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 nowhere kid (warwick's)

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Spencer Warwick
- the beaten and the damned -
Spencer Warwick
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damné(e) le : o26/03/2023
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nowhere kid (warwick's)
Jeu 28 Déc - 14:48



Tu t’enfiles les verres depuis que t’es rentré du boulot, assis sur ton canapé, en tension. Tu supportes plus cet appartement, les photos sur les meubles, les cadres accrochés au mur qui ne font absolument aucun sens pour toi. Tu les as pas choisi, comme rien ici. Ta photo de mariage, comme un rappel de ce que t’as plus, t’aurais pu l’enlever mais tu t’en sentais pas capable et tu ne sais même pas si lui t’aurais laissé faire. Tu le tenteras pas. T’as peur, maintenant, dès que tu dois mettre un pied ici, fermer les yeux dans ta chambre. C’est là que tu fais les pires crises, que ton coeur s’emballe à t’en faire presque mal, que ta respiration se coupe, et tu peux pas t’empêcher de te dire que c’est pas anodin, que ce n’est pas normal, pas comme toutes les crises que tu as pu faire avant Era. Cette fois tu te persuades que c’est bien réel et que quelqu’un veut ta mort. Alors tu ne dors plus, tu bois. Tes cernes ont doucement tourné au violacé et t’as la tête qui te lance dans des migraines infernales par manque de sommeil, au moindre effort. T’aurais pu, dans ton désespoir, aller sonner chez Chester, mais tu ne sais pas vraiment où il habite, et t’as honnêtement pas envie d’avoir cette discussion-là, précisément, avec lui.

Y a le silence qui te pèse sur les épaules, alors t’allumes la radio sur la playlist qui tourne en boucle dans tes oreilles lorsque tu bosses et que tu ne veux pas être dérangé. T’as l’impression, à certains moments, que le volume baisse imperceptiblement, mais tu sais pas si tu l’imagines ou pas. Dans le doute, tu gueules. “Fous-moi la paix, si t’es pas content, tu peux te barrer et retourner dans ton une pièce tous frais payés AU CIMETIÈRE” . Le verre que tu tiens à la main t’échappe et va s’écraser sur le sol assez brusquement pour te faire bondir jusqu’à la fenêtre. Ton reflet est devenu blême alors que la radio se met à grésiller et tu n’arrives plus à détacher les yeux de la marque que le whisky bon marché a laissé sur le mur, au-dessus du verre brisé répandu sur le sol et l’étagère accrochée. D’une main tremblante t’éteins la radio. “ Je suis désolé.” Tu sais même pas s’il t’a entendu tellement ta voix s’est perdue dans au fond de ta gorge. Tu titubes jusqu’à ta canne et ta veste, t’attrapes la bouteille de bière qui reste dans ton frigo et tu ouvres la porte, sans prendre la peine d’éteindre ta lampe. Tu passeras pas trois secondes dans le noir au milieu de cette pièce. “ Je … Je dois y aller.” Tu sais pas pourquoi tu te justifies, y a personne qui te répond, dans le salon vide.

Tu marches depuis une heure, la pluie battant sur ton crâne, ta jambe commençant à te piquer un peu trop. T’as fini la bouteille que t’as jeté dans la première poubelle croisée et t’es trempé jusqu’aux os. Tu devrais plus te soucier de ne pas pouvoir dormir, il y avait fort moyen que la maladie prenne la décision pour toi et te plonge dans un semi-coma dès le lendemain. Tu sais pas où t’es. Enfin … C’est ce que tu penses avant de lever les yeux et te rendre compte que tes pas t’ont mené devant chez Callie. Tu pestes. Mais t’as froid.

Tu ne sais pas quelle heure il est, probablement aux alentours de vingt-trois heures ou minuit, peut-être plus. T’as pas trop la notion du temps et t’as laissé ton téléphone sur ta table basse. Tu sonnes quand même, à répétitions, jusqu’à ce que la voix de ta sœur se fasse entendre. “ Hey, désolé Cal’, je peux pas rentrer chez moi, t’aurais pas un bout de canapé ?” Tu sens que ta voix est un peu lointaine, t’as plus de mal que d’habitude à articuler, mais tu espères qu’elle a compris le principal, t’es pas encore totalement bourré, juste assez pour que ton quotidien te soit supportable. En attendant une réponse, tu t’abrites de la pluie sous le renfoncement de la porte et prend appui sur le mur, laissant tomber ta canne à côté de toi.
Tu pleures pas souvent, mais là tu contrôles plus tes émotions. Y a l’alcool, y a Eli, encore et toujours qui te hante, au sens propre comme au sens figuré, y a Chester, y a ta misère, ton addiction et tes batailles, et là, dans une rue de Wellhollow, devant l’appartement de ta soeur, tu craques, la tête contre le béton froid et le regard perdu sur la pluie qui tombe, encore effrayé des fantômes du passé.  

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Callie Warwick
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      Ne restent que quelques petites lumières à cette heure, des tons chauds tranquilles et la flamme vacillante d’une bougie à la cannelle pour habiller d’un peu de vie le dernier coin d’appartement en éveil. Dans la partie endormie, le désordre organisé de ce qui semble un millier de livres et de vêtements, de coussins et de chapeaux, de souvenirs et d’affaires accumulés dans les voyages et les ans. Tu travailles encore sur la table basse du salon, l’ordinateur portable encombré de trois-quatre bouquins dégueulant leur cyrillique. Non pas que tu sois tellement plus bosseuse que la moyenne, mais c’est tout l’intérêt de la traduction – d’être payée au rendement plutôt qu’au volume horaire, et tu as besoin d’argent pour entretenir le confort de ton millier d’affaires. Les raideurs à la nuque ont commencé depuis un moment, tu as perdu ta concentration dans un morceau de plafond, mais la productivité nulle ne t’a pas fait renoncer pour autant. Pas encore.

    C’est la sonnerie de l’interphone aujourd’hui qui t’interrompt d’abord. Un coup d’œil à l’heure indique minuit passée, quelle idée de sonner aussi tard ? Qu’importe, tu ne comptes pas répondre, le petit emmerdeur repassera plus tard. On insiste en bas pourtant, et tu te résignes avec un soupir. Sans doute un voisin qui a oublié son code. Au moins, c’est ton signal pour aller rejoindre Morphée, dès que tu auras réglé ce tout petit écueil. « Oui ? » – « Hey, désolé Cal’, je peux pas rentrer chez moi, t’aurais pas un bout de canapé ? » Tu reconnais évidemment la voix de ton frère, tu n’en es pas moins franchement déstabilisée de l’entendre, et même aussitôt inquiète. Pourquoi n'a-t-il pas appelé avant ? Comment ça, il ne peut pas rentrer chez lui ? Le doigt sur l’interphone, tu t’empresses de répondre. « Ne bouge pas, je descends tout de suite. » Seulement le temps d’enfiler une robe de chambre et une paire de pantoufles, et tu te précipites dans le hall, dans un cliquetis de trousseau de clés.

    Tu lui déverrouilles la porte, et aussitôt tu le trouves effondré, trempé, en larmes. Ça te serre le cœur, « Spence ! » tu t’exclames. Il y a un temps en suspens, celui qu’il te faut pour analyser l’état d’abandon dans lequel il est ; tu aimerais dire que tu n’as pas l’habitude de le voir comme ça, ce serait mentir, mais tu ne t’attendais pas à ça ce soir. Je pensais que ça allait mieux. Que ça n’allait plus aussi mal. Il devait s’être passé quelque chose, encore. « Tu vas attraper la mort, entre vite. » La main contre sa joue pour prendre sa température, est-ce qu’il est fiévreux ? Tu l’aurais pris dans tes bras s’il ne portait pas l’équivalent de l’Atlantique imbibé dans ses vêtements. Rien ne sert de rester dans le froid et la pluie, tu ramasses sa canne laissée à terre, passes un bras autour de son coude et tu l’emmènes avec toi jusqu’au premier étage où la porte de l’appartement était restée entrebâillée. Tu ne le lâches pas avant d’avoir atteint au moins la salle de bain, et tu lui sors du meuble quelques serviettes sans vraiment les compter, un peu abusif d’en user autant. « Ne reste pas dans tes vêtements mouillés, je vais te les passer au sèche-linge. Prends mon peignoir en attendant, je dois avoir de quoi te dépanner de toute façon. » Tu reposes sa canne contre le radiateur, prête à l'emploi sitôt qu'il sera disposé à la reprendre.

    Rapidement, le dessus du lavabo s’encombre de tout le nécessaire, et tu tournes vers lui un œil expert, lui essuyant quelques larmes du bout des doigts. « Tu as bu ? » Qu’il essaie seulement de te mentir, il ne te leurrera pas. Tu n'as pas l'intention de le lui reprocher pour autant. « Tu devrais passer un coup sous l’eau chaude, ça te fera du bien. Je vais lancer la bouilloire, on discutera quand tu seras sec. Camomille ? » Les vertus apaisantes vaudraient autant pour lui que pour toi. C’est toujours difficile de le voir comme ça, mais il y a ce loquet automatique dans ce recoin de cerveau taillé par et pour les tiens. Quand la famille ne va pas bien, tu ne peux pas te laisser déborder par les émotions. Il faut que tu fasses en sorte que tout aille bien, quitte à te soucier trop du matériel, plus aisé d'appréhension. Et dans ce petit système rodé par le temps, c'est toujours Spencer qui importe le plus. « Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. » Et tu refermes la porte après toi, le regard plus creusé, la fatigue évincée par le sentiment d’urgence. Jusqu’où la nuit allait mener, qu’est-ce qu’il allait bien te dire encore, quelles horreur allais-tu entendre dans sa bouche cette fois. Tu espères de tout cœur que ce n’est que la fatigue, le ras-le-bol, éventuellement un problème de clé, ou quelque chose que tu puisses prendre en charge à sa place. Autrement, tu n’aurais rien d’autre à faire que de maintenir ta présence à son côté, aussi perpétuellement inefficace qu’elle semblait être, dans cette épreuve comme dans les précédentes.




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Spencer Warwick
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L’optimisme, ça n’a jamais vraiment fait partie de ton ADN. T’as jamais été le genre à voir le verre à moitié plein, Spencer, même bien avant l’accident. Toi tu pensais crever y a un moment, prendre un peu trop de pilules en même temps, te tromper de dosage, sombrer dans l’inconscience et plus jamais te réveiller. Tu l’aurais jamais fait sciemment, mais t’aurais pas été déçu si c’était arrivé. Ca aurait libéré ta mère de son seul enfant raté, ta sœur d’une charge mentale que tu lui imposait et les jumeaux de leur principale source de moquerie. Tu manquerais probablement pas à grand-monde. Mais même maintenant, alors que t’as du mal à respirer, l’impression d’étouffer, le désespoir au bord des lèvres, t’y penses plus. Tu veux que ça s’arrête, à n’importe quel prix, mais pas celui-là.

Le froid commence à s’insinuer jusqu’à tes os, te faisant frissonner. Tu sais pas depuis combien de temps t’attends, mais t’as la conscience déglinguée par l’alcool dans tous les cas, t’aurais bien été incapable de le dire. Callie finit par apparaître à la porte, accompagnée d’un halo de lumière qui t’éblouit un instant. Tu te laisses accompagner jusqu’à l’appartement, oubliant momentanément ta canne. T’es complètement égaré, le regard à moitié dans le vide, incapable de ne pas laisser ton esprit dériver vers ton appartement et surtout vers celui qui s’y trouve. T’as les larmes qui sont prêtes à revenir, alors tu les dégages de ta manche. T’as horreur de te montrer si fragile. Ça a l’air d’être un thème récurrent pour toi ces derniers temps.

Tu ne dis pas un mot avant d’être arrivé dans la salle de bains. Callie ne t’en laisse dans tous les cas pas le temps, occupée à t’y traîner et sortir tout ce dont tu pourrais avoir besoin pour te réchauffer. Le froid te fait trembler plus que tu ne le réalisais, tes pensées bien trop focalisées sur l’idée de t’éloigner de Needham pour s’arrêter sur une chose aussi triviale que la météo. “Merci.” Tu la remercies du bord des lèvres, non sans le penser profondément. T’es pas bien glorieux, dans toute ta détresse, mais tu serais sans doute mille fois pire si elle n’était pas là pour te réceptionner quand tu tenais plus sur tes jambes, et ça tu le sais très bien. Sa question t’arrache une grimace un peu lâche. Même si ton haleine sentait pas comme la réserve d’un bar, tu sais bien que t’aurais aucune chance de lui mentir. “Juste une bouteille ou deux.” Elle te connaissait, oui, mais plus encore, elle connaissait ton égarement et ce que tu pouvais faire pour oublier ne serait-ce qu’une poignée de minutes le malheur dans lequel tu t'enfermes.
Tu te retrouves seul après avoir donné tes vêtements trempés à ta sœur et acquiescé quant à sa proposition de boisson chaude. Suivant son conseil, tu te rends sous la douche, accueillant l’eau chaude avec frisson et appréciation. Tu commences à émerger, peu à peu, au fur et à mesure que tes os se réchauffent et que le froid disparaît. Sitôt que tes pensées deviennent plus raisonnées, la culpabilité t'assaille. Celle d’être venu déranger Callie à une heure aussi tardive, mais aussi celle de l’embarquer, à demi-mots, dans tes problématiques insolubles.

Une fois ta température corporelle revenue à la normale, tu te sèches les cheveux et enfile le peignoir, ainsi que les chaussons que ta sœur t’a laissé. Ta canne, désormais sèche, t’attend sur le bord d’un meuble, et tu t’y appuies volontiers. Les courbatures que ton aventure te laisseront dans les prochains jours ne seront certainement pas des plus agréables. Tu profites des dernières secondes de silence pour jauger de l’état de la migraine qui risque de s’annoncer. Rien qu’une tisane ne saurait régler, du moins tu l’espères.

Callie, de son côté, t’attends dans le salon. Tu prends la parole avant qu’elle ait pu dire quoi que ce soit. “Je suis désolé Cal’, j’aurais pas dû débarquer chez toi aussi tard. Mais je savais pas où aller.” T’expliques rien, encore, tu sais que tu vas devoir le faire mais tu rechignes. Notamment parce que t’es pas spécialement sûr que si quelqu’un arrivait avec l’histoire que tu t’apprêtes à sortir, tu le croirais sans poser de questions. Rien ne t’empêche de mentir, de dériver de la réalité pour la faire tienne, enrober le fantôme de ton mari d’une existence moins littérale. Mais tu te sens bien trop seul dans ton expérience pour que cette solution te convienne. Égoïstement, tu veux qu’elle sache, qu’elle se questionne, qu’elle voit de ses propres yeux. Parce que t’es plus capable de trouver des excuses à tes blessures, à tes frayeurs et à tes traumatismes. Les expérimenter seul désormais, est devenu impossible à imaginer. Ca ne rend pas la conversation que tu t’apprêtes à avoir plus facile, loin de là. “Callie … Est-ce que tu crois aux fantômes ?”

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Callie Warwick
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    L'écoulement monotone de la douche et le ronflement de la bouilloire simulent dans l’appartement presque éteint une atmosphère de calme, à mille lieues d’où s’égare ton imagination motivée par l’inquiétude. C’est en soi propre un soulagement que Spencer se soit présenté à ton domicile, qu'importe qu’il en ait des scrupules – ça te rassure qu'il sache encore compter sur toi. Il valait mieux ça que de le voir s'isoler ou prendre seul des risques déraisonnables. Aussi éprouvant que cela s'avère, d'être une solution de secours ou un point d'ancrage, tu n'aurais pas voulu la chose autrement. Même si sa détresse devait lui durer dix ans, pour ta propre conscience tu ne saurais lui refuser ton soutien – maladroit, parfois, sûrement ; personne ne pouvait être à la hauteur de façon permanente, encore que tu plaçais tes attentes aussi haut et que tu te reprochais souvent tes manques, comme on avait pu te les reprocher aussi parfois. Tu avais l’impression d’en faire trop et à la fois de n’en faire pas assez, mais devant la nature du mal qui habitait ton frère, il y avait finalement peu de choses dont tu sois capable. Le deuil, qu’importe l’entourage, on finissait toujours par le traverser seul. Tu avais pourtant essayé d’alléger le poids, un moment, jusqu’à t’installer dans son appartement, ne serait-ce que pour quelques semaines. Jusqu’à ce que tu te sentes t’enliser toi-même, et que tu arrives au bout de ce que tu pouvais lui servir, au risque de le desservir ; que tu estimes qu’il était temps, pour ton propre bien comme pour le sien, qu’il se reprenne en main lui-même. C'est que tu étais arrivée au point où tu n’arrivais plus à le soutenir correctement, à force de partager constamment la mélasse de ses problèmes. Toi aussi, tu voulais avoir droit à tes respirations.

    La porte de la salle de bain se déverrouille alors que tu rejoins le salon avec deux tasses similaires, et les dépose sur un coin de table où la surface n’était pas encore ensevelie d’affaires. Tu n’as pas vraiment le temps de lui dire quoi que ce soit, seulement de retourner ton visage dans sa direction. Je suis désolé Cal’, j’aurais pas dû débarquer chez toi aussi tard. Mais je savais pas où aller. Ça te serre le cœur, qu'il ressente le besoin de s'excuser de cette façon. A quel point tu avais failli à ta tâche, pour qu’il suppose que tu ne l’aides qu’à regret ? Qu’il ne pouvait envisager de venir chercher ton aide que lorsqu’il avait épuisé toutes les autres options ? Tu te consoles à te dire que c’est son mal-être qui parle, qu’il ne peut pas avoir une image de toi aussi cruelle. Ton visage pourtant prend des traits plus sévères, pour occulter la peine que tu as eu à l’entendre. « Arrête, tu sais que je ne vais jamais te mettre à la porte. C’est évident que j’aime mieux te savoir ici que sous la pluie battante, peu importe l’heure qu’il est. » Tu aimerais dire que cela te fait plaisir de le voir, mais c’est réellement beaucoup plus agréable quand il vient te voir sans nécessairement s’accompagner de mauvaises raisons. Des mots que tu ne diras pas, des reproches qui n’ont pas lieu d’être, et toute possibilité de rancœur scellée dans sa boîte. Après tout, tu t’es aussi laissée aller à le voir moins souvent, dernièrement, sans doute – comme c’est éprouvant chaque fois, hélas. Cette nuit encore, ça le sera certainement. Mais c’est un problème qui ne possède pas de solution.

    Tu débarrasses en vitesse un peu plus d’espace, sauvegardes un fichier et clôs ton ordinateur pour ne pas te laisser de distraction – les bougies à la cannelle encore vacillantes et peut-être depuis trop longtemps pour ce qu’on recommande. Il avait déjà une question sur le bord des lèvres à ce moment, tu aurais dû la sentir arriver. Callie… Est-ce que tu crois aux fantômes ? Tu es prise au dépourvu, et tu t'accordes un silence pour tenter de relier cette idée saugrenue à sa déclaration de tantôt, sur le fait qu’il ne puisse pas rentrer chez lui. Mais c’est une absurdité, un non-sens. Tu interromps ton rangement, suspendue dans la réflexion, en retournant vers lui toute ton attention. « …Non, » tu commences, prudemment, en cherchant sur son visage la réponse qu’il attend de toi. « Mais je crois que c’est facile de se faire peur, quand on a envie d’y croire. » Tu supposes qu’il s’est fait peur, d’une façon ou d’une autre, et qu’il a besoin non pas d’être cru, mais d’être rassuré. C’est pourquoi tu prends tout ton aplomb pour lui imposer cette idée ferme : « Spence, les fantômes ça n’existe pas. » Quand bien même vous n’avez que peu d’écart, c’est un peu dans le rôle d’une aînée – qu’importe que ce soit pour dire un mensonge ou une vérité, de le dire avec suffisamment de conviction pour persuader son cadet dans ce sens. Ça n’existe pas, Spence, tu n’as pas à t’inquiéter, que répètent tes yeux avec un peu plus de douceur, alors que tu tends une main vers lui pour l’inciter à venir près de toi. « Viens, raconte-moi. Qu’est-ce qui te tracasse ? Je ne me moquerai pas, tu peux me faire confiance. » Et tu t’assois dans le canapé en tapotant la place adjacente, pour qu’il se mette un peu plus à l’aise, et cesse d’autant solliciter sa jambe.




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Dernière édition par Callie Warwick le Ven 23 Fév - 4:01, édité 1 fois
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The Black Parade
- you're dead and gone -
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damné(e) le : o02/05/2019
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Re: nowhere kid (warwick's)
Dim 11 Fév - 14:17

intervention spectrale
friends from the other side
byron edwards, le bizut (ectoplasme) - quelques mèches de cheveux lui collaient au front alors qu'il prenait le chemin du lycée, soucieux d'arriver avant les autres ; s'il croisait ses harceleurs, il passerait un mauvais moment. en arrivant le premier, il restait sous la protection d'un professeur, c'était ce sur quoi il comptait. il pleuvait tout autour de lui, les gouttes fraîches se mélangeant à la transpiration de la peur. il traînait des pieds, par peur, par colère, par paresse.
sa mère lui avait toujours dit de s'abriter pour ne pas attraper froid ; mais en étant malade, il n'avait pas à aller suivre de cours, et c'était là le but. il hésita alors à prendre le chemin d'une porte au hasard, pour obéir à sa mère qui devait déjà s'inquiéter de le savoir sous ce temps abominable.

il s'arrêta près d'une habitation, attiré par l'ambiance chaleureuse qui semblait s'en dégager. les yeux grands ouverts, il s'était installé près d'une fenêtre pour observer l'intérieur. sa mère lui aurait dit que ce n'était pas poli, mais elle n'était pas là pour mettre une main sur son épaule et le guider gentiment. il resta alors ainsi, la tête à la fenêtre, curieux de la présence d'un frère et sa sœur, installés sur le canapé – à l'abri, au chaud.
il ne se fit pas voir, toujours invisible aux yeux des gens ; mais sa présence était là, comme une ombre propagée. il leva la main et tapota deux fois contre le carreau, juste pour se sentir vivant. juste pour être enfin entendu.

membres concernés : @spencer warwick & @callie warwick

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Spencer Warwick
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Re: nowhere kid (warwick's)
Dim 11 Fév - 15:29



Tes pensées s’éclaircissent au fur et à mesure que l’eau semble te laver du brouillard de l’alcool. Ce n’est probablement qu’une impression, même si ton état est loin d’égaler tes pires gueules de bois. Tu t’en veux d’imposer ta présence à qui que ce soit, mais plus encore à ta sœur. Un relent d’une existence passée à t’entendre dire par tes frères aînés que ta valeur était proche du néant, et que si tu n’y faisais pas attention, tu risquais d’y embarquer Callie. De la manière la plus égoïste possible, cependant, c’est d’elle que tu te rapproches instinctivement dès que ton mal-être te semble trop profond pour que tu puisses en sortir seul. Engoncé dans l’alcool et la détresse, tu n’as pas réfléchi une seule seconde à la justification de tes actes, ni même à ce que le moindre mot prononcé devant la mauvaise personne pouvait avoir comme conséquence à Exeter. L’instinct d’une jeunesse vécue à deux t’a aveuglé, l’espace d’un instant, et tu te trouves acculé dans une situation que tu pensais naïvement ne jamais atteindre.
Pour éviter de penser à ce que tu allais devoir dire en sortant de la salle de bains, tu te concentres sur tes gestes, ceux qui te demandent un peu plus d’efforts que d’ordinaire, l’angoisse des nuits passées les yeux ouverts par peur de ce qu’il pourrait arriver lors de ton inconscience. T’as le regard qui accroche malgré toi le reflet de l’immense miroir de la salle d’eau, s’arrêtant sur tes cernes creusées et ton visage blême. Tu ne te souviens pas de la dernière fois où tu as pu t’observer sans te dire que ta dépression se lisait directement dans tes traits tirés et le brouillard de tes pupilles grises.

Tu finis par sortir, quittant le refuge solitaire de la baignoire pour la présence apaisante de Callie, qui, tu en étais sûr, devait espérer une explication autrement plus pertinente que des excuses qui ne pouvaient pas modifier tes actes et qui les rationnalisaient encore moins. Tu ne peux empêcher la culpabilité de venir s’insinuer dans ton esprit alors que Callie, elle, tente de te rassurer du mieux possible. Tu sais qu’elle taira, de toute manière, toute émotion négative qu’elle pourrait ressentir, pour ne pas te brusquer, pour ne pas te faire fuir. Tu n’es pas idiot, tu sais pertinemment les sacrifices qu’elle consent à faire pour toi, toujours pour toi. T’arrives simplement pas à t’empêcher de lui en demander toujours plus et pour ça tu peux accuser le deuil, les anti-douleurs, l’alcool. C’est plus facile que d’admettre que tes frères possèdent une part de la vérité. Plutôt crever que de l’accepter, quitte à en faire pâtir le seul membre de la famille qui ne t’a pas encore totalement lâché.
Un peu plus conscient de ton environnement, tu te rends compte de l’état de la table et de ce qui l’entoure, les documents éparpillés partout, l’ordinateur ouvert, que Callie s’empresse de fermer et de ranger, le désordre organisé qui semble régner dans le salon. “Tu étais en train de travailler ?”  L’inquiétude se lit dans ta voix, la peur, encore, de la déranger alors qu’elle avait sûrement plus important à faire que s’occuper de toi un soir de semaine.

Tu ne rajoutes rien, pourtant, l’esprit occupé par l’ombre d’Eli, tapi dans tes pensées, semblant bien plus réel qu’il ne l’avait été depuis longtemps.  Ta question t’échappe, presque malgré toi. Il faut pourtant bien que tu t’expliques, et là, plus que jamais, tu t’aperçois du gouffre entre Callie et toi. A tort, tu pensais que c’était l’accident qui l’avait creusé, avant ça, le mariage, Elijah. Il en a fait des erreurs, il t’a irrémédiablement éloigné de tous, mais en réalité, tout remonte bien plus loin. Tu comprends, à ses mots, que la fissure s’est faite dès que tu as commencé à ressentir les émotions qui n’étaient pas tiennes. L’excuse était facile, lorsque tu ne comprenais pas encore, la honte d’hallucinations qui te rapprochaient peu à peu de ton père et de sa maladie, ne pas vouloir en parler pour ne pas être enfermé en institution … Mais cette excuse ne marchait qu’un temps. Lorsque tu as compris, lorsque tu as vu, pour la première fois, Exeter se dévoiler, tu aurais pu en parler. Tu ne l’as jamais fait. Et maintenant, tu te rends compte qu’il y a chez Callie des expériences si profondément différentes que tu ne sais pas comment lui parler réellement.
Alors un rire sans joie s’échappe de tes lèvres lorsqu’elle affirme avec l’assurance de la raison que les fantômes n’existent pas. “Si, c’est là tout le problème.” Tu te déplaces doucement vers le canapé pour t’asseoir à ses côtés. Tu restes encore un peu silencieux, le temps d’organiser tes pensées. Une voix insidieuse, au fond de toi, t’assassine, clamant que c’est peine perdue. Tu ne peux rien prouver et à peine croire tes propres sens, il n’y avait aucune raison pour qu’elle y croit à son tour. Tu pourrais ne rien dire, mettre ça sur le compte de la confusion, du manque de sommeil, mais le fait est que tu ne supportais plus de ne pouvoir en parler à personne, depuis le départ de Frank. “ Il y a quelque chose dont je ne t’ai jamais parlé et honnêtement je ne sais pas vraiment comment le faire sans que tu penses que j’ai des hallucinations donc je vais me lancer. Depuis des années, selon le lieu où je me trouve, je peux … En quelques sortes … Ressentir les émotions des morts. C’est parfois très léger, parfois ça m’englobe tout entier.” Tu te rends bien compte que ces explications-là, données à voix hautes, sont probablement d’un ridicule sans nom pour celle qui les reçoit maintenant. Alors tu la devances. “Dans ces moments-là je sais que ce que je ressens ne vient pas de moi. Mais plus encore, il m’est arrivé de les voir.” Tu repenses brièvement à l’enfant vêtu de guenilles dans le cimetière, au chasseur qui a failli avoir ta peau au cœur de la forêt, au spectre qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Era … Et tu penses à Eli. “Il y a quelques jours, c’est de nouveau arrivé. Dans mon appartement.” Tu n’as pas vraiment le temps d’en dire plus que le bruit de quelqu’un venant frapper au carreau t'interrompt, te faisant sursauter. “T’as un arbre près de ta fenêtre ?” T’es figé, maintenant, et tellement pris dans tes explications que tu en es à te demander, réellement, si Eli ne t’a pas suivi jusqu’ici, contredisant tout ce que tu avais pu apprendre sur les esprits.

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    Tu ne prends que le temps de déblayer le strict minimum de tes affaires, espérant que Spencer se sente un peu plus à son aise pour t’exposer ce qui l’a mis, aujourd’hui plus qu’hier, dans un tel état de détresse. Le salon est finalement à l’image du reste de ton appartement : loin d’être aussi net et ordonné que ce que l’on pourrait s’imaginer en se basant sur ta propre apparence, mais plutôt le reflet de ton mental et de tes occupations, dans l’éparpillement et l’accumulation des choses. C’est un peu aussi pour te consacrer à lui plus entièrement, libérer ton esprit de tout le reste. Tu étais en train de travailler ?, demande-t-il avec une contrariété manifeste. Tu lui donnes un signe de tête qui se veut rassurant, comme l’inquiétude ne devrait jamais circuler que dans un sens. « J’ai terminé pour ce soir. C'est rien d’urgent, j’ai seulement pas vu le temps passer. » Tu le soulignes d’un sourire pressé, pour le repos de sa conscience. Il n’interrompait rien véritablement, mais même si ç’avait été le cas, tu avais ton sens des priorités bien en place. Spencer en larmes et rincé sur le pas de ta porte se plaçait largement en tête de liste. Tout le reste se reléguait infiniment loin derrière, comme tu mettais ta vie sur pause lorsqu’il prenait l’initiative de venir chercher ton support - ce qui, à ton avis, ne devait représenter qu’une minorité des moments où il aurait eu besoin d’aide. Tu ne sais pas encore, à vrai dire, si tu peux vraiment lui apporter ce dont il a besoin cette fois-ci. Qu’est-ce qu’il espère que tu lui dises, en venant te parler d’histoires de fantômes ?

    Tu crois d’abord qu’il te suffit de le rassurer. Qu’en étant assez ferme, ou suffisamment douce, tu peux être la voix de la raison qui lui rappelle que ça n’existe pas, ces choses-là, et qu’il ne peut rien lui arriver, qu’il peut dormir tranquille. Qu’il te répondrait, peut-être, je n’en suis pas si sûr en essayant de te justifier ses doutes, mais que tu n’aurais qu’à consolider ton attitude jusqu’à ce qu’il achève de mettre sa peur au repos. Mais c’est un rire froid qui te répond, et tu te laisses surprendre par l’aplomb avec lequel il affirme que tu as tort. Ce n’est pas seulement qu’il hésite à y croire, plutôt qu’il en a déjà acquis la certitude et tu ne t’attendais pas vraiment à ce qu’il te mette dans cette situation. Tu adoptes un silence contrarié, comment fallait-il que tu réagisses à ça ? Devant l’assurance qu’il y met, tu redoutes que l’opposition mène au conflit, mais tu ne peux pas non plus prétendre, ni risquer de consolider cette idée proprement délirante. Il vaut mieux que tu gardes pour toi tes opinions, tu penses, que tu lui laisses la parole, et tu crois naïvement que s’il a des arguments à te donner, tu auras une chance de les casser par la logique. « Qu’est-ce qui te fait penser ça ? » tu demandes, avec une sorte de prudence confuse, comme il tarde à reprendre la parole, alors qu’il s’installe à côté de toi. Tu vois mal ce qu’il pourrait dire qui puisse te convaincre pourtant ; nier l’existence des fantômes, c’est comme nier l’existence de Dieu, et comme tout de qui relève de la croyance, il n’y a aucune finalité atteignable ni d’un bord, ni de l’autre. Si tu pouvais au moins comprendre sur quoi repose cette force de conviction.

    Il y a quelque chose dont je ne t'ai jamais parlé. Tu accueilles son discours avec une gravité nerveuse et désagréable. Il réfute d’entrée de jeu l’hypothèse des hallucinations, avant même de te donner le moindre contexte, et ça te serre immédiatement le ventre, qu’il puisse aborder le sujet sous cet angle, qu’elle soit suffisamment proche pour faire partie de la conversation. Rien de ce qui suit n’est pour te rassurer, et tu restes silencieuse, tout le temps qu’il emploie à t’expliquer ce qu’il ressent, comme ce qu’il a pu voir. Tu aimerais ne pas t’affoler, ne pas faire un monde de petites confusions, mais réellement plus tu y penses et plus tu te rends malade. Il croit vraiment saisir les émotions des morts, et les voir - il y croit depuis des années, il y croit si intensément qu’il se laisse prendre tout entier, et n’a jamais osé t’en parler. Bien sûr, que tu penses aux hallucinations. Depuis des années, cette idée ouvre un gouffre d’angoisse dans ta poitrine. Combien d’années ? Si c’est de ça qu'il s'agit, depuis combien de temps aurait-il dû être sous traitement ? Et si, encore une fois, tu n’étais mise au courant que lorsqu'il était trop tard ? Depuis des années, encore une fois, tu aurais manqué quelque chose d’aussi grave ? Ça peut aussi être autre chose, tu l’espères du moins avec toute la force du vide qui te remplit avec les secondes. Il faut que tu restes calme.

    Tu presses un moment tes paupières ensemble, le front appuyé contre tes doigts. Spencer avait traversé des épreuves difficiles, il avait le cœur fragilisé encore rempli de deuil, il y avait autant d’autres raisons pour qu’il se laisse perturber les sens, qu’il perde le fil de ses émotions. Qu’il y associe l’idée d’une communication avec les morts, c’était un délire construit autrement plus inquiétant. Mais s’il avait passé des années sans t’en parler, tu ne pouvais pas risquer de perdre sa confiance - ça reviendrait à la rejeter, si tu évoquais immédiatement ce qu’il t’a demandé expressément de ne pas y voir. Te voilà réduite au silence par un recours de prudence, comme si le moindre mauvais mot pouvait te faire perdre la main ; deux coups contre le carreau rompent la maigre pause qui succède à ses aveux. Le sursaut de ton frère trahit à quel point il est tendu. T’as un arbre près de ta fenêtre ? Au premier étage, c’était le plus vraisemblable. Tu jettes bien un regard dans cette direction, sans espérer rien y voir à cette heure de la nuit, mais ton esprit est focalisé sur des idées bien plus préoccupantes. « Non, il doit y avoir quelques grêlons, » tu murmures, en ramenant ton regard sur le bord dégagé de la table basse, un soupir au bord des lèvres. Ce n’est pas ce qui importe.
    « Écoute, Spence… » Il te faut peser chaque mot, tu en as péniblement conscience. Tu relèves les yeux vers lui, espérant si fort ne rien dire qui puisse le braquer. « Tu es épuisé émotionnellement, je m’en rends bien compte. Ce n’est pas étonnant, avec tout ça. Peut-être que ça ne fait pas toujours sens, ce que tu ressens, mais ça ne veut pas dire que ça ne t’appartient pas. Regarde dans quel état tu te mets… Tu ne crois pas que, peut-être, ça pourrait être le signe que tu as besoin de lâcher du lest ? » Tu viens chercher sa main, tu aimerais lui demander de cette façon de ne pas se refermer à toi, même si tu ne peux pas le croire autant qu’il l’espérerait. « Tu te fais du mal, à rester dans cet appartement. Je sais que c’est difficile pour toi d’y renoncer, mais peut-être qu’il serait temps que… que tu te donnes une chance de sortir de là. Reste ici quelques jours, tu veux bien ? » Il n’ose pas y retourner, c’est le moment ou jamais de passer une étape qui, tu en es convaincue, joue un rôle non négligeable dans ce qu’il prétend vivre. « Qu’est-ce que tu as vu, exactement ? Quand est-ce que ça a commencé ? » Les symptômes ; sans être prononcé, le mot peut presque s’entendre dans l’inquiétude meurtrie qui couvre ta voix, dans les précautions exacerbées que tu prends dans ta façon de lui répondre.




I been standing on a stage, or just a mirror, forced to face who I become, searching for a new escape. (c)halfalive
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Spencer Warwick
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Tu prends ton temps pour observer l’état de l’appartement de ta sœur, comme si tu pouvais gagner assez de minutes pour lui faire oublier la raison de ta présence ici ce soir, alcoolisé et loin du confort de ton propre logement. C’est un peu trop idéaliste, surtout connaissant Callie, mais ça ne te coûtait rien de prendre, pour une fois, conscience que tu n’étais pas seul à vivre et que les tourments qui ne te lâchent plus depuis bientôt deux ans n’appartiennent qu’à toi, les autres personnes gravitant au gré même de leur propre expérience, de leurs propres angoisses. Tu ne peux pas vocaliser à quel point tu es désolé, parce que tu l’as déjà fait et que tu sais qu’elle ne l’acceptera pas une fois de plus. Ta sœur s’est donnée pour mission de prendre soin de toi quand personne d’autre de ta famille ne l’a fait, et avec ça, tu as pris bien trop de libertés. Si tu pouvais disparaître et oublier cette soirée, ne serait-ce que pour elle, tu le ferais. Disparaître juste le temps que tes fantômes s’ennuient de toi, qu’ils t’abandonnent à ta solitude, te laissant pantelant et incapable de décider quoi faire de ta propre vie, mais libre. Parce que maintenant, t’as seulement l’impression d’être enfermé dans une cage aux barreaux rouillés.
Tu acquiesces, distrait, peu rassuré par les explications de Callie, préférant le scénario où, encore une fois, tu as fait de tes problèmes une généralité. Tu gardes beaucoup de choses pour toi mais elle te connait assez pour ne jamais t’avoir laissé faire trop longtemps, et tu aurais dû l’en empêcher. Si tu n’étais pas épuisé, en contre-coup de l’alcool, sûrement aurais-tu déjà tourné les talons, t’excusant une énième fois, pour disparaître dans la nuit. Au moins aurais-tu essayé.

L’horloge continue de tourner, doucement, te forçant à prendre de nouveau la parole pour ne pas éterniser le silence pesant qui s’est posé entre vous. Une question, une seule, une réponse, celle que tu attendais mais qui t’emplit de désespoir. Tu t’étais dit que peut-être, peut-être, si le monde était de ton côté cette fois, Callie aurait déjà eu des expériences comme les tiennes, et peut-être qu’elle te les aurait aussi cachées, la peur de se faire juger comme votre père étant plus fort que vos confidences. Tu comprends que ce n’est pas le cas, que quelque chose chez Callie l’avait épargnée de ce que tu avais pu voir, entendre et ressentir. Que la peur ne faisait pas partie de son quotidien, comme tu l’avais expérimenté. Et ta réaction à ça fut la froideur, tu te refermes, ne sachant pas vraiment comment appréhender la suite. C’était un problème, quand tu ne pouvais rien prouver de ce que tu pouvais subir. Ce n’était pas comme si Frank ou Era étaient encore là pour confirmer à ta sœur que tu ne perdais pas la tête - la deuxième, de toute manière, n’aurait jamais accepté de l’admettre, cela dit. Puis rien ne disait que tu n’étais pas juste touché par une hallucination commune, ton terrain mental y étant sans doute plus favorable qu’un autre.

Pourtant, tu finis par te reprendre, prenant un ton plus doux pour lui répondre et sortir ce que tu as sur le cœur. Le silence te répond, alors que tu essaies de poser des mots au plus proche de ton expérience. Elle t’écoute mais tu ne peux t’empêcher de lire dans son regard toute l’inquiétude qu’elle ne verbalise pas. Tu sais bien qu’elle pense à papa, tu sais bien qu’elle se dit sûrement que les symptômes sont apparus plus tôt qu’elle ne l’aurait jamais imaginé, parce que c’est ce que tu as cru, au départ. Avant de tout partager, de tout voir plus clairement et de comprendre que ce que tu pouvais sentir n’était pas le plus impressionnant à Exeter.
Ton corps se tend lorsque tu entends les coups à la fenêtre, mais tu finis par acquiescer à l’hypothèse des grêlons. Tu sais que c’est peu probable et que le temps, même pluvieux, n’en appelle pas  à ça, mais tu ranges cette inquiétude au fond de ton crâne lorsque Callie reprend la parole.  Un soupir s’échappe de tes lèvres. Tu le sens bien, qu’elle marche sur des œufs, tu as beau avoir l’esprit embrumé, t’es assez lucide pour t’en rendre compte. “Ce n’est pas de ça dont il s’agit. Je vais pas dire que je suis pas éreinté, mentalement je suis en bordel et j’arrive de moins en moins à mettre ça sur le compte du deuil, plus le temps avance. Mais ça veut pas dire que j’imagine des choses, c’est pas le cas, je te le jure.” Tu te passes les mains sur le visage, te détournant un instant de Callie, fuyant, par la même, sa tentative d’affection. T’as pas besoin de compassion, maintenant. T’as besoin qu’elle te croit. Tu réalises que c’est beaucoup trop demandé, alors que tu peux pas vraiment prouvé ce que t’avances, mais tu ne peux pas t’empêcher d’être déçu.   “ Non, je vais pas rester ici. Que ça me plaise ou non, il va falloir que j’y retourne, j’ai toutes les affaires d’Eli à empaqueter, y a un de ses potes qui vient les récupérer pour ses parents d’ici quelques jours.” Tu sais aussi que tu pourras pas rester bien longtemps loin de ton ex-mari, du moins de son fantôme, et qu’il faudra que tu l’affrontes, te confortant dans l’idée que tu le crois, pour l’instant, incapable de te faire du mal. Il t’a bien protégé face au fantôme d’Era, non ? T’essaies de pas mettre ça sur le compte, seulement, d’une guerre de territoire.

Tu grinces des dents face aux sous-entendus que tu perçois dans ses demandes. Tu t’y attendais, mais ils font aussi mal que si t’avais été surpris. La vérité étant que tu ne pouvais même pas passer d’examens pour lui prouver que tout allait bien, parce que tu le savais, que selon à qui tu parlais, il y avait le manque de réalisation de l’univers dans lequel vous étiez contraints de vivre. Et ton travail au cimetière n’avait rien arrangé, tu étais au premier rang des phénomènes paranormaux.   “ Bien avant la mort d’Elijah, si c’est ta question. Pendant certaines séances d’urbex. Tu te souviens de la maison à l’angle de Epping Road et de Warren Avenue, juste à côté du parc ? ” Tu poses la question, sachant pertinemment que ce jour-là, Callie était avec toi. Vous deviez avoir quinze ou seize ans, t’es plus vraiment sûr. T’avais trouvé la baraque en te promenant, un jour de juin, et tu t’étais rendu compte, malgré les grilles hautes et la vue coupée par les haies, que le toit était affaissé et le jardin trop luxuriant pour que quelqu’un soit encore dans les environs. T’y avais traîné ta sœur, heureux de pouvoir partager avec elle ta découverte. A l’époque, tu ne connaissais pas grand-chose de la maison, et t’avais pas encore le réflexe de faire des masses de recherches.   “ Bref, ce jour-là, c’est la première fois que j’ai ressenti ça, en premier quand je suis entré dans la chambre des parents, et ensuite dans celle du gosse. J’ai pas vraiment su l’expliquer au début, c’était … Juste glacé. Un mélange de désespoir, de tristesse, d'envies suicidaires et de colère. C’est après, qu’on a appris que le gamin avait été enlevé dans son lit et que sa mère, de douleur, avait fini par se tuer. Tu te souviens ? ” Tu lui rappelles les faits comme si elle n’avait pas été là, espérant insister assez pour qu’elle comprenne que l’histoire de la maison n’aurait pas pu t’influer, tout simplement parce qu’à l’époque, tu ne la connaissais pas. A l’époque, ces sentiments-là t’étaient étranger, t’étais heureux, même si maintenant, t’aurais bien du mal à te remettre dans ta propre peau.   “ A partir de là, c’est arrivé plus d’une cinquantaine de fois, je pense, j’ai arrêté de compter. J’ai l’impression que je fais exprès de tomber sur des lieux qui me provoquent ce type de réaction. Le cimetière en fait partie. Ça m'a aidé pas mal après la mort d’Eli, de ressentir pour les autres pour une fois, et m’éloigner de ma douleur. J’admets que je m’en suis servi de catalyseur, mais c’est absolument pas là que ça a commencé.” Tu fais une pause, sentant ta gorge sèche, pour boire un peu du thé qui refroidissait de plus en plus dans ta tasse.   “ Quant à ce que j’ai vu … J’étais rarement seul. La première fois c’était avec Frank lors d’une balade en forêt, puis au cimetière … Et pour finir, dans mon appartement.” Tu hésites un peu, à ce moment-là. Parce que tu sais que ce que tu vas dire ensuite va encore plus la pousser vers la croyance que tes émotions ont pris le dessus sur toi. Mais faut bien que t’expliques ce qui t’arrives, maintenant.   “ Avant de t’en parler, je tiens à te préciser que, évidemment, j’ai mis ça sur le compte du deuil, au départ. Les sentiments de colère, de perte, de désespoir, de coeur brisé, tout ça je l’ai ressenti et même si c’était pas exactement les miens, j’ai fait comme si c’était le cas. Parce que je voulais pas voir la vérité en face.” Encore une pause, le temps de reprendre ta respiration alors qu’une boule se formait dans ta gorge.   “ Mais un soir, à la maison, j’ai entendu frapper à ma porte. C’était étrange, un espèce de spectre translucide, une vision de cauchemar, qui m’a fait tomber au sol. Je sais pas comment l’expliquer sans passer pour un fou, je sais bien ce à quoi ça ressemble. Je l’avais déjà vue, en plus de ça, au cimetière. Elle m’a dit de lui foutre la paix, ou un truc comme ça. Et à ce moment-là, Eli l’a chassée.” Ta voix se brise alors que tu te rappelles du dos que t’as entre-aperçu, des épaules et de la stature de ton mari, que t’aurais pu confondre avec rien d’autre. Tu te souviens aussi du haut de son crâne sanguinolent. L’inconscience t’a épargné, lors de l’incident, de l’image de ton amant mort, mais lui ne l’a certainement pas fait.   “ Je sais à quoi ça ressemble, mais je te jure qu’il se passe des trucs ici que tu peux pas expliquer autrement que par l'ésotérisme. ”


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Callie Warwick
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    Tu n'avais pas la prétention de comprendre ce qui habitait Spencer ce soir, et sans doute fallait-il admettre que ça n'avait pas été davantage le cas les fois précédentes. Comme tu le chérissais, et comme tu avais à cœur d'avoir une oreille attentive lorsqu'il t'en signifiait le besoin, comme il devait les connaître par cœur, les regards de contrariété déviant mal leur trajectoire – et tu le connaissais aussi, dans ses émois, son deuil, sa souffrance, mais ça ne suffisait jamais vraiment, dans le fond. Vous aviez toujours eu des fonctionnements différents, c'était d'autant plus visible devant l'épreuve ; toi, dans la fuite et le cérébral, Spencer, dans la paralysie et l'émotion. Souvent, tu avais eu la mauvaise tendance des conseils directifs qui ne laissent pas le temps au temps, ce n'est pas bon pour toi de rester dans l'appartement, je n'aime pas te savoir au cimetière alors que tu vas si mal, et si tu sortais un peu, si tu essayais de rencontrer des gens, si je t'emmenais quelque part pour voir un peu autre chose. Ce n'était pas vraiment par ignorance de la dépression ni par déni de sa détresse, mais tu ne savais pas, toi, faire autrement qu'éjecter les émotions de l'équation jusqu'à ce qu'elles se réimposent d'elles-mêmes.
    Paradoxalement, en reprenant quelques distances, tu avais aussi donné plus d'espace à son travail de deuil, mais ça faisait déjà bientôt deux ans depuis l'accident, et tu avais l'impression angoissante de ne jamais le voir aller mieux. Tu avais peur qu'il s'y entretienne indéfiniment, qu'il se persuade de trouver du confort dans ce qui devait finalement le détruire – et tu ne savais plus vraiment ce que tu pouvais faire pour lui. Si souvent, dans les dernières années, tu l'avais vu seulement l'ombre de lui-même ; si souvent, la peine avouée du bout des lèvres s'était emmurée dans un silence où tu n'avais pas grand espoir d'avoir une prise. C'est pas facile, ni pour lui, ni pour toi. Mais le laisser tomber, encore, tu ne pourrais pas. S'il ne t'avait pas toi, qui avait-il ?

    Pour toi aussi, c'est un refuge, l'excuse du deuil. Ça t'arrange bien de tout remettre sur Eli, entretenir un espoir que la peine finira par se résorber, la plaie par cicatriser, et laissant place pour ton frère à d'autres choses. Toi non plus, tu ne veux pas avoir à envisager ce qu'il traverse sous un angle plus global, pathologique. Pourtant, tu le connais, ton frère – assez bien pour savoir que les difficultés ne datent pas d'Eli, qu'il est celui qui a le plus souffert à tes yeux, chez les Warwick. A terme, comme il le dit lui-même, tu arriveras de moins en moins à mettre ça sur le compte du deuil. Comment tu pourrais ne pas penser à papa ? Tu en as trop conscience, et dans trop d'aspects, le terrain dépressif n'étant pratiquement qu'un détail dans le syndrome. Les ressentis, les promesses, les arguments qu'importe leur poids trouvent toujours leur pendant dans l'anosognosie. Ça veut pas dire que j'imagine des choses, c'est pas le cas, je te le jure. « Comment tu peux en être sûr ? » tu demandes à voix basse, rhétoriquement, la gorge serrée, non pas pour le blesser mais parce que tu aimerais profondément qu'il t'en convainque ; admettre que les fantômes existent, ça te ferait sûrement moins mal que de percevoir Spencer comme un condamné, et toi même condamnée à le regarder péricliter en attendant que vienne peut-être ton tour. Il n'y a de plaisir pour personne dans cette conversation – mais maintenant qu'elle est lancée, elle est nécessaire. Et ça faisait un moment, il te semble, qu'il n'avait pas été aussi vrai.

    Il évade ton contact, tu n'insistes pas. Ça te pince bien le cœur quand même, d'autant que tu es plutôt avare en la matière. Non, je vais pas rester ici. Le second rejet passe difficilement, moins pour toi que pour lui, tant tu es persuadé qu'il en a besoin. Que ça me plaise ou non, il va falloir que j'y retourne, j'ai toutes les affaires d'Eli à empaqueter, y'a un de ses potes qui vient les récupérer pour ses parents d'ici quelques jours. L'excuse est brandie pour te faire taire, et elle est indéniablement vraie, mais tu ne peux pas t'empêcher d'y déterrer trace de mauvaise foi. Ça fait des mois que ça traîne. Tu ne sais pas qui est le pote en question, mais il pouvait certainement attendre une semaine de plus. D'un autre côté, si enfin ça pouvait avancer un peu, tu n'as pas spécialement envie de délayer davantage – c'est sans doute pour ça qu'il le dit d'ailleurs. Si j'insiste, ça deviendra ma faute s'il ne s'en débarrasse jamais. Ça t'irrite malgré toi, tu cales ton dos contre le canapé, bras croisés, relativement moins réceptive. « Bon, et ensuite ? Rien que pour une poignée de jours. Un week-end ? Tu m'accordes un week-end et je t'emmène quelque part. Wolfeboro ? Tu fais ses paquets, je t'aide si tu veux, et ensuite on va se planter une tente au bord du lac Winnipesaukee pour te sortir la tête de là. Je te promets que ça te ferait du bien. » Pas maintenant, tu l'entends déjà répondre ; et puis, ça l'épuisera de trier toutes ces affaires, et il y a le cimetière, et sa jambe, et encore faut-il que tu le supportes, qu'il te supporte, et s'il vous plombe le voyage est-ce qu'il ne s'en sentira pas infiniment pire ? De toute façon, ça ne serait pas la première proposition qu'il décline. Vivant ou mort, il y aura toujours un Eli quelque part pour justifier qu'il s'isole.

    Ce n'est pourtant pas le seul à jouer sur ce terrain, de ce qu'il te dit. Ses impressions d'esprit, dit-il, remontent bien avant la mort d'Elijah. Ça ne t'étonne pas outre mesure qu'il évoque l'urbex à ce moment – même pour toi, qui ne croit pas aux fantômes plus que le premier venu, dans un lieu figé, imprimé par ses vécus, au milieu des grincements inexplicables et des odeurs de renfermé, tu as l'imagination qui travaille plus que d'habitude, qui te souffle à l'oreille et si, qui te pousse à vouloir t'inventer des histoires derrière les fenêtres brisées, les meubles renversés, les tags sur les murs. C'est même ce qui te plait le plus, le frisson, le doute, l'adrénaline, à la différence que le soir venu, tu sais que ça n'a jamais été que le vent dans les couloirs de béton que tu as entendu gémir, et que tout le reste est une création de la peur et du sentiment d'intrigue.
     Tu te souviens de la maison à l'angle de Epping Road et de Warren Avenue, juste à côté du parc ? Tu soupires et réfléchis quelques secondes, pour remettre en place un décor qui remonte à plusieurs années déjà. C'était avant Eli, mais est-ce que c'était avant papa ? « Je crois que je vois, » tu admets avec scepticisme, comme tu n'as pas vraiment idée de ce qu'il s'apprête à ressortir. Ce sont des souvenirs que tu n'as pas souvent eu lieu de raviver, et ce n'est que sa description des pièces et ses habitants qui te permet de poser quelques images approximatives d'un passé déjà lointain. Désespoir, tristesse, envies suicidaires, colère. Tu peines, à les entendre dans sa bouche, à ne pas poser tous ces mots sur ton frère aujourd'hui. A l'entendre, il avait deviné avec précision toutes les souffrances du lieu avant d'avoir eu des raisons de les connaître. Tu te souviens ? Le regard contrarié peine à se laisser convaincre. « Spence... » tu commences, mais voyant qu'il se sent le courage d'en parler davantage, tu retrouves un silence tendu, à l'écoute de tout ce qu'il pourrait te dire qui te fasse changer d'avis – ou entériner tes craintes.

    C'est arrivé plus d'une cinquantaine de fois, dit-il. Ça te crève qu'il ne t'en ait jamais parlé. Surtout, ce n'est pas rien, pas qu'une anecdote ponctuelle, et plus inquiétant de minute en minute. Le cimetière en fait partie. Ça fait longtemps que tu es persuadé que son travail ne fait rien pour aider son deuil, qu'importe qu'il s'en persuade. Tu as peur qu'il s'enlise dans ce qu'il interprète comme des morts et qu'il en oublie de vivre. Ça m'a aidé pas mal après la mort d'Eli, de ressentir pour les autres pour une fois, et m'éloigner de ma douleur. Légèrement, tu acquiesces, tu veux bien croire qu'il y trouve un réconfort, quoique tu doutes que la méthode soit très saine – et la plupart des gens n'attendait pas de croire aux fantômes pour être capable d'empathie. Il marque une pause, le temps de boire un peu, tu en profites pour l'engager, placer une pierre là où tu parviens à tomber en accord, reprenant une position plus ouverte. « Donc ça n'a pas commencé avec Eli. » tu conviens – c'est la seule chose, à ce stade, qu'il ait réussi à prouver à tes yeux. Tu réalises ce que ça implique ? Si tu ne peux pas mettre ces émotions sur le deuil, il faut bien que tu les mettes sur autre chose. Ça t'inquiète plus que ça te rassure. Il y a toujours eu des difficultés, avec Spencer. Tu as toujours su que le terrain était propice. Une cinquantaine de fois dans les quinze dernières années. Il en est si persuadé.

    Et chaque fois qu'il a vu des choses, il n'était pas seul, reprend-il. Tu accueilles cette information dans un silence absolu. Il évoque Frank, le cimetière, l'appartement. Le spectre translucide à sa porte. Eli comme s'il était vivant. Les mots ahurissants défilent et tu as l'impression de passer dans un tunnel alors qu'il s'épanche sur son délire dans une logorrhée inhabituelle, ensevelissant la conversation dans ce qu'il avait construit pendant des années à ton insu, tu ne sais pas comment. Peu à peu, tu as l'effroi de le perdre, de l'avoir déjà perdu sans t'en rendre compte. C'était déjà le cas avec Eli, avec le deuil – plus impréhensible, plus distant que jamais, et tu sais que c'est aussi ta faute. Mais tout ce qu'il avouait dans ce verbiage sans fin, sur ce qu'il ressentait, voyait, entendait d'êtres absents, morts ou inventés, c'était amplement pire et sans espoir de résolution. Il s'était mis de l'autre côté d'un précipice et te dévidait le pont de corde comme si tu allais le suivre dans ses croyances absurdes. Est-ce qu'il parlait encore ou est-ce qu'il avait terminé, tu n'en étais pas tout à fait sûre tant tes pensées se faisaient plus sonores et angoissées. Si différent et tout à la fois si semblable, par cette sensation d'inaccessible, quand tu le regardais, tu avais plus que jamais l'impression de voir papa. Tu le reconnaissais déjà dans tellement de ses traits, parfois un tic comportemental, un angle de profil. Désormais, c'était quelque chose dans ses yeux que tu croyais voir, mais que tu ne voyais pas réellement à vrai dire, puisque les tiens se remplissaient de larmes.

    Tu as seulement nié de la tête, avalant péniblement la pierre qui s'était posée dans ta gorge, qui aurait tout aussi bien pu te contraindre au silence pour le reste de la nuit. « Quoi qu'il arrive... » tu commences, ne sachant pas réellement où aller avec ce début de promesse – c'est plutôt d'entendre ta voix dérailler qui t'a fait cesser, râcler ta gorge, essuyer tes yeux. Inspirer profondément, essayer de remettre au clair ce que l'angoisse s'efforçait d'étouffer. « J'ai envie de te croire, tu sais. Pour l'urbex surtout, je comprends, ça fait partie du jeu. De s'imaginer ce qui a pu arriver, quand l'instant est figé, d'envisager le pire. Tu le ressens plus fort, tu dois y être plus sensible. » Tu aurais dû t'en protéger plus. Ça n'avait rien de si surprenant de deviner que quelque chose de fort s'était passé dans un endroit en ruines, il ne prétendait pas non plus tout prédire avec une réelle précision. Mais qu'il se persuade de ne pas le devoir qu'à lui-même, c'était ce qui te dérangeait dans le système qu'il évoquait là. « Ce que tu as vu, Frank l'a vu aussi ? A quel point tu es certain qu'il était avec toi ? » tu demandes sans préambule, d'une voix fébrile. Le regard que tu lui sers traduit des excuses informulées. Sans doute que la question le blesserait, mais tu as besoin d'être sûre, et s'il ne l'était pas lui-même, il fallait aussi qu'il se pose la question. Pour ce que tu en sais, Frank avait autant de présence dans son récit que ses fantômes et ses illusions d'optique. Spencer aurait pu ne jamais saisir la différence, ou la saisir et la nier pour s'en protéger comme il t'en avait protégé jusqu'alors. « Je ne veux pas te perdre, » tu as soufflé alors pour lui demander pardon, n'essayant pas d'itérer un contact qu'il t'avait refusé de toute façon. « Je sais que tu ne veux pas que j'y pense, mais je m'inquiète pour toi. Honnêtement, je n'avais pas idée que ça allait si loin. Je n'aurais jamais pensé que tu me cacherais quelque chose d'aussi gros, je... je ne sais pas ce que je peux faire. » L'aveu d'angoisse, le regard intensément en recherche du sien pour un rien de rassurance. J'ai envie d'en parler à maman. Tu n'as de certitude sur rien, et tu avais l'impression de t'être préparée toute ta vie pour un instant que tu espérais ne jamais voir venir – mais devant le réel, tu n'étais jamais que démunie, et si seule de ne pas partager avec lui le même regard.



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