leeeeemme iiiiiiin (ravi)

Cela faisait des années que Ren n'avait plus mis les pieds sur un campus universitaire. Même lorsqu'elle était étudiante, elle n'avait jamais été des plus assidues. Elle allait en cours, la plupart du temps, mais elle était malgré tout partisane du moindre effort. De toute façon, à partir de son master, elle était généralement trop occupée à faire tourner ses multiples petites entreprises pour perdre son temps à la B.U. Enfin, sans vouloir offenser les aficionados de ces endroits austères et sans vie, chacun ses délires. Pourtant, après avoir épluché les archives numérisées du journal local -- ce qui ne lui avait pas pris beaucoup de temps --, elle avait finit par comprendre que si elle voulait remonter plus de six mois en arrière, il allait lui falloir consulter les archives papier de la ville.

Elle s'était d'abord rendu à l'hôtel de ville. Cependant, ils n'avaient pas été d'une grande aide, et la dame de l'accueil, visible dépassé par son travail (sérieusement, pourquoi les institutions publiques n'engageaient-elles pas d'avantage ?), l'avait gentiment redirigée vers la Bibliothèque Universitaire, en lui expliquant qu'elle devrait trouver son bonheur au sein de la section journalisme. Il y avait du bon sens dans ses paroles, mais Ren craignait le moment où il lui faudrait passer un portique muni d'un lecteur de carte d'étudiant. La sienne était périmée depuis onze années. Et de toute façon, pas sûre qu'un portique à Exeter lise le Japonais.

La bibliothèque fut rapidement trouvée. La première porte passée sans encombre. Comme prévu néanmoins, la progression de la jeune femme fut rapidement bloquée par la nécessité d'être au moins étudiant. Heureusement, Ren avait prévu le coup. Habillée d'un sweatshirt et d'un jeans troué, elle avait enfilé ses plus belles baskets et attachés ses cheveux en un messy bun si caractéristique des étudiantes au bout de leur vie. A son épaule, un tote bag de la librairie de la ville, dans laquelle Ren avait été acheté des livres d'enfant pour Nao. Elle passait pour l'étudiante la plus lambda qui soit, si l'on omettait le fait qu'elle avait trente-trois ans. Un détail. Rien qu'une bonne routine soins ne puisse compenser.

Elle s'approcha alors du comptoir pour y trouver une bibliothécaire en plein étiquetage d'ouvrage. Elle devait avoir la cinquantaine et avait l'air sévère que l'on attribue souvent à sa profession. Par dessus ses lunettes à la monture métallique, elle jeta un regard à Ren qui se penchait pour parler à voix basse "Excusez-moi de vous importuner madame, mais j'ai oublié ma carte étudiante ..." entama Ren, un air contrit sur le visage. Sans s'en émouvoir, la bibliothécaire reporta son attention sur son travail en répondant "Désolée, je ne peux pas ouvrir sans carte étudiante". Phrase qu'elle devait prononcer une dizaine de fois par jour vu l'absence totale d'intonation. Néanmoins, c'était bien mal connaître Ren de penser qu'elle s'en tiendrait à cette réponse ; 'non' ne faisait pas partie de son vocabulaire.

Le “laboratoire de parapsychologie” était une appellation pompeuse pour définir la pièce servant de bureau et les quelques paillasses attenantes qui avait été fournie aux peu nombreux chercheurs qui étudiaient les phénomènes locaux. Contrairement à ceux qui étaient ici depuis plus longtemps que lui Ravi ne cumulait pas cette tâche avec celle de chercheur dans des domaines plus “ sérieux” et il n’avait aucune autre activité derrière laquelle se cacher si on le questionnait. Pour le dire basiquement il cherche des fantômes, c’est en tout cas ce que des étudiants peuvent murmurer quand il entre dans la bibliothèque universitaire.

Portant ses dossiers sous le bras le physiciens ne lève pas les yeux vers ceux qui parlent de lui ce qui peut le faire paraître encore plus étrange, comme absent. Il se doute de ce qu’il se dit et pourtant ils ne pourraient pas être plus loin de la vérité. Ravi Sorabji n’est pas là pour trouver des fantômes mais pour montrer qu’il n’y en a pas. Il sait cependant que même s’il parvenait à faire la lumière sur l’origine des histoires d’esprits d’Exeter certains n’arrêteraient jamais de croire que ces légendes existent. C’était pour la même raison que malgré la théorie de l’évolution et des siècles de progrès scientifique il resterait des croyants pour prendre au pied de la lettre les récits d’origine du monde des religions. Des gens auront toujours besoin de croire mais s’il pouvait aider certains à ne pas croire en n’importe quoi mais en la raison alors il aurait réussi.

L’étudiante devant lui venait de se faire éconduire pour ne pas avoir sa carte et il s’attarda quelques secondes sur elle avant de la doubler, se disant qu’elle n’avait qu’a retourner la chercher au lieu d’insister. Madame Fischer était intransigeante et assez peu aimable, c’était quelque chose qu’il avait découvert dès le premier jour où il était arrivé sans sa carte de chercheur affilié à l’université. Insister avec elle était inutile et cela se comprenait assez vite. Normalement. La jeune femme n’avait cependant pas l’air prête à abandonner si facilement. “Vous pouvez passer à l’administration universitaire en refaire une si vous ne l’avez plus.” lâcha t’il sans regarder “l’étudiante” directement et en présentant sa carte à madame Fisher qui se contentât de rouler des yeux avec un signe de tête pour lui faire signe de passer, et vite. Ça m'étonnerais il faut au moins une semaine.” Répondit elle en regardant Ren pour bien lui souligner que rester plus longtemps à la déranger ne servirait à rien. "Ah ces jeunes, ils n’ont pas de tête! Qu'ils assument et utilisent leurs jambes!"songea la bibliothécaire.

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