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 little white lies (devlin)

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little white lies (devlin)
Jeu 31 Oct - 18:59


« Wesley, ça peut pas durer comme ça. » Mais maman, ça fait déjà dix ans que ça dure, qu'est-ce que tu racontes au juste ? « On t'a pris rendez-vous avec quelqu'un, il va pouvoir t'aider... » M'aider à remonter le temps, faire en sorte que Maeve soit vivante, tu m'expliques comment ? « Vas-y, s'il te plaît... c'est tout ce qu'on te demande. » Mon cul, oui, vous me demandez encore de rester en vie dans ce monde de merde et d'être le fils parfait. « D'accord... ? » Putain, vous me faîtes tous chier. « D'accord maman. »

Et il raccroche, juste comme ça. Il balance son téléphone sur la table basse en verre et s'allume son énième joint de la journée. Le vibreur du cellulaire se met en route et Wesley repousse l'objet du bout du pied. Tête en arrière contre le dossier du canapé, les yeux fermés et la télévision qui tourne dans le vide, juste pour qu'il y ait du bruit, toujours du bruit. Il est déjà trop arraché pour faire attention correctement aux voix qui lui parlent, à cette voix, qui revient sans cesse. Parfois, Henderson lui pose des questions, généralement, l'autre ne répond pas. Peut-être qu'il est vraiment fou, après tout, ça serait pas si étonnant. Alors qu'il finit d'écraser le mégot dans un cendrier trop plein, il rattrape son téléphone d'une main plus ou moins stable. Sa mère lui a envoyé par sms les informations, le lieu, la date et le fait qu'il n'avait pas à s'en faire, tout était déjà pris en charge.

Comme d'habitude. Tout est toujours pris en charge avec ses parents, tout, sauf lui, finalement. Le rendez-vous est dans deux heures. Le portable vibre une fois encore entre ses doigts, et sa mère lui demande de faire un effort sur son apparence. Même après toutes ces années elle se préoccupe de ce genre de détails dont tout le monde se fout. Plus personne ne fait semblant depuis bien longtemps, sauf Lyn, Lyn Henderson et son sourire de miss qui ne la quitte jamais. Pourtant, même s'il roule des yeux et balance l'objet sans y faire attention, le gamin prend la peine de se doucher après les mots de sa mère. On sait jamais, des fois que le mec qu'il va voir soit le fils du président ou un truc du genre. Les cheveux un peu trop longs et trempés, il fait même l'effort de se raser et sans doute de se couper au passage. La télévision, elle, de son côté, se met en veille après avoir été trop longtemps délaissée. Wesley sursaute au silence et se précipite en serviette dans le salon afin de la rallumer. À deux doigts de la catastrophe. Et il jure qu'il a entendu rire dans ses oreilles, un rire vil et moqueur. « Ta gueule. » Qu'il rétorque à la voix dans sa tête alors que la télévision fait à nouveau son bordel dans son coin.

Ça lui prend une bonne heure pour se préparer. Quelques joints, deux-trois micro siestes et puis aussi, un milliard de fois l'envie de planter l'inconnu. Mais il sait que s'il fait ça, ses parents trouveront encore pire pour la prochaine fois. Alors il lève enfin son cul de son canapé, lui qui sent l'eau de cologne qui coûte un bras et arbore de nouveau ce sourire aussi faux que celui de sa mère. Il ne trompe pourtant plus personne, avec ses cernes de dix kilomètres et son joint toujours soit dans les doigts, soit entre les lèvres. Sans doute que l'important c'est d'essayer. Ou que même lui, avec ce sourire et ces dents parfaitement blanches, au fond il y croit encore un peu. Le taxi arrive en bas de l'immeuble et dans une toux grossière, le brun lâche le mégot d'herbe dans une poubelle avant de grimper. Même le chauffeur est loin d'être berné, il pue la weed à plein nez. Sourire jusqu'aux oreilles alors qu'il est en chemise blanche, jean parfaitement taillé et veste de jogging, parce qu'il retrouvait pas mieux, ils prétendent tous les deux que rien n'est anormal et le mec l'amène jusqu'à la destination tant attendu.

Heureusement, la radio les accompagne le long du trajet parce que le chauffeur ne lui adresse pas un mot et Wes est bien trop centré sur ce fameux rendez-vous pour tenter de faire la conversation. Dans sa tête y a des voix lointaines et moins lointaines qui passent, à mesure des rues et du reste et puis finalement, une micro sieste plus tard, le voilà arrivé. L'autre se racle la gorge pour que le camé dégage rapidement de son taxi et Wesley, lui, une fois de plus, il sourit. Claquant la porte de la voiture, il s'en allume un nouveau afin de supporter ce qui va arriver et finalement, il tourne les yeux sur ce qui l'entoure. C'est une blague, c'est ça ? Un traquenard de la part d'un mec qu'il a soûlé ? Ça y est, on va finalement lui casser la gueule et le laisser pour mort dans une putain d'allée ?

Alors qu'il attrape son portable pour vérifier les coordonnées et réaliser que ça n'a rien d'une blague, le fils prodige se demande de plus en plus ce qu'il fout là. D'une, ses parents n'ont jamais cru aux esprits, aux voix, à tout et n'importe quoi. De deux, qu'est-ce qu'ils peuvent bien attendre d'un mec dans une caravane d'une couleur aussi... fade ? Haussement d'épaules et le téléphone dans la poche de son jean et le voilà qui toque à la porte de la caravane.

Les pas à l'intérieur de celle-ci se font entendre et ça l'agace déjà. Putain, pourquoi il est venu là ? Alors que la porte s'ouvre enfin sur lui et qu'il recule pour ne pas se la prendre de pleine face, il offre à l'inconnu son plus beau sourire, celui qu'on lui a appris avant même de savoir dire merci. « Devlin...Tarrare ? » Il a probablement écorché son nom et il en a vraiment rien à foutre. « Je suis votre rendez-vous de dix-sept heures. » Qu'il dit fièrement, accentuant son sourire. « Wesley Henderson, j'imagine que mes parents vous ont déjà payé grassement. » Il tousse une fois de plus et détourne le regard, refusant de croire à une telle bassesse de la part de ces géniteurs. « On va se gagner du temps à tous les deux. J'ai pas envie d'être là, t'as pas envie que je sois là. Tu prends l'argent, tu leur rapportes que j'ai chialé ou je ne sais pas ce qu'ils attendent de toi, et puis on fait comme si de rien n'était, deal ? »

Il n'attend même pas pour se retourner, dans ses baskets flambant neuves et puis, alors qu'il attrape une fois de plus son téléphone pour commander le taxi retour, il se détourne à moitié pour fixer l'inconnu dans ses yeux noirs. « Juste tant que t'es là, t'es sensé me faire quoi au juste, d'après mes vieux ? Me guérir ? » Sourire en coin et curiosité réelle. Jamais de toute sa vie ses parents n'avaient encouragé Wesley à autre chose que du traditionnel. Dans tous. Que ce soit dans sa façon d'être, de se tenir, parler, s'habiller, aller à l'école ou même ses croyances. Wesley était le parfait petit enfant de la classe supérieure qui n'avait absolument pas le droit de déraper sur autre chose qu'une route parfaitement bétonnée. Et ce Devlin, là, il était tout, sauf une route parfaitement bétonnée.

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Devlin Tarrare
- madame irma vibes -
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pronom(s) : oshe / her
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Beige. Sa caravane était beige. Ce n'était certes pas la couleur qu'il aurait choisie, mais c'était tout ce qu'il avait pu trouver pour un prix relativement abordable. Sans parler que, du fait de son âge, elle collait d'autant plus au rôle qu'il souhaitait se donner. Alors oui, elle était beige, et ce n'était pas la plus belle couleur du monde. La prochaine serait bleu pervenche. C'était tout décidé, c'était "inscrit dans les étoiles", comme Devlin avait pu se l'entendre dire plus d'une fois. Mais pour parvenir à ce rêve inespéré, il fallait des moyens bien supérieurs à ceux dont il disposait actuellement.

Le hasard fait souvent bien les choses. Une coïncidence, sûrement, que cette main aux doigts parfaitement manucurés qui avait frappé à sa porte, quelques matins plus tôt. A l'extrémité de ce bras, il y avait une femme qui n'avait strictement rien à faire dans le cloaque sordide qu'était l'aire d'accueil où résidait le Canadien. Il avait repéré son manège, quand la grosse berline aux vitres fumées s'était garée au coin de la rue. Des vêtements banaux et qui, pourtant, charriaient le lourd parfum de l'argent. Des lunettes de soleil alors que le temps était à la pluie, et un garde du corps imposant derrière le volant. Elle lui avait glissé quelques mots, rangé une mèche d'une blondeur artificielle sous le foulard onéreux qui embrassait sa chevelure, et avait rentré sa tête dans ses épaules. Elle avait hésité. Elle n'avait rien et tout à faire ici, affectant le même comportement que tous ceux qui étaient sur le point de franchir sa porte.

Lyn Henderson. Une ancienne reine de beauté, de très beaux restes malgré un âge plutôt vénérable. Des yeux à fendre la mer en deux, d'un bleu encore étincelant, qui vous transperçaient malgré la chaleur de son sourire. Elle le lui a servi, plus d'une fois, ce sourire si convenant. Si parfaitement étudié. Elle n'avait rien et tout à faire ici. Après tout, femme d'argent, sujette à nombre de convoitises, la mère Henderson n'était pas du genre à se mêler au type de foule que côtoyait Devlin. Mais les rumeurs allaient bon train. Si femme, époux et fille étaient des joyaux, ils hébergeaient un déchet. C'est pour ça qu'elle avait l'air si mal à l'aise, les anses de son sac hors de prix entre ses poings, tendue sur la banquette réservée à la clientèle. Qu'elle ne se détendit que quand Tarrare mit le doigt où ça faisait mal. Elle ne venait pas pour elle, non, elle avait tout l'argent du monde pour se payer les meilleurs psychiatre et arracher tous ses problèmes d'un habile coup de bistouri. Non, elle venait pour son fils, une merveille aux relents désagréables, dont Exeter tout entière savait qu'il ne serait jamais l'enfant prodige qu'il était supposé être sans en connaître la raison exacte. L'ancienne reine de beauté ne s'attarda pas d'avantage sur ce détail. Mais sa venue concernait effectivement son rejeton, et ses projets si bien établis que Tarrare n'eut pas le droit au chapitre. Elle était désespérée. Elle le paierait rubis sur l'ongle. Une liasse de billets en gage de bonne fois entre les mains, le charlatan l'avait vue repartir sans un bruit jusqu'à sa voiture, l'éclat rouge de ses Louboutins tranchant avec la grisaille de la misère. L'affaire s'était conclue avant même qu'il n'ait eu à ouvrir la bouche.

Et, comme il n'était pas ingrat, Devlin n'eut pas le cœur de la recontacter pour lui dire que les étoiles l'avaient mis en garde contre son adorable bambin. Il les connaissait bien, les rumeurs sur les Henderson. Il savait aussi bien qu'Exeter que le gamin ne valait pas tout l'argent que sa mère comptait y investir. Il y a des causes comme ça qui sont perdues d'avance. Il y en a d'autres, comme cette caravane bleu pervenche que convoitait le Canadien, qui peuvent des fois être acquises plus rapidement que prévu. C'était ce qu'il se disait, en achevant les préparatifs de son "bureau". Ce qu'il se répéta en ajustant son kurta d'apparat, récupéré dans un mont de piété du côté pour une poignée de pain. Généralement, ce genre de clientèle aimait le spectaculaire. Il fallait épater la galerie, être le plus exotique que possible, et dévisser légèrement toutes les ampoules pour l'effet visuel. Quel accent pour cette occasion ? L'Indien ? Le Français ? Ou s'en tenir à la version qu'Exeter commençait à bien connaître, ce mélange un peu bancal, bien plus naturel, plus proche de la réalité ? Dans tous les cas, quand vint le moment d'ouvrir la porte au fils prodige, il était paré à sortir le grand jeu.

Ou pas. Bourré d'auto-suffisance, un sourire de merdeux et un brouillard de cannabis l'enveloppant jusqu'aux iris, le rejeton adoré venait d'ouvrir la bouche. Des mouvements au ralenti, mais un ton incisif. Capricieux, oui. Mais nerveux. Extrêmement nerveux. S'accoudant à l'encadrement de sa porte, Devlin croisa ses bras sur son torse. Le laissa débiter son flot de banalités, considéra un bref instant sa proposition. Ca pourrait être bénéfique à tout le monde, en réalité. Ca demanderait une quantité d'efforts bien moindre de mentir tous les deux à la mère éreintée, et lui rapporter tout autant. C'était une bonne idée, après tout. Une idée conclue par ce "deal ?" tout en suffisance qui sonnait si bien à ses oreilles.

-T'es vraiment un sacré con, toi.

Un marmonnement infime en Français dans le texte, à peine perceptible pour l'abruti qui repartait vers sa voiture. Outre les erreurs de caravane, il n'avait encore jamais eu de consultation aussi rapide. Une poignée de secondes payées bien plus grassement que ce qu'il aurait pu espérer d'une semaine complète de travail. A la bonne heure. Sauf qu'il connaissait ce genre de crétins. Les gosses de riches sont tous pareil, ce sont des roquets : ils aboient d'abord, beaucoup, longtemps, puis se laissent avoir par un joli jouet plein de grelots. Alors il ne bougea pas. Les bras toujours croisés sur la poitrine, le charlatan attendit le point de bascule en silence. Esquissa un léger sourire en le voyant se raviser. Haussa les épaules à la question, avant d'étendre une main vers la poignée intérieure de la portière.

-Vos parents ne m'ont rien demandé de précis, sinon d'accepter de vous recevoir. Vous pouvez repartir, et considérer que nous avons convenu d'un accord profitable pour l'un et l'autre. Ou vous pouvez me suivre à l'intérieur et voir de quoi il en retourne.

Joignant le geste à la parole, le tarotmancien se retourna. Selon les probabilités, et de ce qu'il comprenait du gamin, son attitude ne pouvait que l'irriter. Il y avait donc une chance sur deux qu'il le suive, juste pour lui prouver sa supériorité. Dans tous les cas, les statistiques lui garantissaient une réussite intégrale en ce qui concernait la paie. C'était encore ça le plus important. Il hasarda toutefois un regard par dessus l'épaule. Une main tendue, la dernière, s'il ne l'attrapait pas.

-Cela ne dépend que de vous, Wesley.

Un soin tout particulier sur le prénom, le laisser rouler sur la langue à la Française, juste assez pour lui donner cette fausse connotation unique. Lui donner la sensation d'être important, sans l'être suffisamment pour retenir toute son attention. Rien ne garantissait que ça fonctionne, rien, sinon la certitude d'avoir déjà ferré plus d'une fois ce type de poissons. C'est pour ça qu'il ne fut pas pas surpris de sentir les effluves d'herbe le suivre dans la caravane, quelques instants après qu'il y soit revenu. Laissant ses doigts chargés de bagues glisser le long de sa maigre collection de pendules, il en tira un à l'apparence relativement basique avant de rejoindre son côté du guéridon.

-Asseyez-vous, je vous prie. Vous voyez, mon domaine d'expertise ne concerne ni votre santé mentale, ni votre santé physique.

Le pendule glissa le long de ses doigts. S'arrêta brusquement, d'une infime torsion de la chaînette. Le regard charbonneux s'assombrit, s'enfonçant dans les iris trop clairs du gosse de riche. Les mêmes que sa mère.

-C'est ce qui vous tourmente qui m'intéresse. A vous de voir si vous préférez que nous en fassions quelque chose, ou si vous préférez vous en tenir aux termes de l'agrément que vous me proposiez tout à l'heure.

Qu'il n'aille pas prétendre ne pas avoir eu le choix. Cette perche, Tarrare ne la tendait pas seulement pour le merdeux. Il la tendait aussi pour lui-même, espérant que Wesley ne soit pas aussi con qu'il le prétendait et qu'il décide que tout ça ne soit pas digne de son standing. Il était prêt à endurer une séance, la prime de risques était couverte par la liasse de billets qui pesait dans la poche de son pantalon en lin. Mais sa journée serait beaucoup plus douce s'il pouvait avoir le beurre, l'argent du beurre, et les RTT de la crémière.

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L O V E
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Si Wesley était bien loin de l'enfant modèle dont ses parents avaient longtemps rêvé, il n'était pas non plus le dernier des cons. Et clairement, il ne lui avait pas fallu tendre l'oreille très longtemps pour réaliser que le fameux Tarrare le prenait pour plus idiot qu'il n'était. Faut pas s'y méprendre, c'est loin d'être le premier à le faire et ça ne sera sans doute pas non plus le dernier. Henderson le portait sur lui, cet air de connard suffisant à qui on avait toujours tout donné sans broncher, celui qui peut se prendre mille et une baffes de la part de la vie sans jamais rien apprendre, celui qu'on a envie de claquer encore et encore. Pourtant, comme souvent, se fier aux simples apparences est faire erreur. Si le fils prodige méritait bel et bien des tartes ce n'était pas forcément pour les raisons que les autres imaginaient, sans doute pas pour celles que le voyant (ou quoi qu'il soit) imaginait, en tous cas.

Roulant des yeux à la remarque dans une langue inconnue, il ne mâche pas son pas pour se tirer du coin le plus rapidement possible. S'il était habitué à traîner dans des endroits plus ou moins fréquentables depuis un bon moment maintenant, Wesley restait mal à l'aise dans ces lieux qui respiraient tout sauf l'argent. Pourtant, alors qu'il commande son uber d'un coup de pouce presque automatique, il se retourne une dernière fois vers l'homme-qui-devait-régler-tous-ses-problèmes et lui pose la question fatidique. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ses parents à passer le pas, aller voir un mec dans une caravane miteuse, dans un coin pourri, pour guérir leur fils paumé ? Qu'est-ce qu'il a bien pu leur faire miroiter pour qu'ils mettent de côté tous les discours répétés durant des années ? Les voix dans ses oreilles murmurent des trucs incompréhensibles alors que le brun se concentre un peu plus sur les yeux noirs de son interlocuteur qui prend le temps de lui répondre, cette fois-ci, en anglais. Le ton, le discours, l'attitude, les mimiques, tout l'agace au plus haut point. Ça lui hérisse le poil sur toute la colonne tellement il a envie de baffer le mec en face de lui. Wesley est habitué à être pris pour un con mais à ce point et par un mec qui semble avoir dans ses âges, ça a le don de l'insupporter.

C'est certainement pour ça qu'il ne se cache pas d'un rire franc et droit alors que l'autre a à peine fini de parler. Roulant une fois de plus des yeux avec un coup d’œil sur son téléphone, prêt à passer à autre chose dans douze minutes si l'on en croit l'application, Henderson tente de garder son calme quand l'autre, lui, en rajoute une couche. Et cette fois-ci, il serre des dents. Sans dire un mot, il se tend et se retient de réagir violemment à la condescendance de son soi-disant guérisseur. Clairement, pour la guérison, c'est mal parti. Et durant quelques instants, le brun hésite à lui coller son poing dans la gueule avant de monter dans son taxi. Quelques instants et finalement une autre idée lui traverse la tête. Peut-être à cause des voix, peut-être à cause de sa capacité incroyable à faire constamment les mauvais choix. Peut-être parce qu'il existe une chance, au fond, qu'il retourne la situation et qu'il la mette à l'envers à Tarrare et à ses parents. Peut-être que c'est simplement la weed, l'énervement et la fatigue qui lui font faire n'importe quoi. Toujours est-il qu'il annule d'un doigt sa course à venir et finit par suivre le faiseur de miracle. Ses pas écrasent les marches usées de la caravane dans un bruit désagréable et Wesley ne prend même pas la peine de cacher son dégoût alors qu'il jette un coup d’œil à l'état de tout ce qui l'entoure.

Toujours sans un mot, il suit du regard l'autre – non pas qu'il puisse le perdre de vue, vu la taille du truc, avant de le suivre et s'asseoir, comme demandé, face à lui. Instinctivement, il croise ses bras et pose ses yeux bleus perçant droit dans ceux de l'autre. Devlin, lui, continue de déblatérer ses conneries alors qu'un pendule trouve place entre ses doigts. Alors qu'il s'arrête brusquement, Wes arque un sourcil, toujours aussi souriant, toujours aussi faux, sans le quitter du regard. Qu'importe que l'autre le fixe en retour, qu'importe qu'il tente de le déstabiliser, Henderson n'est pas prêt de lâcher.

Son sourire s’agrandit alors que le diseur de bonne aventure lui laisse soi-disant l'option de s'en aller. L'illusion qu'il a encore le choix, malgré tout ce qui vient de se passer, de faire demi-tour comme si de rien n'était. Et encore une fois, le temps d'un fragment de seconde, l'idée lui traverse l'esprit. Après tout, celle de lui enfoncer son pendule dans la gorge aussi. Mais il ne fait rien de tout ça, garde son sourire jusqu'aux oreilles et se racle la gorge avant d'enfin reprendre la parole. « Oh non, ce serait dommage, n'est-ce pas ? T'es tellement sûr de toi, tellement persuadé que tu vaux mieux que ce petit gosse de riche dont les parents sont prêts à payer des milliers pour te voir. Je ne voudrais pas te gâcher ton plaisir. »

Il décroise ses bras, dépose ses doigts qu'il tapote les uns après les autres sur la table, les yeux toujours dans ceux de l'autre. « Par contre, si tu veux pas que ça prenne une tournure encore plus désagréable, tu devrais essayer d'arrêter de me prendre pour le dernier des cons. Tes vouvoiements qui feintent la politesse de comptoir et ta façon de parler qui laisse croire que t'as dix balais dans le cul, ça marche peut-être avec ma mère mais pas avec moi. » Il sourit à nouveau et cesse son mouvement avant de reprendre, cette fois-ci avec un sourire plus joueur.

« Alors si t'es prêt à être moins con, j'y mets du mien aussi. Sur un malentendu, on pourrait peut-être même réussir à s'entendre. » Qu'il ajoute, ironiquement. C'est de la sincérité et du tourment qu'il veut, celui qui voit autre chose que sa petite tête dans une boule de cristal ? Il va en avoir pour son argent. « Dis-moi ce que tu veux savoir exactement, je t'écoute. »

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Devlin Tarrare
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S'il y avait bien une pensée pour traverser l'esprit de Devlin Tarrare, alors qu'il faisait tout pour repousser son richissime client, c'était celle-ci : s'il continuait de rouler des yeux comme il le ferait, il finirait par se fouler le nerf optique. Certes, il avait d'autres sortes de considérations, en posant ses yeux sombres sur le jeune Henderson, mais la première était de cette ordre. La seconde, elle, était de se dire qu'il était non seulement con, il était aussi incroyablement pédant. Un détail que sa magnifique maman avait oublié de communiquer à Devlin. S'il l'avait su, il aurait attendu un peu avant d'accepter sa mission. Juste quelques secondes. Juste pour prétendre n'avoir pas l'air intéressé, avant de sauter sur l'occasion comme un vautour sur sa charogne.

Parce que de charogne, Wesley Henderson en avait quand même sacrément l'air. Si ses grands yeux bleus dévoraient son visage, ils ne suffisaient à peine à cacher les cernes noirâtres qui les soulignaient. Des pommettes saillantes au-dessus de joues presque creuses, tout juste ce qu'il fallait pour donner l'illusion d'une santé parfaitement maîtrisée... Alors qu'au fond, tout se cassait la gueule. Alors qu'en vérité, il ne suffirait que de lui pousser l'épaule pour lui faire perdre l'équilibre. Il était beau, le fils du pognon. Il était grandiose, avec sa suffisance et sa mauvaise humeur, assis dans une caravane des années quatre-vingt. Entouré de pompons poussiéreux et d'étoles qui sentaient le Nag Champa essoufflé, sur une banquette qui avait vu passer tellement de fesses qu'elle s'était légèrement affaissée. Il n'en menait pas large, n'en déplaise à ce sourire de convenance placardé sur son visage.
Et ça faisait jubiler le marchand de mensonges, il fallait bien l'admettre.

Enfin, ça le faisait jubiler jusqu'à ce qu'il saisisse que le pigeon n'avait aucune intention de prendre sa proposition en compte. Quel dommage. Une porte grande ouverte, et le fils de sa mère qui n'était pas foutu de comprendre que c'était l'appel à la fuite qu'ils attendaient tous les deux. Le pendule en cristal se balançant avec indolence entre eux, Tarrare laissa quelques chaînettes glisser entre ses doigts, conférant plus de ballant à son outil. Arqua un sourcil devant les invectives de son client, de l'autre côté de la table. S'il se fendit d'un sourire tout aussi faux que celui que lui tendait Henderson -le client est roi-, il eut du mal à retenir cette pointe d'animosité qui lui donna subitement envie de lui foutre son pendule en travers de la glotte. L'extrémité était pointue. Sa si désirable Maman n'était pas obligée de le savoir. Avec un fils comme le sien, il était même possible qu'il ait déjà tenté de se foutre en l'air une fois ou deux. Autant viser la carotide et faire passer tout ça pour un accident, non ? Non.

Une moue désabusée passa sur les traits de Tarrare devant son flot de paroles. Objectivement, c'était comique. Forcé par sa mère à se perdre dans l'un des coins les plus mal-famés de la ville, mais tentant de se raccrocher à un substrat d'ego, juste histoire de poser ses couilles sur la table. Pourquoi pas. Le pendule glissa de quelques maillons, et le masque du visage de son propriétaire. Son accent canadien bâtard, mâtiné de Français et de Pendjabi lâché en pâture entre eux, Devlin répondit finalement :

-Ecoute, mon gars, ta mère me paie pour régler tes petites histoires, c'est un fait. T'avais la possibilité de te tirer, tu l'as pas fait, c'est un choix. Moi tout ce que je veux, c'est que tu fixes ce pendule et que tu me laisses faire mon boulot.

Il voulait de la simplicité ? Il l'avait. Tout du moins en avait-il une forme améliorée, celle que Devlin voulait bien lui accorder. Qu'il ne se repose pas sur ses lauriers, il aurait droit à la prestation minimale. Les effets spéciaux ne sortiraient peut-être pas ce soir, puisque c'était ce que la clientèle exigeait. Mais le reste faisait partie du lot que sa chère génitrice avait gracieusement payé. Et s'il ouvrit la bouche, le marchand ne s'en préoccupa guère. Baissa ses longs cils vers la pointe en cristal et marmonna une première question.

-Est-ce que l'homme en face de moi s'appelle Wesley Henderson ?

Une impulsion dans le prolongement de ses doigts, naturelle, incontrôlée. Les mouvements du pendant de cristal, circulaires jusqu'à présent, finirent par se focaliser sur un balancier régulier entre le divinateur et son client. C'était donc un oui. Oui qui fut remercié simplement, comme l'exigeait une tradition qu'il avait lue dans un vieux bouquin, quand il avait commencé à rajouter cette corde à son arc. Qu'il dût expliquer, sentant le poids du regard de l'autre sur ses moindres mouvements. Il lui hérissait le poil.

-Ca, c'est une réponse positive. Question suivante : est-ce que l'homme en face de moi est roux ?

Les battements du pendule se dissipèrent pour reprendre leur course circulaire originelle. D'une légère inflexion du poignet, imperceptible, Devlin aida son outil à opérer un balancement latéral. Il n'y avait jamais de mal à donner un coup de main à son matériel, si ?

-C'est donc un non. Dernière question, pour finaliser le calibrage : de quelle couleur sont les yeux de l'homme assis en face de moi ?

Une question à laquelle un bout de verre poli ne pourrait pas répondre. Comme s'il était confus, il s'agita mollement au bout de sa chaînette. Brassa le vent pendant une brève seconde avant d'opérer un mouvement circulaire, le signe universel du pendule qui ne sait pas, et qui n'en a strictement rien à foutre de la couleur des yeux ou de l'alignement des planètes. Ramassant l'objet entre ses doigts, le divinateur plongea son regard charbonneux dans les iris glacés de son pigeon. Maman Chérie avait parlé d'un décès, quelque chose à voir avec une gamine du nom de Mary... Marjory ? Non... Ca finissait en "ve".
Il finirait bien par s'en souvenir par la suite, ça n'avait que peu d'importance, dans le fond.

-Comme je te l'ai dit, tout ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce qui te tourmente. Brûlures d'estomac, peur de l'échec, même un truc inavouable ou une influence extérieure, on verra bien. Ta mère ne me paie pas pour te guérir. Elle me paie pour te comprendre.

Comme ce que ferait toute maman douce et aimante, à priori. Même si Lyn Henderson ne lui était pas apparue comme la plus affectueuse des mères, au premier abord, l'acharnement qu'elle mettait dans le bien-être de ce rejeton en particulier n'était inconnue de personne. La somme qu'elle était prête à investir dans leurs séances de brassage de vent ne lui était pas inconnue, non plus.
Le pendule retrouva sa place entre eux, sa pointe acérée caressant l'air chargé de l'odeur capiteuse de l'encens.

-Avant de vraiment commencer, j'ai besoin de savoir si t'as des questions, de ton côté. Si t'as des difficultés en particulier dans un domaine, quels sujets tu veux aborder. Et oui, avant que tu dises que c'est que des conneries, c'est pas à moi qu'il faut les poser. C'est au pendule.

Il la voyait déjà venir, la question que tous les petits cons adoraient poser. Il devinait même déjà cet éclat de fierté mal placée qui allait illuminer le regard trop clair du fils de bourge. Est-ce que le type en face de moi est le dernier des connards ? Le pendule, qui jusqu'à présent se laissait ballotter dans l'air ambiance, sembla stabiliser sa course entre ses doigts. Opéra une oscillation infime, mouvement de balancier incontrôlé, entre Devlin et Henderson. Comme s'il répondait à sa question silencieuse. Ca arrivait, quelques fois. Il avait sûrement dû pincer la chaînette un peu plus fort que prévu, poussant l'objet à communiquer en solitaire.

-Je commence, si tu veux. Est-ce que le problème de Wesley est d'ordre professionnel ?

Un cercle suivi d'un non. La soirée allait être abominablement longue.






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Wesley Henderson avait beaucoup de défauts. Bien plus qu’il n’avait de qualités. Son ego était l’un des plus gros, il faut dire qu’il n’en était pas totalement responsable. Lorsque l’on grandit en étant la huitième merveille du monde, on s’habitue à avoir une certaine place dans le monde - et cette place, elle est au dessus des autres. Pourtant, l’ego du jeune héritier s’était bien enfoui au fond de lui pendant de nombreuses années, comme nombre de ses traits. Ombre de lui-même, il n’avait plus eu de crise identitaire depuis bien longtemps, tout simplement parce qu’il n’en avait plus eu grand-chose à foutre de son identité depuis très longtemps. Mais Tarrare, ce charlatan, lui déclenchait cette envie soudaine de lui rappeler qu’il était supérieur. Pas forcément à lui mais au moins à l’image que l’autre en avait. Le sourire jusqu’aux oreilles et les doigts qui se tiennent les uns aux autres, il a les billes droit dans celles de son sauveur bien aimé quand celui-ci se décide à lui répondre.

Chaque muscle du fils prodige se tend, que ce soit le changement de ton ou les mots qui sortent de la bouche du magicien de pacotille, tout l’agace. Probablement parce qu’il vient d’affirmer qu’il cherchait bel et bien à le prendre pour le dernier des abrutis. Mais aussi parce qu’il joue ce sale jeu, ce jeu qui ne fonctionne que trop bien : provoquer l’idiot. Provoquez le suffisamment et il tuera peut-être même la seule fille qu’il aime par accident. Ah non, trop tard, c’est déjà fait. Ses doigts se resserrent et ses ongles courts s’enfoncent dans ses mains tandis qu’il obéit sans un mot à la demande du diseur de bonne aventure. L’océan de ses yeux se fixe sur le pendule, les reflets qui s’y perdent lui éclairent les pupilles à chaque instant qui passe et sans un mot, les dents serrées, il observe la scène qui se déroule sous ses yeux.

Dans sa tête, y a la voix qui se déchaîne un peu plus que d’habitude, les autres aussi. Mais toujours celle-ci, plus forte et plus présente, qui lui murmure des trucs. Il n’a pas assez fumé avant de venir, Tarrare l’a trop gonflé. Putain, bien joué. Cherchant à se concentrer au maximum sur l’objet adulé, il évince toutes ses pensées comme si de rien n’était. La voix du brun s’élève une fois de plus et pose une question digne d’un film d’horreur de bas étage. Wesley se retient de rouler les yeux ouvertement, trop appliqué à ne pas quitter le pendule des yeux. Pourtant, il ne peut s’empêcher un petit rictus en coin, qui fait ressortir le léger creux sur sa joue, alors que le pendule gigote dans les doigts de l’arnaqueur à la recherche de diamants. Evidemment, le joli charmeur de serpent prend le temps de lui expliquer que c’est une réponse positive et Wesley, lui, n’y croit absolument pas. Sourire toujours de mise, les yeux toujours focalisés sur l’objet, la deuxième question lui laisse échapper un léger rire. « Pardon. » Qu’il ponctue discrètement, rapprochant son visage de son épaule pour s’empêcher d’aller plus loin. Il allait encore jouer longtemps, à son petit jeu à la con ? Il allait lui faire observer son truc pendant dix ans avec ses questions de merde ou c’est comment ? Reprenant rapidement son sérieux, levant quelques doigts pour montrer patte blanche et réelles excuses, bénéfice du doute pas tellement accordé - mais sur un malentendu, sait-on jamais. Et puis vient le temps de la dernière question, soupir du bout des lèvres tandis que l’autre finit sa jolie démonstration que Henderson se retient de commenter et puis, les choses sérieuses commencent enfin à arriver.

Lentement, il relève les yeux vers son interlocuteur, qui lui parle de tourment, allant de brûlures d’estomac à la peur de l’échec. Quelque chose d’inavouable, un truc horrible, qu’il n’avait jamais dit à personne. Ou alors, une influence extérieure, et le rire qui s’accentue dans ses oreilles et lui laisse un frisson qu’il maîtrise au dernier moment. Il pince ses lèvres et acquiesce les dires du voleur au tapis volant, se demandant si lui préciser que sa mère n’avait jamais chercher à le comprendre pouvait être utile ou non. Se demandant s’il devait être honnête ou non. Et puis Tarrare laisse le pendule faire barrage entre eux, lui demande s’il a des questions, des difficultés ou un on-ne-sait-quoi qui pourrait l’aider à lui faire avaler toutes les couleuvres qu’il voulait. La réflexion de Wesley en cet instant précis est particulièrement compliquée. S’il n’est pas particulièrement dérangé à l’idée de balancer les horreurs de sa vie à l’homme en face de lui, il est très mitigé sur le fait que ce qu’il dise ici puisse revenir aux oreilles de sa mère bien aimée. Ses doigts se mêlent un peu plus les uns aux autres alors que les voix parasitent commencent à lui donner mal au crâne.

C’est finalement Devlin qui prend les devants, aidant, parfait homme bienveillant, lui offrant une première question à laquelle le brun connaissait d’ores et déjà la réponse - et dont il soupçonnait l’autre d’être au courant aussi. Finalement, les yeux de nouveau sérieusement rivés sur le pendule, refusant d’affronter celui du voyant, il finit par ouvrir la bouche, les doigts toujours aussi mêlés. « Bon. Je vais jouer cartes sur table avec toi. » Il dénoue ses mains et laisse ses doigts craquer contre la table avant de poser ces derniers contre ses cuisses. « Te dire la vérité et tous mes tourments si ça peut te faire plaisir ne me pose pas vraiment de problème. Par contre, que tu les répètes à ma mère, c’est une autre histoire. » L’hésitation était encore très présente dans la tête du jeune tourmenté, quand finalement, le brouillard dans sa tête le pousse à articuler. « Elle n’en a jamais rien eu à foutre de me comprendre. Ce qu’elle veut, c’est son parfait héritier. Elle sait pertinemment ce qui me tourmente d’ailleurs et je doute même qu’elle ne te l’ait pas mentionné. Elle n’a jamais voulu mon bien, elle veut juste une belle gueule pour les photos de Noël et les inaugurations familiales. Donc c’est la seule chose que je te demande, tu peux lui inventer n’importe quel mensonge, me faire revenir cent fois si elle te paie bien, j’en ai rien à foutre. Invente-lui tout ce que tu veux, rends-moi bien plus acceptable que je ne le suis si ça te chante mais ne lui dis pas qui je suis vraiment. Parce qu’à part la décevoir et l’amener à arrêter de te payer pour m’emmener voir un autre type, c’est tout ce que t’y gagneras. »

Ce n’est pas que Wesley n’aime pas sa mère, non. Lyn était… elle était douce, elle était aimante, à sa façon. Le souci, c’est que depuis le jour où il est né, ce n’est jamais lui qu’elle a vraiment aimé. Mais l’image de son héritage et de son rêve américain scellé à tout jamais dans un ADN purifié. Le brun ayant enfin articulé sa seule requête, il se racle la gorge et reprend, face à son charmeur de serpent. « Mon problème, c’est Maeve. La seule qui ne m’a pas traité comme si j’étais le roi du monde et la seule qui a tenté de voir plus qu’un déchet en moi. Résultat : elle en est morte. » Il dit ça avec une indifférence presque inquiétante. Sa voix est monotone tandis que ses doigts s’écharpent les uns les autres sous la table de la bonne aventure. « Elle est morte chez moi, dans ma salle de bain. Tout ça parce que l’abruti saoul que j’étais n’a pas été foutu de se souvenir qu’elle était allergique à des médicaments et a voulu la détendre un peu. » Sourire bas, triste, tandis que ses yeux dérivent sur les objets qui les entourent. « Tout le monde dit que c’est un accident mais tu seras d’accord avec moi pour dire que je suis responsable. » Ses yeux, encore plus bleu que d’ordinaire se relèvent en plein dans l’infini noir de son partenaire de jeu. « Le problème c’est que mes parents ne sont pas trop d’accord avec ça, tu vois. Dix ans c’est suffisamment long pour oublier qu’on est responsable de la mort de quelqu’un. Donc d’après ma chère mère, je suis sensé passer à autre chose, retrouver mon attitude de parfait connard qui sourit avec toutes ses dents et bon vent. »

Voilà, c’était ça, qui le tourmentait. Le seul problème étant que Wes, lui, n’avait aucune envie de ne plus l’être. C’était sa mère qui voulait lui enlever cette part de lui, retirer Maeve de sa vie. « Donc à moins que t’aies une machine à remonter dans le temps, ou que tu veuilles me lobotomiser pour que j’oublie ce qui s’est passé, j’suis désolé mais tu vas pas vraiment pouvoir m’aider. » Qu’il lui avoue sans peine, s’écorchant un peu trop la peau d’une main, y rivant ses yeux pour regarder le bout de peau qui s’est fait la malle dans une grimace.

Le ton était mis et clairement, la donne avait sacrément changée avec les aveux du jeune Wesley. Qu’importe ce que Lyn avait bien pu lui raconter - sa version était sans doute très loin de celle qu’il venait de lui conter. Réalisant que tout ce qu’il venait de débiter faisait sans doute beaucoup d’informations à avaler, Wes plonge à nouveau ses yeux dans ceux de Devlin et lui dit, d’un ton bien plus détendu que tout ce qu’il a pu utiliser jusque là. « Un joint, avant de passer à la suite ? S’tu veux j’vais dehors. Si tu veux que j’me casse et que tu te débrouilles avec ma mère, ça peut le faire aussi, t’inquiètes. »

Eh, au moins, on pourra pas lui reprocher de pas avoir essayé.

Sortant délicatement la petite boîte en métal contenant les cigarettes préalablement roulées, il esquisse une grimace tandis que les voix s’agitent dans ses oreilles, et particulièrement, cette voix là. Celle qui lui hurle de rester là, qui lui brise le crâne et le déstabilise dans son équilibre pour qu’il bouge pas de là. Putain, manquait plus que ça.

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Devlin Tarrare
- madame irma vibes -
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Oui, la soirée s'annonçait particulièrement longue. Le pendule arrimé à ses doigts, tournoyant avec indolence entre eux, le devin attendait sagement de glaner l'essentiel pour commencer ses boniments. Doux euphémisme. Ils avaient déjà commencé à l'instant même où Lyn Henderson et son argent avaient franchi le seuil de la caravane. Un détail de poids, qui pesait certainement dans la balance en ce qui concernait Tarrare. Si ce n'était pour ce capital retraite inespéré, il aurait probablement déjà renvoyé le Saint Enfant à Bethléem sans le moindre scrupule. Messie ou non, il n'aurait pas souffert ses roulements d'yeux plus longtemps. Ce n'était pas tant l'attitude de petit bourgeois qui irritait le Canadien. C'était cette incrédulité crasse qui l'empêchait de faire son travail. Une pointe d'ego mal placée, probablement occasionnée par la fatigue. Il commençait à se faire tard, et l'estomac du devin n'allait pas tarder à nécessiter une pointe d'attention. Par sa seule présence, Wesley Henderson foutait en l'air toute une routine scrupuleusement observée pour ne pas risquer une expédition punitive aux urgences. S'il tournait de l'oeil à cause de son incapacité à gober un chouïa les appâts qu'il lui offrait, Tarrare lui facturerait le double de la session présente.

Brasser du vent, une habitude pour le divinateur et son outil. Les cercles lent de l'objet accélérèrent leur cadence à mesure que leur maître se tendait. Son sourire de convenance, crispé sur son visage, finit par s'agrandir. Alors comme ça Piou-Piou voulait faire des cachotteries à Maman Poule ? Ca arrangeait ses affaires, ça. L'air de rien, Henderson revenait pas à pas sur sa proposition initiale. Débiter un amas de conneries à la maman et s'en tirer avec l'or pour l'un, et la liberté pour l'autre. Un deal tout à fait adéquat.

-Je ne suis pas psy, et votre mère ne m'a jamais expressément demandé de vous transformer en fils doux et aimant. Elle n'a pas besoin de savoir exactement ce que nous faisons de nos sessions. Tout ce qu'elle veut, c'est que nous nous voyons. Alors la manière, voire le contenu, ça ne concerne que nous.

J'accepte les termes du contrat. Une signature verbale aussi nette et claire que l'exigeait la situation, avec toutes les petites annotations qu'elle comprenait. Ils n'avaient pas besoin de signer un pacte avec leur sang, et Trump Jr n'avait pas besoin de le soumettre à un sérum de vérité pour savoir que le devin était sérieux. Si ces magouilles pouvait lui permettre de respirer le moins que possible le même air que le garçon, c'était un oui ferme et définitif. Il n'avait même pas besoin de s'étendre sur ses malheurs de parvenu, en réalité. S'il le voulait, il pouvait d'ores et déjà franchir la porte de la caravane et c'était réglé. You only live once.
Sauf que...
Sauf que Wesley Henderson ne franchit pas la porte. Il n'esquissa pas le moindre mouvement dans sa direction, n'eut même pas l'air de considérer cette option pourtant profitable aux deux partis. Au contraire, ses mains rangées sur ses cuisses comme un petit garçon, il rouvrit la bouche. Et Tarrare ne se serait jamais attendu à un tel flot de paroles, encore moins alors qu'ils venaient de convenir du plus grand secret.

Ce n'était pas qu'un simple flot, c'était un torrent. Une logorrhée verbale crasse et visqueuse, sombre et hideuse, impossible à tarir. Henderson vomissait les informations à flots continus, toutes plus laides les unes que les autres. Il n'était pas question de la vie insipide d'un riche en plein deuil de son club de golf favori, non. Il y était question d'avoir provoqué la mort de quelqu'un, un secret laid et probablement jamais avoué, qui laissa le devin vissé à sa banquette. Si captivé qu'il ne remarqua que bien plus tard que le pendule était encore ballant entre ses doigts. Parce que des clients comme le petit bourgeois, il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait ceux dont il était quasiment impossible de tirer une larme ou un mot, et il y avait ceux dont les glandes lacrymales rivalisaient avec les chutes du Niagara. Mais ceux comme Henderson étaient cette petite fleur qui poussait dans un tas de fumier. Ils étaient rares et précieux, ceux qui dégoisaient autant juste pour prouver leur supériorité. Des cristaux bruts à dégrossir longtemps et sûrement, à exploiter jusqu'à ce qu'ils soient tellement polis qu'ils puissent refléter le ciel dans ses moindres détails. On ne jetait pas des cadeaux comme ceux-là : on les conservait précieusement, près de soi. Jalousement gardés, et jamais, non, jamais relâchés. Empalmant son pendule, l'odeur de l'argent plein les naseaux, le charmeur de serpents se laissa captiver par les sifflements de cet étrange boa. Un homme-étau, Wesley Henderson. De ceux qui vous captivent autant qu'ils vous broient sous leurs problèmes. Profitables, assurément. Mais terriblement dangereux quand ils vous coupaient le souffle ou vous agrandissaient le regard d'intérêt, comme il était en train de le faire pour son étrange bienfaiteur.

Il y avait bien cette question qui, pendue sur le bout de sa langue, menaçait de lâcher prise quand l'autre eut fini. Est-ce que t'es vraiment aussi con que ça, pour avoir laissé crever la seule chose qui ait eu de la valeur pour toi ? Devlin la sauva in extremis de la chute, l'enferma soigneusement derrière ses lèvres. Il n'était pas là pour critiquer, ni même comprendre, juste pour être payé. Mais l'histoire... L'histoire était aussi tragique que captivante. C'était un monde tout entier de culpabilité qui s'offrait à Devlin. Un terrain de jeu boueux et glissant, mais infini. Parce qu'ils n'étaient pas de la même planète, le bourge et lui. Parce qu'en tant de routard, habitué à ne pas réussir à joindre les deux bouts, il ne comprenait pas qu'on puisse être aussi imbu de soi pour assassiner les seules choses qu'on ne pourrait jamais payer complètement. L'amour. La rédemption.
Comme quoi, il y avait encore des choses en ce bas monde que l'argent ne pouvait pas toucher.

Silencieux jusqu'au bout, le devin attendit de voir si d'autres révélations suivraient celles qui flottaient encore au-dessus du guéridon coloré. Un bourdonnement continu s'était installé au creux de ses tympans, sans que Devlin ne le réalise. L'ébauche d'un sifflement s'imposa le temps d'une inspiration. Il n'eut pas le loisir de s'y atteler que déjà, l'Enfant Prodige recommençait à dégoiser. Sa proposition raviva le sourire du divinateur. Un joint, hein ? S'ils en étaient déjà à ce stade de leur relation, Henderson le demanderait probablement en mariage à la suivante.

-Bouge pas, buddy. Je vais juste attraper un cendrier.

A la sincérité de son client, il ne voyait pas de raison de cacher certains aspects de sa propre personne. Après tout, l'autre venait non seulement de lui donner toutes les raisons de son mal-être, il lui avait avant tout donné un argument de poids pour maintenir l'arrangement maternel. Devlin n'était pas psychiatre, il n'était pas soumis au secret professionnel. Pour peu que Henderson l'irrite un peu trop, il était tout à fait en capacité de trahir la mort de Mary... Marianne... Peu importe à sa Sainte Mère et au Saint Policier. Se dégageant souplement de la banquette, le Canadien rejoint la partie nuit de la caravane pour tirer un de ses plaisirs coupables d'un tiroir invisible aux clients, d'ordinaire. Opéra un crochet pour attraper une boite en fer blanc dans la kitchenette, et posa la soucoupe en forme d'éléphant qui lui servait de cendrier entre eux. Au lieu de tirer tabac, feuilles et autres substances du pochon qu'il avait ramené dans la foulée, ses doigts s'affairèrent sur le couvercle de la boite. Une odeur de caramel emplit l'atmosphère, rapidement écrasée par le parfum capiteux de la drogue. Des miettes de cookie sur la moustache, et l'impression que le bourdonnement s'apaisait enfin.

-Y'a juste un truc que je pige pas dans ton histoire, buddy. En admettant que tu sois responsable de la mort de cette fille... Comment t'as réussi à cacher ça à ta mère ?

T'es pas obligé de répondre, eut-il envie d'ajouter. Mais cette petite précision pourrait suffire à envoyer toute cette jolie conversation dans les choux, et ce n'était pas dans son intérêt. La curiosité titillée par toutes les zones de flou que l'autre avaient imposées, volontairement ou non, à son récit, Devlin voulait savoir. Pas par altruisme. Juste par intérêt.
Son regard rivé sur le faciès de son client finit par dévier sur une tâche rougeâtre à l'autre bout du cône incandescent. Les doigts d'Henderson étaient une scène de crime à eux tous seuls. Sans un mot, le divinateur poussa le dévidoir à mouchoirs prévu pour les clients les plus expansifs en direction du jeune homme. Avant d'achever son cookie, et de se mettre à rouler lui aussi, plus par mimétisme que par politesse.

-Y'a autre chose. Si ta mère te bouffe au moins autant que ta culpabilité, pourquoi ne pas te tirer ? De la ville, de l'Etat, du Pays, de la surface de la Terre, même. Tu dois probablement avoir l'équivalent du PIB du Botswana sur ton compte courant, je suis sûr qu'Elon Musk peut te trouver une place dans une de ses fusées.

Etait-ce prudent de continuer à tâtonner là où ça faisait, de toute évidence, très mal ? Les relations avec Maman Chérie avaient l'air particulièrement tendues, entre les attentes irréalisables et le caractère de cochon des deux partis. Calant le carton entre ses lèvres ourlées, le divinateur haussa les épaules, l'air de rien.

-Ca vient juste d'un gars qui passe sa vie dans une caravane. Des fois, se tirer, c'est encore ce qu'on a de mieux à faire.

Première bouffée d'illusions, pour achever le bourdonnement contre ses tympans. Premier mensonge bien trop proche de la vérité, une vérité qui raclait le fond de la gorge au moins autant que la fumée. Sans rien ajouter de plus, le devin s'enfonça plus confortablement dans sa banquette poussiéreuse. Laissa l'onctuosité de la drogue lui chatouiller les sens, le temps d'une profonde inspiration, jusqu'à la pensée suivante. Une vagabonde, celle-là. Inutile de la garder captive derrière des lèvres sucrées.

-Je comprends même pas pourquoi t'as été me raconter tout ça. Peut-être qu'il fallait juste que ça sorte. J'espère au moins que ça t'a fait du bien.

Une vérité, pour une fois. Parce que tout aussi arriviste qu'il soit, le manipulateur n'en était pas moins un être humain, une fois le masque tombé. Et même si la réflexion était dissonante, dans cet univers tout de voiles et de fumée, elle n'en était pas moins sentie. Au fond, Tarrare n'avait encore rien contre Henderson. En y regardant de plus près, c'était un autre de ces types paumés, rongés par une culpabilité plus grosse que lui. Si le Canadien ne comprendrait jamais ses raisons ou même son comportement, il comprenait ces blessures autour de ses ongles. Il les connaissait par coeur, ces marques. Le besoin de se faire souffrir, pour se sentir un peu plus vivant. Pour se sentir un peu plus loin de ses maux, même en se rappelant de son corps. Une diversion. S'il ne devait pas faire autant attention à son image, peut-être aurait-il pu avoir les mêmes.





L O V E
by QQ & EXORDIUM.

quand Barbie vit mal son régime:
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Wesley Joshua Nathan Henderson n’attendait absolument rien de cette rencontre. S’il avait cédé à Lyn, c’était simplement pour qu’elle lui foute la paix. Depuis bien longtemps, l’aîné de la famille avait compris qu’il n’aurait pas son mot à dire sur grand-chose. Les grandes décisions de sa vie serait faîtes pour lui, quelque soit son âge. S’il l’avait accepté depuis plus d’une décennie désormais, Wesley se satisfaisait dans les petits plaisirs à lui, que personne ne pouvait lui enlever. Balancer toute la vérité, celle qu’on lui somme de cacher depuis toutes ces années, cracher la fatalité dans un sourire tendre et chaleureux, sa mère ne pouvait pas l’en empêcher.

Peut-être que Tarrare ne méritait pas ça, il ne méritait pas de se prendre toute la vie abject d’un enfant en colère, il ne méritait pas non plus d’être foutu au milieu d’une famille compliquée, juste comme ça, posé, comme s’il allait faire tampon et tout réglé. Mais ça, le brun n’en était pas responsable, si le devin devait se plaindre, c’est vers sa chère mère qu’il se dirigerait. Au début, le fils prodige hésite un peu, mais finalement, lorsque son sauveur du jour lui dit qu’il n’ira pas tout cafter à la matriarche, il ne tarde pas à tout déverser. C’est brut, violent. C’est dix ans de silence et de haine gardées tout au fond de lui. C’est ce virus qui s’est répandu partout et qu’on a caché. Wesley est brûlé de l’intérieur, de la tête aux pieds. Il ne reste que des cendres de ce qu’il aurait dû être. Il connaît ses responsabilités et les assume parfaitement.

Et enfin, après de longues minutes de monologue digne d’une tragédie grecque, le brun s’arrête. Il a tout dit, et quelque part, il se sent soulagé. Soulagé de pouvoir dire sa vérité, la vérité. Et non pas le ramassis de conneries que sa mère blablate aux inconnus. L’atmosphère a changé, les bourdonnements et sifflements dans le crâne du brun s’intensifient en même temps que ses brûlures se ré-ouvrent une à une. Il facile de prétendre, de faire semblant, tout le temps. Facile de garder un sourire et un air de connard suffisant pour ne jamais avoir à avouer tout ce qui se passe intérieurement. Mais une fois qu’on lâchait prise, qu’on laissait tous nos démons sortir, on avait mal autant que ça nous avait fait du bien. Parce qu’on ne peut plus nier, on ne peut plus faire semblant. Plus jamais de son existence Wesley Joshua Nathan Henderson ne pourra prétendre à Devlin Tarrare qu’il va bien. C’est terrifiant, d’avouer à quelqu’un qu’on est vulnérable tout le temps et qu’on le restera jusqu’à son dernier souffle. Pourtant, il n’a pas trop hésité à le faire et s’il se condamne un peu plus rapidement à une mort certaine, alors au moins, quelqu’un dans ce bas monde saura encore la vérité sur la mort de Maeve. Quelqu’un pourra garder en mémoire toute la tristesse qui a composé sa mort et ne pas se contenter d’une vérité enfumée.

Elle lui manque, Maeve. Elle lui manque terriblement. Il en rêve la nuit, de ces jours, de tout ce qui aurait pu se passer autrement. Mais il ne dit rien, à personne. Il tait son souvenir pour qu’on ne lui entache pas plus qu’on ne l’a déjà fait. Aussi, le crâne en compote et la vérité déversée, Wesley réalise une fois de plus que Tarrare n’a sans doute pas signé pour ça - pire, il sait qu’il n’a pas signé pour ça. Alors il lui offre une porte de sortie. Il lui laisse le choix de le foutre à la porte et de ne plus jamais avoir à faire à sa famille de timbrés. Lui, c’est probablement ce qu’il ferait. Mais Devlin et Wesley ne se connaissent pas bien et la réaction du charlatan le surprend, sans doute autant que les vérités ont surpris ce dernier. Il hoche la tête tout en sortant la petite boîte en fer qui se trimbale dans sa poche. Il dépose sur la table un briquet et les joints préalablement roulés, il regarde le divinateur s’agiter pour attraper un petit cendrier. Les yeux bleus de l’héritier observent la petite soucoupe en forme d’éléphant et il se dit qu’ils ne viennent vraiment pas du même monde. Jusque dans les moindres détails, ils sont différents. Jusqu’au cendrier éléphant. Alors pourquoi ils restent assis l’un à côté de l’autre, pourquoi, malgré tout ce qui les pousse à s’éloigner, ils restent, à s’écouter ?

Probablement la curiosité. C’est ce qui pousse le voyant à ouvrir la bouche tandis que Wesley allume son joint en regardant l’autre ingérer des cookies à l’odeur particulièrement douce. Les yeux relevés dans ceux - toujours aussi noirs - de son interlocuteur, il écoute la question avec une attention toute particulière. Malgré lui, il tire un peu plus sur son joint qu’il ne l’aurait fait d’ordinaire, et alors que la fumée s’échappe d’entre ses lèvres, il répond, de ce sourire triste, les doigts tapotant la roulée contre le bord du petit éléphant que Maeve aurait adoré. « Je n’ai rien caché du tout. » Qu’il répond tout simplement, tout naturellement. ll ne s’étend pas plus, tâte le terrain malgré lui, savoir jusqu’où il peut aller dans la vérité avant qu’on ne lui claque la porte au nez.

Concentrée sur son activité qui soulage les sifflements dans sa tête, il ne relance pas la conversation, estimant qu’il a donné suffisamment d’information à l’autre pour une vie entière. Devlin, de son côté, voit ces révélations soulever tout un tas de questions. Des questions que Wesley s’était posées, lui aussi, il y a longtemps, quand il était encore l’innocent aux mains pleines. La remarque sur son compte en banque le fait sourire et le conseil lui semble aussi simple que futile. Parce que sa vie à lui, elle ne fonctionne pas comme ça, parce qu’il n’est pas un simple mec dans une caravane, à son plus grand désarroi. Pendant quelques instants encore, Wesley reste silencieux alors que l’odeur de la weed se propage entre eux, se mêlant à la sucrerie des biscuits et aux aveux de son psy.

Pourquoi a-t-il dit tout ça ? Est-ce que ça lui a fait du bien, au moins ? Encore des questions que Wes se serait posées sans l’autre. Finalement, il se décide à lui répondre, tout en lui tendant le joint moitié fumé, la partie allumée dans sa paume, lui chauffant le creux de la main. « Je ne sais pas si tu as pris le temps de te renseigner sur ma famille ou si ma mère t’a juste donné sa version des faits. Mais crois-moi, ce n’est pas l’envie de me tirer qui m’a manqué, juste que ça ne fonctionne pas comme ça chez moi. » Il marque un temps de pause, ses yeux fixés sur l’éléphant. « Quand ça s’est passé, j’ai été le premier à appeler les flics et les ambulances. Le premier à être prêt à prendre toutes les responsabilités et passer le reste de ma vie en taule. Sauf qu’avant même que je puisse ouvrir la bouche, tout avait été déclaré à ma place, de tous les côtés, et moi, on faisait mes valises et on m’envoyait dans l’ombre, notre prison dorée. » Il a un sourire un peu triste sur le coin des lèvres, parce qu’il se s’en souvient comme si c’était hier. Il se souvient comme il aurait voulu assister à l’enterrement, lui faire ses adieux ou aller sur sa tombe, après tout le monde. « J’ai été enfermé dans la magnifique demeure de mes grand-parents paternels pendant deux ans. Mes parents ont coupé tout contact entre le monde et moi. Fini les soirées, les potes. Seulement le tuteur, les cours accélérés pour pouvoir rapidement atterrir ici et la famille. Rien d’autre. Il m’a été interdit d’envoyer un mot, de m’excuser ou m’expliquer auprès des parents et de la famille de Mae..»

Le prénom lui tord les tripes, encore plus que d’ordinaire. Si bien qu’il n’arrive pas à finir de le prononcer et rejoint ses mains entre elles sous la table, une fois de plus. Ses yeux s’humidifient et la douleur dans son crâne cogne plus fort que jamais - il jurerait qu’on voit les veines de ses tempes cogner, tellement il a mal. « Pardon, qu’il prononce à la va-vite. Juste un peu mal à la tête. » Il s’appuie un peu plus contre la banquette et ferme les yeux le temps de reprendre le contrôle sur lui-même. Quelques instants il se concentre sur son souffle et le moindre bruit qui les entoure devient omniprésent. Puis il ouvre à nouveau les yeux et regarde le devin, qui lui semble plus fou qu’au travers mille et un filtres sur l’instant. « Bref… tout ça pour dire que ça ne marche pas comme ça, dans mon joli petit monde doré. On ne peut pas se tirer - c’est pas faute d’avoir essayé. Ils me retrouveront tant que je serai vivant et vu que je suis trop lâche pour me foutre en l’air, je suis coincé ici. » Il dit ça avec une facilité déconcertante alors qu’il tente de se redresser doucement.

C’est à son tour d’être curieux et d’avoir des idées qui lui traversent l’esprit. A son tour de se demander, ce que l’homme mystérieux fait par ici. « Mais dis-moi, si tu peux te tirer si facilement que tu me le dis, qu’est-ce que tu fous encore ici ? » Il lui offre un sourire sincère et des yeux remplis de questions, un peu d’envie aussi. « Va pas me faire croire que t’aimes cette ville pourrie. » Qu’il continue sur sa lancée dans un rictus un peu fataliste. Exeter n’était pas un lieu pour être heureux, ni même pour construire une vie. C’était un lieu pour en finir, se laisser crever à petit feu, comme lui le faisait. « Qu’est-ce qui te retient ici de si important, hein ? »

C’est sincère, et même si l’autre n’est en aucun cas obligé de répondre, Wesley est réellement curieux. Curieux de savoir pourquoi quelqu’un choisirait d’être ici, quand lui, n’y a toujours vu que la mort à tous les tournants.

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Un bien étrange compagnon venait de passer sa porte, le divinateur aurait pu le présager. Mais il n'aurait jamais misé sur ses propres prédictions quant à la teneur de l'échange. Un échange tapissé de l'épaisse fumée de l'herbe, déjà tangible, dans le petit habitacle. Contre toute attente, Wesley Henderson n'avait pas été difficile à percer. Il s'était ouvert de lui-même, dévoilant un visage qui était à des lieues de celui que le divinateur avait pu découvrir au cours de ses maigres recherches. Le gosse de bourge insupportable qui avait franchi le seuil de son antre semblait avoir fondu comme neige au soleil. Il s'était métamorphosé sous ses yeux, sa carapace de dédain éclatée dès les premiers instants. Et Devlin savait, pour les avoir fréquentés quelques fois. Il savait que ceux qui se mettaient à nu aussi facilement étaient les êtres les plus dangereux. Parce qu'ils n'avaient rien à perdre.

Il ne serait donc pas facile de le plumer s'il ne jouait pas la carte de la confiance. Avec réserves, bien entendu. Il n'était pas homme à se dévoiler aussi aisément, quand bien même l'autre faisait les choses bien pour instaurer un climat de bonne camaraderie entre eux. Mais il était curieux comme un chat, le devin. Il y avait ce besoin intrinsèque de fouiller toujours plus loin dans l'âme humaine, toujours plus fort, pour voir ce qu'il pourrait en récolter. Un besoin de connaître l'âme plutôt que la personnalité, estimant tout au fond que c'était ça qui avait plus de valeur que tous les grands airs que l'on se pourrait donner. Certains avaient une belle âme. D'autres en donnaient l'impression. Quant à Wesley Henderson, avec ses sourires brisés et son regard rougi par la dope, Devlin n'était pas encore certain d'où le situer. Il fallait creuser d'avantage, se dit-il en mordillant un cookie au caramel, chassant de fait les sifflements à son tympan. Il fallait creuser toujours plus pour voir si cette âme valait la peine d'être connue, ou s'il valait mieux la manipuler pour en tirer quelques deniers. Encore en phase d'observation, alors que l'autre reprenait la parole. Qu'il répondait à ses questions avec l'abattement du désabusé, et la sincérité de celui qui n'a rien à cacher. De l'aveu naquit une autre question que le devin se retint de poser. Dans ce cas, pourquoi ne pas être allé au-devant du danger ? Ne pas avoir refusé en bloc ou tenté de creuser l'abcès ? Les réponses vinrent d'elle-même. Portée par le joint proprement roulé qu'il avait calé entre ses lèvres, Wesley Henderson n'avait pas fini de dégoiser sur son triste sort.

Et il était étonnamment triste, son sort. Son joint à peine roulé entre les mains, le divinateur haussa un sourcil étonné en voyant son client lui tendre le sien. Haussa les épaules et alluma le sien du bout de la bille incandescente avant de le tendre à Wesley, en guise d'échange. Du mimétisme, comme souvent, dans ces cas-là. L'illusion d'une fausse proximité, tant qu'elle ne touchait pas directement le divinateur. S'il voulait qu'ils soient potes, le client et le charlatan, ils pouvaient l'être. Du moment que l'autre ne soit pas trop curieux en ce qui le concernait.
L'onctuosité de la brune sur le palais, un éclair de plaisir coupable au fond des prunelles -elle était bien bonne, la dope des riches-, il écouta la suite de la confession avec indolence. Poussés par la fumée et la fatigue de la journée, ses sourcils se froncèrent légèrement. Forcé. Condamné. Bâillonné. Les termes de Wesley n'étaient pas ceux-là, mais ce furent ceux que Devlin perçut. Parce que l'information sous-tendait chacun de ses mots. Ce qu'il déclarait avec autant de simplicité, comme si c'était normal, ne l'était pas aux yeux du Canadien. Dans sa famille à lui, dans son univers de route et d'entraide avant de devenir charlatan, on ne vivait pas comme ça. On ne maîtrisait ni la presse ni les flics, et encore moins les individus, pour les cacher des yeux du monde. Si quelqu'un faisait quelque chose de grave, on le punissait selon la loi. C'était pour ça que Vikram portait un bracelet électronique à la cheville. C'était pour ça que nombre de ses potes avaient passé plusieurs nuits au poste, ivres morts alors que lui subissait les inénarrables nuits d'observation à l'hôpital. C'était pour cela qu'il était certain de prendre la rouste de sa vie pour être parti aussi vite et aussi silencieusement de chez lui, si jamais il revenait à Vancouver. Henderson n'était pas issu du même monde que le commun des mortels, et encore moins celui d'une famille mixte et sans le sou. Chez les riches, la loi n'était ni celle des Hommes, ni celle de la Rue. C'était celle du Pognon.

Les yeux de Wesley s'embrumèrent, déjà bien rouges. L'envie de pousser d'avantage le dévidoir à mouchoirs posé sur le guéridon, mais retenue par cette pâleur surprenante sur les traits de son client. Les sourcils froncés, interrogateurs. Une réponse, à laquelle la solution s'imposa toute seule, née du souvenir de ces vies bien avant Exeter ou l'Amérique.

-T'as besoin d'un truc pour la tête ? Je le facturerai à ta mère.

Une minute de suspension, pour savoir s'il aurait été préférable de ramener une aspirine ou une bassine. Vaseux, le petit Henderson, mais pas moribond. Le divinateur se leva toutefois, une fois certain que la tempête soit passée. Rejoignit sa kitchenette pour y fourrager une nouvelle fois, et tira une plaquette luisante lézardée du terme paracétamol du tiroir à vaisselle. C'était ça, de vivre constamment sur la route. On prévoyait toujours une trousse de secours, infime, mais suffisante. Suffisante pour amortir certains troubles, disons. Ses doigts agiles glissèrent la plaquette de cachets sous le museau du souffreteux, avant qu'il ne rejoigne souplement sa place sur la banquette face à lui. Tour de passe passe, pour récupérer son joint, nettement plus fourni que celui du bourgeois. Son herbe était fine, mais l'âpreté de l'artisanal lui allait mieux au palais.
La lâcheté de mourir. C'était quelque chose que Devlin connaissait.

-Ils... Ta famille, c'est ça ? Je trouve que vous vous compliquez beaucoup les choses, vous autres, riches. Sauf ton respect, bien évidemment.

C'était vrai. S'il avait de l'argent à n'en plus finir, il pouvait être aussi lâche que le fuyard, il avait tous les moyens du monde à sa disposition. S'il n'arrivait pas à se foutre en l'air, il pouvait toujours payer quelqu'un pour le faire à sa place. Pareil pour la fuite. Il ne suffisait pas d'une intention, ça demandait un certain investissement. Il n'aurait pas été difficile pour De Rotschild de s'offrir une nouvelle identité, un nouveau visage et des billets pour n'importe où dans le monde afin que ses pairs lui foutent la paix.

Des considérations que le charmeur de serpent garda pour lui, porté par l'indolence de la fumée. S'enfonçant d'avantage dans sa banquette, il ferma les yeux quelques secondes. S'imagina reposer sur un compte bancaire aussi fourni que celui de son client, s'imagina toutes les choses qu'il pourrait faire avec. Se payer une nouvelle santé, voir les spécialistes du monde entier, s'il n'avait pas aussi peur de franchir à nouveau le seuil d'un hôpital. Si l'odeur du détergent remplaçant celle, si familière, de sa caravane poussiéreuse, ne soulevait pas autant les poils sur ses bras. Il pourrait changer de vie, une nouvelle fois. S'improviser nabab dans les meilleurs coins du monde, et souffrir la même solitude qu'il souffrait ici aussi. Le monde serait-il si différent, s'il était Wesley Henderson ? Quelle vie était la meilleure, en fin de compte ? Il rouvrit un regard surpris sur les prunelles claires, injectées de sang, de son interlocuteur. Rattrapa ses pensées pour les enfermer dans un coin de son esprit et se remettre à cracher des couleuvres. Parce qu'il tâtait un peu trop dans le personnel pour plaire au bonimenteur.
Un sourire désabusé s'étira sous la moustache noire. L'indentation dans sa lèvre, à peine visible, chatouillant ses dents.

-Le Pognon avec un grand P, buddy.

Mensonge. De grands yeux marrons perçant un visage d'enfant au creux du coeur, et le mensonge plein la bouche. Au début, oui, c'était le pognon qui l'avait coincé à Exeter. Mais ça avait changé, pour le meilleur ou pour le pire, le divinateur n'en était pas certain.

-C'est le nerf de la guerre, encore plus des indépendants comme moi. On peut pas vraiment s'inscrire au Registre du Commerce, tu vois. C'est un choix de vie comme un autre, mais c'est à cause du pognon que j'ai fini ici, et que j'y suis encore.

Pas exactement, une fois de plus. Mais ce que Wesley ignorait ne pouvait pas le mettre dans l'embarras. Devlin se doutait même que ce qu'il puisse raconter ait réellement un impact sur les pensées enfumées du gosse de riche. Quel intérêt aurait-il de lui raconter qu'il y restait parce qu'il n'arrivait pas à tirer un trait sur une expérience amoureuse particulièrement négative, lui aussi ? A peu de choses près, ils étaient similaires, les deux jeunes hommes. Au détail près que Barbie était toujours vivant, quelque part, et que les nerfs de Devlin se crispaient à cette seule idée. Que son coeur se serrait à cette seule pensée.

-J'aime mon métier, qu'on se le dise. J'aime l'idée de pouvoir servir aux autres, de les aider à trouver leur voie dans ce monde. Tu sais, y'a des gens qui se trouvent des vocations pour des métiers, on a souvent l'impression qu'ils ont eu ça dans une pochette surprise. La mienne, c'est ce don qu'on a dans la famille depuis des générations. Une sensibilité aux flux magnétiques, spirites ou un cadeau divin, on en sait rien. Mais on a le spiritisme dans la peau, alors autant le mettre au service de la communauté.

Et elle était là, la belle histoire. Le bel amour du prochain, celui qu'il servait à tout Exeter depuis qu'Arthur Dent l'avait remis sur pied. Une histoire d'amour et de partage presque désintéressé, presque généreux, mais pas tout à fait, qu'il servait à qui voulait l'entendre. Parce que les Américains aimaient ces belles histoires. Celles de familles antéséculaires qui se pliaient en quatre à leur service. Et son client pouvait ne pas le croire, alors que le divinateur glissait son regard sur ses mains couvertes de bagues ou les décorations colorées de sa caravane, Tarrare y mettait tellement de coeur qu'il pouvait sincèrement croire en ce qu'il racontait.
Tarrare. Seulement deux personnes dans ce foutu bled connaissaient Devlin. Et l'une d'entre elle était partie avec cette fraction de vérité qu'il n'aurait jamais dû dévoiler à qui que ce soit. Qu'il s'était toujours juré de protéger. Son regard divagua quelques temps, la vulnérabilité s'étouffant dans sa gorge, qu'il ravala en mâchonnant un nouveau biscuit. La vérité éveillait la Malédiction. Il l'avait compris depuis sa prime jeunesse.

-Pour être honnête, je ne sais pas ce que ta mère cherchait en me recrutant pour régler tes histoires. Ce que je vois est à des lieues de ce qu'elle a bien pu me raconter. Et je préfère ta version, même si c'est évident que ça te hante, tout ça. Et je sais que j'enfonce des portes ouvertes en disant des trucs pareils.

Une nouvelle bouchée, une nouvelle bouffée. La fumée âcre tapissait de plus en plus les murs parés de bois de la caravane, supplantant l'efficacité de la fenêtre qu'il avait entrouverte. Un aquarium. Il n'aurait jamais cru que son entrevue avec Wesley Henderson se solde de la sorte. Mais l'univers était fait de surprises, et il ne comptait pas le laisser s'en tirer à si bon compte.

-Même sans don, ou même sans hantise, j'ai tendance à croire qu'on fuit tous quelque chose. Intrinsèquement. Que ce soit la pression d'une famille trop ou pas assez aimante, que l'on souhaite s'exiler ou qu'on se terre dans un univers qui nous semble réconfortant, que l'on enchaîne les conquêtes ou qu'on s'arrête sur cette seule histoire qui nous a brisé le coeur. Je le vois souvent, ici. Des gens assis à ta place qui luttent pour fuir, alors qu'ils auraient tout ce qu'il faudrait pour être heureux. Qui me demandent la réponse au sens de la vie, alors que je ne peux pas leur donner. Parce que comme toi, et comme le reste du monde, je suis un fuyard, moi aussi.

Une évaluation nappée de fumée, portée par la drogue plus que la raison. Mais il avait longtemps considéré tout ça, dans le repli de sa caravane. Même lorsqu'elle n'existait pas et qu'elle avait la forme d'un utilitaire bleu. Une pensée toute aussi vagabonde que celui qui venait de la lâcher.

-T'aurais les moyens d'être courageux, buddy. Des fois c'est tout ce que ça demande, le courage. Un petit coup de pouce financier.

Et d'autres fois, ça en demandait nettement plus. Parce que ce n'était pas le pognon qui l'attachait à Exeter, lui, le divinateur qui en disait plus sur lui-même qu'il ne le devrait. Qui, en citant ses pensées, ne réalisait pas qu'il se mentionnait dans la généralité. Se hissant au-dessus du guéridon, il tendit à nouveau son joint à son congénère. Le trouva étrangement semblable à lui, sous bien des aspects. Un flash qui ne dura que quelques secondes à peine, mais suffisant pour s'inscrire dans sa mémoire.

-Si j'ai été capable d'acheter cette caravane, toi, tu serais capable de bien plus de merveilles que moi pour échapper à tes propres démons.

Un sourire sous la moustache noire. Un authentique, cette fois-ci. Parce qu'il le pensait sincèrement. Tout aussi désagréable qu'ait été la première impression, il commençait à apprécier la compagnie de l'autre.
A voir si ça durerait, ou si ce n'était que grâce à la chaleur de ce qu'ils fumaient.






L O V E
by QQ & EXORDIUM.

quand Barbie vit mal son régime:
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La vie de l’aîné des Henderson n’avait rien de normal et il le savait depuis longtemps. Tellement longtemps qu’il ne se rappelait pas réellement d’un monde où il avait trouvé sa vie normale. S’il avait grandi dans une cage dorée, ses parents n’avaient pas complètement pu le couper du monde entier. Bien sûr qu’il avait été entouré de gosses de son monde mais rares étaient ceux qui étaient aussi riches que lui. Lorsqu’on vous parle d’héritage alors que vous ne prononcez pas correctement votre prénom, c’est que clairement quelque chose est spécial. Pendant de nombreuses années, Wesley a cru que ce qui le rendait spécial le rendait meilleur. Sa famille était au dessus de tout, son père si parfait qu’il aurait pu présider le monde sans sourciller. La façade des Henderson était tellement brillante qu’on devenait aveugle à trop la regarder. Comment cette vie pouvait être autre chose qu’extraordinaire ? Souvent, Joshua Jr. se demande ce que serait devenue sa vie s’il n’avait pas croisé la route de Maeve.

Ce monde alternatif, sans doute un peu plus triste, dans lequel il se serait marié avec une femme ressemblant en tous points à sa mère et serait devenu le parfait clone de son père. Une vie bien différente de celle qu’il a menée. Plus facile, sans doute, parce qu’elle ne l’aurait pas brisé, encore et encore. Elle l’aurait bercé dans cette illusion d’extraordinaire jusqu’à la fin de ses jours. C’était un rêve un peu triste auquel le prodige ne s’autorisait que rarement à penser. Non seulement parce que ça lui faisait mal de s’imaginer un monde où il pouvait aller mieux mais surtout parce que ça le tuait toujours un peu plus de s’imaginer ne jamais avoir croisé la route de Maeve.

Alors lorsqu’il débite sa vie - extraordinaire - à Devlin, il réalise bien qu’il y a quelque chose qui change entre eux. Il ne faut pas être devin pour comprendre que l’autre était bien loin de savoir dans quoi il foutait les pieds. Comme à son habitude, Lyn Henderson avait dévoilé les informations qu’elle avait voulu et refilé son déchet de fils à un inconnu, sans réellement d’avertissement ni même de petites notes pour préserver ses sentiments. Finalement, c’est son mal de tête qui reprend le dessus. Ce sifflement incessant et entêtant qui lui éclate les tympans. Ca le prend dans la gorge et ça lui retourne l’estomac. Ses tempes vibrent tellement qu’il a l’impression que ses yeux ne tiennent plus en place. Les yeux fermés pour reprendre contrôle, toute sa concentration sur sa respiration pour se sentir de son enfer interne il entend la voix de Devlin lui parvenir un peu lointaine.

Les yeux se ré-ouvrent tandis qu’il agite faiblement une main pour le remercier de sa proposition, se galbant d’un sourire faiblard mais sincère à la remarque sur la facturation pour la matriarche. « T’inquiètes, ça va passer. » Voix un peu nouée alors qu’il reprend peu à peu le contrôle de lui-même. S’il a l’impression d’avoir perdu dix degrés et de se retrouver congelé, il sent peu à peu sa cage thoracique retrouver son espace. Le brun s’agite face à lui et finit par lui tendre des médicaments qu’il refuse avec un sourire poli tandis que le monde cesse enfin de s’écrouler - même si les sifflements sont toujours aussi présents. « C’est gentil. » Qu’il lui balance simplement avant de reprendre le cours de la discussion et tenter tant bien que mal de se sortir la tête de son propre mal.

Fort heureusement pour Wesley, Tarrare est capable de parler, prendre le relais et lui laisser le temps de se remettre. Sans savoir si ça vient de lui ou si l’autre fait un réel effort, il a l’impression que le monde tourne un peu au ralenti tandis qu’il reprend quelques couleurs. Les yeux toujours embués, pas encore prêt à se redresser, il a laissé sa main retomber contre sa cuisse et laisse un léger rire lui échapper aux mots de son psychologue de comptoir. « Je trouve aussi, va. » Qu’il lui accorde sans aucune objection, sans même tenter d’argumenter. S’il avait vécu dans une cage dorée, ça n’en restait pas moins une cage. C’est ce qu’il avait fini par comprendre avec le temps, tout cet argent n’était en fait qu’illusion, une illusion dégueulasse pour rendre plus vivable l’enfermement sordide auquel il devait faire face. Il n’avait le droit qu’à certaines choses, dans certaines circonstances, il n’avait pas réellement le droit de choisir sa vie et sa majorité n’avait vraiment pas été signe de liberté.

La liberté, c’était un fantasme qui faisait rêver. De l’intérieur de ses barreaux dorés, Wesley l’avait contemplée toute sa vie. Il l’avait touchée du bout du doigt et il en payait encore le prix. Alors pourquoi quelqu’un qui n’avait pas une belle cage dorée pour l’entourer se privait de liberté ? Pourquoi, Devlin Tarrare, plus libre que Wesley n’avait jamais osé l’imaginer, restait volontairement dans ce trou paumé ? Pourquoi, quand on a le monde à traverser, on s’enferme soi-même derrière des barreaux, se foutant finalement de savoir s’ils sont bien dorés ? La question lui traverse les lèvres. Il le sait, en aucun cas l’autre n’est obligé de répondre, ça ne fait pas partie du deal, mais il y a quelque chose entre eux qui lui laisse croire qu’ils peuvent dépasser le deal.

Un sentiment bizarre, sans doute accentué par l’herbe et ce crâne qui s’est décidé à lâcher en cet instant précis, qui lui fait croire que Devlin est plus qu’un mec engagé par sa mère. Quelque chose au fond de ses yeux sombres quand il l’écoute, quand il le laisse parler, qui lui laisse à croire qu’il voudra bien de lui pour plus qu’une simple liasse de billets. Le divinateur lui répond et c’est à son tour de l’écouter avec attention. Muré dans son silence, Wesley lui accorde un large sourire alors qu’il lui parle de pognon. Au cœur de ses lèvres il retient la question, si je te donnais mon compte en banque, demain, alors tu partirais ? T’irais où, dis-moi ? Fais-moi rêver. Dans son silence, à travers ses yeux océan, il choisit de ne rien dire et de l’écouter encore.

Il acquiesce à l’explication sans vraiment la croire complètement. Non pas qu’il soit impensable pour Henderson de s’imaginer choisir Exeter pour le pognon mais bien parce que le discours lui semble un peu trop faire écho à celui qu’il balance d’ordinaire aux inconnus. S’ils sont très différents sur beaucoup de points, finalement, quelque chose semble les lier étroitement. Quelque part, il a l’impression de s’entendre en le voyant débiter des excuses à moitié valables, à peine buvables. Mais il n’est pas là pour juger, encore moins pour lui dire d’ouvrir les yeux sur sa vie. Après tout, le brun est plutôt bien placé pour savoir combien les petits mensonges du quotidien sont confortables.

Alors qu’il se redresse enfin un peu, après avoir grimacé de ses nerfs encore sensibles, Wes plonge ses yeux sur le visage de son sauveur pour l’écouter encore un peu plus. Devlin s’étend un peu plus sur l’amour de son métier, ces histoires de don et d’aider les autres. Si l’héritier arrive à entendre l’argument de l’argent, il a vraiment du mal à concevoir l’altruisme des autres. Non pas qu’il doute des intentions de son diseur de bonne aventure mais simplement parce que dans son monde à lui, ce que l’autre décrivait, ça n’existait pas. Le baroudeur lui parle de sa mère, de combien elle lui a menti et Wesley ne peut même pas feindre d’être surpris. Au lieu de ça, il esquisse une moue un peu blasée et hausse les épaules quand l’autre lui parle d’être hanté.

C’est bizarre mais ça le met tout à coup mal à l’aise. Se rappeler du but premier de sa visite, de combien Devlin est sensé avoir du pouvoir sur lui et mettre de l’ordre dans sa vie. Sans dire un mot, il détourne un peu le regard, sans plus savoir ni quoi dire, ni où se mettre. Heureusement pour lui, la suite du discours le ramène un peu plus proche de sa zone de confort. Lentement, alors que l’orateur débite, il retrouve son regard. Toujours aussi silencieux, il lui offre quelques sourires tristes aux mots qui résonnent en lui. Wesley Joshua Nathan Henderson n’a rien d’exceptionnel, absolument rien d’extraordinaire, il en existe des milliers comme lui, qui viennent à sa place raconter les mêmes conneries.

La réflexion qui suit le laisse un peu plus perplexe alors qu’il retrouve finalement le joint entre ses doigts, tendu généreusement. D’un merci silencieux, il prend une bouffée et retrouve à peu près toute sa tête, laissant de côté ce mal de crâne latent et ces fameux sifflements. Le visage du devin caché par la fumée tandis qu’il lui tend à son tour le joint, il se décide enfin à lui répondre. D’abord, par un sourire en réponse au sien, et puis par des mots. Sans trop savoir s’il devrait vraiment s’aventurer sur ce terrain. « T’es un mec bien, Tarrare. Franchement, j’étais loin d’y croire quand ma mère m’a fait venir ici mais t’es un mec bien. » Il croise ses bras contre son torse et laisse ses yeux à nouveau divaguer sur le décor qui les entoure. « Trop naïf, par contre. Je dis pas que t’as tort ou que t’as raison mais tu me surestimes, ça c’est certain. Je ne veux pas échapper à mes démons. » Il lui avoue une fois de plus ça avec une simplicité déconcertante. « Si j’échappe à mes démons, j’échappe à tout ce que je lui ai fait et je peux pas lui faire ça. J’ai pas pu la sauver, pas pu lui dire pardon, alors je peux pas avancer. C’est égoïste, tu me diras, qu’est-ce qu’elle peut bien en avoir à foutre du mec qui l’a butée. Je sais bien que je fais ça pour moi plus que pour elle. Je fais toujours tout plus pour moi que pour les autres. » Ses yeux perçants trouvent le regard du charlatan et il reprend, en miroir à ses propres mots. « Dans ma famille, on ne met rien au service de la communauté, rien qui n’est pas dans notre propre intérêt. Je suis profondément égoïste et je le sais très bien. Un connard de gosse de riche qui vient chialer alors qu’il a tout pour être heureux. Je passe tellement de temps et d’énergie à m’auto-détruire que j’aurais sans doute déjà pu régler le conflit israélo-palestinien en vérité. » Il esquisse un sourire. « Je t’ai dit la vérité parce que je ne supporte pas que ma mère répande des mensonges aussi gros que son ego depuis plus de dix ans. Mais j’attends pas de toi que tu me sauves, que tu me guides ou que tu fasses quoique ce soit. Je ne veux pas d’aide, Devlin, parce que je la mérite pas. Je devrais être en taule et parfois, tout ce que j’ai envie, c’est de faire une connerie suffisamment grosse pour y être envoyé. » Triste vérité alors qu’il ajoute, d’un ton un peu plus sarcastique. « Dix ans que je cherche ce qui pourrait m’envoyer en taule sans qu’ils puissent intervenir et j’ai toujours pas trouvé. J’en viens même à me demander si c’est pas eux, que je devrais tenter de buter. »

Il soupire et masse un peu ses tempes avant de reprendre. « Elle est vraiment belle ta caravane, t’as fait quelque chose de cool ici. Qu’importe ce qui te retient ici, le pognon ou quoi, j’espère pour toi que c’est un quelque chose qui te rend heureux. » Il lui offre un sourire sincère avant de laisser ses mains retomber et ajouter. « Alors, tu croises des gens intéressants dans cette ville de timbrés ou juste des connards suffisants comme celui que t’as devant toi ? » Petit sourire plus joueur alors qu’il finit d’un ton plus doux. « T’enferme pas trop longtemps dans cette ville en tous cas, elle a le don de t’engloutir et jamais plus te laisser sortir. Ce serait con que tu deviennes aussi lâche que moi, n’est-ce pas ? »


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Devlin Tarrare
- madame irma vibes -
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D'une certaine manière, Devlin était persuadé que le mal de crâne soudain du gosse de riche n'était pas seulement dû à la came qu'il fourrait dans ses poumons dorés ou de ces cernes qui noircissaient son regard polaire. Une raison plus profonde, bien plus concrète que des tonnes de zéros sur un compte en banque et des parents abusifs. Il était prêt à parier que la raison se trouvait en partie de leur côté, à ces derniers. A mesure que Wesley Henderson ouvrait sa jolie bouche aux dents presque parfaites, il commençait à entrevoir le portrait d'une famille qui n'avait rien des sourires figés en couverture de Forbes. Et s'il savait, pour voir un paquet de personnes aux contextes radicalement opposés, qu'aucune famille n'était résolument parfaite, il entrevoyait parfaitement à quel point les Henderson étaient dysfonctionnels. Tant de secrets. Tant d'horreurs. Du sang sur la Main de Midas et la nécessité de poursuivre la malédiction en le transformant lui aussi en or. Heureusement que la drogue aidait. Il n'était pas certain, autrement, de réussir à digérer toutes ces informations.
Car ils étaient différents, Wesley et lui. L'opposé parfaite, le contraire absolu, et pourtant Devlin avait cette impression qu'au cours de cette conservation ils étaient en train d'atteindre une sorte de statu quo indéfinissable. De ces terrains d'entente qu'on ne croirait jamais qu'ils puissent exister, et qui, pourtant, sont bel et bien réels et possibles. Une éventualité qu'il n'aurait jamais entrevue s'il s'était basé seulement sur les racontars de la mère. Lyn n'avait pas exposé le quart de la moitié des vérités de son rejeton. Pire, elle avait décidé de jeter un foulard en soie d'Egypte ou quelque autre connerie de riche sur toutes les difficultés parfaitement justifiées de Baby Rotschild, prêchant une version amoindrie du problème juste parce que ça l'arrangeait. Il n'en aurait rien dit, aurait gardé pour lui que ça lui retournait le sang, le devin. Mais Wesley avait proposé un deal aussi juteux et confortable pour l'un que l'autre. Et de par ce confort naissait quelques fois l'empathie.

-Un mec bien, tu parles !

Ricanement spontané à la remarque, ponctué d'une légère toux enfumée. Si seulement il était un mec bien, et si seulement Wesley avait raison à son sujet. Mais il n'était ni bon ni mauvais, le devin. Juste intéressé. Et il ne savait pas encore s'il l'appréciait, ou s'il continuait de tester son illustre client. Mais ce que savait le devin, c'était que plus il s'exprimait, plus il apportait d'eau à son moulin. Cette entrevue pourrait leur apporter gros s'ils se démerdaient l'un comme l'autre à faire avaler des couleuvres à la mère Henderson. Peut-être que l'idée, née dans un nuage de marie-jeanne de qualité supérieure, n'était pas la plus avisée qu'ils aient jamais eue. Mais à mesure qu'elle croissait dans l'esprit du devin, elle semblait belle. Loin de lui l'envie d'avoir toutes les infos possible pour faire chanter l'autre. Il ne le pourrait pas, pour la simple raison qu'énonçait à présent Wesley. S'il n'avait pas pu se tirer, c'était pour la même raison que Devlin ne pourrait pas le manipuler entièrement. Ses parents. Et il aurait dû y penser de lui-même, le charlatan. Tant d'argent, de réputation et toute la gloire rattachée à ce nom venait avec sa dose d'avantages mais surtout de désagréments. Le rejeton pourrait tenter de fuir qu'il serait aussitôt rattrapé par son nom, voire son sang. Pourtant le divinateur ne put s'empêcher de froncer des sourcils noirs en prêtant une oreille enfumée à son client.
Parce que pour lui, il manquait un élément logique à tout ça. N'importe qui de suffisamment motivé pouvait changer de vie. Même si cela impliquait de redoubler d'efforts pour arriver à sa vie. Aussi, quand l'argument réel s'écrasa entre eux, la tension sur son visage s'évanouit. C'était donc ça.

Il ne le voulait pas, en vérité. Partir. Aussi bête que ça, aussi simple et égoïste que ça. Qui pouvait lui reprocher quoi que ce soit dans ce cas ? Wesley ne voulait pas d'aide, pas plus qu'il ne demandait de pitié ou de salut. Il voulait rester dans cet état d'entre temps qui semblait le bouffer à petit feu, et semblait même heureux de s'y enfoncer joyeusement. Un aspect du jeune homme qui le rendait nettement plus intéressant aux yeux du devin. Le fatalisme pleinement assumé, c'était une chose qu'il appréciait. Parce qu'il était vrai, ce fatalisme. Il avait raison, dans le fond, l'héritier : mieux valait pour lui accepter sa condition que prétendre vouloir s'en défaire. Si ça ne décourageait pas sa propre famille, ça aurait au moins le mérite de chasser les autres.
Et ils étaient pareils sur ce côté-là, parce que Tarrare n'était pas plus blanc, ni même plus responsable que son client. A jouer avec le feu, avec son propre corps, avec le mal qui le rongeait de l'intérieur comme s'il n'existait pas. Une cohabitation dont il n'avait jamais voulu, qu'il supportait parce qu'il le fallait, mais pour laquelle il ne voulait aucune issue. Déconne avec ta santé, ne va pas chez le médecin. Sa mère n'avait jamais eu autant raison qu'en lui déclamant cette règle de vie qu'il n'aurait pas dû appliquer et qu'il suivait pourtant scrupuleusement. A la lettre. Mot pour mot, Devlin, sans se soucier des conséquences. Tant que ça lui évitait l'Enfer Blanc des hôpitaux, il s'en accommodait. Un sourire, sous la moustache du renard, à la mention du conflit israélo-palestinien. L'allégorie n'avait jamais été aussi appropriée qu'en ce moment précis.

Alors il haussa les épaules aux suggestions de Wesley, parce qu'il le comprenait. Se pencha pour reprendre le joint entre ses doigts, et rétorqua, du tac-au-tac :

-Quel intérêt de chercher à "guérir" quelqu'un qui refuse qu'on le soigne ? Je tenterai rien, t'en as ma promesse. Quant à trouver une solution pour finir en taule sans que le reste des Rotschild soient sur ton dos... Une balle à l'arrière du crâne, c'est vraiment pas une si mauvaise idée en soit. Et ça te permet de toucher l'héritage en prime, même si, de toute évidence, c'est le cadet de tes soucis.

Caméléon social, le devin, et pourtant il était de plus en plus sincère à mesure que se poursuivait cette conversation. Peut-être à cause de la sincérité du petit homme en face de lui, de cette dualité qu'il percevait dans ses prunelles azurées. Les pupilles dilatées en ravin permanent, toujours plus imposant, qui dévorait Wesley de l'intérieur. Rares étaient les clients aussi denses, rares étaient ceux qui lui plaisaient autant dans leur vision tant du monde que de la vie.

Rares étaient ceux qui lui donnaient envie d'être un peu plus quelqu'un et bien moins personne. Pas celui qu'ils voulaient voir en face d'eux, à leur lire les lignes de la main ou invoquer l'esprit hypothétique d'un proche décédé. Mais bien celui qu'il était à l'intérieur, caché sous le voile mystique et les mensonges, si bien engoncé dans des couches de mauvaise foi que Tarrare n'était pas toujours sûr qu'il existât réellement. Tombé de masque quand Wesley ramena la conversation sur son psychiatre attitré. Il n'avait rien gobé de la grande et belle histoire de l'altruisme que ce dernier lui avait servie, et il avait eu bien raison. C'était un coup de coeur qui l'attachait à Exeter, rien de plus que ça. Et pourtant ce coup de coeur, tantôt coup de poing, tantôt coup de sang, il ne l'aurait troqué pour rien au monde. Un sourire en guise de confirmation. T'as vu juste, le nanti.

-Des fois.

Souvent, jusqu'à ce que ça n'aille pas. Que ça soit beau, puis que ça pèse, puis que ça blesse. Barbie au loin des yeux mais jamais loin du coeur, même après cette funeste soirée bien des mois plus tôt. Un poignard au manche rose vif planté dans le coeur, serré par les doigts d'un type qui n'avait rien de recommandable. Ce n'était pas qu'un amour sans avenir qui le maintenait à Exeter. C'était la peur qu'il lui arrive quelque chose, à ce type qui lui avait martelé d'aller se faire foutre à grands coups de poing. Il resta pensif un instant, le bonimenteur démasqué. Tira plusieurs profondes bouffées d'herbe tandis que Wesley reprenait. Haussa les épaules en déposant un regard équivoque au fond des iris perçants de son compagnon.

-Excuse-moi de te dire cette vérité, Wesley, mais tu tombes d'avantage dans la catégorie des timbrés intéressants que des connards suffisants.

L'ombre d'un sourire narquois sous la moustache, qui s'adoucit toutefois. Le regard perdu dans le vide, à moins que ça ne soit son cerveau qui s'y perdit, dans le vide, il n'était plus bien sûr. Avec tout ce qu'ils fumaient et la fatigue de la journée, le divinateur commençait à sentir la légèreté illusoire de la drogue pénétrer ses membres engourdis. Délier sa langue, aussi. Bientôt, il devrait manger. Affamé sans faim, obligé de régler son corps sur un métronome qui n'appartenait qu'à eux, il savait quelles étaient ses limites à force de les avoir éprouvées. Un luxe que celui de savoir quand se sustenter. Par précaution, et parce que son heure était proche, il poussa la jarre à cookies en direction de Wesley. Lui, il devait la sentir, la faim. Il en avait, de la chance.

-Oh je suis déjà foutu, tu sais. Je l'ai épousée y'a un moment, la lâcheté, et c'est pas Exeter qui a joué les agents matrimoniaux. Peut-être même que si j'étais moins lâche, nous ne serions pas en train d'avoir cette conversation, ce soir. J'aurais une situation. L'amour de ma vie au bras, une ribambelle de gosses qu'on sait pas trop d'où qu'ils viennent, vu leurs parents. Peut-être même une maison avec un jardin et trois chats...

Il ricane. L'idée même d'avoir une petite vie rangée, loin de la route, des emmerdes et même d'Exeter lui file le tournis. Logés au 33, Wysteria Lane, au milieu des autres mères au foyer désespérées. Ils auraient acheté leur maison à une petite bonne-femme qui ressemblerait à Drew Barrymore et boufferait des cervelles au petit déjeuner. L'Enfer.
Ou sinon... S'il avait été plus brave, il y aurait eu des choix qu'il aurait faits différemment. Il aurait dit à Barbie que son coeur commençait à être prisonnier de ses grands yeux marrons. Il aurait peut-être même changé de crèmerie si l'issue avait été la même, avec une volée de coups et le coeur en miettes.

-Avec des "et si" on refait le monde, il paraît. Tu la trouves sympa, cette caravane, mais avec des "et si" ça aurait pu être une des navettes de ton pote Elon Musk et on aurait été les premiers mecs à poser le pied sur Alpha du Centaure. Avec des "et si", on aurait peut-être du potentiel en tant qu'humains décents, toi et moi. Peut-être même que c'est pas trop tard pour ce "et si" en particulier.

Ce n'était plus Tarrare qui s'adressait à son client. C'était Devlin qui s'adressait à Wesley, le regard perdu dans le vague, la fumée arrondissant ses lèvres autant que ses pensées. Il passa une main lasse dans ses cheveux, les gratta un bref instant. Son masque tout fait de spectacle était tombé depuis quelques minutes déjà, et il n'avait aucune envie de le ramasser.

-A ton avis, pourquoi est-ce qu'on s'emmerde comme ça alors qu'on pourrait se tirer ? Quand ta mère m'a engagé, c'était en pleine nuit, et elle a probablement pas vu mes plaques. En plus, j'en ai d'autres de rechange dans la soute de la caravane. On peut arrimer la dondon à roulettes dès ce soir, et se tirer sans rien dire à personne. Tes parents auront aucun moyen de savoir où on part à moins de nous mettre le FBI au cul.

Une idée qui n'avait rien de rationnel ni de concret, mais qui semblait belle, sur le papier. Si ni l'un ni l'autre n'était assez brave pour lui-même, peut-être pouvaient-ils l'être tous les deux, ensemble. Wesley ne serait pas le premier parfait inconnu que Devlin aurait embarqué dans sa caravane pour lui faire échapper au calvaire de sa famille. Ivory avait été la première, et certainement pas la dernière.
Peut-être que Wesley serait ce coup de pied aux fesses dont Devlin avait besoin pour réussir à mettre Exeter et les grands yeux marrons derrière lui.





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