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 somebody help me tame this animal (enoch)

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Lazare Sinclair
- la grand-mère à moustache -
Lazare Sinclair
- la grand-mère à moustache -
damné(e) le : o28/12/2020
hurlements : o1661
pronom(s) : oshe/her.
cartes : o(av/icons) fürelise (cs/sign) tucker, blondieressources.
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-- enoch & andreas.

Il n'avait pas l'habitude de fréquenter le genre d'établissement qu'il avait épié de longues minutes avant de prendre sa décision. Droit devant l'entrée de ce bar dans lequel il ne mettait jamais les pieds. Lorsque les soirées se faisaient trop longues, il préférait partager des instants seul avec sa foi, plutôt que de plonger son attention entre quelques verre d'alcool. La compagnie de ces personnes avinées ne lui plaisait pas, y trouvant un abandon qui résultait d'une visible faiblesse. Ces gens-là n'avaient d'autres choix que de se noyer dans les effluves d'éthanol, afin de ne pas se retrouver seuls face à leurs échecs. Il n'était pas de ceux-là. Les échecs, il les confrontait, et mettait un point d'honneur à ne pas laisser les mauvaises vibrations prendre le dessus sur ce qu'il avait pu accomplir de bien meilleur.
Il ne savait pas ce qu'en pensait son frère, et certainement que sa présence derrière le comptoir, prouvait qu'il n'avait rien contre ces alcoolisés qui ne voyaient rien de mieux pour occuper leur soirée, que de s'accouder à un bar en attendant que le monde tourne sans eux. Il le voyait déjà, agglutiné aux lèvres d'un client, à discuter la pluie et le beau temps, comme s'ils venaient d'un univers semblable. Mais c'était faux, les Sinclair n'avaient aucun semblable en ce bas monde. Et à ses yeux, Enoch dénotait étrangement avec le reste des protagonistes de la grande scène du Club Tartarus. Mais c'était parce qu'il le connaissait, qu'il l'avait vu grandir, et qu'il le voyait différemment des autres. Aux yeux du premier venu, il n'était qu'un barman parmi tant d'autres, dont la seule activité était de confectionner des cocktails pour les mortels ; mais ils n'avaient pas lu le chapitre concernant le sang qu'il portait sur ses mains.
Il était resté quelques minutes face à l'établissement, la cigarette entre les doigts, entouré d'un rideau opaque qui lui donnait presque un air mystique. Plusieurs possibilités s'offraient à lui ; il pouvait le cueillir immédiatement, en prenant le risque qu'il ne soit pas disponible pour lui accorder l'attention qu'il réclamerait, ou bien attendre qu'il ait terminé, et le surprendre directement à son domicile. Il aurait pu envoyer un message afin de convenir d'un moment pour s'entretenir avec lui ; mais il savait que Gabriel ne serait pas ravi de le voir, et ne tenait pas à ce qu'il se défile en apprenant qu'il souhaitait lui parler. L'idée de le braquer d'une quelconque manière ne le dérangeait pas, il avait bien mieux à penser qu'aux réactions de son frère à sa vue. Il pouvait regretter de le voir, c'était sans aucune espèce d'importance.

Il avait alors abandonné l'idée de le surprendre au travail, et d'aller l'attendre directement devant chez lui. Il avait assez surveillé les agissements de chacun des membres de sa fratrie pour connaître les horaires de chacun, bien que ceux de Gabriel soient plus compliqués à deviner puisqu'il ne semblait pas rentrer à la même heure chaque jour. Mais d'après ce qu'il avait vu, son service ne devait plus durer bien longtemps, il n'avait qu'à attendre qu'il regagne son domicile. Il n'était pas venu le voir depuis quelques temps, et Michael détestait rester trop longtemps sans avoir les yeux sur les affaires de ses frères et soeurs ; surtout Gabriel. Il n'avait que trop peu confiance en lui, et ne comptait pas le lâcher trop longtemps des yeux, sachant qu'il viendrait un moment où il ferait un faux pas qui lui vaudrait beaucoup.
Lui qui n'était pourtant pas un maniaque du contrôle dans sa propre vie, aimait dominer celles de ses cadets. Il mettait un point d'honneur à ce que rien ne lui échappe, mettant cela sur le compte de leur bien à tous. Ils avaient besoin de lui, même pour les tâches qu'ils ne soupçonnaient pas, et il se devait d'être là pour superviser tout ce que pouvait brasser la famille.

Lorsqu'un enfant était trop silencieux, c'était le signe qu'il préparait un mauvais coup ; tous les parents savaient cela. Et aujourd'hui, Michael sentait que son frère le plus âgé était bien trop discret à son goût. Il devait donner un coup de pied dans la fourmilière, afin de savoir ce qui en sortirait. Et s'il avait tort, tant mieux.
Il ne sait pas réellement combien de temps il passe ainsi, près de la porte d'entrée, accoudé à la rambarde qui encadrait les quelques marches du perron. La cigarette -une autre- coincée entre son index et son majeur, le gant retiré pour ne pas être tâché par la cendre, il se réchauffait comme il pouvait de ce froid qui s'était installé depuis trop longtemps dans les rues de la ville. Il relève les yeux en voyant l'homme arriver, le regarde arriver au loin, afin qu'il ne puisse se défiler. Oui, je t'ai vu, tu ne peux pas faire demi-tour. Il devenait paranoïaque à force de s'inventer des histoires, de se faire malheureux de relations qui n'avaient pas à être si douloureuses. Mais il était trop tard pour revenir en arrière, et il se doutait bien que le mixologue ne l'accueillerait pas avec un sourire éclatant. Andreas regarde sa montre un instant, bronchant d'avoir attendu plus longtemps qu'il ne l'aurait cru. Deux solutions étaient envisageables : soit il s'était trompé en imaginant l'heure de fin de service, soit Enoch n'était pas rentré directement après le travail. Il ne manquerait pas de lui poser la question, de manière détournée, mais qu'il comprendrait parfaitement. Ils faisaient mine de ne pas se comprendre, les frères, mais savaient parfaitement analyser les mots de l'autre.

Il attend que Gabriel arrive à sa hauteur, et écrase sa cigarette sur le côté de l'escalier, en gardant le mégot entre ses doigts pour s'en débarrasser plus tard. Il accumulait bien des défauts, mais n'était pas pollueur. En soufflant ce qu'il lui restait dans la gorge, il commence les hostilités, avant même de le saluer. - Tu t'es perdu en chemin ? Il connaissait assez l'itinéraire pour être certain qu'il ne fallait pas tant de temps pour faire le trajet. Une main tenait le mégot, l'autre s'agrippait à un porte-documents qui ne le quittait jamais. Dieu seul savait ce qu'il y gardait, mais il donnait l'impression d'y rassembler tout ce qu'il avait contre ses ennemis, comme pour pouvoir les réduire à néant à n'importe quel moment. Il attendait qu'il lui ouvre, un air suffisant sur le visage, qui ne signifiait rien de plus que : il faut qu'on parle.



BURN WITH ME TONIGHT
i got all i need, when you came after me. fire meet gasoline, i'm burning alive and i can barely breathe, when you're here loving me, fire meet gasoline, burn with me tonight.
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Enoch Sinclair
- castafiore wannabe -
Enoch Sinclair
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Mains autour des verres, des gorges assoiffées à soulager de leur aridité. Sourire de convenance vissé sous la barbe, et les yeux d'Enoch qui n'avaient déjà plus rien à faire du client devant lui. Occupés à traquer les mains un peu trop rapides de la Blackwell, maintenant qu'il avait repéré son petit manège. Elle détonnait dans le paysage Blackwell, Soledad. Pourtant elle était parfaitement à sa place au Tartarus. Et si c'était dans le but inavoué de la surveiller, elle aussi, Enoch devait avouer qu'il appréciait quelques fois le manège qu'elle lui offrait. Elle était distrayante. Main claire et leste, le bout des doigts vadrouillant le long de ce qu'ils n'auraient jamais dû atteindre. Et s'il lui arrivait quelques fois de l'avoir prise dans le sac, sa main, Soledad n'en arrêtait pas ses actions pour autant. Elle n'était pas la seule digne d'intérêt dans ce bar, il avait fini par le remarquer. D'autres collègues à certains convives, son invité particulier compris, étaient dignes d'observation. Il n'y avait pas que les proies, il y avait aussi les autres. Un vivier bien vivant, pulsant, auquel il n'avait jamais vraiment pu se frotter par le passé. Que le Chasseur aimait à effleurer sans s'y fondre totalement, juste pour le plaisir de ne pas avoir à se sentir si différent. La norme était à l'anormal, au Tartarus. Et le Chasseur de se retrouver dans chacune des conventions éclatées entre les murs du club, sitôt la porte d'entrée franchie. On laissait le monde extérieur sur le pallier, dans ce lieu-là. Et s'il lui était rare de lâcher entièrement prise, surtout quand on en venait à la Mission, Enoch devait se rendre à l'évidence : il commençait à prendre de plus en plus ses aises dans cette Gomorrhe des temps modernes.

Il avait l'impression d'avoir basculé depuis quelques temps, Enoch. Sans savoir ni quand, ni comment, et encore moins où il avait basculé. Mais la sensation que son corps était parti en même temps que sa psyché dans des abimes jusqu'alors inconnus ne le quittait pas. Son instinct avait cessé de siffler derrière ses tympans, synonyme que la situation n'était pas si dangereuse que ça. Ni noirceur ni danger, seulement la sensation que quelque chose de différent était en train de se produire. L'impression qu'un avenir aussi pouvait potentiellement se produire. Une impression illusoire qu'il n'avait plus ressentie depuis des années, un substrat d'espoir qu'il avait cru disparu en même temps que Ruth. Et pourtant une paire d'yeux glaciers et une soirée d'anniversaire plus que déroutante avaient suffi à raviver cette sensation au creux de sa poitrine. Comme une forme de chaleur diffuse et impossible à nommer, mais constante et agréable. Changeante, forte comme une fièvre à proximité de Saul. Brûlante comme un nerf arraché, lorsque ce dernier n'était pas là. A trop tâtonner, il ne savait plus comment nommer tout ça. Y préférait le terme fascination pour ne pas avoir à s'avouer que personne ne mettait le Chasseur dans cet état.
Tout autant qu'il savait que personne n'y parviendrait aussi bien que Saul Marsh.

Beaucoup de choses s'étaient dites, passées, murmurées peau contre peau, depuis son anniversaire. Un accord tacite aux allures d'engagement avait été évoqué puis plus personne n'en avait jamais parlé. Signé ou non, ils avaient fini par se revoir. Encore. Puis une fois de plus. Puis une autre. A compter les soupirs comme autant de promesses de se retrouver, et l'envie leur rongeant les reins un peu plus à chaque journée passée loin de l'autre. Les services au Tartarus, le regard perdu sur les rapts de Soledad Blackwell, étaient le meilleur moment pour tenter de poser des termes ou des définitions sur ce qu'il était en train de vivre de son côté. D'éprouver, mais il était encore bien loin de s'admettre tout ce qu'il ressentait en compagnie de Saul Marsh sinon que c'était agréable. C'était bien plus que ça. Lorsque son esprit s'était mis à le lui affirmer, en réponse à ses propres convictions, Enoch avait fini par comprendre qu'il avait bel et bien basculé.

Il était temps de faire quelque chose. De tout étouffer dans l'œuf, le poussin avec, ou de s'avouer battu à son propre jeu. Le doute persistait toujours quant à la nature de Saul Marsh. Et si Enoch s'était convaincu que les lèvres ourlées dont il sentait encore la caresse n'étaient pas capable de le dévorer séance tenante, il avait remarqué suffisamment d'incidences qui lui avaient fait comprendre que quelque chose n'était pas "normal". Peut-être était-ce pour cela qu'il avait appris à apprécier autant le Tartarus, dans le fond. La norme devenue concept, la notion d'inhumanité pouvait être chassée des cœurs et des consciences. Le droit de s'aimer reprenait ses lettres de noblesses, et ses lèvres tout leur droit sur celles de Saul Marsh. Ou tout simplement parce qu'il aimait être distrait de son propre boulot, mais ceci était un tout autre débat.

La tête vissée au creux de ses épaules, il revenait justement de chez Saul. Il n'était plus nécessaire de se poser la question de qui avait initié le jeu le premier, pour occasionner ce genre de retrouvailles. L'étreinte avait encore laissé ses traces sur le corps du Chasseur, mais il ne la regrettait pour rien au monde. Son unique regret, maintenant qu'il approchait de son quartier résidentiel, c'était que Saul ait eu une obligation qui l'empêchait de passer la soirée en sa compagnie. Certaines pouvaient être outrepassées. D'autres, par contre...
Il aurait pu ne pas remarquer la silhouette élancée, sombre, logée non loin de son pallier. L'aurait même évitée souplement sans lui adresser la parole, pour peu qu'il n'ait pas reconnu immédiatement à qui elle appartenait. Toute la douce chaleur qui occupait son corps jusqu'à présent s'évanouit aussitôt. L'air glacial d'Exeter s'engouffra aussi sec sous ses vêtements.

Merde.

-Michael.

Sourcils froncés, il gravit les marches pour rejoindre la porte d'entrée de sa maison de ville, la clé au bout des doigts. Le bout des doigts bleu, non pas de froid mais bien de frustration, alors qu'il tournait le sésame dans la serrure. Il ne s'attendait pas à son frère. Tout comme Michael avait toutes les raisons du monde d'être devant chez lui, la première étant ses absences.

-Je te retourne la question, ton GPS a-t-il besoin d'être changé ? Parce que t'es très loin du Tribunal.

Coup d'oeil appuyé sur le dossier que l'aîné portait presque toujours contre sa hanche. Depuis qu'il était devenu magistrat, Enoch aurait pu jurer qu'il s'était fait greffer la chemisette cartonnée. Mais la voir changer régulièrement de densité, de couleur, ou du nom marqué sur son étiquette avait complètement ruiné cette théorie. Mâchoires serrées en poussant la lourde porte de sa maison. Un mouvement de tête vers l'intérieur comme une invitation, alors qu'Enoch avait tout sauf envie de recevoir son frère aîné ce soir-là. Connaissait Andreas Sinclair, il allait soit se faire sermonner, soit recevoir des ordres pour une action future de la Garde de l'Aurore. Dans tous les cas, les nouvelles ne seraient bonnes pour personne, et Enoch aurait préféré rester dans cet état de stase agréable que laissaient les entrevues avec Saul.
Manteau jeté sur le porte-manteaux à l'entrée, il descendit les deux marches du salon enfoncé, à droite de l'entrée, et se dirigea vers son bar personnel. Versa deux verres d'un whisky sec, avec l'espoir de bien faire boire l'aîné pour en tirer autre chose que des sermons.

-Tu ne passes jamais ici sans raison. Alors dis-moi, quels sont les ordres ? L'émissaire de la Garde est terriblement silencieux, j'espère qu'ils n'ont pas commis l'erreur de t'attribuer ses fonctions.

Rictus mauvais, jaloux sous la barbe poivrée. Les doigts serrés contre son verre, à en boire une gorgée nécessaire. Cette visite fraternelle ne lui plaisait pas, encore moins après qu'il ait passé quelques heures lové sous la peau du Marchand de Suicides. Peut-être qu'il n'aimait pas savoir le souvenir de l'un entaché par la présence de l'autre. Les morts qu'ils prodiguaient à leurs cibles avaient beau être similaires, elles ne laissaient pas la même saveur sur le palais du Chasseur.

-Parle donc. Ce suspense est insoutenable.

Trop loquace, trop émotif, Gabriel, le Messager. Toujours un petit garçon quand le regard d'épervier de Michael s'enfonçait comme une lame au fond du sien.



But as sure as God made black and white, what's down in the dark will be brought to the light
Sooner or later
God'll cut you down

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-- enoch & andreas.

Il aurait peut-être pu lui laisser de l’espace, pour respirer. La relation qu’il entretenait avec son frère était un mélange de confrontations et de défis, et s’il ne voyait pas le but de piquer son cadet avec des tâches à accomplir, l’idée de le confronter pour son étrange silence était plutôt alléchante. Andreas était un homme patient, et attendre sur le porche que le mixologue arrive n’était pas un problème pour lui. La probabilité que son frère découche, et ne rentre que le lendemain matin pouvait également être calculée. Après tout, il était adulte, n’avait de compte à rendre à personne ; à part lui. C’était ce que pensait le procureur, persuadé d’avoir son mot à dire sur chaque geste que posait son cadet, prêt à intervenir au moindre faux pas pour lui signifier qu’il n’agissait pas comme il le devait, de son air froid et condescendant. Les raisons de sa venue n’étaient certainement pas claires aux yeux de Gabriel, mais pouvaient aisément se deviner s’il prenait le temps d’y songer. Un homme qui avait autant besoin d’avoir le nez fourré dans les affaires de sa famille, ne pouvait qu’apparaître après une absence aussi prolongée ; Andreas détestait les silences radio. Il ne songeait pas même à faire semblant, à l’accueillir avec un sourire factice et une courbette qui aurait pu mettre l’autre homme en confiance ; il était inutile de jouer à ce jeu-là avec Enoch, il le connaissait trop bien.
Lorsque les lèvres de son frère prononce son prénom, Andreas se retient de répondre un cassant : alors tu te souviens de mon prénom ? Il se contente de le regarder, les yeux cherchant à s’immiscer dans l’esprit de l’arrivant, avec l’espoir et la mission d’en comprendre tous les secrets avant la fin de la soirée. L’homme de justice était persévérant, et il pouvait sans aucun regret abandonner sa nuit à cette fonction, rester chez son frère tant qu’il n’aurait pas de réponses satisfaisantes à ce qu’il pouvait bien mijoter loin des radars. Il sourit lorsqu’il lui renvoie la balle, bien conscient qu’il donnait l’illusion d’un homme rongé par le travail, et dormant possiblement dans son bureau, plutôt que chez lui. Et au final, il n’avait pas tort de suggérer cette remarque, touchant un point assez sensible de l’existence de son aîné. Andreas consacrait sa vie à son travail -et celui plus officieux- et aurait pu installer son appartement au palais de justice s’il en avait eu la possibilité. Les dossiers lui pleuvaient dessus, les appels des autorités également. Il passait parfois des nuits à décider du sort de certains condamnés, à analyser les faits et proposer l’allègement de certaines charges pour ceux qui pouvaient être utiles.

Il ne répond rien, se contente de le suivre à l’intérieur de la maison, en appréciant de ne plus sentir la morsure du froid, du vent, contre ses joues. La chaleur du domicile était réconfortant, et il ne manquait plus qu’une compagne aimante et d’un enfant portant les même boucles que son père pour le transformer en foyer ; selon les standards qu’il jugeait juste. La leçon apprise, privilégiant pourtant la vie de famille, après celle de combattant. Il frotte ses pieds contre le paillasson, le respect de certaines normes toujours important, et s’aventure plus loin dans cette maison qui ressemblait à son frère. Il y régnait quelque chose d’à la fois déroutant, et réconfortant ; une impression que Michael ne saurait expliquer avec précision. Il retire son manteau, qu’il plie soigneusement contre son bras, signifiant qu’il ne resterait pas longtemps, selon la coopération de son frère. Si Enoch se montrait assez bavard pour satisfaire sa curiosité et son besoin de le surveiller, alors il s’en irait sans broncher, et ne réapparaîtrait que plus tard. Il aurait le temps de souffler, et d’employer sa soirée à une activité plus alléchante que de supporter le regard froid de son grand frère. Andreas savait qu’il n’était pas réellement le bienvenue, et ne le lisait pas seulement dans l’attitude de l’autre, dans son regard, ou dans ses remarques, mais il le savait car il n’était jamais le bienvenue chez son frère. Il le sentait depuis toujours -sauf l’enfance où il appréciait déceler l’admiration dans les yeux brillants de son cadet-, qu’il serait un poids à ses yeux, rien de plus qu’un superviseur à bousculer.
Il ne faisait rien pour s’en défaire, pensant que si c’était le seul moyen pour un travail bien fait, et pour que la famille tourne tranquillement, alors il pouvait enfiler le costume du monstre sans regret. Il comprendrait son point de vue, un jour ; il l’espérait. Finalement, il dépose son manteau sur une table, en descendant à pas calculés les deux escaliers menant au salon. Il retire ensuite ses gants, se promettant de ne pas les poser sur son frère, afin de faire taire son don. Il ne s’en servirait que s’il n’en avait pas le choix ; c’était ainsi qu’il fonctionnait. Et puis, il n’avait pas besoin de déposer ses mains sur l’homme pour savoir ce qu’il ressentait, il pouvait reconnaître cette expression sur son visage lorsqu’il l’avait vu arriver, entre milles. Il avait la même, lui-même, lorsqu’il rendait visite à son meilleur ami, et rentrait chez lui en tant qu’amant.

Il attrape le verre que lui tend Gabriel, un léger hochement de tête pour le remercier, et trempe ses lèvres dedans afin de se réchauffer de ces longues minutes -étaient-ce des heures ?- passées à l’attendre. Il avait raison, cela ne lui ressemblait pas de passer sans une raison précise en tête, et s’il avait attendu pour pouvoir s’entretenir avec lui, ce n’était pas pour une visite de courtoisie. Il sourit pourtant, d’un air narquois, sifflant entre ses dents.

- Je ne peux pas juste rendre une petite visite à mon p’tit frère ?

La contraction de ce petit nom pour accentuer le mensonge. Il ne l’appelait pas p’tit frère, ou seulement lorsqu’il se moquait, ou se montrait ironique. Ce n’était pas qu’il ne le considérait pas comme tel -pas tout-à-fait- mais plutôt qu’il pensait que l’appeler ainsi serait un signe de faiblesse. Et jamais il ne se montrait faible, face à Enoch, avait trop besoin de se sentir puissant face à lui ; meilleur que tous les autres.

- Tu veux dire aussi silencieux que toi ? Je ne devrais pas avoir à venir jusqu’ici pour avoir de tes nouvelles, tu manques à tes devoirs.

Il fait tourner le liquide dans son verre, le regarde avant d’en reboire une gorgée. Il se serait vexé de sa remarque, en temps normal. Il n’appréciait pas ce genre d’attaque, et était assez susceptible pour mal prendre de simples plaisanteries. Il n’en dit rien, ne souhaite pas d’aventurer sur ce sentier, présent pour quelque chose de plus important qu’une stupide querelle mêlant défis et égo. Alors, il n’y fait pas attention, et se contente d’attendre, laissant couler de longues minutes avant de reprendre la parole. Il aimait le faire miroiter, sachant avec certitude qu’il devait se questionner concernant sa venue, et pouvait bien s’imaginer les pires scénarios concernant sa présence. Et il touche juste, sentant l’impatience de son cadet, et l’entendant enfin lui demander de l’achever. Il apporte son verre à ses lèvres, et les y trempe en dardant son regard sur son frère. Il se rapproche de lui, et dépose son verre sur le bar sans le lâcher des yeux.

- Tu as toujours été trop impatient, Gabriel.

Les dossiers laissés sur la table, à coté de son manteau, il était entièrement libre de ses mouvements. Il ne se pressait pas pour assouvir l’impatience de son frère, et met encore du temps avant de prendre la parole.

- Je n’aime pas tes absences. J’ai besoin d’informations sur ce que tu mijotes. Alors dis-moi, quelles affaires sont assez importantes pour que tu y consacres autant de temps et d’énergie ?

Il reprend son verre, et s’éloigne afin de rejoindre la table où reposait son porte-documents. Le verre retrouve la table ; et ses dossiers, ses doigts. Il en ouvre une sous-pochette, tout parfaitement rangé, étiqueté et à la limite de la manie. Il laisse les pages ouvertes sur une feuille en particulier, remplie de son écriture penchée, la main habituée à écrire en italique, doigts plus habiles ainsi. Une simple liste de noms, ceux qu’il avait recueillis en peu de temps, s’étant adonné à l’idée de venir s’inquiéter des silence de son frère très peu de temps en arrière. Il attrape la feuille, et la dépose à côté du dossier, sur le bois de la table, faisant signe à Gabriel de s’approcher. Index tendu qui se rétracte : viens là. Il s’adosse à la table, croise ses bras sur son torse, et attend qu’il voit la liste par lui-même.

- J’ai la liste que tu as consultée pour choisir ta prochaine cible. Très peu de noms ont été rayés depuis. Ça ne te ressemble pas de prendre ton temps, comme ça. J'ai plutôt l'habitude de calmer ton impétuosité. Alors je t'écoute, tu as décidé de prendre des vacances ou tu es devenu inutile ? 



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