenir le feu qu'elle faisait naître en lui. Comme si savoir que ça pouvait réellement conduire à la mort suffirait à ne pas se jeter une nouvelle fois dans la gueule du loup. Alors, en attendant la réponse, sa main reste accrochée à son épaule, ses yeux fouillant toujours le sien en quête de réponses, en quête d'un réconfort mal assuré, à lui transmettre une compassion fébrile.

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Re: far from home (nox)
Sam 20 Mar - 12:30

far from home
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/! tw ! \

Soutenait son regard avec une forme d’amertume, légèrement brillant dans l’habitacle. Bien incapable de quitter franchement le regard qu’il lui retournait. Se dit qu’elle pourrait, le juger. Mais elle l’avait déjà fait, et là encore, pourrait bien trouver matière à s’en vouloir. Juger sans savoir, sûrement ce que les humains faisaient de mieux au monde. Suivre leur carte mentale, quitte à ce qu’elle les amène sur de fausses pistes. Quitte à ce qu’elles gâchent tout. Parce que là où elle pensait avoir donné assez d’avertissement, lui n’y avait peut-être vu que du feu. Que s’il avait été prévenu de façon plus claire, rien de tout cela ne se serait produit. Si elle n’était pas aussi enfermée dans le déni jusqu’à ce jour. Maintenant, ça lui revenait en pleine face. Avec aucun moyen d’oublier, aucun détour, aucun tour autour du pot. Juste elle, sa culpabilité, et ses pincements au cœur. Laissa un petit soupir se glisser entre ses lèvres, quand elle évoqua Exeter, quand il releva ses propres doutes à elle. « J’y ai déjà pensé, oui… Mais à force je.. » S’interrompit un instant, sentant le grain de son existence se faire moudre par le mortier de la réalité. Dure et crue. « Je finis aussi par croire que peut-être que c’était là avant… Bien avant. J’en sais rien en fait… » Siphon dans son esprit, l’amènent à des réflexions plus profondes. Qu’elle préférait ignorer en temps normal. « Je suis née à Exeter. Peut-être que c’est arrivé avec moi là-bas, que ça m’a suivie jusqu’en Pennsylvanie. Et que ça a attendu sagement que je revienne pour me sauter au visage. » Et se venger de ces années d’absence, de la plus injuste des façons. « Et en même temps… » Elle avait des doutes, toujours. Ces questions, qui demeuraient cruellement sans réponse. N’avait personne à accuser pour sa condition, à part elle-même, sans événement à pointer du doigt. Quoique.

Se concentra pleinement sur lui, petite échappatoire temporaire qu’elle retrouvait dans ses yeux. Sa main contre contre épaule, elle se sentit frémir légèrement. Fondre un peu sous la brûlure. Envie irrépressible de le garder non loin. Comme une petite bouée de sauvetage au milieu de l’océan, au milieu des tourments. Alors avant qu’il ne retire complètement sa main, et tout en l’écoutant, elle happa ses phalanges des siennes. Dans un geste initié à la va-vite, qui se calme pourtant bientôt. À juste sentir ses doigts s’immiscer lentement entre les siens. Chaleur humaine douce et âpre à la fois. « Wendigo… » répéta-t-elle à voix basse. Pas que le mot ne soit tabou, de son côté. Juste qu’enfin, elle pouvait aussi poser un nom sur ce qu’il était, ou du moins cette part de lui qui l’avait envahi il y a trois ans. Les sourcils se froncèrent légèrement, quand il évoqua une attaque, quand il énonça un accident. « Est-ce que tu l’as retrouvé, est-ce que tu sais qui a fait ça ? Qui t’a attaqué ? » Sentit sa voix se durcir légèrement, comme si elle partageait son amertume, d’un ton un peu moins las, peut-être. Qu’elle sentait le sentiment d’injustice empoisonner ses veines lentement, à se faire presque l’avocat du Diable. Comme si de savoir ça, ça lui donnait le droit de pardonner tout ce que Nox avait du accomplir depuis lors. Comme s’il n’était que le prolongement de cette chose qui l’avait attaqué. Pire, qui l’avait laissé endurer le calvaire. Sans ça, elle ne l’aurait pas connu, pour sûr. Se dit qu’il devait regretter, parfois, d’avoir pu s’en sortir. Mais l’instinct de survie, bien que souvent bancal, des Hommes, les faisait commettre bien des folies parfois. Rage viscérale qui s’instille en elle, contre cette silhouette sans visage qu’elle imagine, furtive, se glisser jusqu’à lui et tenter de lui voler sa vie. Au lieu de quoi, elle lui avait volé une part de son humanité. Et c’était déjà un bien lourd tribu à verser.

Parvint à lui tendre un sourire, quand il évoqua sa non-croyance relative à ce genre de choses. Pas qu’elle s’imaginait des créatures non plus, par le passé. Elle avait toujours cru en diverses énergies, Jay, l’éducation avait voulu ça. « Le monde est complètement fou, hein… » Pas vraiment une question, juste un constat latent, tandis que son pouce caressait lentement le flanc de sa main. Je suis là, je ne fuis pas. La question, même à demi-mots, lui arracha un frisson effroyable. Lui semblait que quelque chose se dressait sous sa peau, comme un millier de petites aiguilles. « J’ai déjà utilisé mon Joker une fois. » Sourire qui s’agrandit légèrement, maigre sensation de détente dans l’atmosphère. Il fallait bien ça pour amorcer le coup de massue qu’elle menaçait de se prendre dans la nuque. Qui l’assommait déjà. À moins que ce ne soient les médicaments qui lui donnaient cette impression de malaise grandissant. Doigts qui se resserrent légèrement autour des siens. Elle ne méritait pas qu’il accepte son contact, et n’a de cesse de se le répéter. « C’est toujours la même chose, tu sais… » Regard qui se soustrait finalement au sien. Trop honteux pour l’affronter, cette fois. « Je n’ai jamais été très douée pour les relations amoureuses. Des fois, je me dis que c’est parce que ça dormait toujours, en moi. Quelque part. Pas assez pour tuer, en dehors d’Exeter. Mais au final, j’ai toujours été… maudite. » Peinait à trouver ses mots, Jay. C’était tellement bancal, dans sa tête. Sentait déjà ses yeux la lanciner, liquide lacrymo qui remontait lentement puis d’un seul coup. « J’ai été fiancée, en Pennsylvanie. À un type que j’ai rencontré en arrivant là où je bossais, avant d’être mutée ici. J’y serais peut-être encore si y’avait pas eu.. tout ça… » Comme s’il allait comprendre, alors qu’elle n’avançait pas grand chose. Pions qui avançaient prudemment sur l’échiquier. « On allait fonder une famil.. » Le mot s’échoua au bord de ses lèvres, lui sciant la gorge avec cruauté. Des mots devenus tabous dans son esprit. « Je l’ai perdu. Peut-être que c’est ça, qui l’a... dévoré… » Serrait sa main de plus en plus fort, à s’en blanchir les articulations, sans même s’en rendre compte. Tellement ébranlée de laisser des mots prendre place sur ce qui l’effleurait depuis des mois. Depuis qu’elle avait découvert ce qu’elle était. « Si j’avais su.. Si j’avais su je n’aurais jamais… » Laissé faire. Ne serait jamais tombée enceinte, n’aurait jamais laissé la vie se frayer un chemin dans un giron entouré de ronces. Laissait sa plus profonde blessure s’ouvrir devant lui, se remettre à saigner lentement mais abondamment. Que ces explications lui donnaient en réalité tellement de réponses. Sur sa raison d’être ici, sur cette souffrance qui percutait son âme quand elle reconnaissait toute sa culpabilité. Faisait tapis de toutes les armes qu’elle avait, les lui remettaient en main. Comme si elle s’apprêtait à recevoir un coup de grâce qu’elle aurait mérité. Qu’il avait tout ce qu’il fallait pour la briser, maintenant. « Y’a pas de place pour la vie, en moi. » Sentence brutale. Qu’elle ne faisait que répéter, parce que déjà avouée à demi-mot dans le tribunal de sa culpabilité. Poison ardent qui aura raison d’elle, un jour ou l’autre. « M’ont envoyée à l’asile, après ça. Pendant deux ans. » À la croire folle. S’était remise à se cogner la tête contre les murs, un vieux vice qui refaisait surface quand elle perdait le contrôle. « Je me suis faite opérer. Pour ne jamais recommencer. » Et c’était devenu sa plus grande peur, sa plus grande phobie. La raison de ses cauchemars, la déchirure de ses nuits solitaires, quand elle avait l’impression d’entendre des pleurs de nourrisson dans les ténèbres. Elle était belle, la police d’Exeter.

Et ça cogne dans sa tête, inlassablement.
Monstre, monstre, monstre.
Que ça rentre un peu plus à chaque fois qu’elle se heurtait au mur.
Étendard écarlate de ses remords.
Couleur sang.

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Re: far from home (nox)
Sam 20 Mar - 17:32

far from home

Il s'accroche à ses mots comme un bateau chercherait à rester amarré au port. Bancal, certes. Pas plus que ses voiles déchirées et son mât brisé. Et quand on dérive, finalement, n'importe quel ancrage fait l'affaire. Le temps semble se distendre, leur offrir une nouvelle trêve et il est vrai que Nox la redoute un peu. À se demander si elle finira comme la précédente. Mais il n'a pas envie de savoir, pas réellement. Se laisse porter, au gré des courants, tantôt violents, tantôt berçants. Il écoute ses théories, hoche simplement la tête. « J'crois qu'on saura jamais. » Si c'est la ville qui est maudit. Ou juste eux. Qu'ils portent un gêne spécial, si récurrent ici, à croire qu'ils se rassemblent comme des moutons en attendant le châtiment divin et cruel. Mais Nox ne croit pas à tout ça, n'y a jamais cru, pas même sous les paroles multiples d'Enoch, cet enseignement presque détourné qui n'a jamais réussi à prendre en lui. Âme infertile à toutes croyances sinon ce que ses yeux lui offraient. N'a toujours cru qu'en ce qu'il voyait, Nox, trop terre-à-terre pour tout ça, sûrement. Et puis, admettre que ses fautes étaient dû à un quelconque Dieu ou Diable, c'est pour lui une faiblesse. Pas pour autant qu'il les assume. Il se dit qu'il devrait retirer sa main mais elle s'en saisit brusquement. N'ose pas serrer ses doigts, reste prisonnier de sa dextre sans chercher à s'en échapper. Le mot, le nom, celui de son espèce entre ses lèvres, ça lui fait bizarre et en même temps pas tellement. L'a entendu souvent, entre les lèvres de Nora, aussi, la dernière fois. Regrette presque qu'elles le sachent, l'une comme l'autre. Secret inavoué est bien plus facile à affronter. C'est un peu comme s'il n'existait pas.

Laisse le silence pour simple réponse, mais les questions reviennent et dans sa main, Nox comprime un peu ses doigts en un poing qui se resserre contre sa propre paume. Il détourne finalement le regard, la mâchoire qui se crispe. Pourtant, son organisme tout entier appelle au repos et repousse la colère avec la violence d'un seul homme ouvrirait la mer en deux. Tiens, encore une histoire inventée par la religion pour satisfaire les croyances bafouées des hommes. Nox n'est pas capable d'écarter un océan en deux, ne marchera jamais sur l'eau non plus. L'a déjà prouvé, la dernière fois, sur cette plage avec elle. Quand il avait voulu lui prouver, se prouver, qu'il était plus fort que ça - que le Kraken, que l'océan, que les courants, que l'obscurité. Et il avait coulé. À pic, comme une enclume trop lourde pour espérer pouvoir flotter, l'avait même entraîné avec lui jusqu'à sentir les abysses l'appeler avec cette manipulation incroyablement séduisante. S'extrait de l'eau boueuse de son esprit pour sourire, sourcil haussé, poing qui s'est détendu, a retrouvé sa forme initiale. « Pourquoi, tu veux lui faire la peau ? » Le demande avec malice, comme s'il voulait entendre qu'oui, elle le voudrait. Il laisse son sourire se faner au gré de la plaisanterie peut-être mal venue. « Oui je sais de qui il s'agit. J'ai mis du temps à le reconnaître, je me souviens pas beaucoup du moment où... » Inspire à fond, soupir profond. Agacé de n'pas pouvoir en parler franchement. « ... où il m'a mordu. Ce sont des images très... floues, pour moi. J'pensais juste que j'étais blessé, grièvement blessé, que ça me faisait terriblement mal à cause de l'accident. Tu sais, j'ai pas capté tout de suite. Que quelque chose essayait de m'atteindre pour me bouffer. » En récolte une certaine fierté, à avoir réussi à aligner les mots sans buter, sans hésiter, sans flancher devant eux. « Mais je l'ai croisé y a quelques mois. » Derrière les barreaux d'une cellule, au poste. Bien là qu'il l'avait déjà aperçu, avant tout ça. Quand il ignorait encore tout. Là où il croisait initialement tous les démons qui s'apprêtaient à le hanter pour des années, visiblement. Là où il avait rencontré Nora pour la première fois. Et rencontré Eden, aussi.

Soupire doucement en haussant une épaule, ce qui fait dodeliner un peu sa tête appuyée dessus. Il n'a toujours pas récupéré sa main, chaleur réconfortante dans sa carcasse frigorifique. « Mais bon, ça change rien. Qu'est-ce que je suis censé faire de lui ? Le tuer ? » Encore un ? Lui aussi, est maudit. Lui non plus, n'a sûrement pas voulu ça. N'a pas eu le temps, qu'il se dit parfois. A été surpris, a dû s'enfuir, s'invente le flic. Comme pour s'excuser lui-même d'avoir fauté à son tour, tout récemment. D'avoir planté les dents sans pouvoir finir le travail. Sûr que dans une ruelle en pleine ville, c'était pas le moment idéal. De toute façon, il n'était pas en chasse. Avait juste déconné. Déraillé, comme un putain de train de marchandises, semant ici et là des colis explosifs. Dégâts collatéraux, qu'on dira. Ne se pardonnera pas, pourtant. Il sent ses doigts caresser le dos de sa main, ça lui fait l'effet d'une compresse désinfectante sur ses plaies à vif. Toujours, jamais cicatrisées et c'est avec un intérêt autodestructeur qu'il les rouvre lui-même quand elles menaceraient de guérir. S'accroche à ses blessures comme à un radeau, Nox. Souffrir, c'est survivre. Souffrir, c'est ne pas oublier. Qu'il est un monstre. Il lui adresse un sourire léger. « Tu peux avoir autant de jokers que tu le souhaites, » qu'il souffle avec un calme pas qu'apparent. La main qui se serre contre la sienne et sans vraiment s'en rendre compte, il l'imite, enroulant ses doigts autour du sien presque en miroir, comme si ce simple contact pouvait lui apporter un quelconque réconfort, une quelconque force. Sent bien qu'elle en bave pour lui expliquer et si elle a détourné le regard, lui ne cesse pas de la fixer. Au mot famille dévoré à moitié, il serre plus fort encore. C'est donc ça, le fait qu'elle puisse comprendre ce qu'il vivait. Voit ses yeux se remplir de nacre, et ressent l'envie cuisante d'essuyer les larmes avant qu'elles ne coulent. Mais il garde sa main dans la sienne, comme si ça pouvait ralentir sa chute, freiner la descente, panser un peu la blessure. Ecoute le récit sans l'interrompre. A avoir de drôles de pensées qui lui viennent, une hargne bien connue qui lui monterait presque derrière les gencives. Toi au moins, tu ne l'as pas connu. Qu'est-ce qui est pire, finalement ? Perdre son enfant avant de pouvoir le connaître ou le perdre quand on a passé sa vie à l'espionner, de loin, comme un fugitif ? N'en sait rien, Nox, et se retrouve un peu con à tenter de comparer les douleurs. Comme s'il voulait être le seul à souffrir. Partout, tout le temps, à gueuler qu'c'était pas vrai, qu'rien ne pouvait l'atteindre, et à vouloir en même temps s'attribuer le trophée de la vie la plus merdique qui soit. Mais ça n'est pas vrai et il le sait.

La culpabilité poignante fait écho à la sienne, celle qu'il tente bien de repousser lui-même concernant Persephone. Et cela lui serre le coeur, l'étreint si fort qu'il lui semble sur le point de se fissurer, de s'ouvrir en deux. Et quand elle semble avoir fini sa confession, il cède finalement et retire promptement sa main de la sienne, retrouvant une seconde l'air glacé comparé à l'intérieur de sa paume, pour finalement l'écraser sur sa joue. D'un revers, il chasse les larmes brûlantes qui voudraient dégouliner, même si elles ne l'ont pas encore fait. Comme si le chemin qu'elles prenaient était visible, toujours le même, et que Nox pouvait le voir, le discerner sur sa peau. Il se penche un peu plus, dégage son deuxième bras de sous son crâne pour le tendre vers elle et attraper l'autre côté de son visage, pour qu'elle le regarde, la forçant peut-être un peu. « Jay, regarde-moi. » Regarde-moi, vraiment. Il soupire doucement, parce que Nox n'est pas habilité à faire ça. Ne sait ni consoler ni étreindre avec douceur. Ne sait qu'étouffer et piétiner. Pourtant, on dirait presque qu'il essaie. « Ce n'est pas vraiment toi qui as fait ça. » Ce n'est pas vraiment moi, qui ai fait ça. Salive qui lui semble acide quand il déglutit, le regard incrusté au fond du sien. « C'est pas toi, qui l'as tué. » C'est pas moi, qui les ai tués. « Tu l'as pas voulu, et je le sais. » Je l'ai pas voulu, tu le sais ? Est-ce que lui-même le sait ? Bien sûr que je l'ai pas voulu ! Et ça vibre au fond de lui, écho qu'il ignore, qu'il repousse. La bête n'est jamais bien loin. Finalement, il détache lentement ses mains pour attraper son paquet de clopes. Plus éreinté par les confessions que s'il avait couru un marathon - bien qu'il ait fait un peu les deux durant cette nuit, longue comme une vie entière. Attrape directement deux cigarettes, les allume à la suite avant de lui en tendre une. Comme un gamin tendrait un bonbon à la plus belle fille du lycée pour pardonner un coup de pied osé juste avant. « C'est pour ça que tu as accepté de venir ? » qu'il demande, revenant hanter sa peau de la sienne sans pouvoir s'en empêcher, comme si la distance lui était insoutenable maintenant qu'il l'avait approchée. Comme si l'appel de l'appât était trop fort malgré la piqûre de l'hameçon. Pour son enfant, qu'il voudrait dire sans le dire, mais le murmure avec les yeux, la main qui attrape la sienne de nouveau, y entrelace ses doigts comme s'il avait fait ce geste toute sa vie. S'est-elle lancée dans cette quête par désir de rédemption ? De racheter ses fautes en retrouvant sa fille à lui pour se pardonner d'avoir perdu la vie de son enfant ? Ses doigts caressent sa paume, le dos de sa main, remonte à son poignet lentement. « Merci, qu'il chuchote soudainement, avec de nouveau l'envie terrible de l'attirer à lui, de déposer sa tête contre son torse, de pouvoir l'entourer de ses bras pour la rassurer - de qui, de quoi ? - et tire sur sa clope machinalement pour s'en empêcher peut-être, merci de m'avoir confié tout ça. » Merci d'avoir écouté tout ça. Sur le parking d'une aire d'autoroute au beau milieu de la nuit, quand les monstres se taisent ou en profitent pour s'acoquiner, à dégueuler leurs horreurs sur les parterres fleuris de cet idéal qu'ils ne connaissent plus.

Parce que rien ne pousse, en Enfer.
Ni fleur, ni arbre, ni espoir.
Seulement la honte, la colère, la peur.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Sam 20 Mar - 18:54

far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Elle avait tellement de choses à dire, encore. Se sentait déjà si éprouvée du peu qu’elle avait livré qu’elle ne se sentait pas de continuer la bataille interne qu’elle se livrait. Ne se supportait plus, à ramener sur le tapis les secrets qui restaient enfouis. Alors peut-être, un peu égoïstement, qu’écouter les siens la soulageait au moins en partie. Et ça fonctionnait un peu. Ca parvint, le temps qu’il poursuive son récit, à canaliser en elle plus de cette rage viscérale que de cette tristesse sans fond. Il répondit aux pressions de sa dextre contre la sienne, la confortant un peu dans son action. Sentit qu’elle avait eu raison, pour une fois, de céder au moins à ça. Qu’ils s’appuyait l’un sur l’autre pour tenir dans l’épreuve que ça représentait de se livrer à l’autre. Peut-être qu’à mesure qu’ils parlaient, chacun déposait les armes à sa façon. Crut voir le rayon de soleil percer au travers des nuages gris, annonciateur de beau temps, enfin. Simple illusion, sûrement. S’accrochait à ce petit mais pas insignifiant réconfort au creux de sa paume. Peut-être qu’il y avait terre en vue, que ça n’était pas qu’un océan infini dans lequel elle s’était paumée. Qu’à force d’avoir navigué à l’aveugle, elle trouvait un brin d’espoir. Ses lèvres demeurèrent pincées, seulement, quand il évoqua le fait de lui faire la peau, à l’autre. « Pourquoi pas. J’ai pas peur de toi, alors j’aurais pas peur de lui. » Parlait sans savoir, de toute façon. Sûrement qu’il en rira, mais elle se sentait sérieuse. De toute façon, il l’en empêchera, elle le savait d’avance. Plus qu’une promesse en l’air, c’était surtout une bouteille à la mer. Duvet qui se hérissa légèrement sur sa nuque quand il lui avoue l’avoir recroisé. Cilla légèrement, accrochée à ses lèvres en attendant une suite qui ne vint pas. « Et du coup ? Comment ça s’est passé ? » Parce qu’elle supposa qu’il y avait une suite. Que s’il n’avait pas précisé qu’il l’avait déjà coincé, c’était qu’il courait toujours. « Qu’est-ce que j’aurai à perdre à m’y essayer ? Ma vie ? » L’humanité, elle l’avait déjà perdue en partie. Match nul. Jay n’avait personne à qui manquer. Peut-être une mère, oui. Qui l’avait déjà noyée dans un fond de bouteille. En voilà une nouvelle, de malédiction familiale. Et la rouquine s’était un peu trop acoquinée mentalement avec la mort ces derniers temps pour avoir peur de quoi que ce soit. Ne se rendait qu’à moitié compte ce qu’elle sous-entendait, sûrement. Tellement de cadavres, à Exeter. Tellement de tragédies, dans leurs vies. Que parler de la mort d’une personne de plus, ça revenait à parler du beau temps. C’était ce qu’il y avait de plus affligeant. Accueillir la mort comme une futilité, qu’on croise dans la rue comme autant de visages des passants.

Sa main se resserra contre la sienne, à la suite de son récit, qui reprenait une tournure qu’elle n’appréciait pas. Pas quand on parlait d’elle. Voilà ce que ça coûtait que de jouer à armes égales. Voilà ce que ça lui coûtait de se livrer sur ce qui la brisait le plus. Mais il ne la lâchait pas, continuait de sentir son regard sur elle bien qu’elle s’en soit détourné. Se l’imaginait comme un ras de marée de lames prêtes à la dépecer. Elle n’avait déjà plus d’épiderme, de toute façon ; carbonisé par les remords. Les larmes étaient là, et elle luttait de toutes ses forces pour qu’elles ne coulent pas, qu’elles ne quittent pas ses yeux brouiller. La main de Nox la quitte. Se dit un instant qu’elle l’avait peut-être dégoûté, que d’une certaine façon, elle le dégoûtait. Mais le voilà qui enserrait son visage, qu’il soutenait son faciès. Le regarder ? Elle ne pouvait déjà plus se regarder en face. Quand il continua de lui parler, à essayer d’une quelconque façon de la raisonner, peut-être, elle sentit que c’était trop. Et ne put plus les retenir, les perles salées, qui se mirent à rouler sur son visage, rougit de s’être trop retenu. Chaque mot qu’il prononçait, même enveloppés de velours, provoquait une douleur affreuse dans sa poitrine, et elle se sentait fondre littéralement entre ses paumes, se liquéfier. Bientôt, peut-être qu’elle se répandrait sur les sièges, à attendre de s’évaporer. De disparaître. Ne pars pas. Il la lâcha pourtant, peu à peu, et une sensation de froid claqua contre ses joues, faisant se tarir ses larmes. Le crâne ravagé, douloureux, sentait son poul marteler sa caboche éreintée. Prit la clope tendit, les phalanges fébriles, tremblantes. Elle acquiesça, lentement, brièvement, quand il lui demanda si là était la raison de sa venue. Qu’il y voit ce qu’il souhaitait. Une forme de rédemption, de compassion, de revanche personnelle. Tira sur la cigarette comme si ça allait éponger son visage trempé, se repositionnant légèrement sur le siège, mollement. Sentait la morsure du froid lui entailler les veines. Une nouvelle fois, sa main retrouva la sienne, geste initié par lui seul, quand elle se dit qu’il n’y avait plus qu’à s’oublier le temps d’une clope. Reprendre le contrôle de ses émotions par légers accrocs, comme le moteur d’une vieille bagnole capricieuse. « Pas besoin de me remercier… J’en savais trop sur toi. Toi, presque rien sur moi. » Elle qui l’avoue, pour une fois. Qu’ils n’avaient pas été égaux, jusqu’ici. Et pourtant, encore tellement de choses si sombres qui la composaient, qu’il ne connaissait pas. Qu’elle ne se connaissait pas encore, peut-être. « Tu veux bien qu’on dorme à l’arrière ? Je veux pas dormir seule sur mon siège, cette nuit… » Appel à la fois tacite et dangereux. Avait besoin de ses bras, encore. De se sentir en sécurité, de ne pas se sentir seule. Si seulement elle pouvait se sentir invulnérable, juste une seconde, sans lui. Elle pouvait toujours courir. « J’ai un plaid, dans le coffre. » Comme une monnaie d’échange à proposer, comme pour repousser la possibilité qu’il lui dise juste non. Enfin, ses yeux purent revenir à lui, encore un peu brouillé, un peu brillant des larmes qu’ils avaient rejeté. Avait juste envie de rendre cette nuit un peu plus normale. Comme s’ils étaient garés sur cette aire d’autoroute parce qu’ils allaient en vacances. Comme deux potes ou deux amants, peu importait. Juste un peu oublier les douleurs, que les cachets ne faisaient pas partir, trop tenaces. En aurait aimé encore quelques unes, juste pour augmenter ses chances de ne pas se réveiller le lendemain, après avoir passé une nuit un peu plus calme. S’endormir dans des bras chauds et se réveiller dans l’au-delà ou dans le vide. Peu importait ce qu’il y avait après. Moment de réconfort qu’elle aurait eu avant de fouler les planches délabrées de l’enfer, sans doute.


Un peu plus calme, tandis qu’elle revenait du coffre, ouvrant la portière arrière pour s’y engouffrer. Déplia les deux plaids qu’elle avait trouvé roulés en boule dans le coffre. Toujours à la hâte, comme deux voleurs quand ils parcouraient les routes. Répartis le tissus doux autour d’eux, n’hésitant qu’une toute petite seconde avant de se caler contre lui, dans ses bras. De poser sa joue contre sa clavicule, les yeux mi-clos. À rêver qu’un instant, tout ça c’était vrai. Qu’ils avaient une petite panne d’essence, avaient du s’arrêter pour la nuit. Que ça les rendait comme des gamins de passer la nuit dans la voiture, que ça les amusait comme un jeune couple de s’endormir là, l’une contre l’autre et qu’ils verraient bien pour le lendemain. Attrapa du bout des doigts un paquet de gâteau achetés dans une supérette. Était trop épuisée pour manger, son corps, sa tête ne réclamant que le sommeil, lourd et réparateur qui ne viendra sans doute jamais. Sentait ses démons enfouis loin en elle, Jay, lui apportant un peu de répit. Rien que ça, c’était extraordinaire à ses yeux. Ferma les paupières un instant, respirant son odeur à petites goulées, comme pour ne pas l’épuiser trop vite. Se sentait si bien, là, quand bien même ça n’était pas le lieu de repos le plus confortable qui soit. Chaleur humaine rehaussée par les couvertures. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas sentie aussi apaisée ? Elle s’imaginait au bord d’une plage, à écouter l’océan et son ressac lancer de longues plaintes dans la nuit calme. Ou peut-être au fond d’un chalet en pleine montagne, par temps de pluie. Allongée contre lui le long d’une baie vitrée qui pleurait les larmes du ciel, pas les siennes. Dans un endroit où même leurs blessures ne retrouveraient plus leur chemin, ne pourraient plus les éteindre. Un grondement au-dehors lui fit rouvrir doucement les yeux. C’était un des deux camions qui démarrait son moteur, s’apprêtait sans doute à repartir. L’aube était déjà si proche ? Ne savait pas, pendant combien de temps ils avaient parlé. « Tu crois qu’il va jusqu’où, comme ça ? » Sa voix était basse, apaisée. « Ça doit avoir du bon, de ne jamais rester trop longtemps au même endroit… Si tu devais passer le reste de ta vie quelque part, ce serait où ? »

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Re: far from home (nox)
Sam 20 Mar - 21:00

far from home

C'est vrai qu'il se permet de rire. Plutôt au fait qu'elle affirme qu'elle n'a pas peur de lui. L'espère bien, Nox. Mais son rire se fane, fleur flétrie qui a profité d'un rayon de soleil pâle pour faire croire qu'elle pouvait survivre à l'hiver. Garde son regard accroché dans le sien, un sanglot dans la gorge qui ne monte pas, qui ne s'entend pas, qui s'étouffe presque sans être né. « C'est sûr et certain que tu n'aurais pas peur de lui, oui, qu'il chuchote presque, avec une pliure des lèvres un peu triste, qui ressemble presque à un sourire qu'on aurait passé à tabac, c'est un gamin. » Enfin, un gamin qui a presque l'âge de Nora, presque l'âge de Jaimini du coup, aussi. Enfin, pas totalement non plus. Mais comparé à lui, en tout cas, c'en est un. De sa main libre, il se frotte la nuque, comme un peu mal à l'aise. Le regard qui oscille à sa question, la regarde, la délaisse, revient s'ancrer dans ses yeux, puis l'évite à nouveau dans une danse désarticulée. « Je.. je l'ai un peu... malmené. » Pas fier du tout, pour le coup, le flic. Et ça se lit cruellement dans ses traits, dans sa voix, jusqu'au fond de ses iris qu'il revient étroitement lier à celles de Jaimini. « Il nie totalement, fait comme s'il ne savait pas de quoi j'parle mais... je sais que c'est lui. J'peux pas l'expliquer, mais j'en suis certain. » Serre un peu les dents. Plaquer un gamin contre le mur poisseux d'une des cellules du poste, sûrement dans les annales de ses belles actions, à Griffin. Est-ce que c'est pire que de dévorer des innocents, finalement ? De quoi peut-il avoir réellement encore honte ? Pourquoi s'en veut-il d'avoir malmené un gamin, d'avoir esquinté Nora contre son corps et ses dents, d'avoir entaillé les peaux et les coeurs, à côté de tout ça ? En récolte toujours les fruits mûrs quand l'arbre de la culpabilité ne peut plus les porter. Une gifle ici, une blessure près du myocarde par là, à se ratatiner sur lui-même avant d'attendre que ça passe, simplement. Que la haine revienne, que la colère retrouve le chemin. Pour relever la tête. Et recommencer.

Essaie bien de la consoler comme il le peut, de ses mots maladroits, de quelques béquilles qu'il jette ici et là. Et sur ses doigts que les larmes viennent rouler, qu'il n'en a pas assez pour les essuyer, qu'il caresse ses joues devenues rivière au courant enclenché. Décontenancé, Nox, de la voir pleurer comme ça. De la voir pleurer tout court, en fait. Ne sait pas comment réagir, ne sait pas s'il doit dire quelque chose, des conneries du genre ça va aller par exemple. Mais ça ne sort pas, sûrement parce que ça n'ira jamais et que Nox, si la liste de ses défauts est longue comme le monde, n'a jamais réellement su mentir, sauf par omission. Mais face à une question ou une situation, n'a jamais pu réellement tromper qui que ce soit. Bien ce qui le rend impulsif, dans sa sincérité perpétuelle, à réagir ou cracher ce qui lui passe par la tête, ce que son corps lui dicte. Pulsions qui prennent le dessus, mauvaises ou inconscientes. Trop instable pour se permettre d'être calculateur. « C'est pas faux, » qu'il admet lentement en inhalant la fumée salvatrice, comme s'il donnait à ses poumons enfin de l'oxygène, poison déguisé. Se dit que les balances sont remises à zéro, qu'ils en savent peut-être au moins autant l'un sur l'autre. Il ne saura sûrement jamais tout sur elle, et l'inverse est tout autant vrai. Ne pourra jamais tout dire, sur lui. Autant se passer la corde autour du cou tout seul. Parce qu'y a bien un secret, terrifiant, que personne, non personne ici ou ailleurs n'a jamais pu lui arracher. Il agrippe toujours sa main, le regard un peu perdu dans le vide, corps aux ecchymoses fictives des confessions douloureuses, quand elle parle de nouveau. Il tourne de nouveau la tête vers elle, et son visage esquisse de lui-même l'ombre d'un sourire. « Bien sûr. » Ne lui dit pas, qu'il en a envie aussi, qu'il est soulagé qu'elle le propose d'elle-même. Sans savoir vraiment pourquoi. Il fait mine d'être outré, retenant un éclat de rire un peu cassé. « Tu te fous de moi ? Tu m'sors que maintenant que t'as un plaid dans le coffre ? » Regard rieur, lui prouvera bien comme ça que ses mots ne sont pas sérieux, qu'il lui aurait peut-être hurlé dessus à un autre moment, mais n'a pas le coeur à ça cette nuit.

L'imite et s'extirpe de la voiture, redressant les deux sièges avants pour qu'ils aient plus de place à l'arrière. Finit lentement sa clope avant de s'en débarrasser rapidement pour se couler à l'arrière, allongeant son corps courbaturé, éprouvant un soulagement immense à s'étendre entièrement. Pas aussi bien qu'un lit, toujours mieux qu'à l'avant. Elle le rejoint enfin, la couverture s'avance, il l'attrape, s'assure de la couvrir aussi ; elle a déjà la tête posée sous sa gorge. Inspire doucement le parfum de ses cheveux, se souvenant du contact de son corps contre le sien. Les bras qui se referment de nouveau sur elle, comme deux ailes immenses - ou deux portes de prison. Incarcéré dans son propre crâne, là pour le coup, ça a le mérite d'être chaud et doux. Le mérite que la solitude ne puisse pas se faufiler entre les failles, vipère sournoise dont il ne perçoit même plus le sifflement constant façon acouphène. Et sur l'instant, ça semble si facile que ça en est frustrant. Plus difficile que tout, car Nox n'oublie pas que pour ce trésor éphémère, il a dû s'ouvrir. Se mettre à nu. Montrer les coupures, même donner le couteau en espérant qu'on ne l'y enfonce pas à nouveau. Se sent apaisé, finalement, sans avoir eu à prendre les somnifères. Pas sûr qu'il s'endorme pour autant, mais soudainement, il aimerait rester là sans bouger des heures durant. Sans vraiment s'en rendre compte, il a commencé à caresser ses cheveux. Il lui semble que ses yeux se sont fermés même s'il a du mal à voir son visage sous son menton, que sa respiration est plus tranquille. Peut-être s'est-elle endormie et Nox se console avec cette supposition, sans cesser du bout des doigts d'enrouler ses mèches rousses.

Mais sa voix s'élève de nouveau et il tente de baisser la tête du mieux qu'il le peut pour la regarder. La question résonne longtemps en lui. Fait appel à d'autres images, de nouveau, une autre voix, une autre question, presque une demande. On n'a qu'à s'en aller loin, juste toi et moi. S'était presque imaginé une vie de fugitif, à ses côtés. Le souvenir le fait sourire, il s'accroche à l'espoir qu'elle avait eu, avant qu'il ne le lui brise violemment, mâchoires acérées de l'animal dominant. Si seulement il avait eu le courage de partir. « Aucune idée, » avoue-t-il lentement, d'une voix toute aussi basse que la sienne. « Comme j'ai passé toute ma vie ici en étant persuadé que j'y serai aussi enterré, tu sais... je me suis jamais posé ce genre de questions. » Pourtant, tout le monde doit avoir une idée, une envie, un rêve un peu fou. Même une vague image, un continent, un pays. Nox, lui, n'en a aucune idée. Est-ce qu'il s'est déjà permis de rêver, réellement ? Ses mains se détachent lentement de ses cheveux pour se refermer de nouveau sur ses épaules. D'un geste distrait, il caresse son dos en gestes lents. Il a envie de lui redemander, parce qu'elle ne lui a pas vraiment répondu. S'il a déjà tué quelqu'un. Si ça peut tuer. Mais il n'ose pas briser les songes dans lesquels elle semble avoir eu envie de les plonger. « Et toi, t'irais où ? » Son parfum entêtant qui lui monte un peu à la tête, sans doute, que Nox ne s'en occupe pas vraiment, que la bête semble endormie et qu'il se ferait si facilement avoir, de nouveau. « La Pennsylvanie, ça doit être mieux qu'Exeter... » qu'il chuchote soudainement, comme soucieux. Une inquiétude étrange prend racine lentement en lui, infusion de belladone dans une terre trop sèche pour être labourée ; et pourtant, y a nulle part où la mauvaise herbe ne daigne pas pousser. « Tu vas y retourner ? » Demain, dans deux ans, un jour. Le demande comme ça, d'un ton toujours léger et bas, comme si ça ne lui faisait rien. Parce que ça pourrait bien lui faire, hein ? Quelle légitimé pourrait-il avoir à ce que ça lui fasse quelque chose ? Se rembrunit lentement sans le montrer, le regard qui s'assombrit, qu'il fixe la fenêtre en face de lui. Est-ce que c'est la bête qui refuserait de laisser partir une proie qu'il s'est approprié, depuis qu'il s'est jetée sur elle et qu'elle lui a filé entre les griffes, ou est-ce que c'est lui, qui aurait du mal à la laisser partir ? Et c'est sûrement de ne pas pouvoir trancher directement pour la première option qui l'effraie. Et sans avoir trouvé de réponse, que les dextres agrippent un peu plus ses côtes sous son haut, sous couvert du plaid, sans savoir si ce sont ses griffes ou ses mains qui cherchent à la retenir contre lui.
Si c'est l'homme ou la bête. Peut-être n'y a-t-il plus de différence entre les deux. Qu'ils ont fusionné, l'ont toujours été, et que l'entité n'est qu'une excuse pour tous les travers et les vices qui rythment sa vie comme autant de fausses notes dans l'orchestre délabré de son organisme.

début mars 2021 - @jaimini crowley



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Re: far from home (nox)
Dim 11 Avr - 13:40


far from home
“I'm sending a raven, black bird in the sky. Sending a signal that I'm here, some sign of life. I'm sending a message of feathers and bone. Just let me know I'm not forgotten out here alone. ”  atmosphere

Un gamin, alors. Et ça lui coupait un peu l’herbe sous les pieds, à Jay. S’imaginait vraiment une très jeune personne, dans la vingtaine, sans prendre la pleine mesure de ce que Nox pouvait appeler vraiment un gamin. Elle déglutit péniblement, tranchée entre deux émotions, entre deux pensées. Entre celle qui n’en démordait pas, qui continuait de penser que peu importe l’âge, il n’y avait aucune excuse pour argumenter ce genre d’acte. Ce genre de malédiction. Et cette autre partie qui pensait qu’au fond, si ça n’avait pas été Nox, ça aurait pu être n’importe qui d’autre. Un fruit du hasard comme un autre, qui ne pouvait être accusé seulement pour l’avoir contaminé, lui. En voilà une nouvelle injustice contre laquelle rien ni personne ne pouvait agir, qu’aucun procès ne saurait départager. Alors Jay acquiesça vaguement, en compatissant sans pouvoir comprendre. Elle ne le pourra jamais, de toute façon.

Le torrent des larmes se tarit finalement, remplacé par un faible sourire quand il reprit la parole. Si Nox n’était probablement pas le meilleur pour réconforter, Jay n’était pas la plus simple des âmes à apaiser. Mais de ces petites choses, de ses taquineries, parvenaient à poindre quelques doux rayons d’une lumière qui suffit à la calmer, un peu. Parce qu’elle ne sera pas seule pour le reste de la nuit, et c’était une pensée qui ne la quittait pas, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent dans les bras de l’un et de l’autre. Apaisée dans les bras qui se refermaient sur elle dans une étreinte latente et pleine de chaleur. Jay se laissa aller à un petit soupir de bien-être, se disant qu’elle avait oublié tout des bienfaits de tels instants. Aussi simples soient-ils, ils n’en demeuraient pas moins d’une grande richesse. Le silence planait depuis un moment quand elle s’était décidée à reprendre la parole, les iris rivés vers le halo des phares du camion qui quittait l’aire de repos. Parti en silence, pour sillonner les routes vers une destination qu’elle ne connaissait pas, qu’elle ne connaîtra jamais. Quand bien même c’était un travail, elle se sentit envieuse d’une telle profession où l’on ne s’arrêtait que rarement. Où l’on était seuls, certes, mais où l’on se gorgeait les mirettes de nouveaux paysages. Où passer dans une ville comme Exeter ne devait être qu’une toute petite étape. Qu’on devait même trouver la ville quelconque, semblable à une autre. Sans d’autres souvenirs que celui des chemins qui entraient et sortaient de l’enceinte.

Il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question. Pourtant Jay ne put s’empêcher de ressentir un certain pincement au cœur à son écoute. Et maintenant que la question lui était retournée, Jay était à court de mots. « En fait, j’en sais rien aussi… Pendant les dix premières années de ma vie, j’ai cru que ma vie serait à Exeter, avec mes parents. Puis quand on est parties avec ma mère, j’ai cru qu’elle serait en Pennsylvanie, avant d’être mutée à Exeter pour le travail… » N’avait fait qu’être baladée au gré de facteurs qui ne dépendaient pas d’elle. N’avait jamais vraiment fait ses propres choix. Peut-être qu’à cause de ça, elle ne s’en sentait pas capable, d’en faire. Pourtant, ça n’avait pas été le cas. La seule véritable décision qu’elle avait prise dans sa vie était à l’origine de ses plus grands troubles aujourd’hui. Alors, elle n’était peut-être vraiment pas capable de choisir quoi que ce soit. Sans semer le chaos dans sa propre vie, et depuis peu, dans celle des autres aussi. Quand elle entendit que la Pennsylvanie devait être mieux qu’Exeter, elle ne put retenir un petit rire. Bref et jaune. « C’est ce que je me disais aussi, tu sais, en revenant ici. Que ma vie n’était plus à Exeter, mais là-bas. Je suis revenue là où je suis née comme une étrangère en uniforme de police, à essayer de rendre justice dans une ville que je pensais connaître… » Alors qu’elle ne savait rien, d’Exeter. Que ses yeux d’enfants n’avaient rien vu, à l’époque, qui lui permette d’affirmer qu’elle savait vraiment d’où elle venait. « … Alors que je n’ai jamais eu autant l’impression de ne rien connaître là-dessus. Il y a des choses tellement folles, qui se passent ici. Des choses qui me dépassent complètement. » Que ces choses lui arrivent à elle ou aux autres, à vrai dire. Il y avait sa propre condition, puis celle de Nox. Il y avait ces crimes pour certaines inexplicables, pour lesquels on ne trouvera jamais de coupables. Et c’était ça, le plus frustrant. N’avoir que quelques indices qui dans les yeux des ignorants signifiaient quelque chose, alors qu’il en était tout autre. Nouveau soupir, plus lourd, plein de cette frustration qu’elle ressentait.

À sa nouvelle question, elle ne fut pas sûre de comprendre ce qu’il se cachait derrière. Encore une fois, dans l’incertitude totale. Mais elle avait envie de croire, même bêtement, qu’il n’avait pas envie que cette éventualité devienne réalité. Elle non plus, d’ailleurs, n’était plus vraiment certaine de vouloir partir. Pas certaine de vouloir jouer une nouvelle fois les girouettes entre deux vies, celle d’ici et celle de là-bas. Qu’est-ce que ça lui avait franchement apporté, de partir ? Même si elle n’avait pas eu le choix. Que des emmerdes, encore et toujours des emmerdes. De nouvelles épreuves, de nouveaux souvenirs douloureux. Alors elle avait beau maudire Exeter, ses soucis n’étaient pas seulement dus à cette ville. Les humains restaient des humains, donc peu importe où elle ira, il y aura toujours une source à problème. Jay se redressa légèrement, assez pour essayer de croiser son regard qui s’écartait vers la vitre. Déploya l’une de ses mains contre sa joue, observant son visage calmement, quelques instants perdus dans le temps. « Non. » Lâcha-t-elle simplement, dans un premier temps. « Pour une raison qui m’échappe, je n’en ai pas terminé avec Exeter. Même si, il y a encore quelques jours, c’était mon souhait le plus cher, de repartir. J’ai regretté dès mon arrivée d’avoir accepté cette mutation, mais… » Laissa la phrase en suspens, à chercher ses mots dans la douce pénombre, sans le quitter des yeux. Avait regretté dès le premier jour de croiser autant de fantômes de son passé. Jusqu’à ce que la pilule commence à passer, mais elle restait en travers de la gorge. Comme prête à l’étouffer. « … J’en ai marre de fuir. » Et la trentenaire s’esclaffa légèrement, comme si l’ensemble de cette situation, de ses mots, n’était qu’une grosse farce. Alors que non, il n’en était rien. « C’est bête, hein… ? Ma vie ne s’est résumée qu’à ça, en fin de compte. Fuir Exeter, fuir les problèmes, la réalité, la fatalité, les gens que j’aime... ce que je suis aujourd’hui. » Elle déglutit difficilement, le bout de ses doigts caressant sa joue doucement, allant se promener jusqu’à la lisière de ses cheveux. La peau frissonnante à cette pression qu’elle ressentit contre ses côtes. Trop familière pour y rester insensible. Ses lèvres vinrent fureter près des siennes, avant de s’y déposer, lentement. Un doux baiser pour couronner l’ensemble de son discours un peu décousu, un peu vide de sens. Pour le remercier, pour se conforter. Pour marquer au fer sa sincérité peut-être mal placée. Pour confirmer qu’elle n’avait plus envie de partir. Plus envie de fuir.

@Nox Griffin

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