in the mood for nothing; enoch

in the mood for nothing -- @enoch sinclair & @saul marsh

Il avait passé la quasi-totalité de la nuit à son bureau, à noircir des pages de cahier, à raturer et corriger des pensées qui émergeaient à chaque nouvelle ligne – complètement absorbé par son étude du moment. Il avait dormi une heure, peut-etre deux, avant de rejoindre son repère, en laissant la porte entrebaillée. Il ne la fermait plus comme avant, avait perdu cette habitude de s'enfermer en attendant le petit matin. Il n'était plus seul – du moins, pas toujours – et garder un œil sur les déplacements dans son loft était important pour lui ; toujours garder le contrôle. Il était attentif à chaque bruit, même les plus infimes, et ne se laissait surprendre par aucun imprévu au sein de son domaine. La situation avec Enoch s'était accélérée ces derniers mois, certainement propulsée par la présentation du chasseur auprès de sa famille lointaine, sous le regard ébahi d'une Constance en suffocation perpétuelle. Il n'accordait pas de son temps à l'homme pour cette seule raison, mais c'était un plus non négligeable. La proximité qu'ils échangeaient était alors un point de départ pour reprendre quelques bases depuis le début, à commencer par questionner l'emprise que des hommes tels que lui pouvaient avoir sur sa vie. Il aurait pu le tuer, s'il en avait eu envie, l'aurait certainement fait en d'autres circonstances. Et si leurs premières rencontres n'avaient été que le déroulé d'un jeu, chaque assaut était une preuve de son incapacité à se défendre en cas de crise réelle. Une confiance – pas aveugle, non plus – lui avait alors été accordée, le droit de s'inviter dans ses habitudes pour y ajouter quelques détails, et en laisser échapper d'autres.

Il s'en était rendu compte, de manière indéniable, en entendant la sonnerie de son interphone retentir, à cinq heure du matin environ. Les écrits abandonnés dans son bureau, porte fermée de nouveau, il s'apprêtait alors à retourner se coucher. Il ne portait qu'un caleçon, et avait pris le temps d'enfiler une robe de chambre légère en s'approchant de la porte pour regarder par le judas, sans décrocher le combiné. Il avait ouvert la porte, et lancé un regard plein de doléances dans sa direction, en voyant que son amant était déjà prêt pour donner de sa personne. Il l'avait fait entrer, l'avait embrassé en gardant espoir, la robe de chambre au sol pour essayer de le ramener à la raison. Les mains baladeuses, usant de malice pour essayer de le faire changer d'avis. Ce n'est qu'après avoir compris qu'il n'aurait pas gain de cause, qu'il s'était éloigné vers sa chambre en roulant des yeux après un étouffé :

« — Sers-toi à boire, j'arrive. »

Il s'était préparé, avait enfilé ces quelques vêtements de sport qu'il détestait tant, et avait quitté son loft sans même prévenir Enoch – il n'avait qu'à comprendre, et le suivre.


Saul ne faisait jamais ce qu'il n'avait pas envie de faire ; ne s'obligeait pas même à se rendre aux repas de famille sans la promesse de voir sa mère dans tous ses états. Il aurait alors pu aisément signifier à son amant son envie de s'enfoncer entre ses draps pour deux ou trois heures de plus, et de ne plus jamais entendre parler de cet entraînement qui ne l'intéressait pas. En temps normal, il l'aurait fait. Mais il avait perçu une réelle inquiétude dans le regard de son petit ami, alors qu'il évoquait les nombreuses disparitions, lors de leur dernier rendez-vous. Il ne faisait pas l'effort pour lui, il le faisait pour Enoch. Lui se savait incapable de se défendre en cas d'agression, savait qu'il était la cible privilégiée de ceux qui sévissaient ces derniers mois, mais s'en moquait – s'il devait mourir, alors soit.
Il avait suivi son guide en bougonnant, signifiant parfois qu'ils auraient pu prendre du bon temps chez lui, exposant sur un ton semblable ce qu'ils auraient pu faire dans tous les coins de son loft. Il n'en avait pas terminé, poursuivrait certainement tout au long de la journée.

La marche le fatiguait, il avait la forêt en horreur lorsque ce n'était pas pour venir s'y abandonner avec Vera, entre pérégrinations nocturnes lorsqu'il fallait remettre le monde en place. Il avait envie de tout arrêter, et rentrer. Il le faisait parfois savoir, murmurant dans sa barbe des phrases toutes faites qui ne lui ressemblaient pas, tant elles étaient bâteau ; signe qu'elles n'étaient là que pour montrer son mécontentement. Il soupira en voyant Enoch s'arrêter enfin, comme ayant trouvé son coin, peut-être celui où il s'entraînait en règle générale.

« — Tu me montres comment tuer en un coup, puis on rentre ? »

Il était mal à l'aise dans ces vêtements de sport, regrettait son costume qui lui collait comme une seconde peau, et qu'il ne retirait qu'une fois chez lui. Il n'avait pas eu le droit de venir ainsi, et savait que ce n'était pas une bonne idée, de toute manière.

« — T'aurais juste pu m'offrir un sifflet anti-agression. »

Il se planta en plein milieu, droit comme un i, et croisa les bras en attendant la suite, signe qu'il ne comptait pas vraiment y mettre du sien, sauf en échange de résultats rapides. Il voulait en finir, mais devait prendre sur lui. Il avait été alerté par le comportement d'un client qui avait plus l'air intéressé par lui que par les produits qu'il proposait ; de la même manière qu'Enoch lors de leur rencontre. Il n'aurait pas dû en parler à ce dernier, regrettait d'avoir évoqué les détours que prenait l'homme parfois pour essayer de savoir s'il était un ange ou non.

« — Je n'ai pas peur d'eux, et personne ne connait mieux les armes que moi. »

Et Enoch devait le savoir qu'il ne se souciait pas des malfaiteurs que les journaux décrivaient, qu'il riait bien de savoir qu'on pouvait s'en prendre à lui pour une quelconque raison. Et si ces individus voulaient son sang, sa chaire, ou qu'importe, qu'ils viennent se servir. L'affection qu'il portait pour le chasseur était le seul problème de cette équation, car s'il se moquait de ce qui pouvait lui arriver, il savait que son amant ne pensait sans doute pas la même chose.

in the mood for nothing -- @enoch sinclair & @saul marsh

Les rapports d'expéditions s'enchaînaient, tous plus alarmants les uns que les autres. Faisaient état de rafles improbables, de cadavres de cibles potentielles révélées à mesure de traques par la Garde de l'Aurore retrouvées dans un état bien pire que tout ce qu'auraient pu faire les chasseurs, s'ils avaient été responsables des carnages. La rumeur d'abord sourde avait fini par faire grand bruit dans les rangs des Chasseurs. Les Sons of Mercury éparpillaient leurs miettes un peu partout en ville, Petits Poucets de l'horreur, s'attaquant à un type de créatures bien particulier. Les Cupidons. Référencement néfaste pour la plupart, des cibles à abattre pour les émissaires de la Garde de l'Aurore. Mais si toute la garnison aurait dû être contente qu'ils s'occupent de faire leur travail à leur place, la grogne commençait à monter dans les troupes. Leurs méthodes étaient barbares, inorganisées, douteuses. L'honneur bafoués de ceux qui font exactement la même chose mais le font mieux, d'exécutions sommaires devenues nobles au vu du carnage qu'étaient chaque frappes des Sons of Mercury. Sons of Bitches qui se marmonnaient quelques fois entre des mâchoires serrées, dans les différents lieux de rassemblement. Le QG qui fourmillait et les Sinclair qui avaient vu certaines de leurs cibles raflées elles aussi sous leurs yeux. Les Garde, l'Archange et Michael tiraient une face de six pieds de long, et Enoch, lui, avait peur. Un sentiment auquel il était généralement étranger, quand on en venait à la Mission. Poussé par l'inquiétude, et tous ces autres sentiments qu'il commençait doucement mais sûrement à comprendre d'avantage. Les proies des Sons of Mercury avaient toutes des attributs bien trop similaires à une personne en particulier. Et Saul avait beau être différent aux yeux du Chasseur, de par son attitude, de par ce qu'il ressentait, certaines de ses qualités étaient pourtant bien similaires à toutes ces proies que ces indignes fils de chiennes laissaient aux abords d'Exeter.
Saul était en danger. Et ce dernier était imminent. Obsédant. Insupportable. Tout ange qu'il soit, il ne pourrait pas passer entre les mailles de leurs filets éternellement. Ils finiraient par comprendre les fondements de sa nature non humaine à tout moment. Le temps était compté, et si les entraînements avaient eu l'aura d'une douce blague entre les amants, Enoch ne pouvait pas laisser la situation s'envenimer. Parfaitement conscient de ce qu'il faisait, en remettant le sujet des entraînements sur le tapis. Parfaitement conscient aussi que la réponse ne serait pas plus favorable que d'ordinaire, connaissant Saul, mais le Français avait fini par se plier à la volonté inébranlable du Chasseur. Avait-il perçu la dangerosité des événements récents ? Enoch aurait aimé en être certain. Mais quand bien même ce n'était pas le cas, il ne lui avait pas réellement laissé le choix. Rendez-vous pris, à 5h du matin comme pour Lenny. Dans une zone écartée, dans une parcelle de bois appartenant aux Sinclair aux abords de la ville, le terrain d'entraînement secret et parfaitement contrôlé du Chasseur. Il en connaissait tous les détails par coeur, avait parcouru les mêmes sentiers pendant des années, connaissait tous ses parfums et tous ses bruits. Il pourrait ainsi aider Saul à parfaire ses techniques tout en restant vigilant aux alentours. Parce que, et même si Enoch entretenait une foi aveugle dans la nature angélique de son amant, les Sons of Mercury étaient aussi entraînés qu'organisés. Saul lui avait même fait mention d'un client particulièrement intéressé par le vendeur, plus que sa boutique. Tout ange qu'il soit, sans le soutien d'un entraînement rigoureux, de techniques de défense ou la présence d'Enoch à ses côtés, Saul n'avait aucune chance d'en ressortir vivant.  

Réglé comme une horloge, pile à l'heure quand son doigt pressa le bouton de l'interphone. Enoch attendit quelques longues minutes, le nez enfoncé dans son écharpe, mains dans les poches. S'il aimait la gifle de l'air matinal, toujours frais, d'Exeter, il l'aimait moins quand il n'était pas déjà en train de suer dans ses vêtements de sport. Entendit la voix de son amant dans le haut-parleur, attendit le sésame pour rejoindre le loft rapidement. Quand la porte s'ouvrit, ce fut sur une vision de rêve. Puis ce fut le peignoir qui s'ouvrit sur une toute autre vision de rêve. Mais Enoch tint bon. L'impériosité de la situation palliait sur tout le reste, tentation comprise. Et s'il avait bien compris aux derniers échanges avec son amant, celui-ci compris, que ce dernier avait de tout autres projets, Enoch mordit l'intérieur de sa joue et refusa la proposition même s'il était à deux doigts de flancher sous les mains baladeuses. Ils auraient tout le temps du monde pour jouer à ces jeux là une fois qu'il aurait accompli cette toute autre mission qu'il avait décidée pour eux deux.

-L'entraînement d'abord, la récompense ensuite.

Avait étiré un sourire goguenard en voyant la mine de Saul se refrogner à la remarque. Une légère vague de regret plein le corps alors que ce dernier s'éloignait en fulminant pour rejoindre ses placards, et que lui allait se servir un verre d'eau glacée plus que bienvenu. Il y avait plus urgent. Ils auraient tout loisir de céder à la tentation plus tard, une fois que Saul aurait fini son entraînement.




Le trajet jusqu'au terrain d'entraînement avait été long, ponctué des marmonnements d'un Saul qui traînait visiblement la patte. Des grommellements qui portaient tous sur le même sujet, celui d'un entraînement dont il ne voyait visiblement pas l'intérêt. Un comportement qui aurait pu en irriter plus d'un mais qui ne faisait qu'accroître le sourire amusé du Chasseur, alors qu'il crapahutait quelques pas devant lui pour ouvrir la route. Pareil aux enfants récalcitrants, emmitouflé dans un manteau trop luxueux pour l'endroit où ils allaient, ses belles baskets toutes neuves déjà salies par la terre meuble du sentier. Il avait belle mine, avec son air revêche et ses yeux qui lançaient des éclairs. Celle d'un chat qui aurait léché un citron. Et le Chasseur de penser que l'agacement lui allait incroyablement bien, malgré sa voix qui, trop enjouée pour être honnête, lançait des encouragements qui ne cessaient de galvaniser les marmonnements. Arrivés au terrain des Sinclair, il se permit d'accorder une légère pause à Saul pour le laisser recentrer son énergie. Déposa enfin le sac de sport qu'il portait sur son épaule depuis qu'ils étaient sortis de leur voiture, et s'étira souplement en préparation de ce qui allait suivre. Le soleil avait fini par se lever, chassant lentement le voile de brume qui s'était abattu sur la zone pendant la soirée. Un spectacle qu'il avait pris l'habitude d'admirer seul, puis à deux avec Lenny lorsque ce dernier avait voulu s'essayer aux entraînements. Lenny, qui n'était pas du tout de la même nature que Saul en ce qui concernait l'exercice physique. Ses deux élèves étaient aussi différents à ce propos que le jour et la nuit.

Il se tourna vers son amant, planté comme un piquet à proximité de la barrière délimitant la zone, ses baskets neuves déjà sales enfoncées avec volonté dans la terre meuble. S'il pressait un peu plus le sol, il allait probablement prendre racine. Un sourire avenant aux lèvres, il tira une bouteille d'eau du sac de sport pour la tendre dans la direction de l'ange. Reçut une saillie de commentaires qu'il prit comme un refus de boire, se servit une gorgée ou deux en tendant l'oreille. Un sourcil goguenard se leva devant l'affirmation de l'égo froissé de Saul, il se retourna avec un sourire en coin en répondant du tac au tac.

-Tu as déjà les bases, nous allons donc pouvoir passer directement au niveau deux de l'entraînement.

Il n'avait aucun doute quant à la connaissance étendue de Saul dans le domaine de tout ce qui pouvait tuer. Après tout, c'était plus ou moins son métier. Mais ce dont il doutait, c'était de la capacité de son amant à tenir une seule des armes qu'il vendait dans le cadre de sa profession. Pire, il savait parfaitement que Saul avait eu de nombreux commentaires sur les entraînement par Lenny lui-même. L'ange savait à quoi s'attendre, il savait également que le fameux niveau deux était bien plus intense que ce qu'Enoch avait prévu pour le faire commencer. Nettement pire. Haussement de sourcils goguenard en direction de l'homme floué, pour appuyer son propos. Il essuya le goulot de la bouteille qu'il tenait encore en main avant d'approcher de son amant, et la lui glissa entre les mains avec une douceur empreinte de volonté.

-Je te conseille de bien boire avant que nous commencions, tu risques d'en avoir besoin. Surtout si nous attaquons directement par le niveau deux.

Prenait-il du plaisir à insister aussi lourdement ? Possible. Certain, même. Mais l'expression de Saul, renfrognée et gromelante, était vraiment trop adorable même pour un homme entraîné comme lui. Laissant glisser ses doigts le long de ceux de son amant, il finit par faire un pas de recul. Tira son pull de ses épaules pour se mettre plus à l'aise, en débardeur malgré la blessure du froid. Bientôt, ni lui ni Saul ne seraient capables de la sentir. Le vêtement au creux de son coude, il passa ses mains sur le torse de son amant, les remontant sous le manteau pour l'intimer à le retirer. Profita de la proximité pour se permettre de lui voler un baiser au goût d'eau claire. Ecrin de tendresse autour du cœur, et l'envie farouche de tout faire pour protéger cet homme qui râlait tout ce qu'il savait. Enoch aurait préféré ne pas avoir à lui imposer cet entraînement qu'il ne voulait de toute évidence pas, mais le risque était bien trop important. Il ne serait d'aucune utilité si Saul se retrouvait seul.

-Pour ce que ça vaut, je te remercie d'être ici avec moi, même si ça t'en coûte.

De la tendresse, pour contrer la mauvaise humeur évidente. Il aida Saul à retirer son manteau, déposa les vêtements sur le sac de sport pour qu'ils ne touchent pas le sol. Puis recula d'un pas pour éviter tout possible dérapement. Jaugeant la silhouette de son amant, enveloppé dans des vêtements de sport qu'il n'aurait jamais cru pouvoir lui voir sur le dos, il hocha doucement la tête avant de porter son regard sur le terrain d'entraînement. Pointa du doigt vers une partie assez dégagée, relativement plate et couverte d'herbe, en exposant la suite du programme.

-Nous allons commencer l'échauffement au niveau de la petite prairie, avec un peu d'endurance. Dix minutes à petites foulées, cinq minutes d'étirements, dix minutes de course supplémentaires puis une petite pause. Tu me suis ?

Trois fois rien, pour le Chasseur. Entraîné depuis la prime enfance, ce qu'il proposait n'était rien de plus qu'une promenade de santé pour lui. Mais il avait bien réfléchi au contexte, à la forme physique de son amant et aux exercices qu'il allait lui faire faire. Une habitude prise à la Garde, quand il avait commencé à donner des entraînements pour les nouvelles recrues. Commencer par les bases, et ils bâtiraient par dessus au fur et à mesure. Il n'attendit pas les protestations potentielles de son élève pour se diriger vers la zone indiquée. Attendit que Saul approche à son niveau pour lancer son chrono, et attaquer la course à petites foulées.

Il avait cru pouvoir détourner l'attention de son amant, assez longtemps pour le mener vers un terrain qu'il maîtrisait bien mieux, dans l'intimité de sa chambre à coucher. Enoch s'était montré bien plus résistant à ses charmes qu'il ne l'avait pensé, s'en serait presque trouvé vexé s'il en avait eu l'énergie. Les Sinclair étaient bornés, Saul n'avait pas mis longtemps à s'en rendre compte et, s'il ne connaissait pas assez le reste de la fratrie pour être catégorique à ce sujet, il pensait qu'Enoch pouvait gagner la palme – haut la main. Il était inutile, donc, d'essayer de lui faire entendre raison, de le sommer de le laisser reprendre ses occupations habituelles ; la sentence était claire pour lui, il devait lui céder pour pouvoir s'en débarasser. Il faisait souvent la même chose avec sa mère, finissait par attendre que ses caprices passent en sachant que l'affronter ne ferait que retarder l'inéluctable. L'idée de formuler cette pensée à voix haute était tentante ; comparer l'amant à sa mère qu'il avait en horreur ; lui faire l'affront de le réduire à si peu de considération ; mais décida de garder l'idée pour lui.
Il préférait rester silencieux face aux paroles d'Enoch, s'enfoncer dans un mutisme qui prouvait son manque d'implication, son désir d'être partout sauf ici. Les vêtements de sport lui collaient à la peau, il avait l'impression d'étouffer avant même de se mettre à courir. La bouteille d'eau à la main, il en bu quelques gorgées en se retenant de lui jeter au visage ; l'humeur massacrante. Il garda la gourde entre ses doigts quelques temps, le regard perdu sur les gestes du sportif qui retirait son pull. Sans se cacher, Saul balada ses yeux sur la carrure de l'autre homme, n'appréciant pas la situaution mais bien heureux du spectacle. En le voyant approcher, il se laissa aller contre lui, répondant au baiser avec une ferveur nouvelle. Le passage des doigts contre son torse aida à contrer le froid,  une fois son manteau retiré.

Pour ce que ça vaut, je te remercie d'être ici avec moi, même si ça t'en coûte.

La tendresse transparaissait dans les gestes de son amant, se dressait entre eux pour aider Saul à mieux accepter la situation ; mais la mission était presque impossible. Il soupira pourtant en relâchant ses épaules, vaincu face à la peur qu'il savait ressentie par Enoch, son besoin de le sentir capable de se défendre en cas d'attaquer du groupuscule qui sévissait en ville. Il finit par lui adresser un hochement de tête qui était une réponse à la situation entière ; il ferait l'effort, acceptait ses remerciements, affirmait également combien cela lui en coûtait. Le regard tourné vers l'endroit désigné par son compagnon, il essaya d'être le plus attentif possible pour ne pas avoir à lui faire répéter. Il voulait en finir le plus rapidement possible. Il le suivit en silence jusqu'à la zone d'entraînement, après avoir posé la gourde dans un coin, pour plus tard. Il en aurait très certainement grandement besoin.

Il attendit que son petit ami parte le premier pour se calquer sur son rythme, le regard baissé sur l'herbe pour se concentrer uniquement sur sa propre respiration ; ne voulait pas passer pour un idiot, à s'essouffler au bout de deux minutes à cause d'une mauvaise gestion de son souffle. Il resta muet tout au long de leur course et ne reporta son regard sur lui qu'une fois les dix minutes terminées. Minutes qui parurent bien plus longues qu'il ne le pensait. Il se mit en place pour les étirements, le regard bloqué sur le visage d'Enoch pour une ultime tentative de s'épargner le reste de l'entraînement. Le chasseur pouvait résister à son charme naturel, mais il ne pouvait résister à son pouvoir, il en était persuadé ; par malchance, il ne savait comment s'en servir. Les minutes s'étiraient entre eux alors qu'il continuait de le fixer pour essayer de déclencher ce don qui ne voulait fonctionner que dans les pires moments. Il finit par faire une grimace en continuant les étirements. « — Don't you think it's a waste of time to concentrate on my endurance? » L'envie de préciser qu'il ne s'était jamais plains de son endurance fut vive, mais il garda cette remarque pour lui. « — Don't you think it would be more helpful to teach me how to use a gun? » Il savait s'en servir, en théorie, mais peut-être qu'il ne suffisait que d'un peu de pratique. Le corps à corps nécessiterait bien trop d'entraînement, il serait mort bien avant d'avoir le niveau adéquat.

Il arrêta les étirements et passa une main dans ses cheveux, une grimace aux lèvres en se sentant déjà transpirant. La sensation lui était hautement désagréable. Il se redressa en prenant une grande inspiration, imaginant l'arme qui lui conviendrait le mieux. Il se sentirait peut-être plus à l'aise avec une arme plus petite, plus légère, nécessitant moins de préparation. Prenant lourdement appui sur un de ses pieds, il s'élança vers son compagnon pour l'attaquer, pour se sortir de de cette situation. Au mieux il l'écoutait, au pire il le blessait ; les deux solutions étaient plus enviables que ce qu'il lui proposait jusqu'alors.