All Said and Done (Dita)

Quatorze heure sonne quelque part dans la boutique, sur une horloge héritée avec tout le reste, abandonnée dans un coin, derrière quelques cartons de disques en équilibre savant, impossible à déloger et à arrêter, le battement angoissant des aiguilles masqué par la musique toujours un peu trop forte (mais jamais assez pour le bruit typique des heures, plus fort que le reste). Isaac jette un regard à Merle, occupé derrière le comptoir à gober le contenu d'un tupperware qu'il ne prend pas la peine de cacher, décidé à arracher des frissons d'horreur réguliers au Chevalier.

Quartorze heure et s'il ne se dépêche pas, il finira en retard, chose qu'il déteste. Il a trop l'habitude que tout se joue à la minute près, que c'est celle loupée qui influence irrémédiablement le cours des choses. Il attrape le blouson pendu à la patère derrière le comptoir, jette un dernier coup d'oeil à l'associé et fait les adieux d'usage : il a son téléphone sur lui, en vibreur, suffisamment fort pour qu'il sent le moindre message qui exigerait son retour rapide à la boutique.

La porte claque derrière lui, la direction prise vers un des petits cafés typiques du quartier dont il avait envoyé l'adresse après de longues minutes de réflexion. Il aurait pu proposer Needham, nouveau berceau mais l'idée le laissait perplexe, comme l'envie insoupçonné de tenter de cloisonner la vie d'avant, celle qu'il enterre parce qu'elle n'intéresse plus personne. Et puis, il n'avait aucune envie de s'expliquer plus tard, les yeux trop nombreux pour rapporter ses faits et gestes, l'achever par quantité de questions face auxquelles le mutisme (et Merle) serait la seule solution.

Les nouvelles sont sporadiques, aucun ne tenant rigueur à l'autre. Il n'a jamais été bon pour cela, Isaac. Les dernières années passées comme une tornade, ravageant tout sur son passage. Il a la tête ailleurs, souvent. Occupé par les ordres de sa nouvelle famille, les heures savamment étudiées pour garder le Sénéchal, dit-il. Plus de non que de oui, mais parfois le miracle se produit. L'heure se libère et le jeune homme reprend les habitudes qu'il semble perdre.

Deux-trois minutes d'avance, le temps d'étudier la carte pour ne pas fixer la vitrine d'un air que les gens qualifieraient de sombre alors qu'il est juste ailleurs, Isaac, en pleine réflexion. Il partira certainement sur la même chose que d'habitude, un café noir à emporter pour faire le tour du bloc, jeter un oeil à la boutique pour s'assurer qu'elle n'ait pas brûler en un quart d'heure (rien n'est impossible pour Merle) pour finir par s'échouer sur un banc, quelque part. Parler de tout, de rien et se promettre de remettre ça à la prochaine.

Quelques pas dans son dos qu'il n'avait pas entendu depuis quelques temps. "Hey" souffle-t-il sans se retourner, la laisse prendre place, arriver. Silence flotte, temps de réflexion brièvement interrompu. "So. What do you want ?" Invitation lancée, sens laissé au bon vouloir. Peut-être bien qu'il penchera pour le matcha, finalement.

-- all said and done ft. @isaac sanguineti
Elle semblait plus guillerette que d'habitude. Depuis le départ de Meera, certains trouvaient que la matriarche arborait une mine renfrognée, parfois maussade, alors que le sourire était d'ordinaire si éclatant sur ses lèvres – dorénavant tendues. Cette journée était différente ; elle n'avait ni l'odeur du quotidien, ni les contours d'une routine qui lui convenait, pourtant, parfaitement. Elle retrouverait la compagnie de son vieil ami dans quelques heures, de quoi lui donner l'impression de laisser ses problèmes derrière elle. Situation paradoxale, étant donné les questions qui murissaient librement dans son esprit, qu'il lui faudrait retenir à coups de dents contre l'intérieur de sa joue, tout faire pour ne pas les libérer. En était-elle seulement capable ? L'excursion au Tartarus avait été un échec, n'avait fait qu'éveiller l'intérêt du bras droit de Tina, qui ne tarderait certainement pas à tout répéter à son employeuse ; si ce n'était pas déjà fait. Elle ne savait pas ce qu'Isaac pourrait lui dire, ni ce qu'elle serait capable de comprendre entre deux rires, mais la question n'était pas importante.
Dita était curieuse, certes, et découvrir de nouvelles aspérités de la cause défendue par son ami était alléchant ; mais cela ne viendrait pas s'immiscer entre eux. Elle ne venait pas voir un ennemi, pas même un sujet de curiosité, mais bien un ami qu'elle aimait retrouver. Le sourire qui soulignait ses traits n'était donc pas feint, pas alors que la joie emplissait son cœur à l'idée de retrouver la présence du disquaire. Elle espérait qu'il en serait de même pour lui, qu'il ne se lasserait jamais de ces retrouvailles qui n'avaient plus la même énergie qu'aux premiers jours, mais n'en étaient que plus savoureuses. Ils grandissaient, prenaient en maturité, mais restaient les mêmes enfants qui essayaient de survivre des années en arrière, dans un monde bien trop compliqué pour l'un, trop sombre pour l'autre.

Un phare dans une mer houleuse, voilà ce qu'il avait toujours été, peut-être bien plus encore que ces frères qui venaient à se rassembler sous un nom qui la faisait trembler. Elle avait alors récupéré son sac, déposé un baiser sur la joue de Cecil en ricanant un cristallin : be good. Il ne lui restait plus qu'à emprunter le chemin vers le centre-ville, vers cette destination qui effrayait tant une partie de sa communauté ; à raison, le monde n'était pas sûr, pas en ces lieux sordides. La bouche fermée, elle fredonnait des mélodies inventées en évoluant entre les rues, charmantes, de Cherrytown. Le quartier avait toujours été son préféré, entre les fleurs des parterres et le brun des feuilles encore accrochées à leurs branches. Un choix qu'elle aimait, bien plus que n'importe quel autre ; remercierait Isaac de ne pas avoir décidé de s'installer dans un coin plus reculé, plus ténébreux, qui lui aurait hérissé le poil.

Elle arriva à destination, le pas léger pour surprendre son ami. La démarche innocente, consciemment silencieuse pour pouvoir poser ses mains sur les yeux de son ami et rire d'un mélodieux : devine qui c'est ? Elle n'en eut pas la possibilité, Isaac l'ayant déjà repérée bien avant qu'elle n'arrive dans son dos. Elle sourit alors et le dépassa pour venir s'installer près de lui. « — Hey, handsome! » Le regard levé vers l'ardoise, elle tapota son menton en réfléchissant. « — Frappucino with oat milk and a pump of white chocolate » Sourire jusqu'aux oreilles alors qu'elle s'avançait vers le comptoir, une fois leur tour venu de commander. Elle prononça de nouveau ce qu'elle souhaitait, montrant ensuite son ami pour qu'il commande à son tour. Elle laissa un billet dans la main de la personne chargée de les servir ; la note complète, plus un pourboire.
Elle précisa que c'était à emporter et se tourna vers Isaac en cherchant son approbation concernant ce dernier point. « — The weather today is lovely, and I want to get lost in the city. Is it okay, for ya? » Elle enchaîna instantanément, un coude sur le comptoir en attendant les boissons. « — So, what's up? »

the saddest part of me
A part of me that will never be mine, it's obvious, tonight is gonna be the loneliest. you're still the oxygen I breathe, i see your face when I close my eyes, it's torturous.

» dita bianchi & kyle osborn (sms)