We were like gods at the dawning of the world. ((Ewen))

Le froid. Il se faufilait à travers sa couette épaisse, rampait sur sa peau en glissant sous le tissu cotonneux de son bas de pyjama. En dépit des épaisseurs qui la recouvrait, le froid parvenait à l’atteindre, provoquant à la surface de son épiderme une infinité de frissons. Elle était gelée, Leona. Entièrement et complètement gelée. Rien ne dépassait pourtant de la couverture ; rien. Pas une jambe, un pied ou un orteil. Rien. Elle s’était également assurée, avant de disparaître sous les draps, que le thermostat du chauffage était poussé à...une température que certains oseraient qualifier de “ardente”. Mais une brise légère, presque intangible, réfrigérait chaque parcelle de son corps, même les plus infimes. Le froid eut raison d’elle lorsque des bruits étouffés s’échappèrent de la pièce avoisinante, retardant définitivement le sommeil qui refusaient de poindre. Dans un soupir, Leona s’extirpa de son cocon. Sa chambre était nimbée par l’éclat de la Lune, offrant quelques jeux de lumières malgré la pénombre environnante, permettant ainsi à la guédé de trouver rapidement ses repères.

Elle recouvrit ses épaules d’un plaid duveteux, avant de quitter la pièce, esquissant silencieusement le moindre de ses gestes. Des gémissements, à peine audibles, résonnaient dans le couloir. Non, elle ne tenait définitivement pas à être le témoin de cette cacophonie trop explicite à son goût et qui elle le savait, ne tarderait pas à imprégner son esprit. Leona emprunta les escaliers, s’attarda un instant sur l’écran de télévision qui illuminait le salon, avant de se diriger aussitôt vers la cuisine. Son estomac grondait. Elle attrapa un bol ,une planche, ainsi qu’un piment qu’elle découpa en rondelle avant de les mettre dans le petit récipient. Elle se servit un verre d’eau puis regagna la salle de séjour. Ici, elle discernait à peine les sons qui continuaient de s’élever, à l’étage. Ici, le froid ne semblait pas l’affecter. Mais ici, il y avait Ewen. Et ce simple détail aurait suffit à lui prodiguer l’envie de rejoindre la chaleur de ses draps, à elle, si les ébats de sa meilleure amie ne lui parvenait pas aussi distinctement.

Son verre et son bol à la main, elle s’arrêta près du canapé sur lequel il était installé. Leona lui jeta une œillade. En coup de vent. Fugitive, elle s’attarda un instant sur son visage sur lequel miroitaient la lumière des images défilant à l’écran. Puis, happée par la télévision, Leona porta aussitôt son regard vers cette dernière.  Elle croqua dans un morceau de piment en savourant pleinement la saveur épicée qui s’en dégageait.

“ Qu’est ce que tu regardes ?”demanda-t-elle finalement de sa voix impavide, brisant le silence qui les piéger tous deux. Sa présence engrangeait des souvenirs dont elle préférait se débarrasser. Parce qu’il avait été là, lui aussi, cette nuit-là. Il avait vu les tremblements de son corps, les larmes dévalant ses joues, la peur se reflétant dans ses yeux. Il l’avait raccompagné, ce soir-là. Ils avaient à peine échangé un mot, mais le silence qu’ils avaient partagé avait révélé une quantité d’informations. La douceur que Leona avait entrevue chez Ewen semblait être aujourd’hui réduite aux fruits de son imagination…mais cela faisait-il vraiment une grande différence ? “ Je vais rester là, le temps que ça...se calme en haut.”Sur ses mots, Leona s’installa à son tour à l’autre bout du canapé, cherchant à instaurer le plus de distance entre elle et son diable de colocataire, dont elle évitait soigneusement le regard.

(c) mars.

La lumière faible d'une lampe de chevet éclaire le salon tandis que tu regardes la télévision. Ton humeur en avait pris un coup là-haut lorsque ton frère et sa biche avait décidé de partager au travers de la maison, le fruit de leur passion. Gémissement et soupire, murmure, rire... Bordel, t'avais vraiment pas besoin de ça ce soir, surtout que tu t'es faite plaquer pour la soirée par cette conne d'Aisha. Humeur maussade, tu es assis évaché dans le divan avec ta flasque de rhum à la main. Tu soupires, changes de poste à plusieurs reprises. La pauvre manette va finir par se briser tellement, tu la serres dans tes mains. T'es en colère, Ewen... Beaucoup trop en colère et ses deux-là, ne t'aide pas du tout, mais ici au moins tu les entends à peine.

Le regard sombre, les yeux fixés sur les images en action. T'écoutes une comédie qui ne te fait pas rire du tout. Bref, c'est terriblement ennuyeux... Mais voilà qu'une petite silhouette vient te rejoindre au salon, une ombre que tu ne regardes pas pour l'instant, car tu essaies de calmer ta fureur. Leona, cette jeune femme ne mérite pas ton humeur d'ours. Puis, elle s'assit sur le canapé avec toi, loin de toi... Ça te fait rire intérieurement, comme si tu allais venir abuser d'elle gratuitement. Comme un chat face à un chien, les poils hérissé prête à déguerpir si le cabot décide de trop s'approcher. Finalement, tu souris en l'entend parler, Leona, tu l'apprécies beaucoup, t'es juste trop maladroit avec elle, t'es con de base, mais au fond, tu ne lui ferais jamais de mal. Tu l'as déjà sauvé une fois, tu le ferais encore. -Jumangi 2, tu l'as déjà vu ? Prononces-tu de ta voix grave en détournant les yeux sur elle. Tes prunelles la détaillent un peu.

“ Je vais rester là, le temps que ça...Se calme en haut.” Tu hausses les sourcils, puis rit doucement. - T'imagine s'ils en ont encore pour le reste de la nuit ? Tu veux la faire rire un peu. Vous seriez bien mal placé à dormir sur le divan chacun de votre côté. Une main dans tes cheveux, tu fronces les sourcils en la voyant manger ses piments. Puis, tu te dis qu'elle a bien le droit au final même si préférait des chips au BBQ, toi. - Tu veux pas t'approcher et te détendre un peu ? J'vais pas te manger. Tu le dis en lui faisant des yeux doux, un regard provoquant, mais surtout pour t'amuser. Tu ne vas pas lui sauter dessus, même si l'envie d'elle est toujours présente en fait lorsque tu la vois. Leona, elle est belle et attirante, mais tu sais bien qu'elle ne veut rien savoir de toi. Cependant, ça ne t'empêche pas de la tourmenter un peu pour essayer de la faire craquer. Tu la taquines, mais tu perds légèrement l'éclat dans tes yeux lorsque les gémissements à l'étage se font de plus en plus forts et intenses. Bordel, tu es sur le point d'aller leur dire de la fermer sérieusement. Tu la taquines, mais tu perds légèrement l'éclat dans tes yeux lorsque les gémissements à l'étage se font de plus en plus forts et intenses. Tu détournes les yeux de Leona en déglutissant et essayant de te concentrer sur la télévision... Bref, le film commence vraiment à t'ennuyer et tu décides de changer de poste pour voir. La luck que tu as toi Ewen, c'est que le karma est là pour te rappeler pourquoi t'es en colère, te rappeler que t'es privé de sexe bordel... Donc, le second poste est nul autre qu'un film XXX en gros plan. Sur le coup, tu restes tétanisé, ça te fait tilter au point de vouloir changer de poste, mais tout bug et l'image se fige sur l'écran en bon plan.

(c) mars.

Leona secoua simplement la tête en guise de réponse, gardant son regard rivé vers l’écran de télévision. Elle gardait une apparence froide, mais l’ennui était visible sur son visage. Elle replia ses jambes contre sa poitrine et déposa son menton sur ses genoux. Un piment dans une main, elle jetait quelques coups d'œils furtifs en direction d’Ewen. Là-haut, les bruits continuaient de résonner, à son plus grand dam. Elle pivota finalement entièrement la tête pour planter son regard dans celui de son colocataire lorsqu’il lui demanda si elle imaginait...non, elle n’imaginait pas Leona. Elle ne préférait pas imaginer. Un rictus étira fugacement ses lèvres. “ Je n’espère pas ! J’aimerais bien dormir…”marmonna-t-elle, dérivant ses iris vers la télévision.

Oui, elle voulait dormir...ou sortir d’ici. “ Ça va, je suis bien ici.”répliqua-t-elle simplement, consciente qu’Ewen prenait un malin plaisir à la taquiner. Pour une raison qu’elle ignorait, il avait toujours eu cet incroyable talent pour titiller ses nerfs. Toujours. Elle croqua dans un morceau de piment, gardant sa nonchalance alors que les cris à l’étage s’élevaient progressivement, alors que l’envie de prendre l’air s’amplifiait doucement. Leona se crispa brusquement lorsque l’image à l’écran se métamorphosa...pour finalement s’arrêter, leur offrant un gros plan dont elle se serait bien passée. Un rire léger s’échappa de sa gorge tandis qu’elle secouait la tête. Non, ce n’était décemment pas sa nuit. Elle se leva aussitôt, avant de rejoindre la télévision et d’appuyer rapidement sur l’interrupteur. L’écran devint entièrement noir et Leona se détendit légèrement. “ Bon, écoute…”commença-t-elle, en se dirigeant vers un petit placard. “ Moi je vais faire un tour dehors, tu veux m’accompagner ?”demanda-t-elle, détachée.

En dépit de sa tenue -un pyjama constitué d’un jogging et d’un épais-, Leona était dorénavant focalisée sur son besoin impérial de se balader sous le ciel d’encre. Elle enfila une paire de tennis, puis enroula autour de sa nuque une écharpe douillette. “ Te sens pas obligé de venir mais moi, je ne peux pas rester une minute de plus ici.”Elle lui offrit un mince sourire, sans réellement paraître chaleureuse, sans pour autant être un véritable glaçon.

(c) mars.