fight for me

all is forgiven baby Dernier coup d'oeil sur la cellule, les barreaux usés à force de s'y accrocher, oiseau prisonnier d'une cage trop petite. Les murs et son corps sont couverts de graffitis, une fleur pour chaque jour, une morsure infectée sur son bras gauche. Le bandage suinte et la douleur est lancinante, rappel qu'il est présent et en vie. Le dernier soin d'un infirmier trop patient face aux tendances auto-mutilatrices de son précieux charognard. Certains gardiens lui lancent des regards accusateurs, d'autres crachent sur le sol bitumé qu'il foule avec une certaine fascination tandis qu'il marche vers la sortie. Quinze années sans voler, le sang qui tache encore ses doigts d'une teinte brunie par l'âge. Il ne craint plus le froid qui s'est installé entre ces quatre murs, ne craint plus les douches brûlantes et les coups de ses compagnons d'infortune. Il est le premier à voir la lumière du jour depuis des mois, à fouler le trottoir qui mène à la prison. Ses affaires sentent le renfermé, conservées dans une petite boite où est griffonné un nom mal orthographié. "AVERY KOVASH". Il retrace les courbes du marqueur avec la fascination d'un camé qui redécouvre le ciel étoilé. Gavin ne peut s'empêcher de ricaner.

" Putain, j'arrive pas à croire qu'ils te laissent partir pour 'bonne conduite', Kovach. "

Il lève le regard, répond en lui montrant les crocs. Le chrome scintille sous le néon glacial et le sourire devient prédateur. Ils savent qu'ils sont en train de commettre une erreur ; le diable est lâché sur la cité, et il porte le tissus entreposé dans cette fameuse boite à son nez, inspire. L'odeur est feinte, mais toujours présente ; parfum familier qui lui donne l'eau à la bouche, disparition d'un amour obsessionnel pour lequel il a tué, est tombé en disgrâce. Le gardien lui lance un regard méfiant, dégoûté. Il connait l'histoire derrière ce vieux tee-shirt aux tâches jaunâtres.

" T'es vraiment un sale taré, tu le sais ça ? Une petite erreur, et tu reviens nous tenir compagnie jusqu'à ce que tu sois trop vieux pour protéger ton petit cul sous la douche. Oublie pas qu'on t'a à l'oeil. "

Gavin baisse les yeux, indicateur moqueur du bracelet qui est scellé sur la cheville gauche de l'ancien prisonnier. Very l'ignore, plie avec précaution le tee-shirt qui porte encore son odeur, et le coince sous la boucle de sa ceinture. Il enfile la montre depuis longtemps arrêtée sur une heure passée, récupère quelques papiers expirés, un paquet de malboro entamé, et apprécie le poids des bagues qui retrouvent leur propriétaire après quinze années d'enfermement. Elles glissent le long de ses doigts mincis, les simples plaisirs remplacés par l'ennui et la malbouffe d'une cantine de prison.

On lui fait signer quelques formulaires, et les lourdes portes en métal s'ouvrent sur cette ville chérie, ville natale, ville bancale. Pour la première fois depuis son réveil, il ouvre la bouche ; La porte claque derrière lui, et il pousse un cri de joie, un son qui lui vient des entrailles tandis qu'un vieux cabriolet mal entretenu s'arrête devant lui. Il ouvre la porte sans hésitation, oublie d'attacher sa ceinture, lance un regard intrigué sur l'appareil qu'on a accroché au pare-brise.

" Putain Kovacs, t'as raté un paquet de choses dans ta prison dorée. "

Il laisse échapper un "hm" appréciatif et, pour la première fois depuis des années, s'allume une clope en la coinçant dans l'allume-cigare.