my angel drink? (aiden)

Il avait toujours été du genre loyal, Aidan – mais la loyauté qu’il offrait à Aphrodite était d’un autre niveau. La jeune femme trouvait l’ivresse et l’allégresse dans le danger, dans les risques inconsidérés, et le jeune homme ne comptait plus le nombre de fois où il avait écrasé sa pédale d’accélérateur pour aller la sortir de dieu sait quel merdier. C’était devenu une habitude, une sorte de running-gag, qui lui avait valu à la fois ses pires inquiétudes, et ses plus beaux fou-rires.
Aphrodite, elle était de ceux qu’on ne peut pas dompter, pas vraiment sauver – de ces âmes qui virevoltent et dont on ne peut arrêter la course, juste la ralentir, la dévier, avant de les regarder partir de plus belle. Et dans un monde comme celui d’Aidan, où tout est chic, propre, net et comme arrêté dans le temps et la routine, c’est comme un phare en pleine nuit. Le phare qui te guide, mais aussi qui t’éclate la rétine et qui t’aveugle. Aphrodite, elle est amie, poison, et amie empoisonnée.
Les vendredi soirs sont souvent les pires – c’est souvent les moments où elle sort, puis où elle lui envoie un message suspicieux. Et entre les espaces, entre les mots, il lit les appels de détresse, se pince l’arrête du nez, et est reparti pour une nuit de n’importe quoi. Fallait croire que cette nuit-là faisait pas exception.
La soirée avait pourtant commencé normalement, la télévision en fond sonore avec des news qu’il n’écoutait déjà plus, son chien étalé sur le tapis et un ridicule plat de nouilles instantanées – il était prêt à passer une autre de ces nuits mornes et ridicules devant un de ses dossiers, celles dont il a le secret. Toujours armé de son téléphone, comme extension de son bras – boulot et Aphrodite obligent -, il manque pas le tintement singulier de son smartphone. Espérant la publicité d’un magasin de vêtements, ou un sms stupide de sa sœur, il ouvre – et quand il voit le nom d’Aphrodite, il peut même pas dire qu’il est surpris. A son écriture, il devine qu’elle est complètement éclatée, l’alcool roulant dans ses veines aussi vite que ses conneries et… un comptoir d’irlandais ? Il ferme les yeux, et soupire. Il sait pas dans quoi elle s’est encore fourrée, mais il sent venir les extravagances et le n’importe quoi comme compagnons de soirée, plus que ses stupides papiers.

Probablement un bon séjour en cellule de dégrisement. Qu’est-ce que tu fiches ? T’es où ?

Aphrodite ?

Il se rend à l’évidence après le deuxième message – elle va plus répondre. Et comme bien des nuits, comme bien des vendredi, les étoiles se moquant de lui haut dans l’azur, il rejoint sa voiture en quatrième vitesse. L’avantage d’avoir vécu à Exeter toute son existence – et c’était peut-être le seul – c’est qu’il connaissait la ville comme sa poche, et des pubs irlandais, il n’en connaissait pas beaucoup. Il n’en connaissait qu’un, en fait.
Tout de suite, il fait un peu tâche dans le décor – il avait pas pris le temps de se changer en rentrant du travail, et il était maintenant dans un bar un peu morne en chemise taillée et blanche comme le nacre, suintant la jeunesse dorée dans les bas fonds des rues alcooliques. Il cherche Aphrodite dans la foule, mais au final, il doit lever le nez, la brunette déjà torchée et debout sur le comptoir. « Eh merde. » Il contourne les tables et se faufile un chemin à travers la foule, esquivant une cohue de crachats et de gestes violents, ne manquant pas leurs regards braqués sur la demoiselle dansant sur le comptoir. Il lui attrape le bras, fermement, mais sans serrer. « Aphrodite, descends de là. Tu vas avoir des problèmes. » Il soupire, secouant la tête. « Allez, me fais pas venir te chercher la dessus. »