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 I never told you what I do for a living | Lenny

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Basil Egerton
- chérubin de la trépas-nation -
Basil Egerton
- chérubin de la trépas-nation -
damné(e) le : o27/08/2023
hurlements : o380
pronom(s) : oelle
cartes : oavatar (c)corvidae (c)WALDOSIA lyrics (c)des rocs
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I never told you what I do for a living
-- Clean me off, I'm so dirty babe ; The kind of dirty where the water never cleans off the clothes (c)mcr
23:16

Ils sont plusieurs dans un squat du troisième étage, les gestes désordonnés, l'esprit embrouillé par la cocaïne. Ils voient des choses invisibles, entendent des voix qui susurrent des consignes, rappellent des souvenirs, torturent leurs consciences. Ils s'échauffent, se crient des accusations décousues, certains vont les entendre depuis la rue mais difficile de démêler du sens dans ces échanges confus qui s'interrompent en milieu de phrase. Y avait-il seulement une bonne raison ? Myriam, plantée devant la fenêtre, a l'air éteinte dans un voyage mental. Elle n'a probablement même pas senti son corps traverser le simple vitrage, ni le choc des pavés, ni l'éclatement de sa cage thoracique. Elle mettra pourtant longtemps à mourir, noyée par le sang baignant au fond de sa gorge.

00:20

      « needham west helen st. »
Inespérée, la notification anonyme vient casser la semi-pénombre d'une chambre où le sommeil refusait de passer le seuil. L'appel du devoir t'extirpe du lit conjugal comme une bénédiction, il est minuit passé mais toute excuse est bonne à prendre. En quelques minutes à peine, tu es dehors en « uniforme de travail », tout en gabardine de laine noire, une veste légère le col relevé sur tes joues. Tu mémorises le message et l'effaces, juste au cas où, en arpentant les rues séparant Wellhollow du centre-ville. A Sacred Heart tu empruntes un véhicule ; équipé par défaut du nécessaire et fonctionnellement légitime de transporter un corps. Autant d'avantages que d'inconvénients : le corbillard n'entrera pas dans les rues étroites de Needham, tu le gareras dans une allée d'approvisionnement et tu compteras sur ton astuce pour déplacer le corps houssé sous la couverture de la nuit.

01:04

West Helen Street, une venelle silencieuse – le bâtiment à la fenêtre brisée avait dû être déserté dans la panique. Le corps est là, pas tout à fait froid, et pas indemne. Tu t'accroupis à son côté, observant curieusement ses vêtements défaits imbibés de sang frais en quantité. On s'était repait de ses joues, de ses cuisses ; littéralement, à coups de dents, on en avait dévoré des morceaux. Les rats, un chien errant peut-être, dirait le néophyte. Tu n'es pas dupe. Ce qui s'était nourri là, c'était le même type de créature qu'on trouvait au bout de la chaîne du Macadam Macchabée. C'est rare que tu tombes sur un corps dans cet état, mais ça ne peut pas vraiment te choquer, quand on sait ce que tu fais là : celui-ci s'était passé des intermédiaires, voilà tout. Un petit nouveau, ou un ancien particulièrement affamé, allez savoir.
     « Hé ! »
Tu relèves vivement le regard, l'urgence te broyant les veines : deux hommes t'avaient aperçu depuis la voie d'en face. La sortie des bars. L'un d'eux était pendu à l'épaule du second, vraisemblablement ivre ; mais l'autre était alerte, et délaissant son ami, enjamba vivement la rue dans ta direction. Il a vu ton visage, et détaler reviendrait à reconnaître ta culpabilité - tu pourrais aussi le tuer, mais le corbillard était garé trop loin pour que la situation ne devienne pas infernale à force de mauvaises décisions. Non, tu trouves plus sage de prétendre à la coïncidence, la main levée, dégainant ton téléphone pour appeler les autorités. Après tout, c'est une chance : tu n'avais encore touché à rien, rien ne pouvait t'incriminer – de toute façon, tu n'étais pas coupable et la viande était déjà salement entamée.

02:50

Il ne devrait plus tarder, t'avait-on dit, il y a une dizaine de minutes déjà. Tu restes assis seul, bras et jambes croisés, dans la salle d'interrogatoire que tu ne connais que trop bien pour le temps que tu y as passé dans les trois années précédentes. Combien d'heures t'a-t-on laissé moisir sur ta chaise en aluminium sous le scrutin pervers de la caméra, à te promettre des échéances à coups de bientôt pour te pousser à confesser plus vite ; la pièce si volontairement vide pour t'obliger à ressasser les détails de ton crime et te pousser à bout de nerfs. Tu aimerais dire qu'elle ne te fait plus d'effet, mais elle reste ancrée si entière à l'intérieur de tes paupières, te revient si vibrante quand le sommeil t'élude et que tu t'égares dans des semi-rêves sans repos. L'odeur de métal et de renfermé, la table glacée sur laquelle persistent les traces de doigts et le reflet du néon, le contour vert d'eau des tâches d'humidité qui semblent jumelées à la sudation de ton front. Attendant la prochaine question, le prochain bluff, la fausse compassion, le mépris, la provocation.
     N'y a-t-il pas un peu de culpabilité, de remord ? Un reste d'amour pour te délier la langue, alléger ton esprit ? Tu ne peux pas garder quelque chose d'aussi lourd à l'intérieur, tu vas devenir fou, où est ton humanité, Basil ? Le silence de plomb résonne des échos des interrogatoires antérieurs, et bien que tu te penses tiré d'affaire depuis longtemps, tu ne peux nier l'accélération de ton pouls, la tension sur tes tempes, le brouillard devant tes yeux. L'angoisse d'auspices défavorables, et si cette fois c'était la bonne? Si tu devais renoncer à connaître l'éclat du jour en homme libre. Plutôt mourir. Et tes pensées voguent vers d'autres idées noires, sur les façons que tu aurais de t'ouvrir la jugulaire sur le premier relief sur le chemin de l'incarcération, sur tes probabilités d'en survivre et de te condamner à un état lamentable. Pourtant tes mains sont libres – tu pourrais presque partir tout de suite. Il n'était pas question de Phoebe cette fois, tu n'as de cesse de te le dire ; tu es là pour témoigner, le fruit du hasard, c'est tout. Tu n'es pas coupable, il n'y a pas de raison que l'on t'arrête. Mais l'on connait ton visage dans ces couloirs et tu es convaincu que l'on te laisse moisir là pour te punir de tout le reste, aussi injuste que ce soit.

La porte s'ouvre enfin sur le sergent Myers, ton regard s'éclaire avec des traces de soulagement, et ta respiration s'allonge. Non pas qu'il garantisse ta liberté en aucune façon, mais quitte à jouer du pipeau, autant que tu uses d'un instrument dont tu as l'habitude ; better the devil you know. De la même façon que tu jouais à pousser la nature humaine dans ses pires retranchements, lui souffrait du mal inverse – persuadé qu'il devait y avoir du bon en tous, y compris en toi. Oh, il devait bien y en avoir. Malgré la liste de tes crimes, tu ne te percevais pas comme un monstre, presque plutôt comme un artiste et un philanthrope. Mais il te projetait dans des serments d'amour et te trouvait des excuses circonstancielles que même toi, dans ta ligne de défense, tu n'osais pas tenter tant tu les trouvais invraisemblables.
      « Bonsoir détective » lances-tu à son adresse, avec un sourire léger. Certes, la scène dont on t'avait extrait était passablement gore, mais quand on travaillait avec la mort, on pouvait se justifier d'une désensibilisation à beaucoup de choses. Et puis, tu n'en pouvais plus d'attendre, la moindre distraction était salutaire pour te détacher autant des souvenirs chargés d'angoisse que des assauts de la fatigue qui te vitraient les yeux. « Vous étiez d'astreinte ou c'est parce que c'est moi ? » Tu t'en fous de le savoir, c'est de la conversation pour meubler le silence, alléger l'atmosphère sur une taquinerie futile. Il était peu probable que ce soit effectivement le cas, mais tu étais persuadé que ça te rendait plus amical et plus susceptible d'attirer ses bonnes grâces. Une façon de dire on se connait assez, on peut casser quelques codes en accédant par là à un univers plus familier. Si tu ne te sentais pas comme si ta vie entière était sur la ligne, tu te serais presque laissé tenter par le tutoiement, mais cette boîte grise inhospitalière te rappelait sans cesse que tu n'avais pas l'ascendant et qu'on ne manquerait pas de te remettre à ta place.
     Tu ne diras rien d'autre sans son invitation, certain qu'il a déjà été briefé et possède plus d'informations que toi sur l'affaire. De ton côté, tu avais déjà été soumis aux prélèvements sommaires à ton arrivée, afin que l'on s'assure qu'aucune empreinte ne te corresponde et que tu ne repartirais pas avec du sang sous les ongles ou sur tes vêtements. Tu ne t'en inquiétais pas, à vrai dire – tu n'avais eu le temps de toucher à rien. Ce serait plus inquiétant s'ils avaient trouvé ton corbillard ou une trace du SMS qui t'avait servi d'indic, mais le premier avait été garé suffisamment loin de la scène de crime à cause des rues étroites, et le second avait été effacé de ton téléphone et rien n'indiquait qu'il soit nécessaire de fouiller plus loin quand rien ne te reliait à la défunte si ce n'est la coïncidence. Si tout se passait bien, tu ferais un bref sommaire de ce que tu avais découvert, et comme tu n'avais assisté à rien on te relâcherait aussi vite. En apparence, il n'y avait pas de raison de t'accuser, ou de ramener sur la table d'autres sujets plus pénibles - mais tu savais aussi qu'avec Lenny, tu n'étais jamais à l'abri d'une avalanche d'autres questions.

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Lenny Myers
- responsable à jardiland -
Lenny Myers
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-- i never told you what i do for a living ft. @basil egerton
    Les minutes semblaient des heures, les heure des jours entiers. Le temps s’était couvert d’un voile opaque dont Lenny ne distinguait rien au travers. Il n’avait jamais passé autant d’heures au poste que ces derniers jours, le sergent enchaînant les heures supplémentaires pour des raisons que ses collègues ne comprenaient pas. Mais qui pouvait seulement effleurer d'un iota ce qui se passait dans l'esprit de Lenny Myers durant ses pérégrinations liées au travail ? Il ne faisait pas cela pour l’argent, savait qu’il ne serait pas payé plus qu’à l’habitude en s’éternisant derrière son bureau ; il le faisait par besoin. La culpabilité l’empêchait de dormir. Lorsqu’il voyait les dossiers s’empiler dans le coin de son bureau, le visage d’un membre de la famille des victimes de ses affaires en cours apparaissait devant ses yeux. Shōda Uryū en tête de liste, à venir hanter ses pensées même lors de ses nuits de sommeil, lorsqu’il se pensait capable de fermer l’œil pour une heure ou deux. Les pistes étaient maigres, le résultat toujours décevant. Le père de famille lui rappelait sans cesse son incompétence, lui prouvant qu’il n’était pas à sa place et, au fil des mois, il finissait par le croire.
    La montagne d’affaires résolues avait beau dépasser celle des travaux en cours, il ne voyait que le négatif – comme toujours. Dick était souvent derrière lui à le rassurer concernant ses aptitudes d’exercice, il était capable ; mieux encore, il était compétent. L’abjection qu’il ressentait envers lui-même ne faisait que croître en la présence de certains individus, et Basil Egerton en faisait partie. De la même manière que le père de ce jeune homme décédé de manière mystérieuse quelques mois en arrière, ce dernier attendait après lui pour juger le meurtrier de sa femme.

    Lenny ne fût pas déçu, pourtant, de le savoir dans les parages. Le nez plongé dans des photographies qui auraient rendu malade le commun des mortels, le sergent essayait de rester éveillé en parcourant chaque détail qui s’offrait à son expertise. L’arrivée d’un officier dans son champ de vision ne le fit pas relever la tête, la concentration plus fine que sa perception dans l’espace. Les bureaux autour de lui n’existaient plus lorsqu’il se plongeait dans son travail, ses collègues le savaient. Tygo claqua des doigts devant ses yeux pour le sortir de sa torpeur morbide. Lenny l’observa d’un sursaut, la vue devenue floue jusqu’ici, à force de fixer les différents plans. Quelle heure était-il ? Il n’en avait aucune idée, n’avait pas jeté de regard tracassé en direction de l’horloge depuis des heures déjà. Il se frotta les yeux en demandant à son collègue en quoi il pouvait lui être utile. Le café réchauffa sa main lorsqu’il y enroula ses doigts, tracerait une rivière fumante le long de sa trachée quand il aurait retrouvé l’usage complet de sa motricité. Il était épuisé et Dick l’aurait certainement déjà renvoyé chez lui depuis un moment si elle avait été dans les parages.

    Une chance.

    L’annonce de l’arrivée d’un individu demandant à le voir lui fit arquer un sourcil. Il ne trouvait aucune raison susceptible d’être appelé ainsi pour une affaire dont il n’était pas chargé ; Tygo devait mal le prendre, mais ce n’était pas son problème. Intrigué, Lenny fronça les sourcils en apprenant l’identité de ce visiteur. Basil Egerton. Il fit clapoter son stylo contre le rebord de son bureau, réfléchissant à la démarche à suivre dans une situation si particulière. Il avait déjà eu l’occasion de s’entretenir avec Basil, plusieurs fois, et en retenait une multitude de questionnements en tout genre, qu’aucune réponse ne venait jamais élucider. L’homme était une interrogation en lui-même, charriait tant un sentiment amical qu’une touche de perplexité que Lenny avait souvent du mal à définir. Il ne savait comment qualifier l’impression qu’il laissait sur son passage, traînée olfactive ou halo magnétique. Lenny ne semblait pas être le seul dans cette configuration, l’homme laissant une impression troublante, notamment à cause de ce genre de doléance.
    Lenny hocha la tête en faisant signe à son ami qu’il acceptait, bien sûr, de se soumettre à son caprice. Il terminait seulement le formulaire entamé et prendrait ensuite le chemin vers la salle d’interrogatoire. Le résumé des faits fût rapide, le sergent sceptique. Etonné de voir l'autre homme impliqué dans une affaire pareille, il ne put s'empêcher une pensée parasite qu'il essaya de chasser d'un revers de la main métaphorique. Il n'y a pas de fumée sans feu. Il ne devait partir avec cet adage à l'esprit. Il secoua la tête et s'accrocha à la présemption d'innocence en refermant le dossier sur son bureau.

    Basil Egerton n'était pas un bourreau, mais une victime.

    Il passa remplir sa tasse de café dans la salle de pause – double dose pour tenir le coup – puis prit directement la direction de la salle où Basil devait déjà l'attendre depuis une dizaine de minutes. Il ouvrit la porte en faisant attention de ne pas renverser son café et s'avança vers la table en adressant un léger sourire au témoin. « — Bonsoir. » Il s'installa sur la chaise face à l'homme et déposa un dossier sur la surface plane face à lui. Il avait eut le temps de lire l'intégralité des faits, avec plus de précisions que les détails de Tygo, en attendant que son café ne soit prêt. L'air ailleurs, il secoua la tête en répondant : « — Je travaillais sur une affaire qui me turlupine, mais c'est toujours un plaisir. » Il se devait d'être moins familier, c'est ce que certains lui avaient dit entre deux interrogatoires, jugeant que le jeune homme agissait trop comme si Basil était lavé de tout soupçon. Il l'était presque, aux yeux de Lenny. L'amour triomphait toujours. Comment aurait-il pu le prendre pour la main meurtrière face à l'amour ?

    Il posa les deux coudes sur la table avant de mettre son menton par-dessus ses poings en le regardant enfin. La lueur de ses yeux témoignait de sa fatigue, on pouvait dicerner les cercles bleus en-dessous. Il commença par la question de coûtume, essayant de ne pas se perdre de suite dans des voyages étranges que ses collègues condamnaient. « — Je sais que mon collègue vous a sûrement déjà posé les questions d'usage, vous m'excuserez de revenir dessus. » Il se râcla la gorge en desserrant ses poings, comme avant de faire un discours et ouvrit le dossier pour parcourir les premières lignes. « — Connaissiez-vous la victime ? Si oui, quelle était votre relation ? » Il laissa son regard quitter les pages pour revenir se poser sur son vis-à-vis ; puis, n'y tenant plus, il se pencha en avant d'un air familier en fronçant les sourcils pour une question qui le tracassait plus encore. « — Pourquoi m'avez-vous demandé si vous n'avez rien à vous reprocher ? Mon collègue pouvait prendre votre déposition, non ? » Il ne demandait pas cela sur un ton de reproche, pas même de suspicion, plutôt comme un enfant soucieux d'aider un ami. Il s'agissait presque d'un conseil, une manière de lui dire que cette demande pouvait être mal prise, mal vue.



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    Tu savais très bien ce que tu faisais en demandant expressément le sergent Myers pour prendre ta déposition, mais tu n'espérais que modérément une réponse favorable à ce qui tenait bel et bien du caprice. Non seulement tu faisais perdre son temps à tout le monde, tu n'étais pas exactement en position de négocier, surtout au beau milieu de la nuit. Ç'aurait été une façon pour eux d'encourager ton impertinence, d'admettre que tu pouvais te sentir intouchable à certains égards. Le simple fait que l'on puisse accéder à ta requête te rendait une impression de contrôle sur ta situation, tendait à calmer les pensées anxieuses, voire quelque peu paranoïaques que ravivait ce commissariat. Pourtant c'était aussi dans leur intérêt de te fournir cette montée de dopamine, céder à la première demande pour te mettre en confiance et abaisser ta garde. C'est que tu avais beau te présenter en témoin, tu ne pouvais traiter ce terrain autrement que comme un champ de bataille sur lequel tu te devais de gratter la moindre miette de pouvoir.
    C'est ce sentiment-là qui rendait l'apparition de Lenny dans la salle d'interrogatoire presque enchanteresse. Il se précédait d'un sourire accueillant que tu interprétais de bonne augure, tout à la fois sachant qu'il ne signifiait pas grand-chose. De la torpeur indécise à l'illumination salvatrice, tel un archange Gabriel auréolé de fatigue ; vos cernes devaient se creuser dans les mêmes profondeurs, quoi que assurément causées par des démons très différents. Mais lui avait été gracié d'une bénédiction de plus - les arômes de son café fumant te rendent envieux ; tu ne serais pas contre lui prendre une gorgée ou deux pour te remettre les idées en place, mais il n'apprécierait sans doute pas que tu lui baves dans sa tasse.
    Plus encourageante est la façon dont il daigne répondre à ta question un tant soit peu déplacée. Je travaillais sur une affaire qui me turlupine avait-il dit, soulevant un pan sur des coulisses auxquelles tu ne pouvais pas rêver avoir accès. Tu te serais volontiers jeté sur l'ouverture, eusses-tu été un peu moins compromis. Un jour peut-être, si tu trouvais un angle d'approche plus sûr. Mais c'est toujours un plaisir ; tu acquiesces d'une moue vaguement approbative, tu laisses finalement peu paraître le fond de ta pensée mais intérieurement, tu jubiles. C'est un bon jour pour Myers, c'est donc un bon jour pour toi, et tu te prépares aussitôt à le brosser dans le sens du poil, autant qu'il le faudra pour le rendre soyeux. « Merci d'avoir accepté de me voir. » Le mot était sincère, l'intention, un peu moins vierge. Il était toujours de bon ton de reconnaître à l'autre sa générosité et autres bontés du cœur – pour se donner toutes les chances d'en bénéficier à d'autres occasions.

    Alors que Lenny prend place du côté opposé de la table, tu te redresses sur ta chaise dans une posture plus ouverte, en signe de politesse et de confiance. Tu ne crains pas de le laisser tenir ton regard, même si de nature il t'arrive d'assez mal doser tes temps de fixation. Qu'importe, il était assez familier avec tes excentricités pour ne pas les prendre comme des aveux de culpabilité. Il commencera comme de nécessaire par les questions d'usage. « Je vous en prie. » Ton discours resterait le même mais, en toute honnêteté, le premier essai ne comptait pas vraiment, maintenant que ta déposition passerait par le filtre Myers. Connaissiez-vous la victime ? Si oui, quelle était votre relation? C'était la question la plus facile, tu l'aurais passée haut la main au détecteur de mensonge. « Je ne connais pas la victime. On ne m'a d'ailleurs pas dit son nom, si vous l'avez identifiée. Elle était déjà décédée quand je suis arrivé. » Tu aurais pu opter pour des réponses plus brèves, incitant moins au développement, mais tu préfères lui donner l'illusion d'une parfaite collaboration en allant au-devant des questions suivantes. Cela semble payer. De le voir se pencher sur le ton de la confidence, tes traits s'adoucissent à simplement vouloir cacher ton amusement.

    C'est la vraie question qui l'obsède, celle qui peut le flatter et affaisser encore quelques barrières. Pourquoi m'avez vous demandé? Après tout, pour le peu d'informations que tu pouvais leur donner, n'importe quel sbire en uniforme aurait pu s'en charger. Tu le sais. Tu as demandé quand même, innocemment. Et ils ont accepté, les imbéciles. Toute trace de ton anxiété s'était effacé à présent derrière un intérêt renouvelé pour ce petit jeu que tu tenais en affection. En miroir, tu te penches vers lui, le regard de biais, te donnant l'air presque embarrassé de vouloir que ce soit lui. « Parce que j'ai confiance en vous. Je sais... Je sais comment certains de vos collègues me perçoivent. Je ne veux pas prendre le risque qu'on retourne cette coïncidence contre moi. » Même l'hésitation était manufacturée, les mots appesantis d'un passé qu'il ne connaissait que trop bien. Tu étais convaincu qu'il ne résisterait pas à la tentation d'être celui qui comprend tout ce qui se trame dans l'invisible, qui peut s'emparer d'un cas familier pour se prétendre plus objectif – ou plus aveugle, selon tout point de vue. « Je suis désolé si je vous cause du souci, je sais que ça ne peut pas les aider à réviser leur jugement. Mais pouvez-vous me blâmer ? Je sais au moins que vous, vous êtes quelqu'un de droit. » Ta voix était si basse qu'elle tenait plus du chuchotement, presque pour l'inviter à se pencher plus loin, et tu avais rattrapé son regard dans l'instant, lui donner la sensation que tu te livrais à lui dans ta vulnérabilité – plutôt qu'à ses dépens.
    Tu te redresses légèrement, adressant un regard fugace à la caméra dans l'angle de la pièce. Il n'y avait probablement personne derrière, mais tu étais presque tenté d'y lancer un clin d'œil provocateur pour rendre les archives plus savoureuses. Aussi rapidement qu'elle avait dévié, tu ramènes ton attention sur Myers, et la sensation de contrôle te pousse à vouloir tenter un peu plus loin. Puisque tu as l'impression d'avoir la main dans ton petit jeu de crapule, tu as envie de laisser un peu plus de part à la curiosité et à l'audace. « Mais, comme vous avez accepté de me voir, je suppose que c'est assez sérieux. Je peux vous demander ce que vous cherchez ? Vous envisagez un meurtre ? Moi, de ce que j'ai vu du corps, j'aurais dit qu'il y avait deux trucs à coincer. » Oh, tu ne l'aurais probablement pas compris en regardant seulement le corps, mais tu étais peut-être le seul à avoir reçu des nouvelles de la victime entre le moment de sa mort et le moment où, supposément, sa chair avait été croquée. Tu ne veux pas croire qu'on t'aurait fait accourir en pleine nuit pour de la viande déjà souillée, mais tu pouvais tout aussi bien te tromper. Et puis, tu étais surtout curieux d'une chose : est-ce que Lenny croyait aux histoires cannibales ? En voilà, une information qu'il t'excitait beaucoup de savoir.

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    Il sera plus accessible avec toi. Il avait déjà tant entendu ces quelques mots pour justifier que certains officiers lui transfèrent des affaires dont ils n'avaient pas envie ; que personne ne voulait, au fond. La manœuvre consistait à laisser la gentillesse de Lenny dérider les plus récalcitrants. Le sergent avait finit par s'en plaindre, s'épuisant déjà assez lourdement sur ses propres affaires pour ne pas avoir, également, à s'occuper de celles de ses collègues. Ils avaient qu'à faire preuve de douceur, ne pas se comporter comme des brutes. Lorsque Tygo lui avait montré le dossier, lui avait donné l'occasion de découvrir le nom du témoin, Lenny avait compris que ce n'était pas une ruse. Il l'avait aussi compris à l'expression de son visage, à cette sorte de jalousie irationnelle qui s'était emparré de lui ; comme si l'avis d'un quelconque pseudo innocent pouvait avoir de l'importance à ses yeux.
    La tasse de café fumant serait un atout non négligeable dans cette entrevue. Le nectar sombre n'effacerait pas la fatigue, mais il pouvait l'aider à garder les yeux ouverts, et l'esprit vif, quelques minutes supplémentaires. Le dossier ouvert devant les yeux, Lenny s'installa plus confortablement sur son siège avant de commencer à poser ses questions à Basil. Il s'agissait d'une routine que personne n'aimait mener, beaucoup ne prenaient que peu la peine de réellement s'intéresser aux réponses des témoins ; Lenny, en revanche, naviguait avec trop de précision pour ne pas observer le large. Il regardait alors l'homme face à lui, ne le lâchant des yeux que pour lire une nouvelle ligne ou boire une gorgée de son café. Il hocha la tête avec politesse à ses remerciements, puis débuta. Le regard allant du visage sur la photo, à celui bien réel de Basil, il opina du chef en entendant la réponse.

    Penché en avant, il posa ses deux mains sur la table en laissants ses dix doigts former un unique poing, pour mieux l'entendre. Il jeta un regard à la vitre sans tain, sachant que personne ne se trouvait derrière ; plus par réflexe que pour réellement accorder un message. Il pouvait comprendre, après tout il était un visage familier dans ce commissariat. Les dépositions pouvaient être sources d'anxiété, même lorsque l'on ne venait pas comparaître en tant qu'accusé, mais seulement en tant que victime. Basil avait l'habitude des lieux, ce qui pouvait ajouter à ses questionnements ; il avait raison, Lenny s'était déjà rendrogné en lisant son nom. Il n'y a pas de fumée sans feu. Il plissa les yeux en se redressant au fond de sa chaise mais hocha de nouveau la tête. « — Je peux comprendre. » C'était le cas, il connaissait sa position pour avoir été à sa place avant de se ranger dans les rangs de la police. « — Je ne cherche rien de précis pour le moment ; tout ce qui pourrait aider l'enquête. Vous n'avez rien remarqué d'étrange à votre arrivée ? Peut-être quelqu'un qui trainait dans le coin, ou quelque chose comme ça. » Il croisa une jambe sur l'autre et attrapa son gobelet pour prendre une longue gorgée de café. L'odeur qui lui chatouillait les narines lui faisait du bien, bien plus que n'importe quelle activité physique servant à réveiller le corps. La seule chose capable d'avoir plus d'effet que la caféine était une douche froide, mais pour cela il attendrait d'être rentré.

    Les gestes lents, il reposa son breuvage sur la table en faisant attention de ne rien renverser et pointa brièvement la boisson du doigt. « — Il se fait tard, vous en voulez un ? » Il faisait preuve de beaucoup de gentillesse envers toutes les personnes qui venaient se perdre au poste, mais ce geste précis n'était pas totalement désinteressé. Si beaucoup d'officiers aimaient mettre leurs vis-à-vis dans des situations inconfortables pour les destabiliser assez pour les faire craquer, Lenny préférait jouer au bon flic qui se souciait de leur bonheur. Ce n'était pas seulement un jeu, il était réellement altruiste, mais personne ne savait jamais si ses intentions étaient bonnes ou non lorsqu'il était dans cette salle. Il attendit sa réponse puis secoua la tête pour répondre à la question de Basil. « — Je peux pas vous répondre, mais on trouvera qui a fait ça ; grâce à vous. » Il lui sourit légèrement avant de reprendre. « — Comment ça deux trucs ? » Il croisa les bras en attendant une réponse, essayant de ne pas trop en dire devant lui, mais il avait envie de brainstormer. Les idées venaient toujours plus facilement lorsqu'elles étaient énoncées à voix haute. Lenny murmura en bloquant son regard sur les photos de la victime. « — Mon collègue pense à un animal, si j'ai bien compris. Je ne suis pas de cet avis. C'est bien trop propre pour être une de ces bêtes qui sortent la nuit depuis quelques années. Ils auraient emmené le corps, ça n'a pas de sens. » Il soupira et tapota des doigts sur le rebord de la table en attendant que les données se mêlent dans son esprit. « — Est-ce que vous avez marché autour de la victime ? »



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    Il devenait assez clair que dans cette entrevue les informations circuleraient surtout dans un sens malgré tes appels du pied pour grapiller quelques généreux égarements. Tu avais espéré, vainement, que l’on t’apprenne le nom de la victime au détour d’un questionnement – d’au moins savoir s’ils l’avaient identifiée – afin d’effectuer tes propres recherches sur elle une fois dehors. C’était un peu ta sale manie quasi-compulsive, un fléau que la pratique de la thanatopraxie avait exacerbé avec les ans : loin de vouloir te calfeutrer dans l’ignorance de peur de ressentir pour ton patient un atome de compassion, tu avais cet appétit de savoir qui, pourquoi, comment. Au plus intimement tu accédais à des connaissances sur des personnes qui ne t’avaient jamais rencontré de leur vivant, au plus tu te complaisais et éternisais tes soins sans forcément t’en rendre compte. Tu appelais ça simplement de la curiosité, il devait bien en exister une raison plus profonde mais tu n’aurais pas su la donner. Peut-être était-ce un besoin d’absolu et de possession, peut-être simplement de connexion et de partage, peut-être quelque chose que tu éprouvais pour le vivant mais contraint à la retenue, là où le voile de la mort te faisait accéder à une complète décomplexion et à l’absence de conséquence. La victime de ce soir piquait ton intérêt dans les mêmes dimensions par le seul fait d’avoir croisé ta route, un malheur de plus sur la longue liste qui l’avait amenée là. Mais tu comprends et ravales ta frustration, tu avais anticipé l’obstacle. Sans doute Lenny se gardait-il en réserve une chance que tu prononces son nom de ta propre initiative dans une faute d’inattention et trahisses ton implication dans l’affaire. Ce serait dommage de se priver de la preuve de culpabilité la plus facile du monde.

    Il reste vague mais tu ne te démontes pas. Vous n’avez rien remarqué d’étrange à votre arrivée ? Tu t’affiches penseur, mais pour être franc, ta notion de l’étrange est quelque peu biaisée. C’était une scène de crime, voilà tout, que pouvais-tu bien en dire qu’ils n’aient pas déjà vu ? « Vous voulez dire, à part les morsures ? Enfin, morsures, je devrais dire bouchées. » Et ça ne semble pas te déranger les tripes plus que le rayon boucherie à Walmart. Dans ta ligne de travail – celle qui n’apparaissait pas sur ton C.V. – tu avais été presque obligé de te poser la question. Tu avais demandé à Ari, une fois de plus à l’importuner pendant qu’il bossait dur et toi, pas assez : tu n’as jamais pensé à goûter, juste pour voir ? Après tout, vous alimentiez le marché de la viande fraiche, c’était être consciencieux que de tester la marchandise, de savoir si le produit valait son prix. Tu n’avais jamais passé le cap, mais était-ce vraiment par tabou ? Par dégoût de la matière à force de toucher des corps couverts d’œdèmes ? Par la faute d’un estomac qui supportait mal l’exotisme, ou simplement par un défaut d’opportunité ? Peut-être un jour, pour mourir moins bête. Ça ne devait pas être si différent du porc. Mais s’il fallait que tu essayes, tu choisirais ton spécimen avec plus d’attention que ça. Tu n’irais pas le ramasser par terre, et il faudrait que ce soit quelqu’un de sain, de plutôt jeune, avec une bonne alimentation. Pas un fumeur, par exemple. Il fumait, Lenny, d’ailleurs ? tu te demandes. Peut-être qu’à boire autant de café, sa chair garderait la même amertume – ou peut-être que le mordre te donnerait le même coup de fouet. Il se fait tard, vous en voulez un ? La rêverie cesse devant la proposition et tu lui adresses un sourire d’appréciation, de toute évidence ton silence trahissait que tu en aurais eu besoin. « Pardon. Ce serait volontiers, mais on ne devrait quand même pas en avoir pour très longtemps, n’est-ce pas ? » Tu mijotais déjà depuis trop longtemps dans ce cagibi, mais avec eux, on ne pouvait jamais vraiment savoir. Supposément, tu n’étais pas en détention, tu pouvais partir quand tu le souhaitais – supposément seulement. Ils savaient employer toutes les techniques du pied dans la porte jusqu’à ne plus avoir le choix, retarder le compteur ; au moindre soupçon sur ta personne, ils te tiendraient la jambe à coup de politesses-pansement et de paquets de chips, s’il le fallait, pour obtenir le premier bout de quart d’aveu qui permette ton arrestation. Ça commençait comme ça : avec des grâce à vous, et puis tranquillement on éplucherait le lexique jusqu’aux qu’avez-vous fait. Mais pas cette fois. Non, ils n’auraient rien contre toi, cette fois, tu te répètes, parce que tu n’as rien fait, pas cette fois.

    Alors qu’as-tu vu ? De quels trucs tu parles ? Tu te recales dans ta chaise et soupires, ça peut être long. « A part les morsures, il n’y avait rien de bien notable, je ne crois pas. Je suis arrivé comme les carabiniers – sauf votre respect, bien sûr – je veux dire, après la bataille. Tout était calme, silencieux. L’immeuble à la fenêtre cassée aussi d’ailleurs. Il y a bien deux hommes qui sont arrivés sur les lieux peu après moi, par la voie d'en face, ils sortaient de bar et ont failli rendre devant la scène. Je les avais à côté de moi quand j’ai appelé, mais vous avez dû prendre leurs dépositions aussi. » Plus rapidement que toi, le premier sur la scène, assurément. Tu étais toujours aussi convaincu que tu subissais dans ce poste un délit de faciès à cause de l’affaire de ta femme. Et puis, tu avais réclamé le sergent, si tu ne repartais qu’au petit jour c’était tout aussi bien ta faute. Tu poursuis dans l’explication de ta théorie. « Comme ça, ça pourrait très bien être un accident ou un suicide, je ne sais pas – mais c’est mon avis que lorsqu’on pense à se défenestrer, on ouvre d’abord la fenêtre. Alors je me suis demandé si vous pensiez à un meurtre. Mais les morsures, c’est autre chose. » Tu t’interromps un moment pour remettre de l’ordre dans tes idées, tu réalises aussi qu’elles auraient pu être faites ante-mortem, tu n’étais pas légiste pour le deviner du premier coup d’œil – toi, tu te bases sur ton SMS pour dire que cela s’est fait en deux temps, mais tu n’as rien pour l’étayer que du bluff. Non, quelque chose s’est servi sur la viande froide, encore que froide elle ne devait pas l’être tout à fait. Mais quoi. Lenny semble ne pas croire à la théorie de l’animal, et pour une raison qui t’échappe, ça te fait plaisir de l’entendre. Mais tu ne peux pas t’empêcher de tirer la corde dans le sens inverse, juste pour l’inciter à te contredire. « Vous n’y croyez pas ? J’aurais quand même pensé qu’il fallait bien un animal pour être suffisamment stupide pour s’attaquer à de la viande avec des éclats de verre. Stupide ou… vraiment, vraiment affamé. » Si ce n’était pas un animal, le mot prenait une résonance toute autre et tu prends plaisir à le laisser quelques secondes suspendu en l’air, au même titre que le mot viande auquel tu venais de réduire la pauvre victime.
    C’est lui qui rompt le silence, avec une question de plus : est-ce que vous avez marché autour de la victime ? En voilà, une question vague, c’était question de point de vue. « Oui…? Seulement un peu, assez pour donner un minimum d’informations au téléphone. Mais il y avait du verre absolument partout, et vraiment beaucoup de sang dans une petite zone alors j’ai préféré éviter d’y mettre les pieds. Je vous promets que votre carrelage m’en remercie. Et je n’ai touché à rien. » A quelques secondes près, cela aurait été autre chose. Mais ç’aurait été un comble de te reprocher aussi peu, et à vrai dire, la seule vraie anomalie dans ton comportement, c’était à quel point ça t’affectait peu. Cela avait toujours été ta faiblesse dans tes jeux d’acteur et tes chapelets de mensonges, ce qui expliquait que l’on n’avait jamais totalement réussi à te peindre aux couleurs de l’innocence, après des années à les rouler dans la farine. Donner le change d’une émotion évidente, c’était facile, mais penser à incorporer l’empathie quand ton intérêt résidait ailleurs, c’était systématiquement la faute grave qui trahissait l’homme sous le masque. Parce que tu n’étais pas un imbécile – tu savais bien la peine que cela demandait de perdre sa femme ; mais pour trébucher sur une scène de crime, il n’y avait pas de manuel. On pouvait te trouver des excuses, de l’état de choc aux habitudes professionnelles, elles ne suffisaient pas à couvrir toute l’étendue du problème. Lenny, depuis le temps, devait bien s’être fait note que tu ne correspondais pas aux cases typiques sur quelques aspects. Ce n’était pas un mal en soi – mais le contraste ferait jurer les mensonges, si tu n’y prêtais pas suffisamment attention. Et plutôt que de modérer ton texte, tu reviens à la charge avec une curiosité toujours très mal placée comme c'est ce qui t'intéresse. « Si vous ne croyez pas que c'est un animal, à quoi est-ce que vous pensez ? » Bien sûr que tu le sais, tu veux juste l'entendre de sa bouche, désespérément, le regard trop fixe, un peu avide. Il pourrait se traduire par de l'appréhension, si l'on voulait pousser la mauvaise foi - si l'on faisait exception, peut-être, de l'œil brillant et des joues roses qui témoignaient d'émotions sans commune mesure de gravité.


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Lenny Myers
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    Il n'appréciait pas le ton qu'employait Basil ; du moins, l'impression était moins dans le ton que dans les mots qu'il choisissait, et dans cette attitude un peu trop détachée. Lenny avait fait ses preuves pour entrer dans les rangs, s'était laissé entraver trop longtemps par un shérif peu honnête pour finalement donner le meilleur de lui-même sous les ordres de Dick. Les autres enquêteurs ne pouvaient en dire autant, aucun n'avait eu à subir les moqueries, les regards supérieurs, tous les murmures dans les couloirs qui le condamnaient à un truand à perpétuité. Malgré tout, il ne se sentait jamais utile, jamais légitime, tout juste compétent, et c'était à cause de comportements comme ceux de Basil, ou encore d'Uryū. L'un comme l'autre étaient des échecs dans son carnet de travail, et le monde entier semblait désireux de le lui faire ressentir. Il ne pouvait dire si la manœuvre était voulue ou non, elle n'en était pas moins douloureuse pour le jeune sergent qui faisait toujours de son mieux.

    Vous voulez dire, à part les morsures ? Enfin, morsures, je devrais dire bouchées.

    Lenny ne s'en formalisait jamais, bien trop soucieux de garder la tête haute quand le monde paraissait vouloir le voir à terre. Il n'en gardait aucune rancœur, ne voyait en cela que la réaction d'une personne en deuil, ou bien terrifié dans d'autres cas. Il ne répondit pas à cette question qu'il prit pour rhétorique, se concentra sur le gobelet qui se trouvait devant lui, la pulpe de ses doigts appréciant la chaleur qui s'en échappait. Il releva une épaule dans une posture d'excuse en plissant les yeux : « — Je sais, ça peut paraître long, mais je ne veux écarter aucun détail, alors ça risque de durer encore un moment. » Il était réellement désolé ; navré de devoir lui tenir la jambe alors qu'il pensait avoir une dette envers lui ; de lui poser des questions alors qu'il avait vécu un épisode traumatique dans la soirée ; mais il lui fallait aller au terme de la procédure s'il voulait comprendre l'affaire et coincer le responsable.
    Elle était là la différence notable avec ses collègues ; il ne rejetait aucune hypothèse, prenait le temps de s'attarder sur toutes les pistes et ne partait jamais vainqueur. Il perdait du temps, certes, mais finissait toujours par retrouver le fil de ses pensées. Basil en faisait les frais, malheureusement, l'affaire de la disparition de sa femme prenant bien trop de temps selon lui – selon tout le monde.

    Il attendit que le témoin reprenne la parole, le pied battant un rythme régulier contre le linoléum ; il ne s'agissait pas de stress, ni d'impatience, mais de fatigue. Là où son esprit savait qu'il fallait rester en éveil pour faire son travail, son corps ressentait le contrecoup d'une semaine à faire des heures supplémentaires. Il passa une main sur son visage pour en chasser les marques de fatigue, l'autre main crispée autour de son café. Il soupira en l'écoutant répondre, hochant la tête pour montrer qu'en effet, ses collègues avaient pris leur déposition. Il n'avait pas eu le temps de les lire, comptait le faire pendant l'interrogatoire ; personne ne lui avait laissé le temps de se préparer. « — Nous attendons un rapport du légiste avant de nous prononcer, mais la thèse du meurtre est privilégiée, bien sûr. Le rapport nous confirmera la cause du décès, nous saurons si la victime était déjà morte avant sa chute. » L'œil du premier venu pouvait confirmer que la chute avait été mortelle, que les éclats de verre provenant de la vitre brisée n'avaient pas aidés ; mais la victime pouvait avoir été tuée puis poussée. Le corps avait été retrouvé au milieu des débris, mais à bien regarder les photographies prises sur la scène de crime, aucun ne semblait avoir blessé la jeune femme. Le meurtrier aurait lui-même brisé la fenêtre avant de balancer la malheureuse ? Lenny n'en savait rien pour le moment, il avait besoin du retour du légiste pour se prononcer.

     L'œil dur, il regarda Basil en entendant les termes qu'il employait ; il n'aimait pas sa manière de voir la victime. La langue pincée entre ses dents, il prit un moment avant de prendre la parole, comme cherchant ses mots avec soin. « — Elle n'est pas de la viande, mais un être vivant comme vous et moi. Je vous demanderai de lui montrer le respect qu'une personne mérite. » Son regard s'était couvert, mais il n'avait pas une mine colérique pour autant. Il se doutait qu'il ne devait s'agir que d'une faute de langage et non de la volonté de réellement réduire le corps à l'état de viande ; mais il était de son devoir de rétablir l'ordre, il ne pouvait laisser passer cet égarement. Les traits de son visage se détendirent et il reprit l'air si avenant qu'on lui connaissait bien. « — L'Homme est un loup pour l'Homme, vous seriez surpris de voir les atrocités dont est capable d'être humain. » Il ne pensait pas précisément aux êtres humains, Basil devait s'en douter à l'hésitation qui pouvait se lire sur le visage du sergent. Il pensait à ce groupuscule mystérieux qui peuplait les bois, terrifiant les abords de la forêt. Il avait souvent entendu les murmures, ressenti le regard invisible de ces créatures alors qu'il faisait son sport entre les arbres. Il ne les avait, pourtant, jamais vus en ville.

    Il se racla la gorge en se mettant debout, le gobelet de sa main totalement vidé par le besoin de caféine. Le témoin avait émis le souhait d'avoir une boisson chaude, et il avait besoin de remplir de nouveau son gobelet. Le récipient levé dans sa direction, il demanda si l'homme sucrait ou non et prit la porte pour quitter la salle d'interrogatoire. Le bruit de la machine à café le berça un instant, les pensées toujours perdues contre les marques de morsure, contre cette chose qui s'en était prise à la jeune femme. Un être humain n'aurait pas goûté directement à la chair sur un cadavre encore chaud, il aurait certainement pris le temps de la cuisiner, peut-être d'emporter le corps pour prendre le temps de couper des morceaux en particulier. Il profita d'être en dehors de la salle pour passer par le laboratoire et réclamer les photographies qui n'étaient pas dans le dossier, prises dans le laboratoire lui-même. Il revint ensuite à l'étage pour récupérer les deux cafés et reprendre le chemin de la salle d'interrogatoire.

    Il tendit le gobelet en direction de Basil et posa le sien sur la table qui les séparait. « — Attention, c'est chaud. » Il resta debout, les deux mains accrochées au dossier de la chaise en le regardant de nouveau. « — J'ai vérifié, les marques sont trop petites pour correspondre à une gueule de loup ou un canidé d'ce genre. Est-ce que vous avez croisé un animal plus petit susceptible d'avoir laissé de telles marques ? » Il ne pensait à rien en particulier, mais devait éloigner la thèse de l'humain, il avait été inconscient en le mentionnant quelques minutes en avant. Il ne devait pas lui faire savoir que le cannibalisme était envisagé ; mais par des êtres fantastiques qui n'avaient rien d'humain.



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    Ça risque de durer encore un moment. Tu aurais dû te douter que Myers serait exhaustif dans son traitement de l’affaire ; il ne tarissait jamais de questions sous divers angles et tu supposais que c’était autant pour couvrir l’ensemble des possibles que pour tenter d’user psychologiquement ses suspects. Quand bien même, c’est une déclaration qui a l’effet d’une douche froide, et tu ravales amèrement la possibilité de rentrer chez toi pour encore un bon moment. Que pouvais-tu bien dire de plus sur cette affaire ? Tu n’avais pas fait mieux que trouver le corps, même si celui-ci était altéré d’une façon des plus particulières, tu ne pouvais pas l’avancer beaucoup plus loin que la plus sommaire des théories. Avait-il le moindre soupçon à ton égard ? Tu ne t’en serais pas inquiété si tu n’avais rien d’autre à te reprocher, mais tu n’en étais plus à ton premier interrogatoire, et tu avais trop de corps au placard pour ne pas envisager le pire. Un profond soupir lui sert de toute réponse, tu ne pouvais rien faire d’autre que prendre ton mal en patience, et d’espérer trouver en Myers un semblant de distraction, en attendant que l’on te relâche – si, toutefois, on te relâchait bel et bien. Nous attendons un rapport du légiste avant de nous prononcer, dit-il, et tu espères tout de même qu’on ne te fera pas patienter jusque-là. Ou, qu’à défaut, si tu en dépendais, ce cher Ari soit réquisitionné dans les plus brefs délais – frais, dispo et efficace. Après tout, quelles qu’aient été les circonstances, c’était à lui que ce corps serait revenu ce soir ; une réflexion que tu trouves d’ailleurs des plus désopilantes.
    Myers t’apprend que dans ses sphères, c’est bien au meurtre que l’on pense ; tu acquiesces sans contribuer davantage. Il connaissait amplement mieux que toi l’état des statistiques à Exeter, pour autant tu étais particulièrement bien placé pour savoir que ce n’était pas une chose rare. Le crime ne manquait pas, y compris dans ton proche entourage – même si pour cette fois, tu n’y étais que très minimalement impliqué. Il dit également envisager la possibilité que la victime soit décédée avant sa chute, et tu te demandes quel pourrait en être le motif. Mais dans le fond, qu’est-ce que cela change ? Rien, de ton point de vue, mais c’était lui le détective, tu n’étais qu’un fouineur occasionnel. Quelle piteuse idée d’être allé te fourrer dans une situation pareille. Même en simple témoin, ça ne saurait faire bonne impression dans leurs archives.

    Les mots que tu avais choisi d’employer n’étaient pas tendres, ni prudents d’ailleurs s’il s’avérait que tu étais compromis. Pour autant, tu ne peux t’empêcher de goûter un certain plaisir à voir le sergent y réagir avec plus de fermeté qu’à l’accoutumée. Il te réprimande – il pourrait y aller plus sévèrement, ça ne lui ferait pas de mal, après tout ce n’est pas toi qu’il ferait pleurer, quoi que ça te plairait qu’il essaye. Peut-être que si tu le contrariais davantage, il pousserait plus loin. Qui sait. Tu aurais payé cher pour un spectacle aussi rare, mais à ce stade tu n’étais pas certain que Myers ait une once de rage dans son code génétique. De toute façon, ton intérêt se situe en sens inverse, dans la mine contrite, la paume appuyée contre la nuque, à demander pardon comme si tu t’en souciais. « Vous avez raison. J’ai été indélicat, j’en suis désolé. » Tu n’en penses pas un mot mais c’est si facile à dire. Déformation professionnelle. Elle aurait été réduite à de la viande, quoi qu’il arrive.
    C’était une évidence, pour toi, d’envisager l’homme ou le wendigo – que tu ne te prives pas d’amalgamer ensemble. En revanche, c’est un étonnement d’entendre Myers l’admettre à demi-mot. L’Homme est un loup pour l’Homme, vous seriez surpris de voir les atrocités dont est capable l’être humain. Il te faut remuer un sang froid intégral pour ne pas céder au comique de situation, mais tu ne te risqueras pas à tomber dans le grotesque en simulant un air horrifié. Tu gardes plutôt un temps de silence, pour marquer le coup de ce qu’il vient d’admettre, et de ce qu’il te faudrait encaisser par la même occasion. Et puis… « Sans doute. Vous êtes plus à même que moi d’en juger. Ça ne doit pas être un métier facile. » Tu lui adresses un regard ramolli qui pourrait passer pour de la compassion, mais pour être franc, c’était plutôt pour contenir ton hilarité. Dire qu’on avait pu te reprocher ton manque d’humour.

    C’est, presque heureusement pour toi, le moment que choisit le sergent pour marquer un temps de pause. Tu le remercies pour sa proposition d’un café (un sucre, merci) et profites de la solitude pour te reprendre. Tu penses, surtout, au fait que Myers s’aligne sur la thèse du cannibalisme quand bien même le mot n’a pas été prononcé. Cela devait-il vraiment t’étonner de la part de la police d’Exeter ? De lui spécifiquement, peut-être davantage. Le temps se fait néanmoins rapidement long, isolé dans cette salle que tu exècres – et tu restes trop immobile, à compter les minutes de temps perdu. Tu n’avais déjà plus rien à dire, à quoi bon te laisser mariner encore ? Que pouvait-il espérer d’autre ? Et s’il voulait savoir ce que tu pensais de sa théorie de l’Homme ? Pour ça, au moins, tu voulais bien le satisfaire encore un peu. Mais tu ne tarderais pas à te laisser gagner par l’impatience, d’une façon qu’il sentirait sans l’ombre d’un doute.
    Attention, c’est chaud. « Merci. » Il garde cette fois la position debout, ce que tu interprètes comme une posture de domination, au bas mot. Il revient aussitôt sur le sujet délaissé, mais cette fois en écartant radicalement l’Homme du propos. « Je n’ai pas croisé d’animal, mais les rats ne manquent pas à Needham, si cela correspond pour vous en terme de taille. » Tu ne trouves pas cela intéressant, de le laisser faire fausse route. Aussi tu ne tardes pas à reconduire le fil comme il te plait – non sans marquer une inflexion d’incertitude quand une première sonnerie retentit depuis l’extérieur de la pièce. Ça ne pouvait pas être grand-chose, ça ne manquait pas de remue-ménage, un commissariat, mais à cette heure avancée, la question se posait quand même. « Je n’ai croisé personne non plus d’ailleurs, si ce n’est les deux autres témoins qui m’ont succédé. » Peut-être l’avais-tu déjà dit, mais c’est ton intention de le répéter, et d’ailleurs de préciser ta pensée : « Je vous ai bien entendu, vous avez bien dit croire qu’un être humain serait capable de ce type d’atrocités... ? Vous avez déjà connu des cas de ce genre ? » Ce n’était pas à toi de poser les questions bien sûr, et il y avait fort à parier que celle-ci se confronte au secret de la police, et qu’en tant que civil il ne pourrait rien t’en dire. Mais le ton que tu adoptes est faussement inquiet – n’était-ce pas logique ? Dans la théorie où il t’aurait créé une inquiétude neuve. Il te vient même cette pensée cocasse qui te remue dans les tripes, de lui susurrer qu’on aurait bien du mal à retrouver ta femme si elle s’était trouvée victime d’un appétit de ce genre…

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    Il fallait poser les bonnes questions avec des individus comme Basil. Lenny l'avait appris durant ses interrogatoires, lorsqu'il n'était pas assez précis, pas assez convaincant pour que le mari de la disparue ne daigne répondre correctement. Il mettait toujours ça sur le dos de la détresse ; perdre l'amour de sa vie pouvait chambouler n'importe qui. Le temps était passé depuis, et Lenny avait peu à peu changé d'avis, malgré son désir toujours plus prenant de le défendre et de lui ramener sa femme. Le sergent n'avait pas assez d'égo pour prendre personnellement certains éléments qui auraient pourtant dû le titiller – il se rangeait trop facilement du côté de ses interlocuteurs. Cette manière d'admettre trop aisément les choses n'était pas favorable à l'enquête. Basil le savait peut-être, devait apercevoir les modifications dans le comportement du jeune homme lorsqu'il passait d'une piste à une autre, suivait tantôt les traces d'un suspect, tantôt d'un autre.

    Les éléments qu'il offrait à ce témoin n'étaient pas, pour autant, tous pesés. Il était trop fatigué pour parvenir à filtrer les informations qu'il donnait au compte-goutte. Il n'avait fait qu'être au mauvais endroit au mauvais moment, mais Lenny trouvait étrange de tomber de nouveau sur lui. Il n'y avait pas de fumée sans feu, et la fumée opaque entourait bien trop cet individu qui, pourtant, avait l'air tant innocent à en croire ses paroles, ses défenses. Est-ce que Lenny devait revoir sa stratégie ? Est-ce qu'il devait suivre une piste qui mènerait à cet homme en particulier ? Il n'y réfléchirait qu'après cette affaire-là résolue. Tygo comptait sur son retour rapidement, il ne pouvait pas s'éterniser comme il le faisait bien trop souvent. Sa manière de toujours poser trop de questions avait le don d'exaspérer ses collègues ; lui, en revanche, pensait qu'il lui fallait toujours plus de renseignements. Dick était de son côté, c'était là le principal à ses yeux.
    La main levée pour se masser la nuque d'un air fatigué, il hocha la tête à l'évocation des deux autres témoins. Il l'avait déjà entendu à ce sujet, ne savait toujours pas si ses collègues avaient pris la peine de recueillir leurs témoignages en bonne et due forme. Il n'était pas fan du travail exécuté par ceux qui travaillaient avec lui, les jugeait un peu trop incompétents. Il s'assurerait alors que les deux individus aient rempli leurs obligations auprès du poste. Ils avaient peut-être vu quelque chose d'intéressant, concernant le corps retrouvé ou même Basil lui-même. « — Les marques de morsure étaient trop grandes pour appartenir à des rats. » Trop fatigué, il répondait aux interjections de son vis-à-vis avec un train de retard. Il avait à peine entendu la sirène du poste retentir, comme si elle n'avait fait partie que d'un rêve duquel il n'était qu'à demi-éveillé. Les oreilles qui sifflent, ou même une hallucination tant ses sens lui jouaient des tours depuis des semaines déjà. « — Je ne peux rien vous dire, mais les habitants de cette ville peuvent toujours surprendre. » Il avait un air absent en prononçant ces quelques mots, l'esprit bloqué entre des théories et la sonnerie qu'il avait l'impression d'avoir entendue.

    Il serra ses deux mains contre le dossier de la chaise en réfléchissant, les oreilles bourdonnant légèrement. Il n'était pas en forme, mais encore plus inquiet de cette alarme qui avait pu annoncer un danger imminent. Il allait ouvrir la bouche pour poser une question supplémentaire quand la sonnerie retentit de nouveau ; ce n'était pas bon signe. Il se racla la gorge et leva un index en l'air pour faire signe à son témoin de ne pas bouger. Avec prudence, il alla ouvrir la porte et sortit dans le couloir pour vérifier si ses collègues faisaient un exercice d'évacuation, s'ils étaient réellement en danger. Ne voyant personne, il revint dans la salle d'interrogatoire et fit signe à Basil de se lever. « — Vous allez me suivre, je préfère ne pas prendre de risque ; mais ce n'est probablement rien, ne vous inquiétez pas. » Il resta à la porte en portant sa main vers son arme de service, et fit signe à l'homme de sortir en même temps que lui. « — Ne faites pas de bruit et restez derrière moi, compris ? » La règle était simple dans ce genre de configuration, il fallait mettre les civils en sécurité. Lenny n'avait aucune idée de ce qui se passait dans le commissariat, mais les alarmes ne sonnaient qu'en cas d'extrême urgence. Quelqu'un avait dû pénétrer dans les locaux, peut-être dans le but de s'emparer des scellés, ce ne serait pas la première fois.



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     L’échange te semblait ne mener nulle part et il y avait une bonne raison à cela, c’est qu’il devait supposer aussi bien que toi que les morsures sur le corps étaient humaines ou semblables, mais tenait pour autant à garder cela sous la couverture de l’hypothèse, en osant à peine l’admettre devant toi, sans doute de crainte que cela module ton témoignage. Tu pouvais jouer à son jeu de devinettes et lister toute la faune urbaine, cela n’y changerait rien ; c’était tentant, de le confronter directement sur ce sujet, de lui dire Myers, si vous croyez plausible le cannibalisme, interrogez-moi dans ce sens, que l’on ait quelque chose à se dire. Bien sûr, tu n’aurais pas été disposé à lui répondre aussi honnêtement que dans ta rêverie, mais les questions auraient eu le mérite d’être intéressantes. Ou voulait-il t’ennuyer jusqu’à ce que tu insistes toi-même ? S’il ne s’agissait pas a priori d’une stratégie consciente, elle aurait pourtant presque pu marcher – parce que l’ennui, seigneur, tu le supportais mal et moins encore à cette heure.
    Je ne peux rien vous dire, que tu la détestes, cette phrase. Qu’il essaye seulement de te surprendre. Ce serait si facile de le surprendre en retour, et quel plaisir cela te donnerait, de voir l’expression de son visage si tu l’admettais devant lui. Vous pouvez me le dire, Myers. Vous savez, j’ai découpé ma femme pour nourrir ce genre de monstres. Je pourrais aussi vous mordre, si cela vous amuse de comparer les dentitions. Et puis, vous garderiez de moi un souvenir mémorable. Mais, bien sûr, tu ne pouvais rien dire de toutes ces choses-là. Tu ne pouvais que déposer sur lui un regard las et navré, à fantasmer les détours que pourraient prendre la conversation si tu renonçais aux faux-semblants.

    Heureusement pour toi (et peut-être moins pour lui, sait-on jamais qu’il ait vraiment pu te pousser d’ennui à la confession), la nuit décide de prendre une autre tournure, encore inconnue mais vraisemblablement plus palpitante. Si déjà la première sonnerie t’avait rendu alerte (en civil qui ne connaissait pas dans le détail les codes du commissariat), la seconde qui y fait suite à quelques instants d’intervalle intéresse plus nettement Myers. Il délaisse ses questionnements devant la potentielle urgence, t’invitant d’un signe à rester à ta place. Dans le doute, tu te mures dans un silence absolu ; c’est que tu as l'étrange certitude qu’il y en aura une troisième. Tu le suis du regard jusqu’à la porte, mais il semble n’y avoir rien dans le couloir de réellement inquiétant. Vous allez me suivre, je préfère ne pas prendre de risque ; mais ce n’est probablement rien, ne vous inquiétez pas. Silencieusement, tu te lèves, mais rechignes dans un premier temps à le rejoindre au seuil. Tu as du mal à croire que ce n’est rien, même si cela se mêle d’une idée assez peu rationnelle. Des mots, saisis dans les grésillements de l’autoradio du corbillard, il y a déjà quelques heures, refont surface dans ta mémoire, avec leur lot de confusion. Trois sonneries puis tout s’arrête, quelles étaient les chances que ces mots-là concernent cet instant ? Non, ça ne pourrait pas. Tu n’étais pas homme à croire les murmures. Et pourtant.

    Pourtant quand tu as fini par te résoudre à prendre sa suite, tu l’as retenu avec un filet de voix, refusant instamment de traverser l’ouverture. « Attendez, juste un moment. Il y a encore quelque chose. » Tu supposes que de rester dans une salle sans issue n’était pas la meilleure idée qui soit, peu importe la nature de l’urgence, mais s’il y avait une troisième sonnerie, et qu’elle était suivie de quelque chose, tu aimais mieux, toi, avoir un contrôle de ton environnement. Et de fait, ton instinct ne te trompe pas – après encore quelques secondes d’obstination catégorique que tu ne passes même pas à prétendre devoir renouer un lacet, une troisième sonnerie identique aux précédentes retentit, avec d’autant plus de résonance qu’il n’y avait plus la porte pour l’étouffer. Aussitôt, les lumières s’éteignent à l’exception des néons de sortie de secours et quelques autres LED, et il résonne dans le silence une cacophonie de bruits métalliques distants. Comme si des verrous de sécurité s’étaient désactivés simultanément, qu’il s’agisse là d’une action ciblée, ou du résultat même de mesures sécuritaires, afin de n’enfermer ni condamner quiconque à un sort tragique dans le cas d’une urgence vitale ou d’un dysfonctionnement électrique.
    Tu n’as désormais plus aucun doute que le message entendu plus tôt s’applique à ta situation – et tu en viens à te dire que, peut-être, tu avais capté une fréquence parasite utilisée par des quidams pour se communiquer des consignes. Car, bien évidemment, ce ne pouvait être qu’un fait humain, ce quelque chose, et cela signifie pour toi une action organisée, autant qu’un danger réel. Mais quelle était la probabilité pour que tu entendes ce message sur la route de Wellhollow à Needham, si c’est le commissariat qui était ciblé ? Est-ce que l’avertissement t’était parvenu intentionnellement ? Est-ce que le Macadam était impliqué ?

    Tu étais resté trop silencieux, quelques secondes seulement, plongé dans toutes les théories rationnelles qui pouvaient s’appliquer à la situation, et à ce qu’il vaudrait mieux que tu fasses pour t’en tirer, mesurant peu à peu que tu prenais encore le risque de te peindre aux couleurs de la culpabilité dans un événement sur lequel tu n’avais pourtant pas la moindre prise. Ce serait difficile à expliquer à Myers de façon crédible, tu t’en serais bien passé. « C’est bon, je vous suis. » Tu t’y es finalement résolu avec un ton de gravité, bien évidemment inquiété de l’ampleur que cela pouvait prendre. Se pourrait-il que tu sois concerné ? Non, si c’était le cas, tu aurais dû le savoir, ça n’aurait pas pu t’échapper, à moins que. Peu importe ce qui avait causé la coupure et pourquoi, tu serais bien mieux dehors, et le plus loin, le plus tôt possible de ce commissariat. Tu prends la suite de Myers, rompant le silence comme un pénible seulement pour ironiser dans un souffle : « Vous faites souvent ce genre d’exercice nocturne ? » comme pour tout à fait prétendre ne rien savoir de l’affaire, ce qui était pourtant très vrai.

    A l’intersection du couloir, des bruits de course te figent dans tes pas et émerge devant vous un individu l’arme au poing qui semblait incertain de sa destination, et qui braque immédiatement son arme sur le sergent lorsqu’il entre dans son champ de vision. « Merde c’est pas vrai, elle est où la putain de sortie ?! Pas de connerie, bouge pas, jette ton arme ! » La visibilité n’était pas la meilleure, ce qui pouvait servir ou desservir l’un comme l’autre. Toi, bien sûr, non armé, et bien incapable d’intervenir, tu te contentes de lever les mains et de garder le silence, en t’assurant de bien te placer derrière Myers qui est (et tu l’en remercies grandement) plus grand que toi, dans le cas où les balles décideraient de voler.
    L’homme n’avait qu’une arme standard, qu’il s’agisse de la sienne ou qu’il soit allé se servir dans l’armurerie, il n’y avait pas moyen de le savoir – mais à la prise assurée qu’il avait sur elle, il semblait savoir s’en servir. C’est pourtant évident que ce n’était pas forcément dans ses projets, à cette heure de la nuit, d’impliquer un sergent et un civil dans sa petite escapade, ou qu’importe ce dont il s’agissait. La prudence voudrait que tu laisses Myers discuter et faire son travail, et que tu te gardes bien de causer le moindre remous, si tu voulais t’assurer de préserver ta vie. Pourtant, l’opportunité est presque trop belle pour un peu de chaos. Est-ce que ce n’était pas aussi un peu une vengeance, pour le temps perdu à mariner en salle d’interrogatoire ? Il y a peut-être l’ombre d’un sourire sur ton visage dans la pénombre, alors que tu t’efforces d’effacer les scrupules de l’inconnu en immisçant en lui une haine déraisonnée pour l’homme qui assurait pourtant ta protection. Pourquoi ? Et pourquoi pas, après tout ? Tu étais curieux de savoir où tout cela pourrait aller.

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Lenny Myers
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    La situation pouvait être délicate. Peut-être que les alarmes ne signifiaient rien, tout juste un exercice pour entraîner les nouvelles recrues à gérer des problèmes banals. La plupart étaient présents depuis peu, une vague de recrutements s'étant déroulé depuis quelques mois, après que les événements de la ville, de ces appels et doubles maléfiques, avaient forcé ces conscrits à démissionner. Vous faites souvent ce genre d’exercice nocturne ? Il tourna la tête dans la direction du témoin en lui intimant de rester silencieux d'un geste de la main. Il fallait faire le moins de bruit possible, ne pas se faire repérer si un danger était imminent. Il n'avait pas réellement peur pour lui, était assez remonté grâce à l'adrénaline pour ne pas trop penser aux conséquences personnelles ; mais il avait un civil sous sa responsabilité, ne se pardonnerait jamais qu'il lui arrive quelque chose. Il hésita à l'envoyer de réfugier dans le bureau de Dick, peut-être était-elle revenue de son intervention depuis, mais n'était pas certain qu'il puisse se débrouiller seul dans le cas contraire. Au final, il était plus judicieux de le garder près de lui, d'être là en cas de problème.
     Lorsqu'un bruit plus puissant se faire entendre, des pas arrivant dans votre direction, tu tends un bras pour poser une main derrière toi, faire signe à Basil de ne pas avancer plus loin. Geste inutile, l'homme s'étant déjà arrêté. Le regard loin devant, le sergent s'immobilisa en remarquant que l'intrus les avait repérés. Merde. Il était trop tard pour rejoindre un point précis en toute discrétion et le bureau de Dick était encore trop loin pour qu'il dise à son témoin de s'y réfugier en essayant de neutraliser l'individu armé. Il lui fallait essayer de le calmer, ne surtout pas le laisser s'énerver. L'homme tenait la crosse de son arme d'un poing ferme, ne tremblait pas, il savait s'en servir ; mais son attitude montrait qu'il n'était pas sûr de lui concernant la marche à suivre. Il n'avait certainement pas prévu de tomber sur quelqu'un à cette heure-ci, pas dans cette partie du bâtiment. C'était leur chance. Si le malfrat n'avait prévu de blesser personne, alors peut-être serait-il frileux à l'idée de leur faire du mal.

    Merde c’est pas vrai, elle est où la putain de sortie ?! Pas de connerie, bouge pas, jette ton arme !

    Il fallait réagir rapidement, Lenny n'avait pas le droit à l'erreur. Il se plaça devant Basil afin de faire bouclier avec son corps, jamais il ne laisserait un civil prendre des coups en sa présence. Les deux mains en l'air, une arme dans la main droite, Lenny s'humecta les lèvres en prenant la parole. « — Doucement, on peut s'arranger, d'accord ? » Devait-il lâcher son arme au risque de se retrouver sans défense et incapable de protéger l'homme qui devait être mort de peur dans son dos ? Il devait trouver une parade, réfléchir rapidement pour ne pas jouer sur les nerfs de son vis-à-vis. « — Regardez, je lâche mon arme. » Il se baissa lentement pour montrer qu'il ne comptait faire aucun geste brusque et déposa l'arme sur le sol. Il se redressa ensuite, les deux mains toujours au-dessus de sa tête. « — Mais les renforts arrivent, tu pourras pas quitter le bâtiment quoiqu'il arrive alors autant pas aggraver la situation, qu'en dis-tu ? » Il sentait les nerfs de l'autre homme s'échauffer, comme s'il n'entendait pas les paroles du sergent, ne voulait pas calmer la situation.

    Lenny regarda autour de lui, prêt à reprendre la parole pour lui signifier qu'il pouvait l'aider, qu'en cas de souci, il était là. Il glisserait un mot en sa faveur, s'il lâchait son arme, il serait indulgent et ferait en sorte qu'il ne risque pas trop gros face au juge. Beaucoup de ses collègues se servaient de cette technique, mais ne faisaient que mentir : ce n'était pas son cas, il faisait toujours en sorte de faire au mieux pour tout le monde. Il était pourtant déjà trop tard. Le regard que lui lançait l'autre homme n'avait plus la même intensité ; il était plus personnel, comme si sa colère était dirigée contre lui et non contre la situation. Lenny déglutit et ouvrit la bouche pour poursuivre : « — Si tu ... » Il ne put terminer sa phrase, tout juste s'il l'avait commencé. Le coup partit dans une déflagration soudaine. La balle heurta directement l'abdomen du sergent qui fut soufflé par le choc et perdit l'équilibre en arrière. Il tendit le bras pour essayer de se rattraper, mais ne put s'agripper qu'au vide, Basil ayant dû reculer ou se trouver de l'autre côté. Lorsqu'il heurta le sol, le premier réflexe de Lenny fut de relever la tête pour regarder où était son témoin, vérifier qu'il ne lui soit rien arrivé.
    La seule chose qu'il put définir clairement fut l'arrivée de ses collègues alertés par le coup de feu. Il essaya de dire aux arrivants de s'occuper de Basil, qu'il y avait un civil à protéger avant tout, sa seconde tentative d'élocution fut pour demander à ce qu'on appelle Ari. Le reste resta flou, presque opaque, jusqu'à ce qu'il finisse par perdre connaissance.



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    Tu n'as pas souvent eu l'occasion de plonger le regard dans le canon d'une arme, et on ne peut pas dire que tu trouves l'exercice très confortable. Il y a encore quelques minutes, tu aurais pu prétendre trouver la mort préférable aux interminables questions de Myers, mais à présent que l'hypothèse se fait plus concrète, il faut bien avouer que tu n'es plus aussi confiant. Tu ignores tout de l'individu qui vous fait face et que le sergent s'efforce d'apaiser et mettre en confiance ; si tu lui es gré de rendre la nuit plus intéressante, tu aimerais autant ne pas mourir par balle d'un illustre inconnu au détour d'un couloir de commissariat. De toutes les façons de tuer, c'est peut-être l'une de celle que tu respectes le moins – la vie, la mort sont trop précieuses pour être dictées avec une telle froideur, une telle distance. C'est ton opinion, qu'un acte aussi chargé ne devrait jamais être facile, et tu valais mieux que d'être tué accidentellement, sans raison et sans espèce d'effort. Pour autant, tu dois reconnaître apprécier sa valeur d'intimidation, la sensation de danger qu'elle fait tortiller dans ton ventre, qui pousse Myers à déposer les armes sans beaucoup plus négociation. Ça te rend nerveux, mais la peur qui gonfle tes veines, plutôt que incapacitante, s'apparente à de l'excitation ; elle te fait vivre l'instant avec une intensité grisante.

    Si tu avais laissé faire, Myers aurait peut-être gardé la situation en main. Il avait la pratique, les arguments pour éviter une escalade de violence – parce qu'il suffisait d'un peu de bon sens, que l'homme possédait sans doute, pour comprendre qu'il n'existait pas de scénario dans lequel il s'en tirerait sans la moindre conséquence. Même si la coupure avait compromis les enregistrements vidéos, il y avait peu de chance qu'il quitte le commissariat sans être identifié d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas dans son intérêt de passer à l'acte, mais la haine autant que l'amour a cette capacité à bouleverser la lucidité dans des retranchements inattendus. D'expérience, tu crois que tout le monde n'a pas en lui le même potentiel de déraison, mais que ceux qui tournent le plus déraisonnable ne sont pas toujours ceux qu'on soupçonnerait au premier abord. Pour quelqu'un qui lit souvent mal les personnes, c'était tout l'intérêt du jeu, sa partie la plus plaisante : une fois passée l'amorce, tu ne prétendais plus à aucune espèce de contrôle et devenais autant que les autres spectateur de la nature humaine.
    Et lui alors ?
    Peut-être l'instinct de survie garderait-il les devants. Peut-être la violence et les injures grimperaient-elles progressivement sur de longues minutes jusqu'à ce qu'il y cède éventuellement. Ou peut-être qu'il se laisserait gagner par l'impulsion jusqu'à en oublier son arme et en venir aux mains, à vouloir faire vraiment mal. Quant à se trouver une raison de haïr, tu supposais qu'il ne faudrait pas beaucoup plus que l'uniforme.

    Tu ne pouvais jamais prévoir les conséquences de ces graines de chaos que tu implantais dans les cœurs, aussi intenses qu'elles étaient brèves. Alors quand le coup de feu part, tu prends toi aussi le sursaut dans le corps. La silhouette qui te sert de bouclier vacille, chute en arrière, tente de se rattraper – tu t'en écartes promptement, les mains encore levées, le regard rivé sur l'homme armé. Allait-il tirer sur toi aussi ? S'acharner sur Myers ? Se dégonfler ? Tu cherches dans ses traits le moindre relief évocateur de la lutte entre l'émotion et la raison, toi-même grisé, possédé par la sensation de pouvoir, de tenir sous emprise la vie d'un autre et celle de tuer, indirectement, à la fois aux yeux et à l'insu de tous. Personne ne pourrait nier ton innocence, mais c'était comme si tu avais tiré sur Myers toi-même, dans le fond. Ton regard habité accroche le sien au sol, et son ventre, et le sang qui en dégueule. Tu aurais préféré le faire toi-même, admets-le. Les yeux baladant la pénombre sans s'accrocher sur rien, alors que les renforts arrivent en nombre, noient le deuxième appel familier que tu es le seul à entendre, qui te fait entièrement douter de tes sens. Quel dommage, tu ne vas pas pouvoir l'achever. Essaye de faire mieux que ça la prochaine fois, et sans te faire mâcher le travail. Tu ne diras rien de ça, ni du murmure de l'autoradio ; ton état de confusion, lui, est aisément attribuable au reste, et à la fatigue de même. Pour autant, comment trouver plausible que tu ne sois victime que de malchance ? Pour la seconde fois témoin en quelques heures, tu ne peux plus que renoncer définitivement à leur échapper avant l'aube.

*

    Tu n'avais pas levé le doigt sur lui, mais tu regardais pourtant Lenny Myers comme l'une de tes victimes. Le fait de pouvoir lui rendre visite sans qu'il puisse te blâmer de quoi que ce soit te réjouit à un point qui devrait être illégal. On pourrait dire que tu te rendais à l'hôpital par politesse, par principe, comme s'il avait sauvé ta vie alors que tu avais menacé la sienne – mais tu venais plutôt pour ta satisfaction personnelle, un petit plaisir coupable. La nuit d'interrogatoire avait été pénible à plus d'un niveau, et tu t'en vengeais comme si c'était de sa faute, en savourant les conséquences de ton caprice, en moquant toujours davantage l'innocence dont on parvenait encore à te draper. Dans un chemisier blanc comme pour te prétendre plus pur, tenant à la main un bouquet de pivoines couleur crème, tu jettes un œil fatigué à l'intérieur de la pièce. Comme il ne semble pas dormir, tu toques deux coups pour t'annoncer.
    « Bonjour, sergent. Vous me permettez d'entrer ? »
    Tu laisses flotter quelques secondes de politesse pour lui donner une chance de répondre, mais réellement peu importe ce qu'il te dira, tu entres dans la chambre et viens déposer les fleurs sur la table d'appoint. Tu lui adresses un sourire de quiétude, pas le moins du monde soucieux de son état. Le plaisir que tu prends à être là est pourtant honnête, bien que pour les mauvaises raisons. Ton regard invasif cherche la blessure, la douleur sur son visage, les signes que son séjour ici a été au moins aussi insupportable que les questions de ses collègues après cette nuit. « Je dois dire, je suis ravi de vous trouver là plutôt qu'à la morgue. » Une façon de lui rappeler aussi, sous le couvert d'autre chose, que s'il y était passé, tu aurais peut-être eu rapidement les mains sur lui – une réflexion qu'il n'avait peut-être pas encore eu l'occasion de se faire mais qu'il méritait de s'infliger à présent. Il lui fallait seulement espérer que tu vives moins longtemps que lui, et à ce stade, tu n'aurais parié sur aucune des deux options. « Vous avez une mine affreuse. Vous êtes tiré d'affaire ? » Ce n'était sans doute pas le script espéré, plus proche d'un merci de m'avoir protégé, ou je suis désolé que ça ait tourné si mal, mais c'était beaucoup demander à Basil Egerton que d'avoir ce semblant de compassion. Plutôt, il t'intéressait de savoir si le meurtre avait une potentialité de s'accomplir seul ou si tu pouvais te garder ce plaisir pour plus tard. « J'aurais bien des questions, mais j'imagine que vous aussi, comme d'habitude. » Le ton est quelque peu désobligeant, autant que les questions seraient déplacées et personnelles, pour peu qu'il te les permette. Cette situation des plus cocasses permute le rapport de force habituel, ce que tu as bien l'intention de savourer comme une denrée rare.

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    Le réveil avait été difficile malgré les doigts contre les siens, tout juste l'énergie d'ouvrir les yeux alors que son corps restait en branle pour l'autoriser à poursuivre sa vie. Lorsqu'il avait ouvert les yeux, péniblement, Ari avait été le premier visage qu'il avait vu, un élément qui lui avait sûrement été favorable. Comment aurait-il pu échapper à la brume opaque de l'inconscience sans cette main à laquelle s'accrocher ? La douleur était trop forte pour être ignorée, et cela depuis le premier jour d'hospitalisation. Il essayait de ne pas le montrer afin de ne pas inquiéter les proches qui se bousculaient à son chevet ; mais rester impassible face au mal qui rongeait son ventre était une réelle torture. Il ne l'avait exprimé verbalement qu'à la visite de son meilleur ami, Millie s'étant appuyée sur sa blessure pour venir s'installer contre lui ; déposer un bisou magique sur sa joue qui, selon elle, le sauverait. Il avait été tant ému, tant touché par l'attention toute particulière de la petite fille – qui en avait profité pour lui apporter bon nombre de dessins – que la douceur de l'enfant avait supplanté la morsure de l'affliction dans ses entrailles. L'amour l'emportait toujours sur le mal, c'était ce que Lenny s'acharnait à perpétuer sur terre, et ce depuis toujours ou presque.  
    La souffrance était toujours aussi présente ce jour-là, compagne éternelle qui semblait ne pas vouloir l'abandonner. Les yeux fermés, il serrait les dents en attendant que la tempête ne se calme, essayant d'adopter une posture stoïque pour s'entraîner à fausser ses réactions. Lorsqu'il se retrouverait face à Dick, il lui faudrait se montrer sans faille, sans quoi elle refuserait de lui donner la permission de retourner au travail. Et pourtant, il en avait besoin, n'envisageait pas de rester alité encore des jours ainsi, à rester impuissant face aux allés et venus de visage plus soucieux les uns que les autres. Boaz avait voulu rester à ses côtés, lui tenir compagnie afin de s'assurer que son état reste stable en attendant le personnel médical ou le retour d'Ari, mais Lenny l'avait congédié gentiment. Il savait que son ami avait des choses à faire, ne pouvait cesser de vivre parce que, lui, n'était pas au meilleur de sa forme. Il l'avait rassuré, sourire aux lèvres, promettant de se remettre sur pied aussi rapidement que possible. Il était ici en sécurité, il ne risquait rien.

    C'était, du moins, ce qu'il pensait en le laissant quitter la chambre, ne sachant pas que le malheur était en route pour venir le cueillir ; il n'en eut pas conscience, même lorsque ce dernier se présenta à sa porte. Bonjour, sergent. Vous me permettez d'entrer ? Le visage tourné vers la porte, le sergent autorisa ses lèvres à former un sourire en hochant la tête. Il ne s'était pas attendu à le voir ; pas ici, pas maintenant. Il devait certainement lui en vouloir, de ne pas avoir été en capacité de le protéger, d'avoir échoué face à leur assaillant. Basil. Lenny se redressa dans son lit, comme si le fait de se tenir plus droit pouvait ajouter à sa prestance, éviter de montrer combien il avait été blessé durant l'attaque. « — Entrez, j'vous en prie. » Il essaya de rester le plus neutre possible, en dehors du sourire qui ne le quittait pas, pour masquer la douleur que le mouvement lui avait procurée. Il regarda l'homme entrer dans la chambre, se demandant s'il devait prendre la parole ou le laisser s'exprimer ; Lenny était prêt à entendre ses remontrances s'il en avait, ne lui en tiendrait pas rigueur. Il décida d'attendre, plissant les yeux dans un ricanement sincère en l'entendant s'adresser de nouveau à lui. « — Je vous remercie, et merci aussi pour les fleurs, il fallait pas ... » Il laissa son regard s'échapper vers le bouquet de pivoines ; il ne se rappelait pas avoir mentionné son amour pour ces fleurs en particulier, mais cet achat ne devait être qu'un coup de chance. Il fut réellement touché par le geste, espérant que cela soit bon signe ; peut-être que Basil ne lui en voulait pas en fin de compte.

    Vous avez une mine affreuse.

    Il ne put s'empêcher de rire à la franchise de cette réplique. La plupart de ses visiteurs prenaient le parti de le rassurer, de lui dire combien il avait repris des couleurs, combien il semblait se remettre rapidement de son mal, alors même que le sergent connaissait la vérité. Il savait qu'il n'allait pas bien, que son teint devait avoir perdu de son éclat et que ses yeux se trouvaient toujours aussi fatigués. En un sens, il eut envie de remercier Basil pour son honnêteté, pour ne pas l'épargner. Rire était douloureux, mais cela lui faisait quand même un bien fou, en contraste avec le reste des mines baissées qui passaient dans sa chambre. Il plissa les lèvres en arrêtant de rire et répondit sans trop élever la voix. « — C'est douloureux, mais je vais survivre, c'est gentil de vous en inquiéter. » Il essaya de se redresser un peu plus pour avoir l'air plus en forme, esquissa une grimace à cause de la souffrance causée par son ventre, puis reprit la parole. « — Je serai vite sur pied, j'ai toujours eu une forme olympique et ça restera comme ça, pas d'inquiétude. » Il n'avait jamais été grand fumeur, tout juste des joints en compagnie de Devlin et Nora, et il s'entretenait en faisant des séances de sport aux côtés d'Enoch, et ce dernier ne lui laissait jamais de répit, impossible de se soustraire aux entraînements. Il lui faudrait d'aller reprendre vite les séances avant qu'Enoch ne vienne le soulever lui-même du lit pour le faire courir.

    Les mains croisées au-dessus de son ventre, comme un geste mécanique pour éviter que ses entrailles n'en sorte, il fit tout son possible pour ne pas trembler. Il pencha légèrement la tête sur le côté, comme un chien curieux, se demandant quelles questions il pouvait bien avoir envie de lui poser. Il s'humecta alors les lèvres, et se racla la gorge pour essayer de parler plus fort malgré ses instants de faiblesse. « — Je ne compte pas encore vous ennuyer avec mes questions, pas avant d'être sorti de cette chambre, vous n'avez pas à vous en faire. Mais allez-y, que voulez-vous savoir ? » Le regard passant doucement de la fenêtre à Basil, puis de Basil à la fenêtre, comme pour laisser à son esprit un peu de temps pour remettre de l'ordre dans ses pensées, il finit par arrêter son regard sur lui en soupirant. « — Avant ça, je voulais vous présenter mes excuses pour ce qui est arrivé au poste. Je pensais avoir la situation en main, je sais pas ce qui s'est passé... J'espère que ça n'entachera pas notre relation. » Il souhaitait souvent garder de bonnes relations avec les témoins, victimes ou même suspects, souvent, dans ses affaires ; pas pour s'en faire des amis, mais pour mieux faire son travail. Il tendit alors une main dans sa direction, attendant que l'autre la serre pour accepter ses excuses ou non.



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    La probabilité que l'on puisse mettre en cause ton implication dans la tournure des événements du commissariat était à ce point infime que tu te permettais de visiter le sergent Myers sans la moindre espèce de prudence ; mais s'il existait ne serait-ce qu'un maigre petit doute qui puisse te justifier un retour d'inquiétude, il s'était fondu dans l'infaillible sourire avec lequel il t'accueillait à son chevet. Tu n'avais pas su réellement à quoi t'attendre, mais son visage blême prétendant ne pas connaître la douleur, tandis qu'il se redresse dans une assise d'honneur comme s'il n'était pas absolument en position de faiblesse, n'est sans doute pas si loin de ce que tu aurais pu en espérer. Je vous remercie, et merci aussi pour les fleurs, il fallait pas... Un sourire rapide éclaire ton visage à son tour alors que tu orientes l'arrangement floral sur la table, le regard curieux venant y chercher des traces du passage des visiteurs précédents. Ce n'était pas clair, à cet instant, au nom de quel sentiment tu étais venu le trouver. Si vos affaires communes t'avaient appris à le cerner sous certains angles et réciproquement, assez pour que tu te permettes de dire que tu le connaissais, vous n'étiez pas non plus proches. Tu ne venais certainement pas en ami. Tu ne venais pas plus par inquiétude ou par culpabilité, ni pour le blâmer, ni pour le remercier. Pourtant, de lui rendre visite après les faits s'était imposé comme une évidence.
    « Ce n'est pas grand chose. »
    Le choix des pivoines avait été un hasard, sans le moindre doute. Ce n'était pas toi, le détective, après tout ; tu n'irais tout de même pas t'embarrasser à relever tous les détails infimes de ton entourage, n'étais-tu pas un homme absolument équilibré ? Inutile aussi de penser que tu aurais pu le troquer contre un bouquet de chrysanthèmes, dans un dénouement plus sinistre – inutile puisqu'il ne tarde pas lui-même à te rassurer sur le sujet. Il faudra plus qu'une balle dans le corps pour éliminer Leonard Myers, c'est gentil de vous en inquiéter. Le mot laisse suite à une grimace qui te permet de douter du bien-fondé de ses affirmations. Mourir, sans doute pas tout de suite, et tant mieux. Mais la forme olympique restait à démontrer. « Vous m'en voyez ravi. » Un grand gaillard comme vous. Avec un peu de chance, il en garderait des séquelles, un souvenir – ça ne te déplairait pas, ça, n'est-ce pas, un souvenir ? S'il est vrai que tu es tenté de te venger de ses interrogatoires interminables, dans le bourbier profond qu'est le commissariat local, Lenny selon toi a l'apanage d'une bonne nouvelle. Tu l'appréciais mieux vivant, tu l'appréciais même assez tel quel, mais une cicatrice occasionnelle, ce n'était pas cher payé et toujours plaisant.

    Il faut croire pourtant que ce n'est pas encore assez cher : tu as envie de parler, ce qui est une punition amplement pire qu'un coup de feu quand ça te concerne. Allez-y, que voulez-vous savoir ? Lui-même n'a pas de question pour toi, une fois n'est pas coutume – c'est sans doute dénué d'intérêt hors du cadre de la loi, et sans un enregistrement qui le prouve. C'est peut-être ce même cadre libertaire qui te motive, et il répond à ta requête avec cette bonne volonté qui finira nécessairement par le perdre. « Je voulais discuter de ce qu'il s'est passé. L'homme, au commissariat – vous le connaissiez ? Un moment, j'ai pensé... qu'il avait l'air de vous en vouloir, personnellement. » Tu n'as pas d'intérêt réel pour sa réponse, tu sais d'où lui venait sa haine, toi, pour la lui avoir insufflée toi-même. Mais Lenny ne pouvait pas le savoir. C'était moins une question de toi à lui, et davantage une question que tu souhaitais qu'il se pose à lui-même. Semer la graine du doute, pour la moindre chance de la voir germer dans une paranoïa nouvelle. Juste pour voir ce qu'il en ferait. Juste, comme ça. Par envie de contrôle, ou pour assurer tes arrières – pour prétendre te soucier de lui aussi, un peu. Ton regard appuyé échappe au sien qui fuit par une fenêtre, tu as rempli l'interstice mais il a quelque chose d'autre à te dire, avant ça. La réponse attendra un délai supplémentaire, et les réelles questions qui t'intéressent aussi.

    Je voulais vous présenter mes excuses pour ce qui est arrivé, dit-il, admettant dans le même souffle ne pas comprendre ce qu'il s'est passé. Ses excuses, tu te retiens gravement de sourire à cette idée folle. Le regard passant de sa main tendue à ses yeux, avec une insistance gauche – et tu la saisis sans force, pour ne pas dire avec presque trop de douceur pour que ça ne lui soit pas immensément désagréable. « Aucunement, vous avez fait de votre mieux. » Et votre mieux n'a pas suffi. Tu maintiens la poignée de main sur de trop longues secondes, laissant planer un bref silence d'hésitation. « D'autant que je dois vous admettre quelque chose. » Puisqu'il entrouvre ce possible si généreusement, tu te permets d'entrer dans un nouveau jeu, aussi sincère que déplaisant. « Depuis que j'ai perdu Phoebe, je n'en ai plus grand chose à faire de mourir. » Tu appuies son regard résolument, assuré qu'il n'aimera pas l'entendre – relâchant sa main seulement alors. Tu ne le blâmeras pas plus clairement, il le fera très bien tout seul ; en réalité, tu ne le reproches qu'à toi seul, et dans tes tissus de mensonge, celui-ci se pare d'une insupportable vérité. Même si le pire avait eu lieu, qu'il n'aille pas s'en faire, tu n'en aurais pas été plus désolé : tu l'attends, la mort, sans non plus la chercher. Un instant, dans ce commissariat, tu as cru l'apercevoir, deviner son frisson sur ta nuque. Ce n'était pas ton heure et la peur était passée, mais et si c'était arrivé, qu'y avait-il de si terrible ?

    Et pour appuyer la sentence, étaler mieux encore ton emprise, tu t'assois au bord du lit dans un soupir comme si tu pouvais te permettre cette familiarité ; comme si tu le mettais dans la confidence, que tu lui permettais d'accéder à des strates plus intimes, à hauteur de l'espace personnel que tu envahissais sans la moindre timidité. J'espère que ça n'entachera pas notre relation, avait-il dit tantôt, et tu allais le rassurer sur l'exact contraire : en essayant de le tuer, elle s'agrémentait de plus de drame et d'intensité, ce qui n'était pas pour te déplaire. « C'est aussi ce qui motive mes autres questions, » tu admets avec une fausse gravité, le regard perdu dans le vide, la mine contrite. En d'autres circonstances, elles auraient été impensables à passer dans la conversation, mais immédiatement elles étaient presque le reflet du terrain suicidaire que tu laissais deviner dans ta proposition précédente. « Qu'est-ce que l'on ressent, quand on se fait tirer dessus ? Je ne parle pas de la douleur, vous voyez ce que je veux dire... » Invasive, ta curiosité morbide, non pas celle de la victime : celle de l'homme dont les mains ont étouffé des souffles de vie et cousu des morts par paquets de mille sans le moindre espoir d'entendre leurs retours sur l'expérience. « Quand vous avez cru mourir, à quoi avez-vous pensé ? » tu demandes encore.

    Mais tu ne lui laisses pas immédiatement la chance de répondre, tu te sens bavard, tu as envie de jouer. Ce n'est pas tous les jours que tu peux affaisser les barrières officielles de la sorte avec Lenny et ça te grise, comme ça t'a grisé de piétiner sa vie sous ta semelle sans plus de difficulté que par une poussée d'intention sur le premier vaisseau offert. « Je vais vous surprendre : quand j'ai entendu le coup de feu, j'ai pensé à Castiel Ó Murchú. Est-ce que ce n'est pas curieux ? » Plutôt que d'y penser, tu avais plutôt cru l'entendre, ce qui était le degré supérieur de l'obsession, et quelque chose que tu n'étais pas vraiment prêt à admettre. Mais Lenny savait mieux que quiconque l'obstination dangereuse avec laquelle Castiel t'avait accusé incessamment : en lieu de disparition il ne croyait qu'au meurtre, et n'avait jamais failli à te clamer tueur sans un soupçon de preuve à brandir. Tu ramènes sur le sergent tes yeux fatigués mais non moins luisants. « J'ai parfois craint qu'il vienne un jour se faire justice lui-même. Si la balle s'était logée plus juste, vous savez qu'il m'aurait tenu responsable de votre mort aussi. Il n'aurait sans doute pas été le seul. » Mais puisque vous avez survécu, vous savez, vous, à quel point je suis innocent. Comment nier cette évidence : Lenny savait très bien où penchait l'opinion dominante, qu'on ne pouvait pas se trouver de façon systématique au mauvais endroit, au mauvais moment, avec les mauvaises personnes, sans qu'il n'en existe une explication logique. La compassion n'allait-elle pas nécessairement à celui seul contre tous, affligé du poids des coïncidences ?

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Lenny Myers
- responsable à jardiland -
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-- i never told you what i do for a living ft. @basil egerton
    Il ne redoutait pas tant les questions que Basil était susceptible de lui poser. Il ne pouvait pas parler de l'enquête, n'avait pas de nouveaux éléments à partager, et n'était jamais gêné d'avoir à évoquer ces éléments. Les interrogations personnelles seraient plus douteuses à ses yeux, plus difficiles à accorder dans cette chambre d'hôpital, le mettraient peut-être bien plus mal à l'aise ; mais il avait donné son accord, de bon cœur qui plus est. Le regard braqué sur l'autre homme, Lenny attendait la sentence, en espérant qu'elle arriverait rapidement. Pourtant, lorsqu'il entendit les mots sortir de la bouche de son invité, il changea d'avis. Il aurait préféré une question sur sa vie, qu'importait le sujet précis. Revivre les évènements qui l'avaient mis dans ce lit d'hôpital n'avait rien d'enviable ; il revoyait encore le flash du canon, ressentait la douleur qui avait précédé le noir complet. Il ne s'attendait pas à ce que Basil revienne si rapidement sur l'attaque, déglutit difficilement en reprenant ses esprits. Lorsqu'il avait essayé de se remémorer l'assaut, le médecin lui avait préconisé de s'en abstenir. Il fallait soigner le corps avant de se focaliser sur l'esprit, il n'était pas recommandé de s'attarder sur l'un et l'autre. Un moment, j'ai pensé... qu'il avait l'air de vous en vouloir, personnellement. Pour être honnête, il ne s'était pas étendu sur la question, avait fait en sorte de créer une bulle de déni pour son propre confort. Et si Basil avait raison ? Et si l'assaillant n'était pas entré par hasard, mais souhaitait précisément s'en prendre à lui ? Il n'avait pas reconnu son visage, n'avait pas essayé de comprendre s'il était visé particulièrement ou non.

    La main dans celle de l'invité, il s'humecta les lèvres en accusant le coup concernant les remarques suivantes. La perte de sa femme avait retiré toute joie de vivre au civil, et lui n'était pas capable de retrouver le coupable. La culpabilité formait une boule dans sa gorge, l'empêchait de respirer convenablement la plupart du temps. Les crises d'angoisse n'étaient jamais passagères, duraient assez longtemps pour le forcer à remettre en question ses capacités en tant qu'enquêteur. Il avait mis des hommes sur le coup, avait mobilisé bien assez de ressources pour avoir des résultats ; mais toujours rien. Il prit une grande inspiration, répondant d'une voix légère : « — Je vous avoue que ... c'est un peu flou dans ma tête. Je ne sais pas quoi vous dire, je-. » Les sourcils froncés, il essaya de ne pas montrer combien l'idée lui était douloureuse. Il devait être fort, pour ne pas dévoiler la vérité. Et si l'individu en avait après lui, alors Basil avait été en danger par sa faute ; ainsi que tous ses collègues présents dans le commissariat ce soir-là. Avait-il réellement des raisons de lui en vouloir personnellement ? Avait-il tiré sur l'homme ou sur l'uniforme ?

    Il n'écouta le reste que d'une oreille, l'esprit embrumé par l'idée qu'il venait d'implanter dans sa caboche. Il hocha pourtant la tête à l'évocation de Castiel Ó Murchú, un peu machinalement, peut-être sans trop comprendre où l'autre voulait en venir. Il avait beau être à moitié concentré sur ce que lui disait Basil, son cerveau enregistrait les informations, il pourrait donc revenir ensuite sur ce qu'il venait d'entendre.

    Il n'avait envie de répondre à aucune de ces questions, le cœur reparti en trombe après les idées que Basil venait d'installer dans son esprit. Pourtant, il lui devait bien ça, après ce qui s'était passé. Il détourna alors le regard vers la fenêtre, une douleur folle peinte sur le visage et les yeux cherchant sur quel élément se poser à l'extérieur. La gorge nouée, il finit par trouver appui sur un point invisible, regardant dans le vide en soufflant doucement. « — Ça va vous paraître bizarre, mais on a beau dire qu'au moment de mourir chacun voit sa vie défiler devant ses yeux ; ça n'a pas été mon cas. J'ai pensé à vous, à toutes les victimes et aux civils endeuillés que j'ai pas été capable d'aider. » Les yeux brillants d'émotion, Lenny porta son regard dans celui de son visiteur, puis haussa les épaules pour marquer l'évidence ; son travail était bien trop important pour lui, c'était là le signe qu'il devait prendre plus de recul. Il s'humecta les lèvres avant de reprendre, la voix toujours incertaine : « — J'ai pensé à mon fiancé, ensuite, je m'en suis voulu de lui imposer mon absence. Le connaissant, il aurait insisté pour s'occuper de mon corps, et je sais combien ça lui aurait fait du mal. » La boîte de Pandore avait été ouverte, douloureusement, et la refermer serait un calvaire similaire. « — J'ai toujours pensé que ma mort serait presque ... anonyme, que personne n'en souffrirait. Peut-être qu'un psychopathe mettrait la main sur moi, me tuerait avant d'abandonner mon corps dans un bois ; il faudrait des années avant de trouver mes restes. Cette expérience m'a fait réfléchir et je pense que j'avais tort. » Les yeux toujours brillants, il prit une grande inspiration pour ravaler ses larmes, se sentant plus émotif qu'à l'habitude à cause des événements et des médicaments qu'il prenait. La fatigue jouait beaucoup, la peur également.

    Il se sécha les yeux d'un revers de poignet, et força un sourire sur ses lèvres afin de dédramatiser. Il n'allait tout de même pas se mettre à pleurer, pas alors qu'il avait décidé de s'endurcir avec cette situation. Il renifla un coup avant de reprendre la parole comme si de rien n'était : « — Pour ce qui est de ce Castiel Ó Murchú, nous pouvons vous mettre sous surveillance policière si vous craignez pour votre vie. » Il serait lui-même volontaire pour faire partie de la patrouille de surveillance, si cela pouvait laver sa conscience. Lui donner l'impression d'être utile à l'autre homme. 



THE NIGHT'S ON FIRE
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